Nous allons entendre notre rapporteur général sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, adopté hier à l'Assemblée nationale par un vote solennel.
C'est la seconde fois depuis 1996 que le Parlement examine une loi de financement rectificative. Il l'avait fait une première fois en 2011. A la différence des lois de financement initiales, un projet rectificatif ne comporte que deux parties, recettes et dépenses, et non quatre. Il contient des articles obligatoires, dont l'article liminaire sur le solde des administrations publiques, la révision des prévisions de recettes et le tableau d'équilibre ainsi que la révision des objectifs de dépenses des différentes branches. L'Assemblée nationale a complété les seize articles initiaux par cinq articles additionnels.
Ce texte ne saurait être considéré isolément : les dépenses de sécurité sociale représentant 44 % des dépenses publiques, elles font partie intégrante de la stratégie globale de redressement de notre économie. Ce texte intervient alors que la croissance est atone, le chômage dramatiquement élevé et les comptes publics structurellement déséquilibrés.
Le projet de loi traduit les engagements pris par le Président de la République dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Le mot d'ordre est la confiance : travailler ensemble, conjuguer les efforts pour trouver un nouvel élan et redonner des perspectives à notre économie et à notre société. Je suis frappé par la morosité, et même par le fatalisme un peu complaisant que je constate souvent.
Huit millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté. Cela pèse sur l'avenir des jeunes et des enfants, et sur notre cohésion sociale. Soutenir le pouvoir d'achat, développer l'emploi, c'est lutter contre cette tendance. La consommation des ménages sera soutenue par l'engagement de ne plus augmenter les prélèvements des classes moyennes, de contribuer au pouvoir d'achat des bas salaires et d'accroître la solidarité envers les plus fragiles. Les minima sociaux ne sont pas concernés par le gel de prestations : dans le cadre du plan pauvreté, l'allocation de soutien familial et le complément familial ont été revalorisés le 1er avril, comme l'allocation de rentrée scolaire en 2012. Les prestations familiales sont recentrées sur les plus modestes et sur les familles monoparentales. Le coup de pouce aux prestations relevant du minimum vieillesse est maintenu. Le RSA sera, comme en 2013, revalorisé de 2 % au 1er septembre prochain, avec l'objectif de l'augmenter de 10 % sur 5 ans. Le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire a été revalorisé le 1er juillet 2013 pour inclure 300 000 nouveaux bénéficiaires, de même que celui de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, pour 250 000 bénéficiaires supplémentaires. L'effort envers les plus fragiles n'est pas seulement préservé, il est accru.
L'article 1er introduit via la baisse des cotisations salariales une progressivité des prélèvements salariaux et redonne du salaire net aux salariés et aux fonctionnaires dont le revenu est proche du Smic. Il prévoit une exonération de cotisations salariales pour les salaires entre 1 et 1,3 Smic, soit un supplément net d'au moins 520 euros par an. Cet effort de 2,5 milliards d'euros en faveur du pouvoir d'achat se combine avec l'aménagement du barème de l'impôt sur le revenu dans le collectif budgétaire.
Le pacte soutient l'investissement des entreprises et améliore leur compétitivité à l'exportation grâce à une amplification de la réduction dégressive des cotisations patronales sur les salaires entre 1 et 1,6 Smic, afin de parvenir à un « zéro charges Urssaf » sur le salaire minimum au 1er janvier 2015. Le pacte instaure également un taux réduit de cotisations familiales sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic. Il prévoit enfin de réduire les cotisations familiales sur les bas revenus des travailleurs indépendants. S'y ajoutera à partir de 2016 l'extension du taux réduit de cotisations familiales à l'ensemble des salaires inférieurs à 3,5 Smic. L'allègement des charges des entreprises passe aussi par la suppression progressive, d'ici à 2017, de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), une première étape étant franchie en 2015 avec un abattement d'assiette à hauteur de 3,25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Au total, les articles 2 et 3 représentent un effort de 6,5 milliards d'euros en 2015.
A cet article 2, je vous proposerai un amendement relatif aux particuliers employeurs. Ce régime a été réformé : l'abattement de 15 points sur les cotisations patronales a été supprimé le 1er janvier 2012, puis le forfait au 1er janvier 2013, cette seconde mesure représentant une hausse de cotisations de 12 % pour les ménages concernés. La réduction de cotisations de 75 centimes par heure déclarée n'a pas suffi à enrayer la chute du nombre d'heures déclarées, qui a baissé de 7 % en 2013, soit une perte de 16 000 équivalents temps plein, faisant suite à une première baisse de 12 000 ETP en 2012. La suppression du forfait améliorait les droits sociaux des intéressés, c'était une bonne mesure mais, cumulée aux précédentes, elle s'est traduite, sinon par une perte d'emplois, du moins par une perte d'emplois déclarés ou une sous-déclaration des heures. Ce secteur se caractérise par une élasticité très forte entre le coût de l'emploi et sa déclaration - le régime avait, du reste, été conçu pour favoriser l'emploi déclaré.
Le montant de la réduction de cotisations est fixé par décret. Le Gouvernement avait fait des annonces mais elles ne sont pas encore concrétisées. Je vous proposerai donc de doubler le montant de la réduction, pour la porter à 1,5 euro dès le 1er septembre prochain, afin de reconquérir de l'emploi déclaré - donc des cotisations - pour un coût que j'estime à 120 millions d'euros en année pleine. L'application dès la rentrée scolaire enverrait un signal aux ménages avant la réception de leur avis d'imposition...
L'Assemblée nationale a inclus dans la négociation annuelle de branche un suivi de l'impact, sur l'emploi et sur les salaires, de tous les avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient les entreprises. Elle a confirmé le principe de l'autonomie de gestion du régime social des indépendants (RSI) afin de garantir que l'intégration financière de ses branches à la Cnam et à la Cnav se passe dans les meilleures conditions d'indépendance de gestion, comme cela a été le cas pour la Mutualité sociale agricole. Elle a souhaité sortir dès 2015 l'ensemble des coopératives agricoles du champ de la C3S. A l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée a demandé un rapport sur les conséquences pour le RSI de la suppression de la C3S et de l'intégration des indépendants au régime général. Je vous proposerai d'en retravailler l'intitulé : les conséquences financières ne pèseront pas, dans la configuration retenue, sur le RSI mais bien sur le régime général, et il s'agit nullement d'intégrer les indépendants au régime général mais d'intégrer financièrement les différentes branches du RSI avec celles du régime général.
L'Assemblée nationale a enfin réaffirmé le principe de compensation financière à la sécurité sociale des pertes de recettes induites par ce projet de loi : cette compensation annuelle, qui interviendra dès 2015, est garantie par le code de la sécurité sociale. C'est donc sur le budget de l'Etat qu'elle pèsera.
