Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 15 juillet 2014 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi, avec le collectif budgétaire, constitue le premier vecteur législatif des mesures annoncées par le Président de la République à l’occasion de ses vœux aux Français, dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Le but est de soutenir l’investissement des entreprises, la création d’emplois et le pouvoir d’achat des ménages. Nous ne pouvons, bien évidemment, que souscrire à cet objectif !

Le Président de la République a admis que l’année 2013 avait été difficile pour beaucoup de nos concitoyens et a enfin reconnu que la crise s’était révélée plus longue et plus profonde qu’il ne l’avait prévu. Il était temps ! La situation sociale et économique de la France est extrêmement préoccupante, je n’y reviendrai pas.

Vous promettez depuis deux ans d’inverser la courbe du chômage, or celui-ci ne cesse d’augmenter. Le nombre de demandeurs d’emploi vient en effet d’atteindre, toutes catégories confondues, le seuil symbolique de cinq millions. Triste record ! Personne n’est épargné : les jeunes, les seniors, comme les chômeurs de longue durée, sont concernés, et l’INSEE ne prévoit malheureusement pas d’amélioration pour la fin de cette année.

De la même façon, la consommation des ménages a fortement reculé et l’investissement des entreprises s’est effondré. Il faut dire que les mesures que vous avez mises en place depuis maintenant deux ans ont conduit à un véritable matraquage fiscal des ménages et des entreprises. Le Premier ministre a lui-même souligné le 13 mai dernier, à l’Assemblée nationale, que la hausse de la fiscalité de ces dernières années était devenue insupportable. Le Président de la République l’a aussi, me semble-t-il, reconnu implicitement hier.

Résultat : moins d’un Français sur trois aurait confiance en l’avenir économique du pays, selon un récent sondage !

Il y a bien urgence à intervenir.

Pourtant, madame la ministre, alors que le pacte a été annoncé le 31 décembre dernier, il ne prendra effet qu’en 2015. C’est très regrettable. Pourquoi attendre autant alors que la situation économique et sociale nous impose d’agir vite ?

Je me demande, en outre, pourquoi nous avons recours à un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. À l’évidence, si j’en crois ce projet, ce n’est pas pour réviser vos prévisions de croissance trop optimistes !

Ce texte repose toujours sur une hypothèse de croissance de 1 %, alors que les dernières estimations publiées en mai par l’INSEE tablent sur une progression de 0, 7%. Lors de votre audition par la commission des affaires sociales le 25 juin dernier, vous avez déclaré, madame la ministre, que cet objectif de 1 % était atteignable – cela relève un peu de la foi du charbonnier ! Nous savons bien que ce n’est pas le cas !

Dans son avis du 5 juin dernier, le Haut Conseil des finances publiques a rappelé qu’avec une croissance nulle au premier trimestre, la prévision de 1 % supposait une forte accélération de l’activité au deuxième trimestre. Et cette accélération n’apparaît cependant pas dans les indicateurs conjoncturels. La Cour des comptes l’a d’ailleurs récemment rappelé en ces termes « dépenses sous-évaluées et recettes surévaluées ».

Relancer la croissance et l’emploi nécessite de mettre en place de véritables mesures structurelles, que vous refusez pourtant systématiquement. J’ai déjà eu l’occasion de le dire à maintes reprises à cette tribune : nous devons absolument engager une réforme globale et pérenne. Nous ne pouvons plus nous contenter de mesures conjoncturelles.

Comme le souligne très justement et avec une grande franchise le rapporteur général, « Il ne s’agit pas de 50 milliards d’économies sur nos dépenses actuelles, mais de 50 milliards de moins que l’évolution spontanée de la dépense. Si nous restions sur la même trajectoire tendancielle, nous dépenserions 120 milliards de plus sur les trois prochaines années. » N’est-ce pas, monsieur le rapporteur ? §« Le pacte de responsabilité consiste à ne dépenser ″que″ 70 milliards supplémentaires. » Les déficits vont donc continuer de se former.

Concernant la protection sociale, le travail d’analyse élaboré par la mission commune d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, qui s’est réunie ce matin, souligne en effet une nécessité – même si je n’approuve pas ses conclusions – : celle de revoir le financement de la protection sociale, qui, selon moi, ne peut plus être supporté par le monde du travail et doit être reporté pour partie sur la fiscalité.

À plusieurs reprises, j’ai soulevé, avec mon ancien collègue Alain Vasselle, cette orientation nécessaire, en prévoyant, par exemple, une augmentation de la CSG ou de la TVA.

Nous ne pourrons pas éternellement faire peser sur la médecine de ville, la biologie médicale et les dépenses de médicaments les économies nécessaires, même si, j’en conviens, il existe encore des distorsions inacceptables.

Il faudra aussi, par exemple, admettre que l’égal accès de tous aux soins basé sur la proximité est une tromperie. Je le dis sans détour : qualité ne rime plus aujourd'hui avec proximité. L’hospitalisation publique est en souffrance. Pour avoir voulu conserver un trop grand nombre de centres hospitaliers, la qualité des soins s’est délitée, spécialité par spécialité. Quand allez-vous vous attaquer, madame la ministre, à ce chantier, qui est, j’en conviens, difficile ?

Nous sommes tous responsables, mais, je le répète, il y a urgence.

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