Intervention de Alain Gournac

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 juillet 2014 : 1ère réunion
Evolutions stratégiques des etats-unis : quelles conséquences pour la france et pour l'europe — Examen du rapport d'information

Photo de Alain GournacAlain Gournac :

La nouvelle stratégie a été déclinée dans un document qui s'apparente à notre Livre blanc et qui fixe les grandes orientations dans le domaine militaire.

Ce document a été élaboré dans le contexte général, exposé par notre collègue Robert del Picchia, et qui a eu pour conséquence une réduction assez significative des crédits de la défense.

En effet, l'enjeu économique devenu prégnant, les projecteurs ont été braqués sur la croissance impressionnante du budget de la défense pendant les années 2000, laissant envisager des compressions significatives.

Depuis 2010, les Républicains majoritaires à la Chambre ont réussi à inscrire à l'agenda politique la réduction des dépenses publiques. Protecteurs traditionnels des crédits de la défense par idéologie mais aussi parce qu'ils sont majoritaires dans les districts et les États du Sud des États-Unis où les industries de défense représentent une part significative de l'économie locale, ils ont néanmoins accepté, à la demande des démocrates, que la défense soit mise à contribution au même titre que les autres postes budgétaires. Le Budget Control Act de 2011 a ainsi opéré une coupe budgétaire décennale de 487 milliards de $ (environ 8% du budget de base de la défense) ; les opérations extérieures étant appelées à diminuer progressivement avec le retrait d'Irak et celui programmé d'Afghanistan. Mais cette loi a également établi un mécanisme de mise sous séquestre exigeant des coupes budgétaires supplémentaires d'environ 50 milliards de $ par an, dont la mise en oeuvre a toutefois été reportée à 2016.

Au final, le budget pour 2015 devrait rester à un niveau voisin de 555 milliards de dollars, (il était de 691 milliards en 2011). La contrainte budgétaire sera donc l'une des difficultés majeures dans la mise en oeuvre du rééquilibrage de l'outil de défense, à la fois parce que la transformation a un coût intrinsèque, mais aussi parce que les rapports de force politique au sein du Congrès n'ont pas permis de stabiliser un cadre budgétaire pluriannuel. C'est ce qui explique la tonalité inusitée de la Quadrennial Defense Review de 2014 qui apparaît aussi comme un avertissement et une mise en responsabilité du Congrès.

Néanmoins, et pour raison garder, on rappellera que les États-Unis sont, et de loin, la première puissance militaire du monde avec un budget qui représente encore 3 à 4 fois celui de la Chine, 8 à 9 fois celui de la Russie.....

La Quadrennial Defense Review (QDR) actualise la stratégie de défense des États-Unis, décrit les mesures prises en vue de rééquilibrer les principaux éléments des forces interarmées dans un environnement changeant et met en valeur la réforme de l'organisation afin de maîtriser la croissance des coûts internes.

Les documents de stratégie confirment :

- l'abandon du paradigme des deux guerres majeures simultanées ce qui se traduira par une réduction de format et une baisse des effectifs de l'Armée de terre et des Marines,

- l'abandon de la contre-insurrection et du « nation building » en faveur d'une stratégie anti-terroriste marquée par l'usage des forces spéciales, des drones et du renseignement. Contre les acteurs non-étatiques autre que les terroristes en réseaux, le Pentagone privilégie l'assistance et la formation des armées locales, le soutien, la fourniture d'armement avec une efficacité qui reste à évaluer ;

- le maintien en revanche d'une double capacité pour faire face aussi bien aux guerres régulières et interétatiques qu'aux guerres « irrégulières » contre des acteurs non-étatiques terroristes, contre des ennemis de plus en plus sophistiqués, avec un approfondissement doctrinal notamment pour lutter contre le déni d'accès et l'interdiction de zone, un accent sur la Marine et l'Armée de l'Air, un investissement massif dans les technologies à haute valeur ajoutée et la R&D afin de conserver un ascendant ;

- l'implication des alliés et des partenaires (en particulier en Asie et au Moyen-Orient) pour faire face aux problèmes de sécurité régionale, ce qui constitue un changement d'approche majeur, l'image d'une Amérique capable d'agir seule et partout dominait jusqu'alors.

Il s'agit aussi de rééquilibrer géographiquement et la stratégie de défense accompagne naturellement le « pivotement » vers l'Asie-Pacifique.

L'innovation est un axe central.

De nouveaux paradigmes de présence ont été identifiés, y compris un éventuel positionnement de forces navales supplémentaires en déploiement avancé dans des zones critiques, ainsi que le déploiement de nouveaux ensembles de bâtiments, de moyens aériens, de forces terrestres alignées régionalement ou par rotation, et de forces de réaction aux crises, tout cela dans l'intention de maximiser les effets tout en minimisant les coûts.

La QDR 2014 assure la protection des capacités essentielles à l'appui de la stratégie : cyberespace, défense antimissile, dissuasion nucléaire, espace, capacité aéro-maritimes, frappe de précision, renseignement, surveillance et reconnaissance, lutte contre le terrorisme et opérations spéciales avec la montée à 69 700 personnes des effectifs des Forces d'opérations spéciales.

Il s'agit de rééquilibrer les compétences, les capacités et la disponibilité opérationnelle au sein de la force interarmées et, en conséquence, de restructurer le format des Armées. Sa taille se réduira dans les cinq prochaines années mais elle deviendra également progressivement plus moderne et plus agile et sa disponibilité opérationnelle devrait s'améliorer.

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