Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la seconde fois, dans l’histoire des lois de financement de la sécurité sociale – après 2011 –, que le Parlement examine une loi de financement rectificative.
Alors que le texte de 2011 portait sur une mesure unique, la prime de partage de la valeur ajoutée, le texte qui est aujourd’hui soumis à notre examen traduit un programme d’action complet pour le redressement de notre économie, au service de l’emploi et de la cohésion sociale.
Comme les lois de financement initiales, il comporte un certain nombre d’articles obligatoires, notamment l’article liminaire, relatif au solde des administrations publiques, et rectifie les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, ainsi que les objectifs de dépenses des différentes branches.
Après son passage à l’Assemblée nationale, le projet de loi compte vingt et un articles, cinq articles additionnels étant venus compléter les seize articles du texte initial.
Ainsi que nous y invite l’article liminaire, qui retrace les soldes de l’ensemble de nos comptes publics, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale doit être replacé dans le contexte plus global dans lequel il s’inscrit.
Au demeurant, quand les dépenses de sécurité sociale représentent 44 % des dépenses publiques, il n’est plus question de les considérer isolément. Elles font partie intégrante d’une stratégie plus globale.
Le contexte, c’est une croissance économique atone, un chômage dramatiquement élevé et des comptes publics structurellement déséquilibrés.
Pour y apporter une réponse, le projet de loi tend à traduire des engagements pris par le Président de la République dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, engagements que nous connaissons depuis plusieurs mois, dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre, notamment lors du discours de politique générale du Premier ministre et qui figurent pour partie dans le présent projet de loi, dans le collectif budgétaire, mais qui s’inscriront aussi dans les textes financiers à venir.
Le mot d’ordre du pacte de responsabilité, c’est la confiance. C’est l’idée de travailler ensemble, de conjuguer les efforts de l’État, des ménages et des entreprises pour trouver un nouvel élan et redonner des perspectives à notre économie et peut-être au-delà, à notre société.
Notre société est gagnée par la morosité, et même parfois par le fatalisme, alors qu’elle dispose de vrais atouts que nous devons conforter.
J’ai bien sûr à l’esprit la situation de grande précarité que connaissent nombre de nos concitoyens : 8 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, notamment des femmes seules, des jeunes et des enfants, ce qui pèse sur leur avenir et sur notre cohésion sociale. Soutenir le pouvoir d’achat et développer l’emploi, c’est lutter contre cette réalité.
Le projet de loi se décline donc dans un triptyque qui forme un tout cohérent : le soutien à la consommation des ménages modestes, le soutien à la compétitivité des entreprises et une trajectoire de redressement des comptes publics.
Je commencerai par le soutien aux ménages.
C’est l’engagement pris, après les efforts récents, de ne plus augmenter les prélèvements des classes moyennes, de soutenir le pouvoir d’achat des bas salaires et d’accroître la solidarité envers les plus fragiles.
Je rappelle ainsi que les minima sociaux ne sont pas concernés par le gel de prestations, bien au contraire : dans le cadre du plan pauvreté, l’allocation de soutien familial et le complément familial viennent d’être revalorisés, après l’allocation de rentrée scolaire en 2012 et le recentrage des prestations familiales sur les personnes modestes et sur les familles monoparentales.
Le coup de pouce aux prestations relevant du minimum vieillesse est maintenu, le revenu de solidarité active, le RSA, comme en 2013, sera revalorisé de 2 % de plus au 1er septembre prochain, avec l’objectif de l’augmenter de 10 % sur cinq ans.
Rappelons aussi que, le 1er juillet 2013, le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire a été revalorisé, de même que celui de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, avec plus de 500 000 bénéficiaires supplémentaires. Dans un contexte difficile, l’effort envers les plus fragiles n’est pas seulement préservé, il est accru.
L’article 1er du projet de loi, via la baisse des cotisations salariales, introduit une progressivité des prélèvements salariaux et redonnera du salaire net aux salariés mais aussi aux fonctionnaires dont le montant du revenu est proche du SMIC. Cet effort, qui représente 2, 5 milliards d’euros injectés dans le pouvoir d’achat des ménages, se combine avec l’aménagement du barème de l’impôt sur le revenu porté par le collectif budgétaire.
J’évoquerai ensuite le soutien à la compétitivité des entreprises.
Dans un climat économique difficile, le pacte vise à soutenir l’investissement des entreprises, à améliorer leur compétitivité à l’export, au moment précis où nous attendons la reprise de la croissance, portée par la demande mondiale.