Quant à la trajectoire de redressement des finances publiques, le pacte prévoit une réduction ambitieuse de notre déficit, avec un plan d'économies de 50 milliards d'euros. J'insiste sur ce point, il ne s'agit pas de 50 milliards d'économies sur nos dépenses actuelles, mais de 50 milliards de moins que l'évolution spontanée de la dépense. Si nous restions sur la même trajectoire tendancielle, nous dépenserions 120 milliards de plus sur les trois prochaines années. Le pacte de responsabilité consiste à ne dépenser « que » 70 milliards supplémentaires.
Notre système de protection sociale prendra sa part, soit 21 milliards d'euros, à hauteur de son poids dans les dépenses publiques. L'augmentation de la dépense n'est pas une garantie de qualité du service rendu : il s'agit de réformer sans le dégrader, afin de préserver la pérennité de notre système. Il n'est ni juste ni solidaire de reporter sur les générations à venir le poids de nos remboursements de médicaments, de nos séjours hospitaliers ou de nos indemnités journalières.
L'avenir du système dépend du redressement de ses équilibres financiers. La loi de programmation en cours prévoyait le retour à l'équilibre des comptes sociaux, toutes administrations de sécurité sociale confondues, en 2014. Nous avons consenti pour cela un effort de maîtrise des dépenses et de remise à niveau des recettes. Or, si les objectifs de dépenses ont été tenus, notamment l'Ondam, pour la quatrième année consécutive, les recettes, en raison d'une croissance faible, n'ont pas été au rendez-vous et les déficits sociaux s'élèveront cette année à 12,5 milliards d'euros.
Le projet de loi dégrade par conséquent la prévision de solde des régimes obligatoires de base, 10,1 milliards d'euros contre 9,8 prévus en loi de financement initiale. Ce solde résulte de 1,7 milliard d'euros de moindres recettes et 1,4 milliard de moindres dépenses, essentiellement en raison du rebasage de l'Ondam. En dépit de ces ajustements, les dépenses des régimes obligatoires de base devraient progresser de 7,8 milliards d'euros entre 2013 et 2014. Il n'y a pas de baisse des dépenses, mais une progression moins dynamique que prévu.
Le texte contient des mesures destinées à corriger l'équilibre des comptes sociaux, telles que la rectification du montant de l'Ondam. La rédaction initiale de l'article 9 prévoyait le gel des pensions de retraite de base et de l'allocation de logement familiale, qui devaient être revalorisées au 1er octobre prochain. L'Assemblée nationale a supprimé le gel de l'allocation de logement familiale, comme elle l'avait déjà fait pour l'aide personnalisée au logement et l'allocation de logement sociale lors de l'examen du collectif budgétaire. Elle a en revanche adopté le gel des pensions de base supérieures à 1 200 euros bruts par mois. Le montant des économies réalisées représenterait en année pleine près d'un milliard d'euros, soit en moyenne onze euros par mois et par retraité. Près de la moitié des retraités, soit 6,5 millions de personnes, ne seront pas concernés par ce gel, leur pension étant inférieure à 1 200 euros bruts par mois. C'était la moins mauvaise des solutions, par rapport à des coupes dans les prestations. Les 935 millions d'euros de gel des pensions en 2015 sont à comparer avec les 2,5 milliards de pouvoir d'achat rendus aux actifs les plus modestes. Une lecture complète implique de prendre en compte les mesures fiscales inscrites dans le collectif budgétaire en faveur des plus modestes.
J'en viens aux articles additionnels adoptés par l'Assemblée nationale. Issu d'un amendement du Gouvernement, l'article 9 bis élargit le champ de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU) en autorisant l'usage de médicaments hors de leur autorisation de mise sur le marché (AMM) dès lors qu'il n'existe pas de spécialité possédant la même substance active, le même dosage et la même forme pharmaceutique. Les articles 9 ter à 9 sexies comportent diverses mesures relatives aux complémentaires santé. Il s'agit notamment d'étendre l'aide à la complémentaire santé (ACS) aux contrats collectifs à adhésion facultative ; d'autoriser les bénéficiaires potentiels de l'ACS à résilier par anticipation leur contrat actuel au bénéfice d'un contrat éligible à l'ACS ; de préciser les critères d'éligibilité à l'ACS en excluant les contrats qui opéreraient une sélection sur l'âge des assurés ; enfin de moduler les plafonds de prise en charge des dépassements d'honoraires par les contrats complémentaires dits « responsables » en fonction de l'adhésion du médecin à un contrat d'accès aux soins, par lequel il s'engage à modérer ses dépassements (l'entrée en vigueur du nouveau dispositif étant reportée au 1er avril 2015).
Pour l'essentiel, les mesures inscrites dans ce texte sont connues et discutées depuis plus de six mois. Le temps est venu de les concrétiser et de les traduire dans le droit.
Nous nous interrogeons sur l'opportunité de ce texte : du recours exceptionnel à une loi de financement rectificative de la sécurité sociale, on pouvait attendre des mesures exceptionnelles. Or, sur la partie recettes, la plupart sont d'application au 1er janvier 2015. Il aurait donc suffi d'en débattre à l'automne.
Rien dans ce texte n'indique comment seront financées les réductions de charges, auxquelles s'ajoutent 5 milliards d'euros de manque à gagner résultant de la suppression de la C3S. Pourquoi ce texte maintenant, sinon, une fois de plus, pour une opération d'affichage ?
La réduction de charges va dans le bon sens, mais reste extrêmement timide, alors que nous l'attendons depuis les premières déclarations du Président de la République sur le choc de compétitivité, il y a un an. Il faudrait aller plus loin pour réellement provoquer ce choc. Pourquoi ne pas appliquer immédiatement l'exonération des charges sur les salaires inférieurs à 3,5 Smic ? On parle de 2016 ou 2017. C'est toujours « plus tard »... Le seuil de 1,6 Smic correspond à des entreprises qui ne sont pas délocalisables, comme la grande distribution ou La Poste, mais les start-up et les entreprises innovantes, en lutte dans la compétition internationale, versent des rémunérations supérieures et ne bénéficieront donc pas de l'exonération existante, pas plus que du CICE. Il est temps de leur donner des moyens. Si l'extension de l'exonération est repoussée à 2017, quel héritage pour le prochain gouvernement !
Nous sommes très favorables à l'amendement du rapporteur général sur la franchise à 1,50 euro pour l'intervention des salariés à domicile, mais pourquoi ne pas aller jusqu'à 2 euros, voire reprendre l'amendement que nous avions proposé il y a deux ans, ouvrant la possibilité de revenir au calcul au forfait ?
