Séance en hémicycle du 17 juillet 2014 à 21h30

Résumé de la séance

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  • forêt
  • l’agriculture

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris qu’une catastrophe aérienne s’était produite tout à l’heure en Ukraine, où un avion de ligne transportant près de 300 personnes, dont plusieurs Français, a été abattu dans des conditions qui sont encore mystérieuses. Nous nous inclinons devant la mémoire des victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Lors du scrutin public n° 210 du 4 juillet 2014 sur les amendements tendant à supprimer l’article 1er du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, notre collègue Robert Navarro souhaitait ne pas prendre part au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (projet n° 718, texte de la commission n° 744, rapport n° 743).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État. §

Debut de section - Permalien
Carole Delga

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous donner des nouvelles de Stéphane Le Foll, qui a été victime ce matin dans l’Aude, où il s’était rendu pour soutenir les viticulteurs touchés par la grêle, d’un léger malaise lié à la forte chaleur. Il va bien, et les résultats des examens médicaux qu’il a subis sont positifs. Vous le connaissez : c’est un ministre engagé, …

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … très travailleur, toujours dans l’action, qui parfois ne se ménage pas assez. Après une bonne nuit de repos, il sera parmi vous demain, pour la suite de l’examen de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Il m’a chargée de vous transmettre ses salutations les plus cordiales, les plus agricoles !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

Ce soir, vous devrez accepter un changement d’accent, de celui de la Sarthe à celui du Comminges.

Le texte que nous allons examiner en deuxième lecture a été enrichi par le travail parlementaire. En première lecture, 626 amendements ont été adoptés à l’Assemblée nationale et 462 au Sénat. Une large majorité s’est dégagée dans chacune des chambres pour le voter, ce qui témoigne de la pertinence des mesures qu’il comporte.

Après la première lecture, de bons compromis ont pu être trouvés sur des points essentiels.

Tout d’abord, sur les objectifs des politiques agricoles et forestières, la discussion a été riche dans les deux assemblées. Nous avons maintenant matière à fixer des objectifs clairs, qui engageront les filières agricoles et forestières dans la voie de la triple performance économique, sociale et environnementale.

S’agissant des groupements d’intérêts économiques et environnementaux, les GIEE, leur cadre est désormais suffisamment précis, sans pour autant être rigide, ce qui permettra le développement sur l’ensemble des territoires de structures collectives pour accompagner les projets des agriculteurs et promouvoir les changements nécessaires des pratiques agricoles, en vue d’aller vers l’agroécologie chère à Stéphane Le Foll.

Pour ce qui concerne le bail environnemental, l’équilibre trouvé au Sénat, avec le soutien du Gouvernement, a été confirmé par l’Assemblée nationale. Ce bail est désormais recentré sur un objectif de maintien de bonnes pratiques environnementales. Il permettra d’éviter une régression, sur les terres louées, des pratiques favorables à l’environnement mises en place par le fermier sortant.

Par ailleurs, le travail des deux assemblées a permis d’entériner le transfert de la délivrance des autorisations de mise sur le marché, les AMM, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, en prévoyant une répartition des rôles entre un directeur général qui délivre les autorisations et un comité de suivi qui l’assiste. Nous disposerons ainsi d’une procédure plus réactive que celle qui est actuellement en vigueur. Le dispositif sera parachevé avec un renforcement des capacités de l’ANSES en matière de personnel.

Pour ce qui concerne la forêt, l’équilibre trouvé au Sénat entre les chasseurs et les forestiers a été complété en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale, par un renforcement de la concertation à l’échelon départemental, au plus près des réalités de terrain.

Le comité paritaire créé à l’échelon régional travaillera en étroite concertation avec les commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage sur les questions relatives à l’équilibre sylvo-cynégétique, ainsi que sur le maintien de la compatibilité entre les schémas départementaux de gestion cynégétique et les futurs programmes régionaux de la forêt et du bois.

Concernant l’enseignement supérieur, la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, l’IAVFF, a été adoptée dans les deux assemblées, avec les ajouts introduits par le Sénat en première lecture, relatifs à ses membres – des établissements de recherche sous tutelle du ministère –, à son champ de compétence – participation à l’élaboration de la stratégie nationale de la recherche, par exemple – et à sa gouvernance : le conseil d’administration sera assisté d’un conseil d’orientation stratégique, un conseil des membres sera instauré, des règles de majorité sont prévues pour la prise de certaines décisions importantes.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

L’Assemblée nationale a approfondi certains sujets en deuxième lecture.

Comme Stéphane Le Foll s’y était engagé devant vous en première lecture, l’élargissement des cas de préemption par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, a été parachevé par l’adoption de deux amendements du Gouvernement traitant de la préemption sur les démembrements de propriétés entre usufruit et nue-propriété et de la possibilité de dissocier le bâti des terres.

Le registre des actifs agricoles a fait l’objet d’amendements au Sénat afin d’y inclure tous les actifs, quelle que soit la forme d’exploitation : retraités, pluriactifs, sociétés. En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a précisé le fonctionnement du registre et les rôles respectifs de la Mutualité sociale agricole et des chambres d’agriculture.

Sur la question importante des compensations agricoles, le Sénat avait introduit, en première lecture, le principe d’une compensation en nature des pertes de terres agricoles. Le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale un amendement visant à finaliser le dispositif. Il s’agit de compenser les pertes de potentiel agricole par le financement de projets permettant de recréer de la valeur ajoutée sur le territoire affecté par les grands projets ou ouvrages.

Il reste bien sûr du travail à accomplir, certains sujets nécessitant encore des améliorations.

Concernant le foncier, nous aurons à discuter de nouveau du champ de compétence de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF, et de la portée de ses avis. Je tiens à réaffirmer la volonté du Gouvernement de donner à cette commission un large champ d’action, tout en limitant les avis conformes à certaines zones à forts enjeux.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

Par ailleurs, si nous sommes bien sûr conscients de la nécessité d’adapter le dispositif existant pour faire face aux attaques de troupeaux par les loups, il ne faut pas oublier que nous sommes tenus au respect de nos obligations communautaires et internationales. Je pense qu’une solution équilibrée pourra être trouvée.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

S’agissant de la protection des personnes vulnérables, il n’a bien sûr jamais été question d’interdire l’utilisation des produits phytosanitaires autour de toutes les zones bâties. En revanche, des mesures de protection particulières sont nécessaires pour les publics vulnérables, c’est-à-dire près des maisons de retraite, des écoles ou des hôpitaux. Le Gouvernement souhaite privilégier la mise en œuvre de dispositifs empêchant la dérive de produits phytosanitaires, tels que les haies et les buses anti-dérives ou toute autre mesure de précaution d’effet comparable.

Enfin, nous reviendrons également sur le défrichement en vue de la reconquête des espaces agricoles. Les dispositions votées en deuxième lecture à l’Assemblée nationale sont de nature à satisfaire aux objectifs visés. Elles évitent de fragiliser la réglementation sur le défrichement des bois et forêts, dont l’intérêt général est à juste titre reconnu par le projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les grandes lignes du débat qui nous attend. Il s’agit de faire en sorte que le dispositif de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt atteigne sa pleine efficacité et permette une totale réussite. Le Gouvernement porte une attention particulière à l’agriculture, à la ruralité et à l’aménagement du territoire. Ce texte démontre que des évolutions sources de développement économique et de meilleure protection de l’environnement sont possibles. Il importe par-dessus tout de conserver le lien qui unit indéfectiblement les Françaises et les Français à leurs terres et à leurs territoires. §

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie tout d’abord de nous avoir donné des nouvelles rassurantes du ministre de l’agriculture. J’espère que Stéphane Le Foll nous reviendra bientôt en pleine forme, mais je ne doute pas que, en attendant, vous saurez parfaitement le remplacer au banc du Gouvernement, vous qui connaissez bien les questions agricoles et la ruralité.

Contrairement à la loi d’orientation agricole de 2006 et à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010, le présent projet de loi fait l’objet de deux lectures. Le Gouvernement a fait ce choix afin de laisser la discussion au Parlement s’approfondir, en vue d’atteindre l’objectif que nous visons tous : favoriser l’émergence d’une agriculture équilibrée, moderne, transformée, ouverte sur l’agroécologie. C’est un choix judicieux, car les lectures successives ont permis d’améliorer le texte initial.

Je tiens vraiment à remercier le président Daniel Raoul, dont la sagesse et les qualités d’animateur sont unanimement reconnues, d’avoir donné la possibilité à tous les membres de la commission des affaires économiques, quel que soit leur groupe politique, de s’exprimer pour faire évoluer le projet de loi, l’améliorer. Je suis très fier d’être le rapporteur d’un texte qui a été coproduit, coconstruit par le Gouvernement et les deux assemblées.

Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, lors de la première lecture, les députés avaient adopté 408 amendements en commission et 218 en séance publique : c’est beaucoup pour un texte de ce type. Le Sénat avait, quant à lui, adopté 245 amendements en commission et 219 en séance publique.

Au-delà des chiffres, deux points sont à souligner.

En premier lieu, la discussion de ce texte a été marquée par une volonté de pragmatisme, de dépassement des clivages partisans, au rebours de tout dogmatisme. Si un nouveau projet de loi a été déposé, c’est sans nul doute parce que l’agriculture a besoin que nous lui apportions les meilleures garanties pour qu’elle puisse développer sa compétitivité et sa contribution à l’aménagement du territoire, et surtout pour que les femmes et les hommes qui ont choisi ce secteur d’activité puissent vivre de leur travail.

En second lieu, le Sénat a imprimé fortement sa marque sur ce texte lors de la première lecture. Nous avons soutenu l’ambition politique du projet de loi, qui est d’assurer la transition vers l’agroécologie, c’est-à-dire d’aller vers une agriculture qui soit plus durable, tout en étant économiquement performante. C’est là un point essentiel. Ne nous perdons pas dans de faux débats : c’est sur ces deux pieds que l’agriculture française doit marcher.

Dans cette perspective, nous avons suivi une ligne directrice, visant à mieux prendre en compte les conditions concrètes d’exercice de leur activité par les agriculteurs et à leur simplifier la vie. Sur de nombreux sujets, je pense que nous y sommes parvenus.

Trois piliers doivent fonder notre agriculture : la compétitivité, l’efficacité, la modernité au travers de l’agroécologie.

Oui, nous l’affirmons, l’agriculture doit être compétitive, sur le plan interne et à l’export. Notre agriculture ne saurait se borner à l’autosuffisance ; ses productions doivent pouvoir être exportées.

L’efficacité est absolument indispensable, même si tous les modes agraires sont bien sûr importants.

Enfin, l’agriculture doit se tourner vers la modernité, c’est-à-dire vers l’agroécologie. Ne regardons pas en arrière, ne soyons pas figés, ne faisons pas comme nous avons toujours fait, dans ce secteur, depuis cinquante ans.

Dans cet esprit, plusieurs dispositions importantes ont été adoptées par le Sénat en première lecture.

Aux articles 1er et 3, nous avons précisé les conditions de reconnaissance des GIEE, en réclamant qu’ils répondent à une exigence de triple performance économique, sociale, environnementale. C’est là pour nous un point essentiel. Le Sénat peut être fier d’avoir été à l’initiative de cet ajout.

À l’article 4, nous avons permis l’extension du bail environnemental, mais en prévoyant un garde-fou important : ne pas imposer aux agriculteurs de nouvelles contraintes auxquelles ils ne pourraient faire face.