Ce volet central du pacte passe par une amplification du mécanisme de la réduction dégressive de cotisations patronales sur les bas salaires, afin de parvenir à un niveau de « zéro charge URSSAF » pour le SMIC à compter du 1er janvier 2015. Il instaure également un taux réduit de cotisations d’allocations familiales sur les bas salaires. Il prévoit enfin de réduire les cotisations d’allocations familiales des travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles, pour les bas revenus. Ces mesures seront complétées à compter de 2016 par l’extension du taux réduit de cotisations d’allocations familiales à l’ensemble des salaires inférieurs à 3, 5 SMIC. L’allégement des charges des entreprises passe aussi par la suppression progressive, d’ici à 2017, de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S – une première étape est franchie en 2015, avec un abattement d’assiette à hauteur de 3, 25 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Au total, les articles 2 et 3 du projet de loi représentent un effort de 6, 5 milliards d’euros en 2015.
Sans modifier la portée du texte, l’Assemblée nationale a adopté des amendements destinés à réaffirmer certains principes. Elle a ainsi souhaité inclure dans la négociation annuelle de branche un suivi spécifique de l’effet sur l’emploi et sur les salaires de l’ensemble des avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient les entreprises de la branche, afin de disposer, ainsi que les représentants des salariés, des outils de suivi en interne des effets du pacte. Considérant l’accentuation des allégements, elle a souhaité supprimer la neutralisation, dans le calcul des rémunérations éligibles, des temps de pause d’habillage et de déshabillage qui permet d’aller au-delà du seuil de 1, 6 SMIC. Sur ce point, sur lequel nous avons été alertés par de nombreux représentants de divers secteurs d’activité, nous souhaiterions avoir plus de précisions de la part du Gouvernement.
Elle a également réaffirmé le principe de l’autonomie de gestion du régime social des indépendants, le RSI, afin de garantir que l’intégration financière de ses branches à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, se passe dans les meilleures conditions d’indépendance de gestion, comme cela a été le cas pour la mutualité sociale agricole.
Elle a aussi souhaité sortir dès 2015 l’ensemble des coopératives agricoles du champ de la C3S et non plus seulement, comme c’est le cas actuellement, celles « qui ont pour objet exclusif d’assurer l’approvisionnement de leurs associés coopérateurs ».
Sur l’initiative de sa commission de finances, l’Assemblée nationale a aussi demandé un rapport sur les conséquences pour le RSI de la suppression de la C3S et de l’intégration des indépendants au régime général que la commission des affaires sociales du Sénat vous suggère de bien vouloir reformuler.
L’Assemblée nationale a enfin réaffirmé le principe de compensation financière à la sécurité sociale des pertes de recettes créées par ce projet de loi, en rappelant que cette compensation serait bien annuelle et qu’elle interviendrait dès 2015, autrement dit dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’automne. Rappelons que cette compensation financière est garantie par le code de la sécurité sociale et que c’est donc a priori sur le budget de l’État qu’elle devrait peser.
J’en terminerai avec la trajectoire globale de redressement des finances publiques.
Dans le cadre fixé par le programme de stabilité 2014–2017, le pacte programme une réduction ambitieuse de notre déficit, avec un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur la période.
Ainsi que je l’ai rappelé en commission, il s’agit non pas de consentir 50 milliards d’euros d’économies par rapport à ce que nous dépensons actuellement, mais bien de dépenser 50 milliards d’euros de moins que ce que serait notre dépense supplémentaire si nous restions sur la même trajectoire tendancielle. En d’autres termes, si nous poursuivions sur la tendance actuelle, nous serions conduits, toutes administrations publiques confondues, à dépenser 120 milliards d’euros de plus sur les trois prochaines années. Le pacte de responsabilité consiste à ne dépenser « que » 70 milliards d’euros supplémentaires. §
Notre système de protection sociale devra prendre sa part, soit 21 milliards d’euros, c’est-à-dire 42 %, à hauteur de son poids dans les dépenses publiques.
Mes chers collègues, l’augmentation de la dépense n’est pas un objectif en soi ni une garantie de qualité du service rendu. Il s’agit de réformer sans dégrader le service rendu aux assurés afin de préserver la pérennité de notre système. Si nous parlons de justice et de solidarité, il n’est ni juste ni solidaire de reporter sur les générations à venir le poids de nos remboursements de médicaments, de nos séjours hospitaliers ou encore de nos indemnités journalières.
Pour garantir l’avenir de ce système, qui a bien joué son rôle dans la crise, il faut en redresser les équilibres financiers dont je voudrais vous dire un mot.
