Comme l'a dit Mme le rapporteur pour avis, il s'agit d'une philosophie nouvelle. Nous sommes en présence d'un statut nouveau, intermédiaire, si l'on peut dire, entre le bénévolat et le salariat.
Le bénévole, qui ne reçoit aucune rémunération, dispose d'une totale liberté de s'investir ou non dans une association. Il peut mettre fin à tout moment à son activité accomplie à titre totalement gratuit, sans préjudice pour lui.
Le salarié, lui, ne dispose pas de la même liberté, mais il perçoit une rémunération au titre de son activité.
Sur ces points, le volontaire se situe dans une zone grise : il est supposé, selon le projet de loi, être désintéressé, mais il perçoit une indemnité, qui n'est pas une rémunération. Comme vous le verrez, nous avons souhaité revenir sur ces éléments qui sont fondateurs dans le statut du volontaire. Celui-ci ne saurait en effet, selon nous, être totalement désintéressé, puisqu'il perçoit une certaine somme, même si elle est minime.
Cela sera d'autant plus vrai si les amendements tendant à permettre aux allocataires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé d'être volontaires sont adoptés.
Sans jeu de mots, nous sommes ici au coeur même du système d'intéressement que la majorité précédente au Parlement avait voulu mettre en place pour lutter contre l'exclusion. Encore faut-il que cette capacité d'intéressement ne soit pas transformée en obligation. Le volontariat n'est pas une démarche d'insertion, mais les personnes qui sont en phase d'insertion ne doivent pas en être a priori exclues. Notre préoccupation n'est pas le succès statistique des contrats d'avenir.
Mais sur le long terme, nous ne souhaitons pas non plus que des chômeurs en fin de droits ou des allocataires du RMI soient contraints d'entrer dans le volontariat pour travailler à temps plein sans protection juridique, pour 400 euros par mois. Ce serait bien là un sous-salariat exploitable à merci.
Au contraire, si le volontaire n'est pas un salarié et ne bénéficie pas des protections contenues à ce titre dans le droit du travail, il ne peut être subordonné juridiquement à un organisme qui est non pas son employeur mais plutôt son partenaire.
La subordination juridique implique la mesure du temps consacré à l'activité, une rémunération correspondante, le contrôle par l'administration du travail et le règlement des litiges devant les conseils de prud'hommes. Cela mérite d'être précisé.
Une autre question va inévitablement se poser un jour : ne risque-t-on pas de voir certaines associations, particulièrement fragiles financièrement, tenter de se délester de leurs salariés permanents pour les remplacer par des volontaires beaucoup moins onéreux pour elles ? De ce fait, ne va-t-on pas ouvrir une brèche dans le domaine de la concurrence ?
Certes, on nous dit - et les intervenants que nous recevons sont sans doute de bonne foi - que les tâches fonctionnelles des associations et les missions ne sont pas de même nature et ne sauraient être confondues.
Néanmoins, outre le fait que la frontière entre les bénévoles, les volontaires et les salariés des associations est plus ténue qu'il n'y paraît, notamment en ce qui concerne la gestion technique ou administrative des activités, on peut craindre que des dérives n'apparaissent assez rapidement. Il nous faut donc encadrer ce point.
Enfin, monsieur le ministre, les volontaires seront-ils considérés comme des demandeurs d'emploi ? Autrement dit, vont-ils alléger les statistiques du chômage ? Nous vous demandons une réponse précise à ce sujet.
Par ces exemples que je viens de donner, j'entends exprimer nos interrogations.
Nous sommes devant une logique différente de celle dont nous traitons d'ordinaire. Il nous faut donc en mesurer pleinement toutes les implications pour pouvoir l'accepter et lui donner force de loi de manière praticable et juste.
Au fond, ce que l'on attend du législateur en l'espèce, c'est qu'il soit créatif, tout en préservant les libertés et les garanties des uns et des autres.
Le respect véritable de la liberté d'association ne se conçoit pas sans que l'on donne aux associations concernées les moyens de fonctionner. Nous savons tous fort bien que le bénévolat n'est pas inépuisable et que les subventions accordées par l'Etat et par les collectivités territoriales ne suffiront pas.
II nous faut donc essayer d'élaborer dans de bonnes conditions un dispositif respectant la liberté des citoyens désireux de s'engager dans une démarche associative. Leur choix, non seulement respectable mais aussi de grand mérite, est le plus souvent altruiste. Il faut donc - pourquoi pas ? - l'encourager, et cela suppose alors qu'il se réalise dans de bonnes conditions.
Il ne faudrait pas que la bonne foi et le dévouement des volontaires finissent par être abusés car cela leur serait préjudiciable et constituerait, de surcroît, une grave contre-publicité pour tout volontariat.
L'essentiel du débat se concentre dans cet équilibre à trouver entre les besoins de chacune des parties qui, sans être contradictoires, sont différents, même s'ils se rejoignent dans la même démarche de bonne volonté.
Pour tenter de parvenir à cet équilibre, nous proposerons au Sénat un certain nombre d'amendements. Plusieurs d'entre eux constituent une véritable ouverture et manifestent ainsi notre souhait d'accompagner cette évolution en ayant le souci des droits des citoyens.
Pour terminer, je ferai une remarque, monsieur le ministre : ce texte ne règle pas le problème des petites associations dont les responsables souhaitent accorder une forme d'aide modeste à leurs bénévoles.
Je pense, par exemple, à ces petits clubs de football ou d'une autre discipline, qui sont le terreau de la pratique sportive au niveau national. Combien de parents, souvent pendant des années, apportent-ils leur aide en facilitant les transports, en arbitrant les matches, en entraînant les poussins et les cadets ? Cette contribution, totalement désintéressée, ne peut être légalement indemnisée, si peu que ce soit. Pouvez-vous nous laisser entrevoir un début de solution ?
En résumé, ce projet de loi, plein de recoins et d'ambiguïtés, laisse une impression d'inachevé. Il est pour nous assez clair que la réflexion sur le volontariat associatif n'est pas aboutie ; nous nous trouvons vraiment face à un dispositif en devenir, en cours d'élaboration. D'aucuns pourraient le regretter. Tel n'est pas notre cas : le Parlement est trop souvent sollicité, pour ne pas dire sommé, d'approuver sans broncher des textes tout ficelés.
Aussi, d'une certaine manière, nous apprécions cette nécessité devant laquelle nous sommes placés d'améliorer ce projet de loi. Il reste maintenant à voir si nous y parviendrons.