À l’article 5, nous avons cherché à simplifier la procédure d’agrément concernant les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC. Nous y sommes parvenus.

Afin de fluidifier les relations entre bailleurs et preneurs, nous avons aussi apporté quelques retouches au statut du fermage, sans en remettre en cause les grands équilibres.

À l’article 6, nous avons aménagé la clause miroir pour les coopératives, tout en prenant garde à ne pas mettre en place des usines à gaz qui empêcheraient les coopératives d’aller de l’avant et d’être, elles aussi, compétitives. Ce sujet a fait l’objet de longues discussions, plusieurs d’entre nous étant des coopérateurs ou d’anciens coopérateurs.

À l’article 8, nous avons assoupli le cadre applicable aux accords interprofessionnels, pour prévenir tout blocage des interprofessions, qui sont indispensables à la structuration de nos filières.

En ce qui concerne la protection des terres agricoles, nous avons confirmé les prérogatives des CDPENAF, en ne permettant pas, toutefois, que leur avis puisse entraîner un blocage, sauf dans un cas très particulier : celui de l’atteinte substantielle à des surfaces agricoles situées dans les aires des appellations d’origine protégée. Il faut faire confiance à l’intelligence des territoires et aux élus de terrain. Ne les dessaisissons pas de leurs prérogatives, comme ce serait le cas si un avis conforme de la CDPENAF était requis dans toutes les situations.

Le Sénat est dans son rôle lorsqu’il défend les prérogatives des élus. Laissons aux responsables de terrain le soin d’organiser la protection des terres agricoles. Qui mieux qu’eux connaît la situation locale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ainsi, nous avons assoupli le cadre très rigide qui interdit aux agriculteurs de rénover ou d’agrandir les bâtiments en zone agricole pour s’y loger. Nous aurons de nouvelles propositions à formuler sur ce point.

À l’article 13, alors que, en première lecture, les députés avaient déjà renforcé les prérogatives des SAFER, nous avons permis à ces dernières d’intervenir sur les biens mixtes, à la fois bâtis et non bâtis. Cela nous semblait important.

C’est aussi le pragmatisme qui nous a guidés concernant le registre des actifs agricoles. Nous avons eu de longues discussions sur ce sujet et nous nous sommes accordés sur l’intérêt de ce registre, que nous avons étendu à tous les agriculteurs, y compris les pluriactifs et les dirigeants salariés d’exploitation.

Nous avons également introduit l’idée de compensation agricole des grands projets, à l’instar de ce qui existe en matière de compensation environnementale.

Le volet sanitaire du projet de loi a lui aussi été modifié en première lecture par le Sénat, afin de préciser, à l’article 18, le champ de responsabilité des chasseurs, monsieur Mirassou, en matière de surveillance et de prévention des maladies du gibier et de mieux organiser le transfert à l’ANSES de l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Par pragmatisme toujours, nous sommes revenus sur la fausse bonne idée de plafonner les marges sur les antibiotiques vétérinaires d’importance critique.

Nous avons également apporté des changements importants au volet relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, notamment en imposant un pourcentage minimal d’élèves titulaires d’un baccalauréat professionnel agricole pour l’accès aux sections préparatoires au brevet de technicien supérieur agricole. Il est important de ménager des passerelles. Nous avons eu de longs débats sur cette question avec Mme Férat en première lecture, et je ne doute pas que nous en aurons encore, mais avançons en tout cas dans cette direction. Nous devons nous donner les moyens d’amener le plus grand nombre possible d’élèves dans les classes supérieures de l’enseignement agricole.

Nous avons en outre renforcé l’organisation de l’IAVFF, faisant ainsi œuvre utile pour la recherche, le développement universitaire et la mise en réseau des structures à l’échelle européenne et internationale.

Enfin, lors de la première lecture, nous avons adopté des dispositions nouvelles très importantes.

Ainsi, nous avons permis l’ouverture d’espaces de communication pour les produits frais sur les chaînes de radio et de télévision publiques, à la demande notamment de Mme Nicoux.

Nous avons inscrit dans la loi la place éminente du vin dans le patrimoine national. Le Sénat avait fait ce choix pour mettre en avant un produit, connu dans le monde entier, qui nous semble emblématique de la France. L’Assemblée nationale, quant à elle, a souhaité viser également le cidre, les poirés, la bière, les spiritueux. La commission, contre l’avis de son rapporteur, a choisi de rétablir la rédaction que le Sénat avait adoptée en première lecture. Pour ma part, je le dis à cette tribune, je souhaite que nous en revenions à celle de l’Assemblée nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… car un retour en arrière, excluant certains produits, ne serait pas compris et poserait en outre des problèmes économiques.

Nous avons conforté la place des laboratoires départementaux d’analyse.

Surtout, nous avons souhaité permettre aux éleveurs de se défendre en cas d’attaque avérée de loups ; nous y reviendrons.

En deuxième lecture, les députés ont adopté de nombreuses modifications. Si elles ne bouleversent pas l’équilibre du texte qui nous est soumis, certaines d’entre elles nous posent problème, et la commission a décidé de revenir à la rédaction du Sénat, car elle lui paraissait meilleure, plus pragmatique et plus efficace pour l’agriculture française.

Au final, si vingt-deux articles ont fait l’objet d’une adoption conforme dans les deux assemblées, et cinq d’une suppression conforme, soixante articles restent encore en discussion.

La commission n’a pas souhaité remettre en cause certains choix faits par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, qui vont dans le bon sens.

Ainsi, les députés ont eu raison de prévoir l’élargissement des possibilités d’accompagner les GIEE et de diffuser leurs résultats au-delà des seuls organismes du développement rural, mais en donnant un rôle de coordination aux chambres d’agriculture.

Les dispositions visant à favoriser le développement de la méthanisation, de préférence dans un cadre collectif, sont également pertinentes. M. Labbé a déposé de nombreux amendements sur ce sujet.

Je salue aussi la création, à l’article 6, du statut d’associé coopérateur stagiaire, qui va permettre d’encourager l’engagement dans la coopération de nouveaux agriculteurs. Il ne faut pas opposer les uns aux autres, mais le statut coopératif reste encore un modèle pour notre pays.

Les députés ont perfectionné le dispositif, introduit par le Sénat, visant à permettre la compensation agricole des grands projets. À cet égard, je veux saluer particulièrement le travail accompli sur ce thème par notre collègue Jean-Jacques Lasserre. La commission avait mis le pied dans la porte. Il fallait aller plus loin, mais nous n’étions pas tout à fait en mesure de le faire ; nous avions besoin de temps. Les députés ont prévu que la compensation ne sera pas seulement en nature et demandé que les maîtres d’ouvrage prennent des mesures pour consolider l’économie agricole du territoire. Ces dispositions vont dans le sens de ce que nous souhaitions et des propositions de M. Lasserre. Les députés ont bien travaillé en perfectionnant ce dispositif.

Le renforcement du droit de préemption des SAFER sur la nue-propriété et les précisions apportées concernant l’acquisition par celles-ci des biens mixtes, à la fois bâtis et non bâtis, sont très positifs.

Le choix des députés de confier la gestion du registre des agriculteurs actifs aux chambres d’agriculture va dans le bon sens. Nous souhaitions le faire, mais nous n’y étions pas prêts. Je crois que nous sommes unanimes sur ce sujet.

La nouvelle définition des préparations naturelles peu préoccupantes, les PNPP, introduite à l’article 21, permettra peut-être de mettre fin à un débat de plusieurs années sur l’encadrement de cette alternative utile aux pesticides.

Les députés ont encadré plus strictement l’utilisation des pesticides dans certaines zones. Je veux dénoncer ici, une nouvelle fois, l’attitude bien française consistant à s’opposer sur de faux problèmes : la règle des 200 mètres ne figure pas dans le texte ; si tel avait été le cas, je m’y serais opposé en tant que rapporteur, mais il n’en a jamais été question. N’alimentons donc pas un faux débat ! Prenons simplement en compte la situation telle qu’elle est et prévoyons des mesures de précaution pour ce qui concerne les populations fragiles, notamment les enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Enfin, plusieurs amendements tendant à favoriser le dialogue social dans les chambres d’agriculture ont été adoptés.

La commission a cependant souhaité revenir sur d’autres modifications apportées par l’Assemblée nationale, par le biais de l’adoption, lors de sa réunion d’hier, de vingt-quatre amendements.

Ainsi, à l’article 1er, nous avons réaffirmé l’importance de la triple performance économique, sociale, environnementale, au cœur de l’agroécologie. L’Assemblée nationale avait supprimé cette référence, nous l’avons rétablie.

À l’article 8, nous avons supprimé la disposition nouvelle prévue par les députés obligeant l’interprofession forestière à créer des sections par produit, si les représentants de ce produit le demandent. Nous sommes donc revenus à la position que nous avions adoptée en première lecture, mais peut-être le débat permettra-t-il d’avancer sur cette question. Je sais que Mme Bourzai abordera ce sujet.

À l’article 10 bis A, je l’ai déjà dit, la commission a souhaité revenir, contre l’avis de son rapporteur, à la position qu’elle avait adoptée en première lecture, afin que seul le vin soit reconnu comme faisant partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France. Nous en reparlerons.

À l’article 12, nous avons supprimé la possibilité, pour les CDPENAF, d’examiner les PLU, les plans locaux d’urbanisme, des communes situées dans le périmètre de schémas de cohérence territoriale approuvés. Si l’on ajoute l’exigence d’un avis conforme de la CDPENAF, les élus ne serviront plus à rien ! C’est une question de pragmatisme et de bon sens.

Les députés avaient supprimé toutes les dispositions ajoutées par le Sénat pour assouplir les contraintes en matière de construction, d’agrandissement ou de changement de destination des bâtiments en zone rurale. La commission est revenue sur cette suppression, en adoptant un dispositif un peu plus restrictif que celui que nous avions voté en première lecture. Si l’on veut que des jeunes s’installent et prennent la suite de leurs parents, il faut les autoriser à construire leur maison d’habitation, dans la continuité du bâti existant, après avis de la mairie, dans le respect du PLU et du SCOT. Là encore, c’est une question de pragmatisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Je suis sûr que le Sénat s’orientera dans cette direction. À cet égard, nous avons rétabli l’excellent amendement de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet, qui avait été supprimé par l’Assemblée nationale. Nous en débattrons, mais je suis favorable à son maintien.

J’ai entendu les propos que vous avez tenus sur le loup, madame la secrétaire d’État : force est de constater que, pour l’heure, nous ne sommes pas en phase avec le Gouvernement. Pour autant, c’est la première fois qu’une ministre de l’écologie va aussi loin sur ce sujet. Nous n’avons nullement l’intention d’éradiquer l’espèce. Il s’agit tout simplement de permettre aux éleveurs de faire leur travail. Je réaffirme à cette tribune que, entre l’éleveur et le loup, je choisirai toujours l’éleveur, et que, aujourd'hui, il y a incompatibilité entre le pastoralisme et le prédateur.

Madame la secrétaire d’État, faire de la politique, c’est avoir du courage. Avoir du courage, c’est parfois affronter des problèmes dont on pense qu’ils sont quasiment insolubles. Le premier homme à s’être attaqué à l’Everest ne savait pas s’il irait au bout ; le premier ministre qui affirmera, en conseil des ministres européens, qu’il faut remettre à plat la directive « Habitats » et revoir la convention de Berne, qui osera affronter la technocratie européenne sur ce sujet vraiment important aura fait preuve de courage. J’espère que M. Le Foll sera celui-là.