Je rappelle tout d’abord que, d’après la loi de programmation en cours votée à la fin de l’année 2012, le retour à l’équilibre des comptes sociaux, toutes administrations de sécurité sociale confondues, était prévu en 2014. Nous avons consenti pour cela un effort de maîtrise des dépenses et de remise à niveau des recettes. Or, si les objectifs de dépenses ont été tenus, notamment l’ONDAM, pour la quatrième année consécutive, les recettes, en raison d’une croissance faible, n’ont pas été au rendez-vous, les déficits sociaux s’élevant à 12, 5 milliards d’euros pour 2014.
Le projet de loi dégrade par conséquent la prévision de solde des régimes obligatoires de base à - 10, 1 milliards d’euros, contre - 9, 8 milliards prévus en loi de financement pour 2014. Le solde du régime général, avec - 9, 9 milliards d’euros, passe sous la barre symbolique de 10 milliards d’euros.
Le solde des régimes obligatoires est la double conséquence de 1, 7 milliard d’euros de moins en volume sur les recettes et de 1, 4 milliard de moins en volume sur les dépenses. Cette révision de l’objectif de dépenses est due, pour l’essentiel, au rebasage de l’ONDAM.
Je souligne que, en dépit de ces ajustements, les dépenses des régimes obligatoires de base devraient progresser de 7, 8 milliards d’euros entre 2013 et 2014. Il ne s’agit donc pas, là encore, d’une baisse des dépenses, mais d’une progression moins dynamique que ce qui avait été prévu.
Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale présente pour l’exercice 2014 des mesures destinées à corriger l’équilibre des comptes sociaux, telles que la rectification du montant de l’ONDAM.
L’article 9 prévoyait le gel du montant des pensions de retraite de base et de l’allocation de logement familiale, qui doivent normalement faire l’objet d’une revalorisation au 1er octobre prochain.
L’Assemblée nationale a supprimé le gel de l’allocation de logement familiale, comme elle l’avait déjà fait pour l’aide personnalisée au logement et pour l’allocation de logement social lors de l’examen du collectif budgétaire.
Elle a en revanche adopté le gel des pensions de base, lorsque le montant total de la pension est supérieur à 1 200 euros bruts par mois. Le montant des économies réalisées représenterait en année pleine près de 1 milliard d’euros, soit en moyenne onze euros par mois et par retraité.
Je rappelle que près de la moitié des retraités, soit 6, 5 millions de personnes, ne seront pas concernés par ce gel, dans la mesure où leur pension est inférieure à 1 200 euros bruts par mois.
J’en conviens, le gel des prestations peut bien sûr être discuté, mais il est la moins mauvaise des solutions, par rapport à des coupes dans les prestations. Dans une période de faible inflation, un effort est certes demandé aux bénéficiaires, mais il ne porte que sur la moitié de la population concernée.
Sur le périmètre des ménages et pour le seul projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, les 935 millions d’euros de gel des pensions en 2015 sont à comparer avec les 2, 5 milliards d’euros de pouvoir d’achat rendus aux actifs les plus modestes. Une lecture complète impliquerait de prendre en compte les mesures fiscales inscrites dans le collectif budgétaire en faveur des ménages les plus modestes.
Au titre des amendements adoptés par l’Assemblée nationale, outre ceux que j’ai déjà évoqués, je voudrais citer ceux qui portaient articles additionnels.
Inséré à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement, l’article 9 bis prévoit d’élargir le champ de la recommandation temporaire d’utilisation, la RTU, en autorisant l’usage de médicaments hors de leur autorisation de mise sur le marché dès lors qu’il n’existe pas de spécialité possédant la même substance active, le même dosage et la même forme pharmaceutique.
Les articles 9 ter à 9 sexies comportent diverses mesures relatives aux complémentaires santé. Il s’agit notamment d’étendre l’aide à la complémentaire santé aux contrats collectifs à adhésion facultative, de permettre aux personnes susceptibles de bénéficier de l’ACS de résilier par anticipation leur contrat actuel au bénéfice d’un contrat éligible à l’ACS, de préciser les critères d’éligibilité à l’ACS en excluant les contrats qui opéreraient une sélection sur l’âge des assurés, enfin de moduler les plafonds de prise en charge des dépassements d’honoraires par les contrats complémentaires dits « responsables » en fonction de l’adhésion du médecin à un contrat d’accès aux soins par lequel il s’engage à modérer ses dépassements, l’entrée en vigueur du nouveau dispositif étant reportée au 1er avril 2015.
Pour l’essentiel, mes chers collègues, les mesures portées par ce texte sont bien connues et sont discutées depuis plus de six mois. Le temps est venu de les concrétiser et de traduire dans le droit ces orientations. La commission des affaires sociales les a complétées, à l’article 2, par un amendement relatif aux cotisations sociales des particuliers employeurs que j’exposerai au cours de la discussion.
La commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. §