Avec des recettes en baisse du fait des difficultés économiques, nous devrons un jour ou l'autre réfléchir à un autre mode de financement : la TVA anti-délocalisation, parfaitement ciblée. Les ministres des finances de la zone euro ont récemment débattu des charges trop élevées dans certains pays, dont la France, et ont évoqué cette TVA comme l'un des remèdes possibles.
Je ne conteste pas la suppression de la C3S ; elle contribuait cependant au financement du RSI pour 2 milliards environ. Comment ces sommes seront-elles compensées ? La contribution répondait à une exigence légitime de solidarité entre entreprises.
Voilà deux ans que j'alerte le Gouvernement sur les dispositions de la loi de finances pour 2012 relatives aux emplois de services : hélas, à présent, 16 000 emplois ont été perdus. Je plaidais pour un maintien du forfait mais en le relevant à 1,3 Smic afin d'assurer la protection sociale du plus grand nombre de salariés. Lorsqu'une niche fiscale crée de l'emploi, il n'est pas idiot de la maintenir. L'amendement du rapporteur général me convient pleinement. J'avais pour ma part pensé à une réduction de 2 euros.
En tant que rapporteur de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), je rappelle que les allègements portant sur ces cotisations ont été supprimés en 2011. Faire de nouveau entrer ces cotisations dans le champ des allégements constitue donc un retour en arrière. La ministre nous a dit que la baisse de ces cotisations porterait sur leur partie mutualisée, ce qui m'inquiète doublement : les cotisations AT-MP sont sujettes, pour cette partie mutualisée, à trois composantes correspondant aux accidents de trajet, qui sont en augmentation, aux reversements à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail, enfin à la contribution aux fonds amiante.
La Cour des comptes avait refusé il y a deux ans de certifier les comptes de la branche AT-MP ; et avait estimé impossible de le faire, l'an dernier. Elle les certifie cette année avec cinq réserves. Cela signifie que des mesures ont été prises pour redresser les comptes de cette branche, censée être équilibrée par les seules cotisations patronales. Les entreprises se sont entendues sur la possibilité d'ajuster les cotisations en fonction de leur taille. Catherine Deroche et moi-même avions souhaité, dans notre rapport sur la branche AT-MP l'an dernier, une augmentation des cotisations de 1 %. Ce projet annule l'acquis de l'année dernière et risque de replonger la branche AT-MP dans les difficultés budgétaires. Les allègements de cotisations bénéficieront à des entreprises dont on sait qu'elles préfèrent que leurs salariés se déclarent en maladie plutôt qu'en accident du travail. Je doute fortement du bien-fondé de cette mesure à 100 millions d'euros, dont on nous dit qu'ils seront compensés par l'Etat. La gestion vertueuse, c'est l'équilibre de la branche par ses propres cotisations. Elle a du reste toujours une dette de 2 milliards, qu'elle devra rembourser à l'Acoss.
Nous contestons que le pacte de responsabilité comporte un effort en faveur du pouvoir d'achat des ménages modestes, il est au contraire grevé par les augmentations de la TVA. Quant aux cotisations sociales, elles représentent du salaire différé, mutualisé. La manière la plus simple d'améliorer le pouvoir d'achat, c'est d'augmenter les salaires.
Nous doutons de l'efficacité des exonérations massives de cotisations patronales. Les mesures de ce projet s'ajoutent aux 20 milliards d'euros de baisse du coût du travail liée au CICE et sont dans la continuité des politiques menées depuis vingt ans, à la suite des allègements Fillon. Il nous manque encore une évaluation de leur efficacité : quel est au juste leur coût pour l'Etat et la sécurité sociale ? Les estimations courantes font apparaître des subventionnements exorbitants, de l'ordre de 75 000 euros par emploi et par an pour les allègements Fillon, jusqu'à 130 000 euros pour le CICE. Cet argent pourrait être bien mieux utilisé. Le ministère des finances lui-même confirme que les dispositions du pacte de responsabilité détruiront plus d'emplois qu'elles n'en créeront.
Le gel des retraites supérieures à 1 200 euros affectera des millions de Français modestes. Il est injuste et contre-productif : ce sera moins de consommation, moins d'activité économique et, à terme, moins de rentrées fiscales et sociales. Le chien se mord la queue.
La réduction de 800 millions d'euros des dépenses d'assurance maladie par rapport au projet de loi de financement initial au titre du respect de l'Ondam 2014 se fera sentir dans notre système de santé, il accroîtra les difficultés financières des hôpitaux et le sentiment d'injustice des retraités.
Trop de mesures de ce projet de loi font la part belle aux demandes du Medef : la suppression de la C3S d'ici 2017 est un cadeau d'1 milliard d'euros aux grandes entreprises, auquel s'ajoutent 4,5 milliards de nouveaux allègements. On atteindra à terme 9 milliards, ce qui nous inquiète beaucoup. Qui financera à terme la branche famille ? La Cour des comptes s'était prononcée pour le maintien du financement par les employeurs. Je rappelle que sur 55 milliards d'euros de prestations versées, un quart est consacré à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale et aux gardes d'enfants, autrement dit bénéficie directement aux entreprises.
Ces mesures, injustes et inefficaces, ne contribueront pas à la compétitivité : nous démontrerons en séance que les cotisations familiales patronales ne représentent que 1 % des coûts de production et sont donc minimes par rapport aux charges du capital, intérêts financiers ou dividendes.
Nous constatons depuis vingt ans la précarisation du travail et la stagnation des salaires, qui nuisent au financement de la sécurité sociale. Nous proposerons donc l'alternative d'une revalorisation salariale.
Nous soutiendrons l'amendement du rapporteur général en faveur des particuliers employeurs. Espérons qu'il suffise pour arrêter l'hémorragie d'emplois.
Ce texte ne traite que des recettes et de leur réduction en 2015, il ne donne aucune indication précise sur les économies, sinon sur le gel des pensions de retraite, qui dégagera 1 milliard d'euros. Qu'est-ce, par rapport aux 9 milliards de réduction des cotisations ? Comment seront-ils compensés ? Comment voter ce texte, alors que ces éléments essentiels à l'équilibre budgétaire nous manquent et que nous n'avons qu'un vague engagement de compensation par l'Etat ? Comment celle-ci se fera-t-elle : par des économies que l'on ne veut pas avouer aujourd'hui, ou par l'impôt, c'est-à dire par la CSG ou la TVA ? Cette hypocrisie insupportable nous met dans l'impossibilité de voter ce texte. Quant à la suppression de la C3S, comment sera-t-elle compensée, en particulier dans le financement du RSI ? Voilà les questions, monsieur le rapporteur général, que vous pourrez transmettre au Gouvernement, s'il considère que le Parlement sert encore à quelque chose et s'il veut qu'il y ait ici un débat.