Nous avons aussi réaffirmé la mission de service public des laboratoires départementaux d’analyse.

À l’article 26, nous avons rétabli la création d’un comité national de l’innovation pédagogique disposant de ramifications en régions, afin de pouvoir mieux prendre connaissance de la réalité du terrain. Nous débattrons peut-être de ce sujet en commission mixte paritaire avec nos collègues députés, qui pour leur part se sont prononcés en faveur de l’instauration d’une structure purement parisienne.

Enfin, nous avons complété les dispositions sur le renforcement du dialogue social dans les chambres d’agriculture votées par les députés. C’est un point important.

Au final, il reste peu de points de désaccord. Je ne doute pas que nous parviendrons à trouver des compromis au cours de cette deuxième lecture ou en commission mixte paritaire.

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est parvenu à un point d’équilibre et la plupart des amendements que je présenterai seront de pure coordination.

La future loi ne changera pas brutalement les pratiques agricoles ou tout ce qui a été fait depuis vingt ans, mais il est nécessaire d’évoluer. Notre appareil de formation est fort, mais nous devons aller plus loin dans la recherche, l’innovation, le développement des techniques nouvelles. Nous devons être les meilleurs au monde dans ces domaines !

Tout ne va pas bien dans notre agriculture, alors avançons ! Réfléchissons à la manière de mieux traiter nos sols, aux moyens de dépenser moins de foncier, accomplissons la transition vers l’agroécologie, ce nouvel horizon qui doit orienter nos efforts. Cela n’implique pas de balayer tout ce qui a été fait auparavant. Il s’agit tout simplement de concilier la compétitivité économique, le développement durable et la protection de l’environnement.

Permettez-moi de dire, en conclusion, un mot sur la politique agricole commune. Il y a six mois, personne, dans cet hémicycle, n’aurait imaginé que nous puissions l’emporter à ce point dans la négociation européenne sur la PAC ! Nous craignions tous ce qui allait advenir, mais, grâce à l’action du Président de la République et du ministre de l’agriculture, nous avons sauvé la « ferme France ». Il n’était pas possible d’aller plus loin !

Je rappelle que, dans l’Union européenne, la majorité est non pas social-démocrate, mais conservatrice. Le verdissement de la PAC a été décidé par une Commission à majorité conservatrice. C’est ainsi, monsieur Bizet ! Regardons les choses en face : personne ne s’attendait à ce que nous obtenions autant. Servons-nous donc de cette PAC ! Aujourd'hui, le budget agricole d’un pays ne se limite plus aux crédits inscrits en loi de finances : c’est la conjugaison du budget national et du budget européen. C’est en utilisant le deuxième pilier, en donnant aux régions la possibilité d’attribuer des fonds européens que nous avancerons !

C’est là une nouvelle donne. Je vous demande d’enrichir encore le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, afin de nous tourner vers la modernité, vers l’agroécologie : c’est indispensable pour améliorer notre compétitivité. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord m’associer aux vœux de bonne santé qui ont été adressés à M. le ministre. C’est un homme solide, et je ne doute pas qu’il s’agira d’un simple épisode, qui nous rappelle toutefois à tous la nécessité de se ménager.

Je remercie Daniel Raoul d’avoir su présider nos débats alors qu’il n’était pas, a priori, un homme de la terre : il s’est initié à ces questions avec une grande efficacité.

Enfin, je voudrais évidemment saluer la fougue et le talent remarquable de mon collègue rapporteur Didier Guillaume, grand connaisseur des affaires agricoles.

Je me contenterai, pour ma part, d’évoquer le tiers du territoire français occupé par la forêt.

Les forestiers ont depuis longtemps une longueur d’avance sur les spéculations des agriculteurs. La plurifonctionnalité de la forêt – fonction économique, fonction sociale et fonction environnementale – remonte en effet à la Renaissance. Les forestiers ont historiquement une vocation écologique.

Je voudrais retracer brièvement les points importants qui ont été abordés au cours des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale. Mon appréciation sur les résultats de ces travaux est globalement positive, même s’il subsiste un ou deux motifs d’inquiétude.

Ainsi, la mise en place du Fonds stratégique de la forêt et du bois, prévue par M. Le Foll dès la loi de finances pour 2014 et officialisée dans ce projet de loi, me semble une bonne chose.

Au Sénat, nous avons souhaité, avec l’accord du ministre, transformer ce fonds stratégique, qui s’apparente pour le moment à une simple ligne budgétaire, en compte d’affectation spéciale, de façon à lui conférer la pérennité indispensable à l’effort forestier.

Cependant, aux termes de la Constitution, seule une loi de finances peut créer un compte d’affectation spéciale. En dépit des hésitations des uns et des autres, nous souhaitons donc que le Gouvernement inscrive cette création dans la prochaine loi de finances. Je sais que nous pouvons compter sur l’appui du ministre de l’agriculture, ainsi que sur le vôtre, madame la secrétaire d’État.

La forêt française a absolument besoin d’un tel fonds pour se renouveler et s’adapter au changement climatique. Ce renouvellement de la forêt entraînera d’ailleurs des récoltes supplémentaires, indispensables pour satisfaire les besoins de la filière bois-énergie et ceux de l’industrie du bois. En effet, des conflits d’usage importants sont apparus un peu partout en France, engendrant des difficultés pour les industries de panneaux de particules, dans l’Est, ou les grandes papeteries de Saint-Gaudens et de Tarascon, dans le Sud. Nous pourrons en partie lever ces difficultés par la relance des investissements forestiers et la création de ce compte d’affectation spéciale, qui donnera aux forestiers la possibilité de relancer une politique de plantation et de régénération favorable à nos intérêts, tant environnementaux qu’économiques.

Le regroupement de la petite propriété forestière constitue un autre point fondamental du texte.

La France compte 3, 8 millions de propriétaires forestiers, dont 200 000 seulement possèdent plus de dix hectares. Au total, il existe donc, sur notre territoire, de 3 millions à 4 millions d’hectares de forêt privée très morcelée. Ce phénomène de morcellement, lié à la déprise agricole, se poursuit aujourd’hui. Nous perdons encore des terres agricoles, souvent dans des zones de montagne, au profit d’un boisement naturel et désordonné.

Ce sujet, qui intéresse des millions de petits propriétaires, doit être abordé avec beaucoup d’humilité.

On peut postuler que toutes les forêts publiques sont bien gérées, l’Office national des forêts étant un gestionnaire avisé, de même que toutes les forêts privées de plus de dix hectares, qui relèvent de plans simples de gestion. En revanche, la gestion des forêts privées de taille inférieure n’est pas maîtrisée.

Soyons modestes, toutefois : dans cette affaire, personne ne détient la vérité. En raison de la diversité des propriétaires et des régions, il est impossible d’appliquer un modèle unique, et aucune profession forestière ne peut prétendre au monopole du regroupement des petites forêts.

Le projet de loi s’attaque à ce problème, avec la création des groupements environnementaux de gestion forestière. C’est une très bonne idée, mais il faut savoir que, dans le petit monde de la forêt, chacun des acteurs – les experts, les coopératives, les centres régionaux de la propriété forestière – aspire à jouer un rôle plus important que les autres. Quant aux documents de gestion, ils sont variés, entre les plans simples de gestion, soutenus par les experts, et les codes de bonnes pratiques forestières.

Il faut laisser vivre cette diversité, celle des professions forestières comme celle des systèmes de gestion, pour que les petits propriétaires aient envie de se regrouper. Il s’agit non pas de leur imposer un modèle unique à travers toute la France, mais de leur proposer une variété de professionnels et de solutions permettant à chacun d’avancer.

Nous verrons dans dix ans, lorsque viendra le temps d’élaborer une nouvelle loi forestière, ce qu’il en sera de la petite propriété forestière morcelée. Dans l’immédiat, ce texte, tel qu’amélioré par l’Assemblée nationale et par quelques amendements que je présenterai au cours de cette deuxième lecture, devrait nous permettre de progresser avec humilité vers la résolution de ce problème du regroupement des petites propriétés forestières, ce qui entraînera une amélioration de la nature des forêts et une augmentation des récoltes. C’est la paix entre tous qu’il nous faut : 3 millions de propriétaires, c’est autant de solutions différentes !

Par ailleurs, le Sénat a largement contribué à trouver les termes d’un gentlemen’s agreement entre les forestiers et les chasseurs. Dieu que c’est compliqué ! Étant pour ma part à la fois forestier et chasseur, je suis parfois déchiré : j’aimerais pouvoir déjeuner avec les uns et les autres, réunis autour d’une même table ! Fait suffisamment rare pour ne pas être souligné, l’Assemblée nationale, inspirée par une forme de sagesse sénatoriale

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Mon vœu le plus cher est que la Haute Assemblée ne cherche pas à jouer le rôle de chambre des députés en deuxième lecture ! Je souhaite que nous conservions, sur ce sujet, le texte tel que nous l’avions adopté en première lecture. Il n’est certes pas miraculeux, mais au moins permettra-t-il d’avancer quelque peu et de remiser les couteaux au vestiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Une autre question importante est celle des zones de montagne surboisées. J’aimerais que l’administration pense enfin à elles !

En France, certaines zones manquent de forêts : il faut absolument y empêcher le défrichement, quitte à multiplier par cinq ou six les compensations. En revanche, dans certaines zones de montagne, la forêt est si dense que le paysage se ferme. On me faisait remarquer tout à l’heure le caractère assez effrayant des images du tour de France traversant les Vosges : on ne voyait même plus les coureurs, on ne voyait que des sapins ! À certains endroits, le peloton s’engouffrait dans un tunnel noir. Comment voulez-vous que ces zones puissent conserver une population agricole et continuer à accueillir des touristes ? Elles deviennent purement forestières, purement sauvages, et il est urgent d’assouplir nos règles et de faire évoluer l’idéologie des forestiers en matière de défrichement, au moins pour ces zones surboisées.

À cet égard, l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions qui avaient été adoptées par le Sénat ; je pense qu’il serait sage de les rétablir, pour protéger les zones de montagne où les taux de boisement dépassent 70 %.

Les députés nous ont aussi encouragés à prévoir, dans nos programmes régionaux de la forêt et du bois, des projets de desserte dans tous les massifs. Je crois qu’il ne faut pas aller au-delà. Les députés souhaiteraient que, chaque année, dans chaque département, on élabore un plan de desserte forestière. Il me semble que les problèmes liés à la ressource forestière et à son exploitation doivent se traiter par massif, sur une échelle de nombreuses années. On ne peut pas y revenir tous les ans. Dans cette perspective, le texte adopté par le Sénat en première lecture est sage et permettra d’éviter bien des conflits.

Quoi qu’il en soit, je crois que nous tenons le bon bout, même si nous reviendrons sans doute sur les sujets que je viens d’évoquer au cours du débat. Je souhaiterais à présent exprimer une légère inquiétude quant au problème des interprofessions.

Depuis la disparition du fonds forestier national, qui finançait, voilà dix ou quinze ans, les actions collectives des professions du bois, celles-ci se sont regroupées au plan national pour trouver les moyens de financement nécessaires.

