Pour le reste, si l’exercice est exceptionnel, le contenu de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 ne l’est pas ! Celui-ci semble n’être qu’un texte d’affichage. Les allégements de cotisations salariales pour les salariés les moins rémunérés, ainsi que la baisse des cotisations sociales des employeurs et des travailleurs indépendants ne s’appliqueront qu’en 2015, c’est-à-dire un an après les annonces du Président de la République. Certes, ces mesures vont dans le bon sens, mais je crains qu’elles ne soient pas suffisantes.
S’agissant des allégements de cotisations salariales, je m’étonne des inégalités flagrantes entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public. Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre, sur ce point précis ? Surtout, malgré les propos du rapporteur pour avis de la commission des finances, nous ignorons totalement comment ces mesures seront compensées.
Vous avez des intentions, vous envisagez certaines directions. Mais s’agira-t-il d’une hausse de la TVA, d’une augmentation de la CSG ? Nous n’avons aucune visibilité en la matière. Le rapporteur général lui-même reconnaît manquer d’éclairage sur ce point : « Nos questions sont restées sans réponse à cet égard, nous en saurons plus à l’automne, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Il ne s’agira sans doute pas de nouvelles mesures fiscales mais d’une tuyauterie complexe entre l’État et la sécurité sociale – reste à savoir comment elle sera alimentée. » Nous ne savons pas non plus, madame la ministre, comment vous comptez compenser la disparition progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés.
J’espère que vous pourrez nous apporter des réponses, que je n’ai malheureusement pas entendues dans votre intervention liminaire.
Je m’inquiète également, comme beaucoup, du gel de la revalorisation des retraites. Certes, les retraités les plus modestes ne seront pas touchés par cette mesure qui ne concernera pas les pensions inférieures à 1 200 euros. Pour autant, elle affectera une nouvelle fois les classes moyennes, qui, après le report de six mois de la revalorisation des pensions, seront à nouveau les sacrifiées de votre politique. Dans les faits, cela revient à un gel des retraites de dix-huit mois, ce qui n’est pas supportable pour beaucoup de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai des amendements.
En revanche, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait supprimé le gel de l’allocation de logement familiale et se soit opposée à un futur gel des pensions d’invalidité et des rentes AT–MP, ce qui est la moindre des choses.
Madame la ministre, vous avez fait adopter, par l’Assemblée nationale, un amendement visant à redéfinir le cadre de la recommandation temporaire d’utilisation, la RTU, pour les médicaments nouveaux, ce qui devrait permettre, par exemple, de substituer le Lucentis par l’Avastin dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge. C’est une excellente initiative, qui mérite d’être saluée !
Actuellement, seul le Lucentis a une autorisation de mise sur le marché sur cette indication pour un coût mensuel d’environ 900 euros, alors que de nombreux pays et beaucoup de services hautement qualifiés de notre pays observent les mêmes résultats avec l’Avastin, pour un coût vingt fois moindre, ce qui pourrait engendrer une économie de 400 millions d’euros pour la sécurité sociale. À plusieurs reprises, avec un certain nombre de collègues députés, j’avais demandé que l’on se penche sur le bien-fondé de l’interdiction de l’Avastin. C’est chose faite, et je vous en félicite, madame la ministre. Cette disposition nous permettra peut-être d’ailleurs de franchir une étape dans le domaine des RTU pour ce qui concerne d’autres médicaments.
Je tenais également à soutenir la proposition du rapporteur général d’augmenter la réduction forfaitaire par heure déclarée accordée aux particuliers employeurs. C’est une excellente mesure, que la commission a d’ailleurs adoptée à l’unanimité.
En juin dernier, le ministre des finances avait jugé nécessaire une aide fiscale pour enrayer la crise qui frappe l’emploi à domicile. J’espère que le Gouvernement restera sur cette position, alors la Cour des comptes vient de présenter un rapport dans lequel elle préconise de réviser la niche fiscale des emplois à domicile et de réduire la liste des services éligibles. Les sages de la rue Cambon semblent penser que le système coûte cher et que son impact sur l’emploi se révèle limité.
Pourtant, nous le savons bien, la suppression de la déclaration au forfait a porté un mauvais coup aux emplois à domicile. Selon la Fédération des particuliers employeurs de France, le volume d’heures déclarées a reculé, en 2013, de 7, 8 %, et le nombre d’employeurs a baissé de 3, 1 %. Sur ce point précis, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, la position du Gouvernement ?
Dans un autre document récemment publié, la Cour des comptes a certes certifié les comptes de 2013, mais tout en soulignant que, concernant la branche maladie, les prestations injustifiées versées représenteraient en fait le double de celles qui sont évaluées par la CNAM, soit 900 millions d’euros au lieu de 430 millions d’euros. Cette question mérite, à mon avis, d’être approfondie.
Enfin, je souhaite profiter de ce débat pour aborder la situation catastrophique des laboratoires de biologie médicale indépendants.
Lors de l’examen du texte qui est devenu la loi du 30 mai 2013, le groupe RDSE vous avait alertée sur les dangers de cette réforme : elle impose des normes industrielles particulièrement lourdes et inadaptées aux petites structures indépendantes, qui les mettent en grande difficulté financière. Aujourd’hui, les laboratoires de proximité sont contraints de vendre à des groupes financiers qui licencient le personnel et suppriment les machines. Ils sont devenus de simples centres de prélèvements. Franchement, cette réforme qui soumet les laboratoires de biologie encore indépendants aux ukases du COFRAC, le Comité français d’accréditation, est une erreur. Il serait, à mon avis, temps de revenir sur ces mesures