Intervention de François Bourdillon

Commission des affaires sociales — Réunion du 9 juillet 2014 : 1ère réunion
Audition de M. François Bourdillon candidat pressenti pour le poste de directeur général de l'institut de veille sanitaire

François Bourdillon, candidat pressenti pour le poste de directeur général de l'Institut national de veille sanitaire :

Je suis pressenti par la ministre de la santé pour être directeur général de l'InVS. J'ai 60 ans, je suis médecin de santé publique, à la Pitié-Salpêtrière comme vous l'avez signalé. Le pôle que je dirige compte 180 personnes et regroupe les deux pharmacies de l'établissement, le département de statistique, santé publique et information médicale, la pharmacologie clinique, la recherche clinique et des activités comme l'addictologie ou les soins aux personnes sourdes.

Je suis président de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, président de la commission prévention du Haut Conseil de la santé publique et vice-président du Conseil national du sida. C'est par le sida que je suis entré en santé publique à la fin des années quatre-vingt-dix, lorsque j'ai fait de la recherche en épidémiologie pour ensuite travailler à la direction des hôpitaux, devenue direction générale de l'offre de soins et qui travaillait à adapter les hôpitaux aux soins des personnes infectées par le VIH. A l'époque, il a fallu mettre en place des indicateurs pour mesurer l'ampleur de l'épidémie, puis construire la recherche clinique, créer des cohortes, renforcer le personnel disponible.

Ce fut une grande réussite et quand j'ai ensuite dirigé le bureau pathologies et organisation des soins, j'ai utilisé les mêmes outils pour faire évoluer notre système de santé. A la fin des années 2000, j'ai été nommé conseiller technique du ministre de la santé en charge des plans de santé publique : j'ai élaboré des plans à moyen terme et ma démarche s'est voulue holistique afin d'intégrer dans chacun de ces plans la prévention, le dépistage, l'offre de soins, la recherche clinique, la gouvernance et même la solidarité. C'est ainsi qu'est né le premier plan Alzheimer, ainsi que ceux sur les maladies rares, le diabète, les maladies cardio-vasculaires.

A l'issue de cette période, je suis retourné à la Pitié-Salpêtrière et j'ai enseigné à Pierre-et-Marie-Curie, mais aussi à l'IEP de Paris. Je suis coordinateur des risques liés aux soins : je travaille sur les logiques de qualité et les gestions de risques et dirige les investigations sur tous les évènements médicaux et chirurgicaux graves qui peuvent survenir dans un établissement afin que ces erreurs ne se reproduisent plus.

J'ai été pendant six ans président de la Société française de santé publique : j'ai ainsi fait connaissance de tous les acteurs de la santé publique de France et de Navarre. J'ai eu un engagement associatif très fort avec Médecins sans frontières dont j'ai été vice-président et où je me suis occupé de la gestion de crise. Dans les années 2000, j'ai été nommé comme personnalité qualifiée au conseil d'administration de l'Inpes et j'ai conservé une activité clinique sur le VIH. Je serai contraint désormais d'abandonner la consultation du mardi soir... Enfin, je vous ai adressé ma déclaration publique d'intérêts car je suis très attentif aux possibles conflits d'intérêt qui sont nombreux en santé publique.

L'InVS me semble être, de toutes les agences du secteur, la plus belle et la plus professionnelle, la plus rigoureuse scientifiquement. En outre, l'Institut a réussi sa mutation, dans le champ de la surveillance. Traditionnellement, il travaille sur les maladies infectieuses, mais doit aussi prendre en compte les maladies chroniques et les risques environnementaux et ceux liés au travail. L'InVS ne pouvant pas tout faire, il s'appuie sur 300 partenaires avec lesquels il a signé des conventions afin de disposer d'une photographie de l'état de la santé en France.

Il a relevé divers défis. Nous vivons dans un monde très mondialisé, les populations se déplacent : voyez l'épidémie de chikungunya, les pandémies... Du fait de ses contacts réguliers avec l'OMS et avec le Center for Disease Control and Prevention, (CDC), l'InVS est au plus près des alertes. L'Institut a intégré le défi des mutations environnementales, comme l'apparition du moustique tigre, mais aussi les pratiques agricoles et industrielles - pesticides, polluants, dioxine, chlordécone aux Antilles. Enfin, il prend en compte les facteurs sociaux et démographiques, les changements de comportement, le vieillissement de la population, ou encore la nutrition, en grande partie responsable de l'épidémie de surpoids et d'obésité.

L'Institut devra faire face à l'enjeu de la surveillance, car il existe beaucoup d'études épidémiologiques, mais tout n'est pas mesurable. Dans une période de contrainte budgétaire, il faut fixer des priorités... et ne pas se tromper. Nous avons donc besoin de nous appuyer sur de nombreux experts, tout en restant tête de réseau, et en associant les services de recherche, les hôpitaux.

La régionalisation est également un enjeu pour l'InVS, en tenant compte de la fusion des régions voulue par le président de la République. L'InVS travaille avec dix-sept cellules régionales et interrégionales d'épidémiologie placées sous la double tutelle des ARS et de l'Institut. Il faudra trouver la ligne de partage entre les deux. Les alertes de premier niveau, à mon sens, relèvent des ARS, les méthodes d'expertise devant être définies par l'Institut.

Nous devrons travailler en étroite collaboration avec la direction générale de la santé : j'ai vécu en 1998 l'externalisation de l'expertise en matière de sécurité sanitaire. Pour pouvoir piloter, il faut rapprocher l'expertise et réduire le nombre des agences qui forment aujourd'hui un millefeuille.

Mme la ministre de la santé a évoqué le 19 juin la création d'un institut de prévention, de veille et d'intervention en santé publique, à partir du regroupement de l'InVS, de l'Inpes et de l'Eprus, au nom de l'efficience mais aussi dans une logique internationale. Car la tendance et au regroupement de ces fonctions, comme aux États-Unis, au Québec, en Suède. Cette logique est portée par l'International association of national public health institutes (Ianphi) qui privilégie ces stratégies sur la base d'un large éventail de compétences et d'expériences. L'Ianphi promeut une stratégie fondée sur le plus large éventail de compétences et le continuum depuis la production de connaissance jusqu'à l'action : ainsi pour l'épidémie de chikungunya, il faut veiller pour détecter les premiers cas, puis mobiliser l'offre de soins, communiquer et informer la population, mobiliser les entomologistes pour lutter contre les vecteurs. Les mêmes besoins se font sentir face à une épidémie de méningite. Ce modèle peut également servir pour les maladies chroniques, pour le dépistage du cancer, la santé environnementale ou la santé au travail.

Comme je serai probablement le préfigurateur de ce futur institut, je privilégierai le dialogue, la concertation et la logique de co-construction entre les divers acteurs concernés.

Pour toutes ces raisons, je suis candidat à la fonction de directeur général de l'InVS.

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