Cela a été compliqué. On a créé une CVO, une contribution volontaire obligatoire ; les agriculteurs connaissent bien ce système. On a créé une taxe sur les produits industriels ; tout le monde l’a acceptée. On avait supprimé le fonds forestier national avec l’accord de tous les professionnels du bois, qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez. Ils sont revenus à des sentiments plus positifs en recréant, avec des moyens financiers nouveaux qu’ils prélèvent dans leurs propres caisses, deux interprofessions, l’une en amont et l’autre en aval. Ces interprofessions se mettent progressivement en place.

Environ 95 % des professionnels souhaitent conserver l’unité, afin de faciliter les actions collectives, notamment en matière de recherche et d’innovation, par exemple pour favoriser l’utilisation du bois dans le bâtiment. L’unité est utile à toutes les essences et à toutes les régions forestières. Seule une infime minorité d’irréductibles – en France, on est un peu gaulois – souhaiteraient créer des interprofessions par région ou par essence. Si nous ouvrons la porte à cette proposition, nous balkaniserons les actions collectives en matière de forêt et d’industrie du bois, ce qui sera préjudiciable à l’avenir.

Je me rallie donc totalement à l’amendement déposé en commission par Didier Guillaume à l’article 8. Oublier, à la faveur d’arguments trop régionaux, la nécessité de conserver en France, au moins pendant encore quelques années, l’unité de ces interprofessions que nous avons eu tant de mal à créer, ce serait un crime contre les actions forestières, au moment où l’État va recréer un fonds stratégique du bois.

Mes chers collègues, j’ai été un peu long. Je voulais être meilleur que Didier Guillaume, ou du moins, comme ce n’est pas possible, le battre en parlant deux fois moins longtemps que lui, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

… mais je n’ai pas réussi mon pari. J’ai tout de même parlé quelques minutes de moins... Quoi qu’il en soit, je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de partager avec moi cette passion pour la forêt. (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je dispose aujourd'hui de douze minutes pour m’exprimer. C’est inhabituel pour notre groupe : nous disposons généralement de six minutes. Je vais quand même essayer de ne pas utiliser l’intégralité de mon temps de parole.

Le lien entre l’agriculture, le territoire, l’alimentation et les citoyens est enfin fait. Pour nous, c’est essentiel. Le projet de loi traduit une véritable volonté de transition – une transition certes souple, mais réelle – dans l’intérêt supérieur de la nation et même au-delà, car la France se doit d’être exemplaire. Stéphane Le Foll a montré sa détermination – il m’est plus facile de la saluer en son absence, et je lui souhaite au passage un prompt rétablissement – à faire de la France le leader européen de l’agroécologie. C’est fort, c’est noble !

En première lecture, un certain nombre de nos amendements – pas mal, même – ont été retenus. En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, les députés écologistes ont obtenu l’adoption de plusieurs amendements. Pour cette deuxième lecture au Sénat, je me suis limité à un peu plus d’une trentaine d’amendements. Parmi eux, il n’y a aucun amendement de facilité : ils ont tous leur cohérence. Je connais le sort qui attend beaucoup d’entre eux. Je souhaiterais cependant qu’on puisse véritablement se pencher sur les plus importants et en débattre malgré les avis défavorables émis par la commission.

Je voudrais dire qu’on entend énormément parler de compétitivité. Il faut conduire des politiques efficaces en termes économiques, en termes de respect des équilibres, en termes sociaux et sociétaux, mais la recherche de la compétitivité à tous crins me dérange. Je souhaiterais qu’on trouve un autre mot que celui-ci, même si je sais qu’il est dans l’air du temps ; nous, nous préférons parler d’efficience ou d’efficacité.

J’en viens à nos amendements.

Le système d’échange de semences entre les groupements d’intérêt économique et environnemental ne nous convient pas. Il est nécessaire que l’échange de semences entre exploitations puisse se faire en dehors des GIEE.

Didier Guillaume a souligné qu’un certain nombre de nos amendements portaient sur la méthanisation. Cette technique est une partie de la réponse aux problématiques agricoles et énergétiques, mais une partie seulement. Il ne faut pas que la méthanisation serve de prétexte à une industrialisation à outrance de l’agriculture et de l’élevage. Vous connaissez la ferme des mille vaches. Certains objecteront qu’elle ne comptera que cinq cents vaches, mais – j’en parlerai tout à l'heure à propos des SAFER – l’esprit mille vaches pourra perdurer, parce que nous n’avons pas encore trouvé la parade.

Nous souhaitons que la priorité soit donnée à la méthanisation agricole collective et que la puissance des méthaniseurs soit limitée. La méthanisation sert beaucoup dans les porcheries où les porcs sont élevés sur caillebotis. Il existe pourtant une autre méthode, ancestrale et noble celle-là, c’est d’élever les porcs sur paille. Vous pouvez bien sourire et presque ricaner, monsieur Bizet, mais ce serait véritablement un progrès. La paille, mélangée au lisier, donne du fumier, et ce depuis la nuit des temps. En plus, les excédents pourraient être un bon complément pour les méthaniseurs.

Nous souhaitons renouer les liens entre le monde agricole, les élus et les consommateurs.

Je me dois de parler des CDPENAF, les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Nous avons déposé un amendement pour obtenir que leur avis conforme soit requis lorsqu’un projet ou un document d’aménagement ou d’urbanisme a pour conséquence une réduction de surfaces à vocation ou à usage agricole. Nous savons que cet amendement ne sera pas adopté, mais nous souhaitons que l’avis conforme des CDPENAF soit requis au moins pour les terres cultivées en agriculture biologique. Il me semble que c’est possible, et que ce serait un signe fort.

L’amendement de Didier Guillaume visant à supprimer l’obligation de demander l’avis – je parle d’un avis simple – de la CDPENAF sur les PLU, les plans locaux d’urbanisme, couverts par un SCOT, un schéma de cohérence territoriale, ne nous convient pas du tout. Je souhaite vraiment qu’on en discute. Il faut que les CDPENAF émettent au moins un avis simple sur l’ensemble des PLU du territoire national. Tout le monde le sait, le SCOT n’est pas à l’échelle du PLU qui, lui, est à l’échelle de la parcelle. Nous sommes allés trop loin dans la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il est important d’en discuter. Pour nous, c’est un point extrêmement important.

Je l’ai dit à plusieurs reprises : je ne suis pas un marchand de tapis. Ce projet de loi nous convient, et nous le voterons. Le débat doit cependant avoir lieu, dans un climat de confiance réciproque. Nous souhaitons qu’il y ait une véritable réflexion, afin que nous puissions avancer sur cette question de l’avis des CDPENAF.

Je m’étendrai demain sur la question des pesticides, bien qu’il ne soit pas très sain de s’étendre sur des pesticides… Par définition, l’agroécologie doit se libérer de l’usage excessif, et même de l’usage tout court, de l’agrochimie. Les choses ne se feront pas du jour au lendemain, mais nous sommes convaincus que la noblesse de l’agronomie, en particulier de la recherche agronomique – nous parlerons de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et des autres instituts de recherche –, serait de favoriser le développement de l’agroécologie.

Le projet de loi comporte un acquis en ce qui concerne les PNPP, les préparations naturelles peu préoccupantes. C’est un sujet pour lequel nous nous battons depuis longtemps, et nous avons fini par trouver une solution. L’action de Germinal Peiro, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, a été déterminante : il s’est mouillé pour trouver une solution avec le Gouvernement. C’est une grande avancée !

La question de l’aide bénévole dans le monde agricole peut sembler anecdotique. Je ne parle pas de l’entraide des agriculteurs, mais de l’aide apportée bénévolement par des citadins à des agriculteurs, qu’on appelle le wwoofing. Actuellement, il n’existe aucun cadre pour cette pratique. Nous souhaitons donc que soit créé un contrat d’aide bénévole.

Je ne m’attarderai pas sur la question des loups. Nous en parlerons demain. Il s’agit là encore de trouver un équilibre. Oui, le pastoralisme doit vivre – et pas seulement survivre –, afin de jouer son rôle dans la préservation de la biodiversité, dans l’élevage et dans l’alimentation, mais le loup doit lui aussi garder sa place !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Dans ce domaine également, le déséquilibre vient des nouvelles méthodes d’élevage. Dans les espaces dédiés au pastoralisme, il y a beaucoup moins de présence humaine que par le passé. Or on sait que le loup n’attaque pas l’homme, car le rapport de force lui est défavorable. Cela donne matière à réflexion.

Le projet de loi comporte une grande avancée sur la question des SAFER, puisqu’il donne la priorité aux nouvelles installations sur l’agrandissement des exploitations existantes. Il reste cependant un point clé pour lequel aucune solution n’a été trouvée : les parts de société. Nous avons discuté avec le Gouvernement et avec les services du ministère. En l’état, l’intérêt général ne peut pas s’imposer face au droit de propriété. Pour nous, c’est absolument inacceptable. Nous souhaitons que, s’il n’est pas possible de trouver une solution aujourd'hui, le Gouvernement retravaille sur ce point, afin que les établissements industriels tels que la ferme des mille vaches ne puissent pas continuer dans la même voie. Ils connaissent déjà les moyens de contourner la loi alors qu’elle n’a pas encore été votée.

Je dirai enfin un mot de la forêt. Nous avons un point de désaccord avec Philippe Leroy. Le code des bonnes pratiques sylvicoles ne nous convient pas. Nous en avons longuement parlé en première lecture, mais nous allons encore en parler, car nous souhaitons revoir cet aspect du projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun sait que l’agriculture française est dans une situation extrêmement préoccupante. Nous connaissons les crises auxquelles elle est confrontée : la crise de l’élevage – Dieu sait que nous en avons parlé –, le déficit d’installations, la déprise agricole, la situation de plus en plus difficile des zones montagneuses, etc. La liste est longue. Face à ce constat, la recherche de la triple performance économique, écologique et sociale est bien entendu un bel affichage.

Pour faire court, ce texte nous inspire deux remarques.

Tout d’abord, nous aurions souhaité une ambition supérieure, des perspectives pouvant réellement redonner de la confiance à notre agriculture, qui en manque cruellement.

Ensuite, le travail parlementaire, notamment sénatorial, s’est bien déroulé et a permis d’enrichir le projet de loi. À ce titre, je salue l’excellent travail de nos deux rapporteurs, ainsi que celui de la commission, sous l’autorité de son président.

Concernant la première remarque, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet en première lecture, mais j’éprouve toujours les mêmes sentiments : nous devons donner un souffle nouveau et un véritable élan à notre agriculture, car elle manque de perspectives. La France est en perte de vitesse, à l’heure où la concurrence non seulement avec nos voisins européens les plus proches, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, mais aussi à l’échelon mondial est de plus en plus rude.

Ce texte, qui contient de nombreux ajustements et des aménagements, est ce que j’appellerais un toilettage intéressant et non une grande loi d’avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

À mon sens, la place de l’environnement atténue complètement l’ambition économique et donc la compétitivité.

La priorité de ce texte, depuis le départ, est essentiellement le volet environnemental. Pourtant, la compétitivité de la France dans le domaine agricole est primordiale ; il est nécessaire de toujours innover, avec de nouveaux outils économiques, de nouvelles pistes. Il convient surtout de stabiliser et de sécuriser la situation financière des agriculteurs qui, pour beaucoup, vivent dans la désespérance.

Le projet de loi ne prend pas la mesure exacte des efforts faits par la profession agricole en matière de respect de l’environnement. Personne ne conteste l’importance de l’écologie, sa nécessaire prise en compte, mais il est faux de penser que, sur le terrain, les agriculteurs négligent cet aspect. Ils sont souvent passionnés par leur métier, leur environnement de travail et soucieux, bien entendu, de la qualité de leurs produits.