Une question de forme : dans la partie de votre intervention consacrée aux particuliers employeurs, vous avez fait état d'« une élasticité très forte » entre le coût de l'emploi et sa déclaration. Pourquoi ne pas parler plutôt d'une « relation très forte » ?
Le RSA sera revalorisé de 2 % par an pendant cinq ans. Il est facile de faire ce genre de propositions, surtout lorsque d'autres les payent, comme les conseils généraux. La réduction drastique des dotations d'Etat a fait de nos budgets un casse-tête ; les départements ont de plus en plus de mal à assumer les charges du RSA, dont l'organisation doit être revue, y compris la récupération des indus, très compliquée.
Ce texte comporte des engagements positifs à l'article 1er. Nous regrettons qu'il donne aux entreprises un chèque en blanc, sans aucune condition ni garantie de résultat. Aucun des amendements des députés visant à conditionner les allègements aux efforts des entreprises pour améliorer la situation de l'emploi n'a été retenu. Toute idée de contrepartie a été écartée. Nous nous trouvons ainsi devant un texte très déséquilibré et craignons que ces allègements soient financés par des coupes dans des budgets utiles, comme ceux de la santé publique.
Le redressement des finances publiques est un objectif important. Nous avions fait en ce sens des propositions porteuses d'économies colossales, en vue de politiques réelles de prévention, d'accès aux soins, de santé environnementale. Il n'y en a pas trace dans ce texte. L'épidémie de diabète coûte 17 milliards par an et est en partie liée à un mode de vie : la prévention serait fort utile. Le Gouvernement n'a pris aucun engagement sur le dispositif modeste de bonus malus que nous proposons pour lutter contre l'augmentation des particules fines dans l'air, or les maladies pulmonaires et cardio-vasculaires coûtent, selon l'estimation du Commissariat général au développement durable, entre 20 et 30 milliards par an.
L'article 9 bis élargit le champ de la recommandation temporaire d'utilisation RTU. Aux questions du rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Gérard Bapt, la ministre a répondu en citant l'exemple de deux médicaments traitant la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), l'un bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché, l'autre non mais dix fois moins cher. Cela signifie-t-il que le coût devient un critère explicite d'octroi d'une RTU ? Ne risque-t-on pas d'ouvrir la porte aux dérives, comme celle du Médiator, et de généraliser l'utilisation de médicaments à d'autres fins que celles prévues par l'AMM ?
Le projet de loi de finances rectificatives élargit les exonérations au titre du versement transport. A Saint-Brieuc, par exemple, le manque à gagner sera de 1,4 millions d'euros, soit 10 % du produit de ce versement. Je déposerai un amendement pour réserver les exonérations aux entreprises bénéficiant d'un agrément d'entreprise solidaire d'utilité sociale, pour éviter les dérives et les contentieux. Il ne faut pas étrangler davantage les collectivités territoriales.
Le rapporteur général a indiqué que 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Ne faudrait-il pas préciser qu'il s'agit essentiellement de femmes, 53 % selon les données de l'Observatoire des inégalités ? Il faut sortir de l'invisibilité.
Je ne partage pas votre point de vue sur l'Ondam. Les établissements publics de santé manquent cruellement de moyens et de personnel. Leur situation est catastrophique. Les sacrifices financiers pèsent d'abord sur eux. La hausse de l'Ondam de 2,4 % est insuffisante. Les EPS doivent en outre supporter la revalorisation du Smic et des rémunérations des catégories C, annoncées début 2014, à la différence des établissements privés, qui bénéficieront de la réduction des charges sur les bas salaires éligibles au Cice.
Je partage l'avis de M. Godefroy sur la branche AT-MP, une branche où la discussion paritaire est vivante. La réforme de son mode de financement a été approuvée à l'unanimité. Et les résultats sont là ! Les comptes n'avaient pas été certifiés en raison d'un défaut de provision pour contentieux en cours, mais la situation s'est améliorée. L'Etat participe au déséquilibre en ne respectant pas ses engagements sur le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante : il faut que la part de l'Etat, 30 %, soit maintenue.
Quant aux particuliers employeurs, la responsabilité est partagée entre la droite et la gauche. Pour éviter les abus et des effets d'aubaine, il suffirait de dresser la liste des domaines où un allègement de charges est pertinent. Je suis hostile au forfait, il pénalise les salariés : le paiement des cotisations au réel est plus juste.
L'hôpital public est en grande difficulté. Les conditions de travail sont très dures, même si le personnel fait son maximum. Notre exigence quant à la qualité des soins doit être maintenue. Cela ne sera possible qu'au prix d'une réorganisation du système de santé. L'Ondam hospitalier est difficile à respecter. Dans le même temps, la réalisation est inférieure à la prévision pour la médecine de ville. Celle-ci doit assumer son rôle. Il n'est pas normal que l'hôpital soit toujours en première ligne. Les économies ne sont pas tout. Il faut développer une approche qualitative et réorganiser notre système de santé.
Merci, monsieur le rapporteur général, d'avoir fait un rapprochement avec le projet de loi de finances rectificative et d'avoir rappelé qu'il n'y a pas de véritables économies mais un rythme moindre de progression des dépenses. Reste la question fondamentale : comment financerons-nous les mesures ? Le flou règne... On ne voit pas où seront dégagées des économies, sauf sur les personnes âgées, à hauteur d'1 milliard d'euros, sans compter la Casa (645 millions d'euros) qui alimente les caisses de l'Etat et ne finance pas le plan sur l'autonomie. C'est la double peine ! Je soutiens votre amendement pour les employeurs à domicile. Les personnes âgées bénéficieront au moins de cela... La droite et la gauche ont pris des mauvaises mesures, avec notamment la suppression du forfait. Avançons franchement : pourquoi une réduction de cotisation de 1,5 euro et non de 2 ? L'Etat y gagnerait car le taux de déclaration des emplois augmenterait, donc les recettes fiscales. De plus le contrat de travail avec une durée minimum de 24 heures n'est pas adapté à tous les particuliers employeurs.
L'article sur la RTU s'apparente à un cavalier législatif. Il faut une étude d'impact, d'autant qu'il y a des risques de dérives. Il serait sage de reporter cette mesure. Je proposerai un amendement de suppression de cet article qui n'a pas à figurer dans une loi de financement rectificative.
Je m'associe aux propos de ma collègue sur le RSA. C'est la double peine pour les départements : le nombre des bénéficiaires augmente tandis que les dotations de l'Etat diminuent. L'Association des départements de France propose une recentralisation. Pourquoi ne pas créer au sein de notre commission un groupe de travail afin de faire rapidement des propositions au Gouvernement ?
