Intervention de Philippe Leroy

Réunion du 17 juillet 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe LeroyPhilippe Leroy :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord m’associer aux vœux de bonne santé qui ont été adressés à M. le ministre. C’est un homme solide, et je ne doute pas qu’il s’agira d’un simple épisode, qui nous rappelle toutefois à tous la nécessité de se ménager.

Je remercie Daniel Raoul d’avoir su présider nos débats alors qu’il n’était pas, a priori, un homme de la terre : il s’est initié à ces questions avec une grande efficacité.

Enfin, je voudrais évidemment saluer la fougue et le talent remarquable de mon collègue rapporteur Didier Guillaume, grand connaisseur des affaires agricoles.

Je me contenterai, pour ma part, d’évoquer le tiers du territoire français occupé par la forêt.

Les forestiers ont depuis longtemps une longueur d’avance sur les spéculations des agriculteurs. La plurifonctionnalité de la forêt – fonction économique, fonction sociale et fonction environnementale – remonte en effet à la Renaissance. Les forestiers ont historiquement une vocation écologique.

Je voudrais retracer brièvement les points importants qui ont été abordés au cours des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale. Mon appréciation sur les résultats de ces travaux est globalement positive, même s’il subsiste un ou deux motifs d’inquiétude.

Ainsi, la mise en place du Fonds stratégique de la forêt et du bois, prévue par M. Le Foll dès la loi de finances pour 2014 et officialisée dans ce projet de loi, me semble une bonne chose.

Au Sénat, nous avons souhaité, avec l’accord du ministre, transformer ce fonds stratégique, qui s’apparente pour le moment à une simple ligne budgétaire, en compte d’affectation spéciale, de façon à lui conférer la pérennité indispensable à l’effort forestier.

Cependant, aux termes de la Constitution, seule une loi de finances peut créer un compte d’affectation spéciale. En dépit des hésitations des uns et des autres, nous souhaitons donc que le Gouvernement inscrive cette création dans la prochaine loi de finances. Je sais que nous pouvons compter sur l’appui du ministre de l’agriculture, ainsi que sur le vôtre, madame la secrétaire d’État.

La forêt française a absolument besoin d’un tel fonds pour se renouveler et s’adapter au changement climatique. Ce renouvellement de la forêt entraînera d’ailleurs des récoltes supplémentaires, indispensables pour satisfaire les besoins de la filière bois-énergie et ceux de l’industrie du bois. En effet, des conflits d’usage importants sont apparus un peu partout en France, engendrant des difficultés pour les industries de panneaux de particules, dans l’Est, ou les grandes papeteries de Saint-Gaudens et de Tarascon, dans le Sud. Nous pourrons en partie lever ces difficultés par la relance des investissements forestiers et la création de ce compte d’affectation spéciale, qui donnera aux forestiers la possibilité de relancer une politique de plantation et de régénération favorable à nos intérêts, tant environnementaux qu’économiques.

Le regroupement de la petite propriété forestière constitue un autre point fondamental du texte.

La France compte 3, 8 millions de propriétaires forestiers, dont 200 000 seulement possèdent plus de dix hectares. Au total, il existe donc, sur notre territoire, de 3 millions à 4 millions d’hectares de forêt privée très morcelée. Ce phénomène de morcellement, lié à la déprise agricole, se poursuit aujourd’hui. Nous perdons encore des terres agricoles, souvent dans des zones de montagne, au profit d’un boisement naturel et désordonné.

Ce sujet, qui intéresse des millions de petits propriétaires, doit être abordé avec beaucoup d’humilité.

On peut postuler que toutes les forêts publiques sont bien gérées, l’Office national des forêts étant un gestionnaire avisé, de même que toutes les forêts privées de plus de dix hectares, qui relèvent de plans simples de gestion. En revanche, la gestion des forêts privées de taille inférieure n’est pas maîtrisée.

Soyons modestes, toutefois : dans cette affaire, personne ne détient la vérité. En raison de la diversité des propriétaires et des régions, il est impossible d’appliquer un modèle unique, et aucune profession forestière ne peut prétendre au monopole du regroupement des petites forêts.

Le projet de loi s’attaque à ce problème, avec la création des groupements environnementaux de gestion forestière. C’est une très bonne idée, mais il faut savoir que, dans le petit monde de la forêt, chacun des acteurs – les experts, les coopératives, les centres régionaux de la propriété forestière – aspire à jouer un rôle plus important que les autres. Quant aux documents de gestion, ils sont variés, entre les plans simples de gestion, soutenus par les experts, et les codes de bonnes pratiques forestières.

Il faut laisser vivre cette diversité, celle des professions forestières comme celle des systèmes de gestion, pour que les petits propriétaires aient envie de se regrouper. Il s’agit non pas de leur imposer un modèle unique à travers toute la France, mais de leur proposer une variété de professionnels et de solutions permettant à chacun d’avancer.

Nous verrons dans dix ans, lorsque viendra le temps d’élaborer une nouvelle loi forestière, ce qu’il en sera de la petite propriété forestière morcelée. Dans l’immédiat, ce texte, tel qu’amélioré par l’Assemblée nationale et par quelques amendements que je présenterai au cours de cette deuxième lecture, devrait nous permettre de progresser avec humilité vers la résolution de ce problème du regroupement des petites propriétés forestières, ce qui entraînera une amélioration de la nature des forêts et une augmentation des récoltes. C’est la paix entre tous qu’il nous faut : 3 millions de propriétaires, c’est autant de solutions différentes !

Par ailleurs, le Sénat a largement contribué à trouver les termes d’un gentlemen’s agreement entre les forestiers et les chasseurs. Dieu que c’est compliqué ! Étant pour ma part à la fois forestier et chasseur, je suis parfois déchiré : j’aimerais pouvoir déjeuner avec les uns et les autres, réunis autour d’une même table ! Fait suffisamment rare pour ne pas être souligné, l’Assemblée nationale, inspirée par une forme de sagesse sénatoriale

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