Il faut donc trouver un juste équilibre entre performances économiques et agro-environnement. Malheureusement, de notre point de vue, l’élan économique est insuffisant. L’accent aurait dû être mis davantage sur le rôle économique de l’agriculture, sa contribution à l’équilibre de la balance des paiements, sa fonction nourricière de la population et son rôle de support de l’animation territoriale.

Certains thèmes fondamentaux ne sont pas repris dans le projet de loi, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire.

En premier lieu, je pense à la protection contre les risques naturels. Nous en avions déjà parlé en première lecture et les événements de ces jours derniers n’ont fait que conforter notre opinion sur le sujet.

En second lieu, rien n’est dit sur l’application des mesures de la PAC. Nos inquiétudes demeurent quant à la politique agricole commune et son lot de mesures concernant le verdissement, secteur dans lequel les États ont gardé une marge de manœuvre. Il faut savoir que 30 % des aides directes vont être subordonnées à la mise en place de mesures « vertes », avec trois conditions alarmantes : l’obligation de diversification des cultures, le maintien des prairies permanentes, ce qui est justifié, et le maintien des surfaces d’intérêt écologique. Ces obligations d’assolement seront catastrophiques, notamment pour les régions de monocultures ; je pense bien entendu aux régions maïsicoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

J’en viens à ma seconde remarque.

Le travail sénatorial qui a été fait sur ce texte est à mon sens remarquable. Je remercie une fois de plus nos deux rapporteurs, MM. Guillaume et Leroy, de la qualité de leur travail. Les auditions et les différentes réunions ont laissé toute leur place à l’écoute et au dialogue. C’est notamment grâce à cet état d’esprit que certains consensus et accords ont pu être trouvés pour avancer.

Des améliorations significatives et équilibrées ont pu être apportées. Je pense notamment au sujet délicat des pesticides et des conditions d’épandage, sur lequel un compromis a été trouvé. Si, à l’évidence, nous sommes tous d’accord pour user du principe de précaution face à cet enjeu capital de santé publique, qui touche tout le monde et pas seulement les écoles et les hôpitaux, une telle évolution ne se fera pas au détriment des exploitants agricoles, ce qui est une bonne chose.

Dans les points positifs, notons également les débats sur le foncier, sujet toujours très complexe sur lequel il convient d’avancer prudemment sans rester arc-bouté sur des visions extrêmes ou antinomiques. Grâce à ce projet de loi, nous avons pu convenablement en débattre et évoquer certaines pistes.

S’agissant de la fameuse « clause miroir », un compromis a été trouvé dès la première lecture à la suite de nombreuses discussions, ce qui nous satisfait. Je n’y reviens donc pas.

Par ailleurs, je partage le point de vue positif exprimé par M. le rapporteur sur le bail environnemental et cette évolution on ne peut plus pragmatique.

Autre point positif que je souhaite évoquer : le registre de l’agriculture. Je salue cette évolution et la mise en place de ce répertoire, appelé désormais registre, que nous avions d’ailleurs fortement encouragé lors de la première lecture. Ce dispositif vient renforcer et préciser le statut de l’agriculteur. Je me félicite également des efforts faits en direction de la pluriactivité, dès l’instant qu’ils sont marqués par la rigueur et le réalisme. Il s’agit d’un élément nouveau dont on parle dorénavant plus sérieusement.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, aujourd’hui, nous attendons encore beaucoup de vous et de ce débat. Nous espérons que les avancées permises par le travail sénatorial seront actées, et nous attendons que certains sujets d’actualité soient de nouveau évoqués. Je pense notamment aux PGM : les débats que nous avons eus dans cette assemblée ont montré combien il était nécessaire non pas de légiférer au coup par coup, selon les inscriptions aux répertoires variétaux, mais de réfléchir à une loi-cadre globale. Je pense également aux risques climatiques et à la couverture des risques. Dans le contexte météorologique actuel, nous ne pouvons pas ignorer ce sujet qui désempare trop souvent les agriculteurs. Il y a là un grand chantier à mettre en route.

Il est un sujet sur lequel le texte nous laisse un peu sur notre faim : la relation entre production et distribution. À nos yeux, cette loi est insuffisante dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Chacun connaît l’âpreté des discussions et le caractère « angélique » des interlocuteurs en présence. Dans une ambiance de discussion acharnée entre production et distribution, nous considérons que la mise en place d’un médiateur, si elle constitue une avancée, n’est pas à la hauteur du problème posé.

Enfin, je souhaite évoquer un problème qui me tient à cœur et sur lequel nous devons essayer d’évoluer : la situation des chambres d’agriculture. Nous avons été alertés par beaucoup de ces chambres consulaires et par leur organe de représentation nationale sur leur situation financière. La période 2015-2017 s’annonce extrêmement rude : perte de ressources fiscales et prélèvements sur les fonds de roulement, ce qui ne peut pas durer éternellement. Bref, les chambres d’agriculture sont dans une situation très préoccupante.

Nous sommes en outre très inquiets de l’évolution du statut de ces chambres. Nous espérons qu’une RGPP bis ne va pas les détruire, la première étant déjà assez lourde de conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas du basque !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Ainsi, une espèce de « tutelle » des chambres régionales sur les chambres départementales nous semble aberrante et totalement déconnectée de la réalité et des besoins du terrain. Nous avons donc déposé un amendement sur le sujet, qui est de surcroît rendu encore plus complexe avec le débat sur la réforme territoriale en cours. Je suis Aquitain et construire l’avenir des Pyrénées-Atlantiques avec les Limougeauds me paraît tout de même assez délicat…

Je terminerai en évoquant un problème jamais soulevé ici, à savoir les décrets d’application. Le triste et récent exemple du « fait maison » montre un dévoiement total du débat parlementaire. C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, de nous rassurer sur la rédaction des décrets qui seront pris en application de ce projet de loi, que nous voterons peut-être en fonction des avancées obtenues, mais sur lequel nous nous abstiendrons plus probablement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

M. Jean-Jacques Lasserre. Les décrets d’application doivent respecter l’esprit de la loi que nous votons dans nos assemblées.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi qu’au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en Bretagne, il est courant de dire : « solide comme un Breton et dur comme le granit ». Je ne doute pas que Stéphane Le Foll, dont nous connaissons les origines, ne fera pas mentir cette maxime et que, dès demain, il sera parmi nous, en pleine forme.

Nous abordons aujourd’hui la deuxième lecture du projet de loi qui va structurer et orienter le modèle agricole de la France pour l’avenir. Le texte dont nous débattons étant dense et ambitieux, nous aurions apprécié une meilleure anticipation de la part du Gouvernement dans la prévision de l’ordre du jour. En effet, les conditions dans lesquelles les parlementaires, comme les administrateurs et nos collaborateurs, ont dû travailler sont loin d’être optimales, ce que nous regrettons vivement.

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est une véritable loi d’orientation pour le secteur agricole. L’agroécologie, qu’il décline, porte des objectifs et des ambitions que nous soutenons. Je dirais même que nous avons souhaité les renforcer avec plus ou moins de succès lors de la première lecture. Nous verrons ce qu’il en sera à l’issue de cet ultime débat.

Depuis vingt ans, le nombre d’exploitations agricoles en France a été divisé par plus de deux. Dans le même temps, la surface agricole utilisée moyenne par exploitation a augmenté, particulièrement pour les « grandes » exploitations, de 40 hectares. Comme le note l’étude d’impact du projet de loi : « 80 % du potentiel économique, le PBS, est aujourd’hui concentré dans ces grandes unités ».

Ces données chiffrées, nous en sentons les effets au quotidien dans nos territoires. Ainsi, nous constatons la baisse du nombre d’exploitations individuelles et les difficultés, au-delà des contraintes économiques réelles, que rencontrent les jeunes agriculteurs pour trouver des terres, les financer et s’installer.

M. le Foll avait déclaré vouloir trouver un équilibre entre l’objectif de renouvellement des générations et l’agrandissement nécessaire aux évolutions de productivité. Nous partageons cette volonté, et nous saluons les dispositions du texte permettant d’arriver à cet équilibre.

Les groupements d’intérêt économique et environnemental, désormais fondés sur un triple objectif associant la dimension sociale, à laquelle nous sommes très attachés, constituent une bonne mesure pour encourager les agriculteurs à s’associer avec d’autres acteurs et à mettre en œuvre de nouvelles pratiques agronomiques. L’élargissement de l’entraide, que nous avons porté en première lecture, participe également de cette volonté de fédérer les énergies tout en respectant la spécificité des métiers et des exploitations agricoles. Nous saluons aussi les dispositions visant à asseoir les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC.

Le renforcement des outils permettant d’organiser l’occupation de l’espace agricole et de limiter la concentration des exploitations était très attendu de notre part. Nous nous félicitons donc que le projet de loi autorise les SAFER à faire jouer leur droit de préemption pour acquérir l’usufruit de terres agricoles ou la totalité de parts de sociétés à objet agricole.

Nous nous réjouissons que l’Assemblée nationale ait voté un amendement du Gouvernement pour permettre aux SAFER de préempter également, dans certaines conditions, la nue-propriété agricole. C’était l’une de nos propositions en première lecture. Nous aurions aimé aller encore plus loin, mais l’article 40 a mis un terme à l’examen de notre proposition visant à étendre ce droit de préemption à la cession de la majorité et non pas seulement de la totalité des parts de sociétés agricoles.

Je souhaiterais ici dire – nous n’y reviendrons pas dans le débat, les articles relatifs à l’installation ayant été votés conformes – que nous saluons le dispositif de contrat de génération-transmission, comme le renforcement du répertoire à l’installation. La viabilité économique des projets et la capacité professionnelle sont des dimensions déterminantes pour assurer la pérennité des activités agricoles. Nous vous proposerons tout de même de renforcer les possibilités de pluriactivité pour les agriculteurs au cas où cela serait nécessaire. En revanche, nous considérons que des efforts devraient être consentis afin de renforcer les aides financières, notamment pour les personnes qui, pour diverses raisons, s’installent après quarante ans ou qui n’ont ni emploi ni diplôme, mais se sont engagées dans des formations.

Il nous semble également important, et cela n’est pas prévu dans le projet de loi, que le rôle des banques soit recentré sur l’économie réelle au service des territoires ruraux et des activités agricoles. Les missions du Crédit agricole, établissement historiquement consacré aux agriculteurs pour encourager le crédit au profit de la petite exploitation familiale, ont été largement dénaturées par les contraintes prudentielles et la stratégie financière de la banque. Pourtant, cette « banque verte » a un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre d’une politique agricole, alimentaire et forestière nationale assurant la réponse aux besoins et le développement de nos potentiels. C’est dans ce sens que nous demandons la renationalisation de Crédit agricole SA et le renforcement du mutualisme dans les caisses locales, associant usagers et salariés. Il serait également nécessaire de renforcer la traçabilité de l’utilisation de l’épargne et de l’emploi des crédits sur les territoires actuels des caisses régionales.

En ce qui concerne le volet relatif à la politique de l’alimentation et à la performance sanitaire, le projet de loi tend à proposer des mesures visant à diminuer la consommation de produits phytopharmaceutiques et des antibiotiques et se donne pour objectif de renforcer l’indépendance des contrôles sanitaires. Les préconisations de la mission sénatoriale d’information sur les pesticides et leur impact sur l’environnement et la santé, à laquelle j’ai participé, n’ont pas toutes été suivies. Nous aurions pu aller plus loin, car il s’agit là d’enjeux de santé publique d’importance.