M. Cardoux a dit que ce texte comportait de bonnes mesures mais trop timides ; le groupe CRC crie à la catastrophe... La position du Gouvernement est équilibrée. Il faut voir la cohérence de l'ensemble, loi de finances rectificative et loi de financement rectificative réunies. Les dépenses sociales représentent 44 % des dépenses publiques. Il ne s'agit pas d'en faire table rase mais de réduire leur rythme de progression : 70 milliards d'euros contre 120 en tendance spontanée, ce n'est pas rien. Hypocrisie ? Telle n'est pas notre approche. Nous préférons annoncer l'objectif à atteindre, même s'il est ambitieux. Les propositions concernant le soutien aux ménages sont précises. Là encore, certains souhaiteraient des mesures plus marquées, tandis que d'autres déplorent leur ampleur : tout est affaire de dosage ! Ce sont les entreprises qui créent les emplois. L'objectif principal est la réduction du chômage. Le Gouvernement est parvenu à un équilibre. Des choix seront faits : réorganisation du système, stratégie nationale de santé, future loi de santé publique. Il faut préserver les soins de premiers recours, mais des mesures sont à prendre. L'Ondam est revu à la baisse, mais les économies portent essentiellement sur la médecine de ville.
Je précise à nos collègues que rien ne concerne le RSA dans le présent texte. Je ne suis pas opposée à la création d'un groupe de travail sur ce sujet, mais ce n'est pas celui du jour. De même le versement transport relève du projet de loi de finances rectificative.
Je défends ce texte avec raison et avec conviction. M. Cardoux estime qu'il va dans le bon sens mais déplore l'absence de mesures exceptionnelles ou exaltantes. Je ne suis pas d'accord. Le Gouvernement veut redonner du souffle à notre économie, la rendre plus compétitive, réduire le chômage tout en préservant notre système social. Assortir le pacte de responsabilité d'un pacte de solidarité vis-à-vis de nos compatriotes en situation précaire, n'est-ce pas une tâche exaltante ? Ce texte constitue le maillon d'une chaîne, depuis le CICE jusqu'au projet de loi de finances à venir. Tout n'est pas parfait pour autant, je l'admets aussi.
Les compensations aux entreprises ne sont pas des « cadeaux » au Medef ou aux patrons. Notre souci est de redonner de l'oxygène à nos entreprises qui souffrent de la concurrence internationale, à nos PME et à nos artisans. Les entreprises du BTP ont évité jusqu'à maintenant les plans sociaux mais sont en difficulté et risquent de devoir licencier. Aidons-les ! Les députés ont adopté un amendement qui répond à certaines inquiétudes en prévoyant que les effets des exonérations de cotisations devront être analysés lors des négociations annuelles de branche. Certes, nous manquons d'éclairage sur la manière dont les compensations seront financées. Nos questions sont restées sans réponse à cet égard, nous en saurons plus à l'automne, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Il ne s'agira sans doute pas de nouvelles mesures fiscales mais d'une tuyauterie complexe entre l'Etat et la sécurité sociale - reste à savoir comment elle sera alimentée.
Le Gouvernement a décidé de supprimer la C3S pour alléger les charges des entreprises. La compensation sera assurée par le régime général. L'indépendance du régime des indépendants (RSI) a été réaffirmée par un amendement des députés. Quant à moi, je souhaite modifier l'intitulé du rapport demandé par les députés.
Le texte prévoit l'intégration dans le champ des allègements généraux des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans la limite de la cotisation minimale commune à toutes les entreprises, selon un taux commun à la branche, soit 1 % sur les 2,4 % du taux net moyen au niveau national.
Je suis en désaccord avec M. Watrin. Les allègements de cotisations compensés n'ont pas de conséquence sur le niveau des prestations. On ne peut donc les considérer comme une perte de revenus pour les salariés. En outre, des mesures en faveur du pouvoir d'achat ont été décidées. Certes la hausse de la TVA pèse proportionnellement davantage sur les ménages aux situations les plus précaires, qui dépensent l'essentiel de leur revenu - en produits de première nécessité, cependant, auxquels s'applique un taux réduit. J'ajoute que ce sont les ménages aux revenus les plus élevés qui contribuent le plus aux recettes de TVA. Ces éléments m'ont conduit à revoir mon jugement sur le caractère antisocial de la TVA. De plus 1,7 million de familles modestes bénéficieront d'un allègement de leur impôt sur le revenu, 500 euros en moyenne par an, ce qui n'est pas négligeable.
Certains trouvent que l'Ondam n'est pas suffisant ; toutefois les dépenses de santé augmentent.
Je rappelle qu'après rebasage, les dépenses sous Ondam augmentent de 4,6 milliards d'euros entre 2013 et 2014. L'articulation entre la médecine de ville et l'hôpital constitue un sujet fondamental que nous devrons traiter dans la loi de santé publique. Madame Cohen, la sous-exécution de l'Ondam depuis deux ans a concerné davantage la médecine de ville que les établissements publics. Les établissements privés ont dû restituer une partie du CICE tandis que le public bénéficie d'autres sources de rémunération, comme le complément au forfait jour. Le Gouvernement a également pris en compte la spécificité des établissements publics lorsqu'il a renoncé à la convergence tarifaire.
Mon amendement réduit les cotisations des employeurs à domicile de 1,5 euro par heure travaillée, au lieu de 75 centimes aujourd'hui : 2 euros représenteraient un abattement de 16 %, alors que l'abattement de cotisations patronales était de 15 points à l'origine. J'ai proposé 1,5 euro, mesure centriste...
Mais son application serait en revanche immédiate. Il faut donner un signal. Le forfait n'est pas une bonne solution...
Monsieur Pinton, l'élasticité enregistre la corrélation entre deux variables. C'est un terme utile et à la mode, comme la gouvernance ou l'efficience...
Talleyrand demandait à ses collaborateurs s'ils l'avaient compris. Si ceux-ci répondaient « oui », il estimait s'être mal exprimé...
Le texte ne traite pas du RSA. J'ai fait mention de sa revalorisation pour replacer les présentes mesures dans un ensemble.
Madame Archimbaud, vous avez parlé de « chèque en blanc » donné au patronat : non, nous rétablissons une relation de confiance. Je note votre souci du redressement des comptes publics. Il est insupportable de reporter sur les générations futures le financement de nos dépenses de santé. En Allemagne, la sécurité sociale est à l'équilibre. Quant aux dispositions sur la santé environnementale, elles relèvent du texte sur la santé publique.
