Madame la garde des sceaux, il vous aura fallu beaucoup de ténacité, de courage, d’obstination et de volonté pour parvenir à ce 17 juillet, à ce jour où, nous l’espérons, sera votée cette réforme pénale que, malgré les critiques, les caricatures, les insultes, vous avez menée avec beaucoup de force et, également, un sens du dialogue et de l’écoute digne d’être souligné.
Il est rare, voire, me semble-t-il, sans précédent, qu’un texte de loi de cette importance soit précédé d’une concertation longue de dix-huit mois.
Il y a d’abord eu un groupe de travail présidé par Mme Nicole Maestracci, puis cette grande conférence de consensus au cours de laquelle tous les professionnels de la justice – magistrats, avocats, greffiers –, ainsi que les représentants de l’administration pénitentiaire, de la police et de la gendarmerie se sont exprimés. Toutes celles et tous ceux qui ont participé à ces deux jours de rencontre en ont été marqués ! Les détenus ont également été entendus, tout comme, bien sûr, les victimes. Enfin, un grand débat national, organisé au siège de l’UNESCO, a permis d’aborder diverses questions : le sens de la justice, son but, son efficacité, les attentes de nos concitoyens à cet égard…
C’est donc au travers de ce parcours tout à fait remarquable et sans précédent, je le redis, que ce texte de loi a été préparé.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que je tienne également à rendre hommage à mon collègue et ami Jean-Pierre Michel.
Je lisais ces jours derniers un nombre conséquent d’articles sur ce très vieux thème – cette littérature, vous le savez, est ancienne comme le Sénat – de l’utilité de la Haute Assemblée. Celle-ci joue un rôle éminemment important car, sans bicamérisme, il n’y a pas d’écriture de la loi : ni la navette ni ce travail collectif par lequel, progressivement, mot après mot, phrase après phrase, la loi s’élabore ne sont possibles !
Le Sénat démontre son existence quand, en son sein, des paroles fortes sont entendues, et c’est pourquoi je veux rendre hommage à Jean-Pierre Michel. Son rapport, j’en ai la conviction, était totalement fidèle à l’esprit de la loi. Il tirait les conséquences du texte, mais indiquait aussi avec netteté ce qui avait motivé son élaboration, quel était l’objectif attendu et pourquoi, en particulier, il convenait de revenir sur le sens de la peine et de créer de nouvelles peines, bien définies.
Aux caricatures qui, il est vrai, ont été brossées, vous avez, cher Jean-Pierre Michel, répondu avec beaucoup de talent. En un sens, celles-ci vous honorent ! Vivre, c’est lutter, à en croire Victor Hugo, qui avait bien raison de le penser !
Le Sénat est donc fort quand des paroles fortes s’énoncent en son sein. Ce fut très souvent le cas, beaucoup plus qu’on ne le prétend, et nous sommes honorés que notre rapporteur ait su, comme vous-même, madame la ministre, défendre l’esprit de cette loi.
La commission mixte paritaire est donc parvenue à un accord, dans des conditions que vous connaissez, mes chers collègues, celles d’un dialogue, parfois sans concession, parfois difficile, avec des demandes, des exigences, des compromis, et des points auxquels nous étions profondément attachés.
Je tiens à en citer trois.
Tout d’abord, la contrainte pénale est une vraie peine. M. le rapporteur avait proposé que cette peine fût la seule possible pour un certain nombre de délits. Ce ne sera pas le cas, conformément à l’accord que nous avons passé avec l’Assemblée nationale. Mais, à l’occasion de l’extension du dispositif à tous les délits, qui, selon les termes du projet de loi, aura lieu dans quelques années, on s’interrogera sur la possibilité de reprendre cette idée. C’est une des conclusions de la commission mixte paritaire.
Par ailleurs, le travail accompli par le passé, en particulier par Jean-René Lecerf, ayant été cité, je souligne quel a été notre extrême attachement à ce que l’on ne revînt pas sur les décisions prises lors du vote de la loi pénitentiaire et sur les aménagements de peine pour les non-récidivistes et les récidivistes.
Nous savons bien – on nous l’a suffisamment répété – qu’un arbitrage, pour reprendre le terme habituellement employé, a été rendu voilà quelque temps, mais nous considérons que le Parlement doit faire la loi. Le fait que le Sénat ait unanimement voté ces aménagements de peines et le renouvellement, voilà quelques semaines, de ce vote unanime constituaient de puissants arguments. Il y a donc eu un accord sur cette question, le Gouvernement ayant aussi marqué son accord.
C’est un point très important car, tout le monde le sait, une volonté d’en finir avec les sorties sèches est affichée dans ce projet de loi. Or, en finir avec les sorties sèches, cela signifie préparer et aménager la sortie de prison, de sorte qu’un individu, après six, sept, huit, dix ans de détention, ne se retrouve pas un beau matin sur le trottoir, sans attache familiale, sans environnement social, sans logement, sans travail.
La prison est une institution nécessaire et forte de la République. D’ailleurs, madame la ministre, je me réjouis que vous veniez très bientôt en inaugurer une dans le département du Loiret. Ces établissements pénitentiaires ont trois missions, toutes absolument indispensables : protéger la société, punir et préparer la réinsertion. La préparation de la sortie de prison est donc une dimension très importante de ce projet de loi, à laquelle il faudra consacrer des moyens, et nous serons très vigilants, sur toutes les travées, à cette question des moyens, qui sont véritablement essentiels.
Enfin, le dernier point auquel nous étions très attachés concerne la justice des mineurs., vous savez mieux que personne, madame la ministre, combien il fallut parfois discuter et convaincre pour parvenir au communiqué que vous avez bien voulu publier un lundi, à dix-sept heures, alors que la commission mixte paritaire se déroulait le mardi à dix heures trente.
Envers et contre tout, en dépit des démagogies et des polémiques, nous considérons que les mineurs sont des êtres en devenir et nous restons fidèles à l’ordonnance de 1945, même modifiée trente-sept fois, car c’est un texte qui peut toujours être amélioré. Nous estimons donc que l’engagement, pris par vous-même, madame la ministre, et, comme vous venez de l’indiquer à la tribune, par l’ensemble du Gouvernement, d’organiser au cours du premier semestre de l’année 2015 un débat autour d’un projet de loi sur la justice des mineurs et les tribunaux correctionnels pour mineur est un engagement très fort.
Nous sommes parvenus à un accord sur de nombreux autres sujets, que Jean-Pierre Michel a évoqués. Effectivement, les discussions fructueuses avec Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, que je tiens à saluer, avec Dominique Raimbourg, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, qui partage avec notre rapporteur une même passion pour la justice, ont été précieuses, tout comme les dialogues constants avec l’ensemble des membres du Gouvernement, les équipes de Matignon et celles de la Présidence de la République ayant suivi ce dossier. Je tiens à le préciser, et chacun se reconnaîtra.
L’histoire le dira, mais cette date du 17 juillet 2014 pourrait être importante dans l’histoire de notre justice, car ce projet de loi a pour philosophie de rompre avec le « tout carcéral ». Il s’agit d’affirmer que nous voulons l’impunité