Je veux notamment dire un mot des autorisations de mise sur le marché et de la responsabilité qui sera donnée à l’ANSES pour, ce sont les mots de M. le ministre, « valoriser et faciliter les autorisations de mise sur le marché s’agissant de toutes les nouvelles techniques qui apparaissent en matière de biocontrôle ». Nous considérons que ce transfert pose des questions d’indépendance et que l’État doit garder la maîtrise en ce domaine. C’est pourquoi nous demanderons la suppression de cet article.

De plus, les exigences liées à la politique de l’alimentation et de sécurité sanitaire sont affaiblies par la politique d’austérité renforcée mise en œuvre par le Gouvernement. En effet, la restructuration des services du ministère de l’agriculture, la baisse des moyens accordés aux services de contrôles sanitaires, vétérinaires, à la douane ou à la police économique ne sont pas remis en cause par le projet de loi. L’alimentation et la sécurité alimentaire devaient être un axe essentiel de ce texte, notamment en matière de fraudes alimentaires. Or aucun moyen humain et financier supplémentaire n’a pour l’instant été accordé aux services chargés des différents contrôles réglementaires.

À cela s’ajoutent, comme nous l’avions dit en première lecture, les risques que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada fait peser sur le niveau des normes de production en matière environnementale, sanitaire et de bien-être animal. Sans rupture avec les politiques de libéralisation et de déréglementation, l’agroécologie risque de rester une belle idée.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait le choix traditionnel d’intégrer dans la loi d’avenir un volet forestier. Pourtant, la forêt aurait sans doute mérité un projet de loi dédié. En effet, au regard de l’importance de la ressource forestière française – les espaces boisés couvrent 31 % du territoire métropolitain, soit près de 17 millions d’hectares –, au regard de la diversité de cette ressource, mais également des contraintes en termes d’accessibilité, les sujets sont vastes et les problématiques denses, comme a pu le rappeler notre collègue Philippe Leroy. Or, encore une fois, le projet de loi ne remet pas en cause les logiques de rentabilité initiées par la révision générale des politiques publiques. Dans ce cadre, l’ONF a développé une logique commerciale préjudiciable aux missions d’intérêt général de la forêt. Comme vous le savez certaines missions d’intérêt général, telles que la prévention des incendies, la restauration des milieux montagnards ou la fixation des dunes, qui faisaient l’objet de conventions entre l’État « donneur d’ordres » et l’ONF « prestataire », ne sont plus entièrement financées par l’État. Dès lors, il faut craindre pour l’avenir et pour la qualité des missions que l’ONF n’aura plus les moyens d’assumer seul.

Le projet de loi contient cependant des mesures positives sur le volet forestier que je tiens à souligner : il cherche à encadrer la conservation des ressources génétiques forestières ; il instaure un fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’efficacité reste suspendue aux arbitrages budgétaires de la loi de finances ; il renforce les instruments de gestion durable et multifonctionnelle des forêts appartenant à des particuliers en instaurant le GIEEF, instrument favorisant le rassemblement des parcelles forestières.

Lors de la discussion des articles, nous vous proposerons de renforcer les outils permettant de lutter contre le contournement du droit de préférence des propriétaires de terrains boisés dans le cadre d’une vente portant sur un ensemble constitué de plusieurs parcelles dissociées.

Nous saluons également le dispositif de contrôle et de sanction de la mise sur le marché de bois et de produits dérivés du bois issus d’une récolte illégale, portant atteinte au développement durable des forêts.

J’évoquerai enfin l’agriculture ultramarine. Les territoires d’outre-mer sont soumis à des contraintes propres. Je voudrais dire quelques mots plus particulièrement de La Réunion, au nom de mon collègue Paul Vergès, et de la production de canne à sucre.

Il se prépare, à La Réunion, en raison de la dérégulation des politiques de l’Union européenne, une crise économique, sociale et environnementale d’ampleur. En effet, l’Europe, suite à une plainte de pays producteurs de sucre – Brésil et Australie – déposée auprès de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, en 2008, a décidé de supprimer non seulement les quotas, mais aussi le prix garanti. Ce sont 30 000 emplois qui sont concernés, directement ou indirectement : planteurs, coupeurs de cannes, ouvriers d’usine, transporteurs, dockers, commerçants, … Ce sont aussi 25 000 hectares qui seront livrés à l’érosion. Le quart des exportations réunionnaises est en suspens ! En termes financiers, l’exportation canne et rhum représente 93, 2 millions d’euros, soit le plus gros poste d’exportation de La Réunion !

Pour l’heure, l’île est assurée de vendre tout son sucre à l’Union européenne à un prix garanti, mais, dans trois ans, ce sera fini. Le sucre de canne de La Réunion se retrouvera sur le marché européen en concurrence directe avec le sucre de betterave, dont le prix est moins élevé de 200 euros par tonne.

La fin des quotas et la fin du prix garanti du sucre réunionnais vendu en Europe est pour 2017, d’où l’inquiétude des usiniers et des planteurs. Comme vous le savez, la durée de l’exploitation du pied de canne est de cinq à huit ans. S’il faut replanter, il faut le savoir aujourd’hui. Mais, pour l’heure, les planteurs n’ont aucune visibilité sur la question des quotas ou celle du prix d’achat.

Ce grave problème démontre, s’il en était encore besoin, que les politiques nationales agricoles sont largement contraintes par les politiques définies à l’échelle de l’Union européenne et de l’OMC. Or la voie choisie est celle de la dérégulation et de la libéralisation au détriment des hommes et de l’environnement.

Comme vous, nous sommes convaincus que nous avons besoin d’un nouveau modèle agricole à la fois plus durable et à même d’assurer notre indépendance alimentaire. Un modèle qui préserve les écosystèmes et valorise de nouvelles pratiques agronomiques vertueuses pour les hommes et l’environnement. À cet égard, le projet de loi propose des pistes intéressantes et offre des outils pertinents, lesquels trouveront toutefois vite leurs limites si l’on ne soustrait pas l’agriculture aux règles purement marchandes et concurrentielles.

Nous avons également besoin d’un modèle agricole qui garantisse un juste partage de la valeur ajoutée, au service du maintien et du renouvellement des générations d’actifs agricoles, d’un modèle qui assure un revenu décent, une protection sociale efficace pour l’ensemble des femmes et des hommes de ce secteur.

Sur ces exigences, le projet de loi n’a pas su être à la hauteur des besoins, et nous le regrettons. Nombreuses sont les lois qui ont tenté, sans succès, de répondre au déséquilibre des relations commerciales. Nous n’avons jamais pu ou su protéger les producteurs contre les pratiques commerciales inqualifiables des centrales d’achat de la grande distribution, sujet qui fait l’actualité de ce jour.

Il est sans doute temps, là aussi, de changer de paradigme. Après l’agroécologie, peut-être serait-il nécessaire de proposer un autre modèle économique pour toute la filière de commercialisation des produits agricoles ?

Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur le ministre Stéphane Le Foll et avons toujours confiance en lui pour poursuivre dans une direction dont nous partageons l’essentiel, au service de l’agriculture française.

C’est vrai, nous, les communistes, sommes à la fois matérialistes et réalistes. Notre politique est toujours teintée d’idéalisme et d’utopie pour que le rêve et l’espoir portent la population. Un peuple sans rêve, sans espoir, sans utopie est un peuple perdu. Sachons ne pas le décevoir, il nous attend !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers Didier Guillaume et Philippe Leroy – je tiens à féliciter les rapporteurs de la commission des affaires économiques de leur travail remarquable –, cher président Daniel Raoul, je voudrais à mon tour présenter mes vœux de prompt rétablissement à notre ministre, Stéphane Le Foll. Madame la secrétaire d’État, je vous prie de bien vouloir lui adresser nos amitiés les plus sincères. Nous sommes sûrs qu’il sera présent demain, à nos côtés, avec la forme et le dynamisme qui le caractérisent.

Nous entamons ce soir la seconde lecture du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, texte dont nous avons longuement discuté au mois d’avril dernier et que la Haute Assemblée a contribué à enrichir. La première lecture au Sénat a en effet permis de trouver plusieurs points de convergence. Nous sommes parvenus, je crois, à un équilibre qu’il ne s’agit pas de rompre ce soir, mais plutôt d’encourager encore.

Avec mes collègues du RDSE, nous avions déposé une cinquantaine d’amendements, dont quelques-uns – pas assez

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je regrette, en revanche, que l’Assemblée nationale ait supprimé la disposition sur les biens de section à vocation agricole opportunément proposée par Jacques Mézard, spécialiste de la question, comme vous l’aviez souligné en première lecture, monsieur le rapporteur. Toutefois, ne vous inquiétez pas, mes chers collègues, nous avons déposé un amendement visant à rétablir l’article additionnel concerné – nous avons de la suite dans les idées. J’espère qu’il sera bien compris malgré, je vous l’accorde, le haut degré de technicité du régime des biens de section, dont tout le monde n’a peut-être pas perçu toutes les subtilités.

Enfin, la diffusion des résultats des GIEE, l’élargissement du registre des actifs agricoles, ainsi que le compromis obtenu pour répondre aux inquiétudes des chasseurs sont autant de mesures qui témoignent de l’esprit d’ouverture qui règne dans nos débats.

De façon plus globale, il faut reconnaître que le projet de loi d’avenir pour l’agriculture traduit bien les enjeux auxquels le secteur agricole et forestier est confronté et apporte, je le répète, des réponses opportunes, même si parfois le souci environnemental prend le pas sur le bon sens paysan.

Quoi qu’il en soit, ce texte suscite beaucoup d’attentes et d’espérances. C’est le cas dans mon département, le Tarn-et-Garonne, quatrième verger de France, où l’agriculture emploie encore 7 % de la population active.

Par ce texte, madame la secrétaire d’État, vous créez les conditions de la promotion de l’agroécologie dans la perspective de concilier performance économique et développement durable. C’est une bonne chose et nous y souscrivons. Avons-nous d’ailleurs d’autre choix que de préserver les écosystèmes par des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement ? Je ne le crois pas. Les agriculteurs sont du reste suffisamment responsables pour avoir pris conscience depuis longtemps de cette nécessité.

Pour en revenir à mon département, l’agriculture raisonnée est une préoccupation bien acceptée dans le Tarn-et-Garonne, notamment à travers la pratique répandue des circuits courts. La déclinaison régionale du programme « Ambition Bio 2017 » a permis d’installer des projets agroécologiques dont nous attendons les retours d’expérience. À cet égard, je voudrais souligner le rôle des chambres d’agriculture, fortement engagées dans la diffusion des pratiques liées à la double performance. Vous me permettrez, madame la secrétaire d’État, une légère digression pour, à l’instar de notre collègue Jean-Jacques Lasserre, m’inquiéter des prochains arbitrages budgétaires, qui pourraient remettre en cause les capacités d’action des chambres d’agriculture. On parle d’une ponction de 136 millions d’euros. Peut-être pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Je ferme la parenthèse…

Si l’exigence écologique est incontournable, elle ne doit pas pour autant faire oublier que les agriculteurs doivent vivre de leur activité. Le monde agricole, ce sont des milliers d’hommes et de femmes qui travaillent beaucoup, pour des revenus pas toujours à la hauteur de leur investissement personnel. C’est la raison pour laquelle, en première lecture, la commission des affaires économiques du Sénat a ajouté la dimension sociale à la démarche agroécologique. Cette dimension a été réaffirmée hier, en réunion de commission, en réponse à sa suppression par les députés. Je m’en réjouis, car il n’est pas d’autre secteur économique plus confronté à trois types d’aléas : ceux du marché, ceux du climat et ceux liés aux risques sanitaires, tous trois pouvant en outre se cumuler.