S'agissant de l'article 9 bis sur les recommandations temporaires d'utilisation (RTU), je rappelle que la loi du 29 décembre 2011, à la suite de l'affaire Médiator, a interdit les prescriptions des médicaments en dehors du cadre défini par les AMM. Des dérogations étaient prévues en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée. Dans deux arrêts de 2012 et 2013, la Cour de justice de l'Union européenne a autorisé la prescription hors AMM pour d'autres pathologies même si une alternative existe, dès lors que celle-ci ne possède pas la même substance active, le même dosage et la même forme pharmaceutique. Le Lucentis, du laboratoire Novartis, traite la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DLMA), pour un coût de 900 euros par mois. L'Avastin est un anticancéreux, fabriqué par le laboratoire Roche, qui coûte 30 à 50 euros par mois. Les études montrent qu'il peut être substitué au Lucentis, mais le laboratoire Roche n'a pas demandé d'AMM. Pourquoi ? C'est que Roche et Novartis ont des liens capitalistiques ; de plus, les deux possèdent des parts dans la société californienne qui a travaillé à l'autorisation thérapeutique du médicament le plus cher, et Roche perçoit des royalties sur les ventes de celui-ci... Les deux laboratoires ont été condamnés en Italie. Le texte tire les leçons des arrêts de la Cour de justice et met fin à une situation scandaleuse. Reste la question de la sécurité des patients. Celle-ci est garantie par le fait que le dispositif sera placé sous le contrôle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui élabore les RTU.
Madame Cohen, je ne vois pas d'obstacle à mentionner dans mon rapport la forte proportion de femmes parmi les personnes en situation de pauvreté.
Article 2
Mon amendement n° 1 concerne 1a réduction de cotisation de 1,5 euro pour les particuliers employeurs.
L'amendement n° 1 est adopté.
Encore plus rare lorsqu'il s'agit d'adopter et non de rejeter une proposition !
Article 3
L'amendement n° 2 modifie l'intitulé du rapport demandé par les députés au Gouvernement à l'article 3. Je proposerai que le rapport concerne l'impact de « l'intégration financière » du RSI au régime général, et non de l'intégration de ses ressortissants, qui n'est pas envisagée.
Je m'abstiendrai. Pourquoi relancer une idée ressentie comme une provocation par les intéressés ? Le RSI est né en 1946 lorsque les professions indépendantes ont refusé de rejoindre le régime général. Ce régime se redresse. L'idée d'une intégration financière au régime général risque d'être mal perçue ; M. Cardoux et moi nous avions estimé qu'elle n'était pas possible en l'état.
Il s'agit de préciser que le rapport dressera le bilan de l'intégration financière, qui est par ailleurs prévue par l'article 3 du texte, et non d'une fusion des régimes qui n'a pas lieu d'être. Mon amendement va dans votre sens.
Je suis d'accord avec M. Godefroy. Qui dit intégration financière dit intégration. Le régime des RSI se redresse. Ne rouvrons pas une querelle inutile. Pourquoi ne pas supprimer l'alinéa 51 ?
L'exposé des motifs de l'article 3 se réfère au régime des exploitants agricoles, dont la branche maladie est intégrée financièrement au régime général.
Il faudrait revoir alors l'article 3. Nous en discuterons en séance.
L'amendement n° 2 est adopté.
Je m'abstiens sur le texte. Même s'il comporte de nombreuses avancées, je regrette le manque d'explications au sujet de la branche AT-MP.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
La commission procède à la désignation des candidats appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.
Elle désigne en tant que membres titulaires : Mme Annie David, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Jean-Pierre Caffet, Jean-Noël Cardoux, Mme Isabelle Debré et M. Gérard Roche, et en tant que membres suppléants : Mmes Jacqueline Alquier, Aline Archimbaud, M. Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche, MM. Georges Labazée, Jacky Le Menn et René-Paul Savary.
La CMP se réunira si nécessaire le jeudi 17 juillet à 17 heures à l'Assemblée nationale.
La réunion est levée à 12 h 05.
La réunion est ouverte à 15 h 10.
L'article L. 1451-1 du code de la santé publique prévoit l'audition préalable par les commissions concernées des présidents ou directeurs pressentis, pour une dizaine d'agence sanitaires, avant leur nomination ou leur reconduction. C'est pourquoi nous recevons le docteur François Bourdillon, auquel le Gouvernement souhaite confier la direction générale de l'Institut de veille sanitaire (InVS), en remplacement de Mme Françoise Weber, qui était en fonction depuis 2007 et qui a été nommée directrice générale adjointe de la santé il y a quelques semaines. Cette procédure d'audition est bien distincte de celle prévue par l'article 13 de la Constitution, qui est assortie d'un vote.
L'InVS, établissement public placé sous la tutelle du ministère de la santé, a été créé en 1998. Ses missions ont été progressivement renforcées pour prendre en compte les crises sanitaires récentes et les risques émergents. L'InVS exerce une fonction de surveillance, de vigilance et d'alerte dans tous les domaines de la santé publique, qu'il s'agisse des maladies chroniques, des maladies infectieuses, y compris celles véhiculées depuis d'autres pays, des risques d'origine professionnelle ou des effets de l'environnement sur la santé. L'InVS s'appuie sur ses propres services au niveau national, mais dispose également d'un réseau régional, avec 17 cellules interrégionales d'épidémiologie localisées au sein des agences régionales de santé (ARS), dont deux outre-mer. Il emploie un peu plus de 400 personnes. Son budget s'élève à 62 millions d'euros provenant essentiellement des crédits budgétaires de la mission « santé ». Ces moyens peuvent susciter des interrogations, compte tenu des l'ampleur des missions confiées à l'Institut. Lors de l'examen du budget, nous dénonçons régulièrement la difficulté, dans de telles conditions, de hiérarchiser les priorités, par exemple dans le choix des études épidémiologiques qui engagent nécessairement des moyens importants.
Présentant les orientations du futur projet de loi de santé publique le 19 juin, la ministre des affaires sociales et de la santé a jugé que les moyens et les efforts de nos structures administratives relatives à la santé étaient trop dispersés. Elle a souhaité la création d'un institut pour la prévention, la veille et l'intervention en santé publique, qui disposerait d'une taille critique suffisante. Cette perspective concernerait au premier chef l'InVS, qui pourrait ainsi être regroupé avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) et l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus).
Le docteur Bourdillon est actuellement praticien hospitalier, chef du pôle santé publique, évaluation et produits de santé, au sein du groupe hospitalier universitaire La Pitié-Salpêtrière. Je le remercie de nous avoir fait parvenir, outre sa biographie, une déclaration publique d'intérêts. Il va nous présenter son parcours professionnel puis la façon dont il aborde la fonction que le Gouvernement souhaite lui confier.
Je suis pressenti par la ministre de la santé pour être directeur général de l'InVS. J'ai 60 ans, je suis médecin de santé publique, à la Pitié-Salpêtrière comme vous l'avez signalé. Le pôle que je dirige compte 180 personnes et regroupe les deux pharmacies de l'établissement, le département de statistique, santé publique et information médicale, la pharmacologie clinique, la recherche clinique et des activités comme l'addictologie ou les soins aux personnes sourdes.