Les agriculteurs ont donc besoin d’être davantage protégés et ciblés par les aides. La modernisation des conditions d’affiliation à la MSA, la Mutualité sociale agricole, demandée depuis longtemps par les jeunes exploitants, renforce le statut des agriculteurs, tout comme la création d’un répertoire des actifs agricoles, réclamé par les organisations professionnelles.

J’en viens à la mesure phare du texte, le GIEE. Comme je l’ai dit en première lecture, je partage cette approche qui consiste à créer des synergies collectives. Dans un territoire comme le mien, caractérisé par la ruralité, pour ne pas dire l’hyper-ruralité – nous en avons parlé aujourd’hui lors des questions d’actualité au Gouvernement avec M. le Premier ministre, qui m’a répondu –, les solutions d’avenir passent par une mutualisation des moyens et des objectifs.

À travers différentes mesures, le projet de loi traite d’autres questions qui me tiennent particulièrement à cœur. Je pense à la protection des terres et au renouvellement des générations. Ce dernier point est une véritable préoccupation, pour ne pas dire une angoisse.

Pour ce qui concerne plus particulièrement la maîtrise du foncier, notamment l’élargissement du droit de préemption, le Sénat a eu la sagesse de ne pas aller trop au-delà des modifications importantes adoptées par les députés afin de ne pas encourager le contentieux. Je souscris à ce principe, monsieur le rapporteur, constatant que le projet de loi initial apportait déjà plusieurs réponses satisfaisantes.

Sur la forêt, enfin, j’approuve l’essentiel des mesures telles que la création d’un fonds stratégique ou la mise en place de programmes régionaux, lesquelles donneront une impulsion à l’urgente nécessité de mobiliser et valoriser le bois français. Mon groupe a redéposé un amendement visant à mobiliser la ressource bois énergie, qui n’est pas suffisamment exploitée, alors que ce matériau constitue une alternative intéressante – en phase d’expérimentation dans plusieurs secteurs – aux combustibles fossiles de plus en chers et de plus en plus rares.

Mes chers collègues, élu d’un département rural, j’aurais encore beaucoup à dire, mais je rappellerai simplement mon attachement à une agriculture raisonnée, à visage humain, en mesure de conserver les emplois et de préserver l’environnement, conformément à l’esprit du projet de loi. Je n’oublie pas cependant que c’est la PAC qui structure aussi fortement notre agriculture et que nos ambitions nationales doivent se conjuguer avec notre engagement européen, ce qui, j’en conviens, n’est pas toujours facile. Mais c’est un autre débat…

En attendant, et cela ne vous surprendra pas, le RDSE réaffirme son soutien au texte qui nous est soumis aujourd’hui, en espérant bien évidemment que certains de ses amendements seront satisfaits.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Jean-Jacques Lasserre applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Madame la secrétaire d’État, les conditions d’examen en deuxième lecture de ce projet de loi laissent à désirer : voté à l’Assemblée nationale jeudi 10 juillet, nous avons eu un samedi, un dimanche et un 14 juillet pour travailler, le délai limite pour le dépôt des amendements étant fixé au mardi 15 juillet à quatorze heures. Dans une telle précipitation, comment apprécier ou contester les modifications apportées au texte par l’Assemblée nationale ? Et quelles conditions de travail aussi pour les administrateurs de la commission et les collaborateurs de nos groupes parlementaires ! Je souhaite que vous fassiez savoir au Gouvernement que nous condamnons cette façon d’agir : soit cette loi n’est pas essentielle, et nous pouvons effectivement la bâcler, l’expédier – choisissez le verbe que vous voulez –, soit elle est importante et, dès lors, ne laissons pas au Sénat que deux jours ouvrables pour réfléchir et faire des propositions et vingt-quatre heures seulement pour déposer des amendements en séance publique. L’agriculture mérite mieux que ça !

Loi d’avenir, ai-je entendu, pour adapter ce secteur économique aux grands défis de demain. De grands défis en effet, puisque l’agriculture mondiale devra, en 2050, nourrir 2, 3 milliards d’habitants de plus, dont ceux de l’Union européenne, qui voit sa population augmenter de 1, 7 million d’habitants par an. Notre pays doit y prendre une part active tout en préservant au mieux son environnement. Aujourd’hui déjà, la FAO estime à plus de 840 millions le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde. Peut-on y rester insensible ? Certainement pas !

Notre agriculture nationale a su, après le conflit de 1939-1945 et durant les années cinquante et soixante, accroître ses productions afin de pallier tous les manques de produits alimentaires, devenant même rapidement excédentaire, et ce tout en améliorant la qualité. Pourquoi n’en irait-il pas de même aujourd’hui afin que notre agriculture contribue aussi dans les années qui viennent à remplir ce grand objectif d’apporter l’alimentation nécessaire aux humains de notre globe ? L’aide alimentaire, ne l’oublions pas, peut être capitale. Peut-on parler de stabilité dans les pays où le peuple a faim ? II suffit de regarder ce qu’il se passe en Afrique.

Mais revenons en France, où nous assistons à une baisse importante des surfaces agricoles liée à l’urbanisation et la forêt qu’on laisse progresser. Je rejoins sur ce point les propos de notre collègue Leroy, qui évoquait ces massifs où la forêt ne cesse de s’étendre. Je regrette que l’Assemblée nationale soit revenue sur un amendement que j’avais déposé concernant les secteurs boisés à plus de 70 %.

Développement de l’urbanisation, de la forêt, baisse des intrants, baisse des rendements liée à une moindre utilisation de pesticides et insecticides, baisse des volumes produits en agriculture biologique : la ferme France produira-t-elle autant demain ? C’est bien la question que je vous pose, madame la secrétaire d’État, et que j’espère pouvoir poser demain à M. Le Foll, car, bien qu’être en votre compagnie soit un plaisir, cela prouvera qu’il n’a eu qu’un petit incident de santé. Je lui souhaite donc moi aussi un prompt rétablissement.

Je constate déjà que nos productions animales connaissent une baisse très significative pour ce qui est des ovins, des bovins et des volailles. Cette loi d’avenir va-t-elle nous apporter la fameuse boîte à outils qui permettra d’inverser ces tendances ? Personnellement, je ne le pense pas. Je ne dis pas cela par idéologie ou par simple désir de m’opposer, mais par réalisme. Ce seront encore des exigences, des contraintes supplémentaires. Qu’aurons-nous simplifié dans la vie quotidienne des agriculteurs lorsque cette loi sera appliquée ? Je voudrais dire à notre ami Didier Guillaume que je ne pense pas que la vie des agriculteurs s’en trouvera améliorée. Disposerons-nous des outils et des mesures pour leur éviter de subir les aléas si nombreux qui mettent à mal tant d’exploitations, les obligeant parfois, comme l’on dit, « à mettre la clef sous la porte » ?

Je pense plus particulièrement – et cela a été dit par l’orateur précédent – aux aléas climatiques, de plus en plus nombreux, dus en partie au réchauffement de notre planète : tempêtes, grêle, sécheresses. Je pense également aux épidémies dans les cheptels, à la volatilité des prix qui fluctuent en permanence en fonction de ces aléas climatiques, bien sûr, mais surtout en fonction des marchés mondiaux et de la mauvaise habitude de la grande distribution d’aller s’approvisionner là où les prix sont les plus bas, même si les garanties sanitaires sont moindres et les obligations environnementales quasi inexistantes. Que fait-on face à cela ? Aujourd’hui, vous avez pu voir les manifestations qui ont lieu sur notre territoire et, je pense que vous en conviendrez tous, la bagarre entre les grandes et moyennes surfaces se fait aujourd’hui sur le dos des producteurs.

Le premier reproche que nous pouvons adresser à ce projet de loi est tout d’abord son silence sur de nombreux sujets. En matière de recherche, par exemple, comment se satisfaire des dispositions soumises à notre examen ? La partie relative à l’enseignement technique ou supérieur agricole est bien mince. Quant à l’article 23 relatif à la maîtrise des produits phytosanitaires ne va-t-il pas freiner la recherche ?

Nous avons aussi des interrogations sur la transparence des GAEC – pour avoir suivi les débats à l’Assemblée nationale, je peux dire que nous ne sommes pas les seuls –, notamment sur le dispositif reposant sur la base des 52 hectares dont bénéficieront les agriculteurs. Malgré maintes questions posées au ministre, cela mérite encore d’être clarifié. C’est du moins ce qui est souhaité par la profession.

En fin de compte, la seule véritable innovation réside dans la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, dont les bénéfices me semblent encore incertains. On nous parle de majorations dans l’attribution des aides publiques dont pourraient bénéficier ces exploitants agricoles, mais avouez que l’article 3 est assez succinct.

Quant aux questions relatives au partage de la valeur ajoutée, l’article 7 va certes venir renforcer le rôle du médiateur des contrats, mais celui-ci ne pourra pas « trancher en cas de litige entre les parties ». Au final, le texte ignore donc les questions contractuelles que le Gouvernement nous promettait d’aborder.

Plus inquiétant sans doute, le projet de loi est inspiré par un concept, celui de l’agroécologie. La définition soumise à notre examen évoque « une diminution de la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques ».

Au final, ce texte ne projettera pas l’agriculture française dans l’avenir et ne permettra pas de s’attaquer aux difficultés qui minent la profession, à savoir, comme je l’ai dit précédemment, le partage de la valeur ajoutée. Ne sommes-nous pas en train d’accrocher de nombreux boulets à notre système agricole déjà en souffrance ? Et le premier de ces boulets, ce sont toutes ces considérations environnementales qui, lorsqu’elles ne sont pas justifiées, conduisent à des aberrations !

L’examen en première lecture au Sénat a mené à l’adoption d’un amendement du rapporteur Didier Guillaume, qui vise heureusement, et je l’en remercie, à n’étendre le bail environnemental que s’il s’agit, pour le bailleur, de pratiques déjà existantes. Mais dès lors qu’il s’agira de nouveaux preneurs, les exploitants seront dans l’obligation de s’aligner sur des clauses qui leur sont jusqu’à présent étrangères et, de fait, ils ne seront pas toujours en mesure de satisfaire aux clauses présentes dans le bail, même si celles-ci ont été respectées par un autre exploitant. À l’évidence, certains exploitants qui se seront engagés à respecter des clauses très contraignantes se retrouveront enfermés dans un modèle économique qui n’est pas le leur et seront incapables de viabiliser leur exploitation.

Pour conclure sur l’article 4, et j’espère que vous m’excuserez de ne pas m’étendre sur l’obligation de déclaration annuelle des quantités d’azote à usage agricole vendues ou cédées, je dirai que, malgré des améliorations substantielles apportées par notre assemblée, mon groupe et moi-même ne pouvons adhérer au bail environnemental.