Je suis président de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, président de la commission prévention du Haut Conseil de la santé publique et vice-président du Conseil national du sida. C'est par le sida que je suis entré en santé publique à la fin des années quatre-vingt-dix, lorsque j'ai fait de la recherche en épidémiologie pour ensuite travailler à la direction des hôpitaux, devenue direction générale de l'offre de soins et qui travaillait à adapter les hôpitaux aux soins des personnes infectées par le VIH. A l'époque, il a fallu mettre en place des indicateurs pour mesurer l'ampleur de l'épidémie, puis construire la recherche clinique, créer des cohortes, renforcer le personnel disponible.
Ce fut une grande réussite et quand j'ai ensuite dirigé le bureau pathologies et organisation des soins, j'ai utilisé les mêmes outils pour faire évoluer notre système de santé. A la fin des années 2000, j'ai été nommé conseiller technique du ministre de la santé en charge des plans de santé publique : j'ai élaboré des plans à moyen terme et ma démarche s'est voulue holistique afin d'intégrer dans chacun de ces plans la prévention, le dépistage, l'offre de soins, la recherche clinique, la gouvernance et même la solidarité. C'est ainsi qu'est né le premier plan Alzheimer, ainsi que ceux sur les maladies rares, le diabète, les maladies cardio-vasculaires.
A l'issue de cette période, je suis retourné à la Pitié-Salpêtrière et j'ai enseigné à Pierre-et-Marie-Curie, mais aussi à l'IEP de Paris. Je suis coordinateur des risques liés aux soins : je travaille sur les logiques de qualité et les gestions de risques et dirige les investigations sur tous les évènements médicaux et chirurgicaux graves qui peuvent survenir dans un établissement afin que ces erreurs ne se reproduisent plus.
J'ai été pendant six ans président de la Société française de santé publique : j'ai ainsi fait connaissance de tous les acteurs de la santé publique de France et de Navarre. J'ai eu un engagement associatif très fort avec Médecins sans frontières dont j'ai été vice-président et où je me suis occupé de la gestion de crise. Dans les années 2000, j'ai été nommé comme personnalité qualifiée au conseil d'administration de l'Inpes et j'ai conservé une activité clinique sur le VIH. Je serai contraint désormais d'abandonner la consultation du mardi soir... Enfin, je vous ai adressé ma déclaration publique d'intérêts car je suis très attentif aux possibles conflits d'intérêt qui sont nombreux en santé publique.
L'InVS me semble être, de toutes les agences du secteur, la plus belle et la plus professionnelle, la plus rigoureuse scientifiquement. En outre, l'Institut a réussi sa mutation, dans le champ de la surveillance. Traditionnellement, il travaille sur les maladies infectieuses, mais doit aussi prendre en compte les maladies chroniques et les risques environnementaux et ceux liés au travail. L'InVS ne pouvant pas tout faire, il s'appuie sur 300 partenaires avec lesquels il a signé des conventions afin de disposer d'une photographie de l'état de la santé en France.
Il a relevé divers défis. Nous vivons dans un monde très mondialisé, les populations se déplacent : voyez l'épidémie de chikungunya, les pandémies... Du fait de ses contacts réguliers avec l'OMS et avec le Center for Disease Control and Prevention, (CDC), l'InVS est au plus près des alertes. L'Institut a intégré le défi des mutations environnementales, comme l'apparition du moustique tigre, mais aussi les pratiques agricoles et industrielles - pesticides, polluants, dioxine, chlordécone aux Antilles. Enfin, il prend en compte les facteurs sociaux et démographiques, les changements de comportement, le vieillissement de la population, ou encore la nutrition, en grande partie responsable de l'épidémie de surpoids et d'obésité.
L'Institut devra faire face à l'enjeu de la surveillance, car il existe beaucoup d'études épidémiologiques, mais tout n'est pas mesurable. Dans une période de contrainte budgétaire, il faut fixer des priorités... et ne pas se tromper. Nous avons donc besoin de nous appuyer sur de nombreux experts, tout en restant tête de réseau, et en associant les services de recherche, les hôpitaux.
La régionalisation est également un enjeu pour l'InVS, en tenant compte de la fusion des régions voulue par le président de la République. L'InVS travaille avec dix-sept cellules régionales et interrégionales d'épidémiologie placées sous la double tutelle des ARS et de l'Institut. Il faudra trouver la ligne de partage entre les deux. Les alertes de premier niveau, à mon sens, relèvent des ARS, les méthodes d'expertise devant être définies par l'Institut.
Nous devrons travailler en étroite collaboration avec la direction générale de la santé : j'ai vécu en 1998 l'externalisation de l'expertise en matière de sécurité sanitaire. Pour pouvoir piloter, il faut rapprocher l'expertise et réduire le nombre des agences qui forment aujourd'hui un millefeuille.
Mme la ministre de la santé a évoqué le 19 juin la création d'un institut de prévention, de veille et d'intervention en santé publique, à partir du regroupement de l'InVS, de l'Inpes et de l'Eprus, au nom de l'efficience mais aussi dans une logique internationale. Car la tendance et au regroupement de ces fonctions, comme aux États-Unis, au Québec, en Suède. Cette logique est portée par l'International association of national public health institutes (Ianphi) qui privilégie ces stratégies sur la base d'un large éventail de compétences et d'expériences. L'Ianphi promeut une stratégie fondée sur le plus large éventail de compétences et le continuum depuis la production de connaissance jusqu'à l'action : ainsi pour l'épidémie de chikungunya, il faut veiller pour détecter les premiers cas, puis mobiliser l'offre de soins, communiquer et informer la population, mobiliser les entomologistes pour lutter contre les vecteurs. Les mêmes besoins se font sentir face à une épidémie de méningite. Ce modèle peut également servir pour les maladies chroniques, pour le dépistage du cancer, la santé environnementale ou la santé au travail.
Comme je serai probablement le préfigurateur de ce futur institut, je privilégierai le dialogue, la concertation et la logique de co-construction entre les divers acteurs concernés.
Pour toutes ces raisons, je suis candidat à la fonction de directeur général de l'InVS.
Comment concevez-vous les relations entre l'InVS, rattaché au ministère de la santé, et la direction de l'alimentation du ministère de l'agriculture ? Lors d'un grave incident récent, celui de la viande de cheval il y a dix-huit mois, le ministère de l'agriculture a pris le dossier en main et n'a pas vraiment associé à ses travaux l'InVS, si bien que l'on ne sait toujours pas exactement ce qui s'est passé.
L'année dernière, j'avais souhaité le rapprochement entre l'InVS et l'Inpes et je me félicite que vous soyez le préfigurateur de ce futur institut. Comment allez-vous surmonter les rigidités et les spécificités de chaque agence, pour mener à bien ce projet ?
Je ne suis pas aussi optimiste que mon voisin : cette fusion risque d'aboutir à une usine à gaz. Les regroupements au nom de l'efficacité donnent souvent naissance à des organismes tentaculaires, et l'on finit par créer des sous-organismes, pour constater finalement que c'était aussi bien avant. J'aimerais aussi être certain que la fusion vise uniquement le bien public, non un objectif financier de réduction des crédits.
Vous avez parlé plusieurs fois d'environnement. Or, c'est dans le Nord-Pas-de-Calais qu'ont été lancés les premiers programmes régionaux de santé. Je me suis toujours demandé pourquoi l'espérance de vie dans ma région était nettement inférieure à la moyenne nationale. Régulièrement, on m'a répondu : excès de bière et de frites. C'est simpliste : je suis intimement persuadé que d'autres raisons expliquent notre taux de morbidité, comme les perchlorates dont j'ai eu à connaître la présence en tant que président de l'agence de l'eau. Je gère également des espaces naturels sensibles qui sont d'anciennes friches industrielles. Le Nord-Pas-de-Calais est une grande région agricole et j'ai reproché aux agriculteurs d'utiliser des produits, certes interdits depuis vingt ans, mais que l'on retrouve dans l'eau aujourd'hui. Je suis persuadé que l'état de l'environnement est un déterminant important de la santé dans notre territoire, mais c'est un sujet difficile à aborder.
Ne peut-on mutualiser les moyens affectés aux diverses agences, tout en définissant clairement les missions des unes et des autres ? Je suis favorable au rapprochement annoncé car l'InVS, l'Inpes et l'Eprus participent tous les trois à la veille sanitaire. Par ailleurs, nous venons de rédiger le rapport du comité de suivi sur l'amiante : ce problème est loin d'être derrière nous, notamment pour le désamiantage.
Je n'ai pas bien compris la double tutelle que vous avez évoquée entre les ARS et l'InVS. Autre question, quels sont les budgets des trois organismes appelés à fusionner ?
Pour les risques, les agences sont spécialisées : l'affaire de la viande de cheval relevait de la fraude, l'InVS n'était pas concernée alors que l'Anses l'était. Le partage des tâches est simple. L'InVS mesure les conséquences sur la santé alors que l'Anses travaille sur la toxicologie, sur les effets de seuil. Mme la ministre a annoncé l'étiquetage nutritionnel : l'Anses va valider le système et l'InVS mesurera les évolutions du surpoids et de l'obésité.
Le regroupement entre l'InVS et l'Inpes n'a pas démarré, mais cette annonce était attendue depuis longtemps. Ce regroupement n'est pas une fusion, c'est une co-construction, un lien qui se construira dans la confiance. La mesure des comportements de santé relève de l'épidémiologie et a toute sa place à l'InVS tandis que les campagnes grand public et la science du comportement sont du ressort de l'Inpes. Il va donc falloir identifier les forces et les faiblesses des uns et des autres pour créer des synergies. J'y travaillerai afin que tous, au sein des agences, adhèrent au projet, qui ne sera pas imposé d'en haut. Un nouveau contrat d'objectifs et de performances devra être conclu. Je demanderai probablement une aide de l'Igas pour disposer d'une préfiguration sur le champ administratif et financier.
Les trois agences disposent d'un budget de 220 millions d'euros. L'Eprus dispose de 89 millions, dont 80 de produits pharmaceutiques (réserves stratégiques, vaccins, masques, antibiotiques, antidotes). Quarante personnes travaillent dans cet établissement qui stocke les réserves et qui peut agir 24 heures sur 24, en France mais aussi à l'étranger : depuis 2007, l'Eprus a effectué 40 missions dans le reste du monde, de Fukushima à la Côte-d'Ivoire ou la Libye. La péremption des stocks coûte extrêmement cher mais l'Eprus fait tester par un laboratoire national les principes actifs des produits pour prolonger leur durée d'emploi lorsque cela est possible, éventuellement les remettre dans le circuit général afin qu'ils ne soient pas perdus.
L'InVS comprend 430 personnes : la moitié du budget de 63 millions est affecté au personnel et l'autre au financement des partenaires. L'institut a par exemple versé 300 000 euros à l'université Pierre-et-Marie-Curie qui anime le réseau de médecins généralistes Sentinelles. Enfin, 130 personnes travaillent à l'Inpes, dont le budget se monte à 73 millions. Les principales dépenses, 68 millions, concernent les programmes et la communication, la masse salariale étant seulement de 11 millions. Le regroupement de ces agences produirait-il une usine à gaz ? Je ne le crois pas : nous copions ce que font les Américains et les Canadiens. En outre, la proximité des équipes sera utile.
Dans le domaine de l'environnement, on ne sait pas tout. Ainsi en est-il des particules fines ou des perturbateurs endocriniens. Je trouve très intéressante l'étude Esteban de l'InVS : sur un échantillon représentatif de 5 000 personnes, cette étude va mesurer très régulièrement par des coupes transversales l'imprégnation dans le sang des substances que l'on trouve dans l'environnement. Ce type d'enquête n'apporte pas de solution aux problèmes que peuvent poser, par exemple, les pesticides du vignoble bordelais épandus à proximité des écoles. La surveillance sera donc être nécessaire.
Le problème de l'amiante est loin d'être derrière nous : beaucoup de bâtiments en contiennent encore. Le mésothéliome, principale pathologie de l'amiante, fait maintenant l'objet d'une déclaration obligatoire, ce qui permettra d'en mesurer le développement. Nous intégrerons les mésothéliomes non professionnels. Nous avons besoin de surveillance mais aussi de recherche : le rapprochement des institutions a du sens.
Tout à fait, mais la taille des fibres influe également sur les pathologies. La durée et le volume ont tous deux leur importance. Pour le tabac, la durée d'exposition est plus importante que le volume : il est plus grave de fumer pendant vingt ans cinq cigarettes par jour que de fumer pendant cinq ans un paquet par jour. En revanche, les perturbateurs endocriniens ont une forte toxicité même à très faible dose.
Vous a-t-on assuré que vous garderiez les mêmes moyens humains et financiers en cas de regroupement ?
Les négociations n'ont pas encore atteint ce niveau de détail.
Le regroupement n'aura de sens que s'il ne se traduit pas par des coupes budgétaires.
Un mot des messages de santé publique diffusés par l'Inpes : le rapport que j'ai co-signé avec M. Daudigny sur la fiscalité comportementale soulignait l'absence d'évaluation de l'efficacité des messages.
Certaines familles modestes qui n'ont pas les moyens d'acheter cinq fruits et légumes par jour peuvent considérer ces messages comme provocateurs ou culpabilisateurs. Il serait bon de se pencher sur leur contenu.
J'y serai attentif.