Dans un esprit identique, on notera, en cas de vente, la préférence des SAFER pour les exploitations biologiques. J’espère aussi que cette disposition introduite par l’article 13 ne se soldera pas par une restriction de l’accès au foncier pour de jeunes agriculteurs ou pour des exploitants qui ne font pas d’agriculture biologique mais sont en besoin de terres.

J’ajouterai un mot sur l’article 23 et les nombreuses craintes qui s’expriment quant aux épandages près des lieux d’habitation. Vous nous avez rassurés tout à l’heure. L’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale a permis de parvenir à une rédaction plus satisfaisante de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, dans la mesure où la décision d’interdiction ou de restriction est à nouveau confiée à l’autorité administrative, et non au ministre de l’agriculture. L’autorité administrative pourra, de surcroît, mettre en place des mesures de protection. Mais si de telles mesures ne peuvent être prises, elle pourra déterminer une distance minimale adaptée, en deçà de laquelle il sera interdit d’utiliser ces produits à proximité de ces lieux d’habitation. L’application du présent article est fixée par voie réglementaire. Le dispositif adopté nous paraît donc plus équilibré que celui élaboré en première lecture.

L’une des dispositions phare de ce projet de loi réside en l’introduction à l’article 6 de clauses miroirs. Ainsi, l’alinéa 14 dispose que, pour les sociétés coopératives agricoles, l’organe chargé de l’administration détermine les critères relatifs aux fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires affectant significativement le coût de production de ces produits. Nous étions en première lecture opposés à ce dispositif qui ne fournit aucune garantie et n’avons pas changé d’avis.

Toujours en matière de répartition de la valeur ajoutée, vous consacrez à l’article 7 le médiateur des contrats et des médiations obligatoires en cas de conflit. Mais avec quel pouvoir final ? Pour l’instant, la lecture des dispositions sur le sujet ne nous permet pas d’entrevoir de réelles avancées.

Au-delà des critiques, nous avons quelques positions positives. Ainsi, nous sommes favorables à l’interdiction de la publicité pour les produits phytosanitaires. Encore faut-il veiller, comme cela a été dit en première lecture, à ce que, si cette interdiction de publicité pour les produits phytosanitaires protège les exploitants agricoles d’une information d’ordre promotionnel, elle leur permette toutefois de bénéficier d’une information sur les bonnes pratiques d’usage, les conditions de stockage et de manipulation de ces produits.

Malgré tout, nous avons obtenu quelques satisfactions. J’évoquerai ici l’article 10 bis, qui prévoit que les organismes chargés de la protection d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique peuvent demander au directeur de l’Institut national de l’origine et de la qualité d’exercer le droit d’opposition à l’enregistrement d’une marque dès lors que se dessine un risque d’atteinte au nom, à l’image, à la réputation ou à la notoriété de l’un de ces signes. Étant d’un département qui recense de nombreux produits d’appellation, vous comprendrez que j’y sois très sensible.

Nous nous réjouissons d’une telle mesure, tout comme nous nous réjouissons de l’article 10 bis A relatif à la classification du vin et des boissons spiritueuses comme faisant partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France.

Voilà pour les satisfactions !

En première lecture, j’avais proposé un amendement visant à faire bénéficier les exploitants d’une déduction fiscale pour aléas, pour l’acquisition, le stockage de fourrage et l’achat d’aliments pour le bétail ou des frais de remise en état en cas de perte de récolte sur prairies, liés à une calamité – par exemple, les campagnols – ou à un risque sanitaire ou environnemental. Cet amendement a été refusé par le Gouvernement. Je le regrette d’autant plus que, ce matin, dans le journal Le Progrès, je lisais qu’un récent sondage réalisé auprès d’agriculteurs montrait que 40 % de ceux qui avaient été interrogés pourraient bien cesser leur activité avant l’âge de la retraite pour des raisons financières. Cela a aussi été dit par certains de nos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

La discussion, quoique très précipitée, peut-elle encore permettre des améliorations pour que cette loi ne soit pas seulement une loi d’ajustement ou d’adaptation, mais vraiment une loi d’avenir, et pour donner davantage de visibilité et de garanties à cette profession très vulnérable ? En tout état de cause, nous ne refuserons pas les amendements qui iront dans ce sens.

À l’occasion de l’examen en première lecture du projet de loi, mon collègue Gérard César avait conclu son intervention par cette formule quelque peu sévère : « Il s’agit d’une loi d’accompagnement et non d’une loi d’avenir ». Pour ma part, je ne m’éloignerai pas de ce constat. Je suis donc beaucoup moins optimiste que Didier Guillaume. Je voudrais malgré tout saluer son travail et celui réalisé par Philippe Leroy. Nos deux rapporteurs ont procédé à de nombreuses auditions pour élaborer leur rapport, même si les problèmes de fond n’ont pas été abordés.

M. le président de la commission des affaires économiques proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Cette écologie, nous n’avons eu de cesse de le répéter, mais également de mettre en pratique cette préconisation lorsque nous étions aux responsabilités, doit être incitative, et non punitive. C’est parce que, justement, les défis qui se dressent devant notre modèle agricole ont été identifiés par tous, y compris par le Gouvernement, que nous éprouvons beaucoup de déception devant ce texte. En effet, il ne permettra d’assurer de meilleures conditions de vie aux agriculteurs ni de nourrir convenablement la planète.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Hier, le Tour de France traversait le Jura : les agriculteurs du département avaient réalisé une magnifique fresque pouvant être vue du ciel, qui représentait les différentes composantes de l’agriculture et lançait aux spectateurs : « Vous pouvez compter sur nous ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Vous l’aurez compris, je ne pense pas que ce texte mette tous les atouts du côté de l’agriculture. C’est pourquoi, et probablement sans surprise, le groupe UMP ne le votera pas, du moins dans sa rédaction actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais saluer le ministre de l’agriculture après le petit incident qu’il a connu aujourd’hui et lui souhaiter un prompt rétablissement. J’espère qu’il pourra être demain parmi nous, et en pleine forme !

C’est avec le sentiment du devoir accompli et dans un climat de dialogue, me semble-t-il, que nous poursuivons la discussion du projet de loi, qui a été enrichi et peaufiné par les deux assemblées, afin de préparer la transition souhaitée vers un nouveau modèle agricole, pour l’avenir de notre pays. En effet, les modifications issues du travail parlementaire ont été nombreuses, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. L’adoption du projet de loi en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, et en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, s’est accompagnée du vote d’un grand nombre d’amendements.

Cette consolidation du texte initial est d’autant plus satisfaisante que les orientations premières de la loi sont préservées et ses grands équilibres défendus. Ainsi, sa vocation initiale – fournir un cadre législatif permettant à nos agricultures et au secteur forestier d’assurer leur développement économique, tout en prenant en compte la dimension écologique de leurs activités – a toujours guidé le travail des sénateurs. Les outils proposés pour atteindre cet objectif ont évolué, sans pour autant perdre leur fonction d’impulsion en faveur du changement de pratiques, souhaité pour notre agriculture. Cette incitation vertueuse doit permettre de nous diriger vers un système de production agroécologique.

À ce titre, il me paraît essentiel de souligner que ce projet de loi fait entrer le concept d’« agroécologie » dans le vocabulaire français et dans l’actualité de notre économie. Avec cette nouvelle orientation de l’agriculture, la priorité est donnée à des systèmes qui privilégient l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité. Cette amélioration, d’ailleurs, ne se réalisera qu’en diminuant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques ou de médicaments vétérinaires et en mettant en œuvre de nouvelles pratiques culturales.

Ce concept d’agroécologie doit aussi prendre en compte l’emploi et les conditions de travail des agriculteurs ; il doit donc permettre d’aller vers une meilleure performance sociale. C’est le modèle dans lequel la France entend s’engager dès à présent, et dont ce texte est le socle.

Dans le texte issu des travaux du Sénat en première lecture, l’objectif de la triple performance – écologique, économique et sociale – était assigné à l’agroécologie. Une nouvelle écriture de son article 1er à l’Assemblée nationale a fait disparaître cette mention. La commission des affaires économiques a décidé de la réintroduire, en adoptant un amendement déposé par M. le rapporteur Didier Guillaume. Il convient en effet de conserver cette approche du développement des filières agricoles.

Par ailleurs, les GIEE, dont l’objectif est d’allier la compétitivité économique à la compétitivité environnementale de notre agriculture, constituent l’outil emblématique du projet de loi. Ce regroupement des exploitants agricoles, soutenu par des aides publiques spécifiques, a pour objectif de modifier durablement les systèmes de production, de développer l’entraide et l’expérimentation, de faciliter la commercialisation des produits et d’apporter une réponse pertinente au problème de l’isolement en milieu rural.

Le Sénat en a précisé ses contours en autorisant, d’abord, la participation de personnes physiques ou morales, privées ou publiques ; je pense notamment aux collectivités territoriales ou aux chambres d’agriculture, qui sont en mesure de collaborer à des projets innovants sur leur territoire, tout en garantissant une majorité d’agriculteurs au sein des instances décisionnelles.

Il l’a fait, ensuite, en offrant la possibilité aux agriculteurs membres d’un GIEE d’échanger leurs semences sans passer par un organisme collecteur agréé, ce qui facilite l’entraide entre les agriculteurs.

Toutefois, l’échange entre agriculteurs ne concerne que les semences non protégées par un certificat d’obtention végétale, ou COV, c’est-à-dire des petites quantités. Aussi, il nous semble important de permettre aux membres d’un GIEE de vendre leurs semences sans passer par un organisme stockeur lorsque cette transaction est effectuée au sein même du GIEE. Cette disposition initialement prévue par le texte de loi issu du Sénat devrait pouvoir être maintenue. C’est pourquoi le groupe socialiste propose un amendement la rétablissant.

Autre avancée de ce texte : l’amélioration de la transparence des formes sociétaires déjà existantes. Il sera dorénavant plus facile de constituer un groupement agricole d’exploitation en commun, puisque les procédures d’agrément et d’instruction de demande d’aide économique seront fusionnées et prises en charge par une même autorité administrative compétente. La garantie d’une transparence économique pour les GAEC totaux constitue également un apport de cette loi. Les parlementaires se sont attachés à apporter des précisions utiles sur les possibilités offertes pour les associés de se livrer à des activités extérieures au groupement, sans porter atteinte au caractère total du GAEC.

Enfin, le Sénat a entendu faciliter la transformation en GAEC des exploitations agricoles à responsabilité limitée, les EARL, notamment entre époux, ce qui leur permettra de bénéficier du principe de transparence. Ainsi, les contours des formes sociétaires que peuvent prendre les activités agricoles sont redessinés et clarifiés.

Par ailleurs, une meilleure identification de la population agricole sera permise par la mise en place d’un registre des actifs agricoles. Tout a été fait pour rendre ce registre le plus opérationnel possible. La progression du travail parlementaire a permis d’aboutir à un dispositif sécurisé où les chambres d’agriculture et la MSA se partagent les rôles.

De son côté, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, a la charge de regrouper la base de données à partir des informations détenues par leurs centres de formalités des entreprises. Du leur, les caisses de la Mutualité sociale agricole restent propriétaires et responsables de ces informations. Le Sénat a largement contribué à façonner ce dispositif, en donnant une définition claire de ce que doit être un actif agricole.

La commission des affaires économiques du Sénat a effectué un travail de qualité, qui a permis de faire évoluer le texte dans de nombreux domaines et d’apporter des réponses adaptées aux attentes de la profession. Pour ne citer que quelques dispositions emblématiques, ce fut le cas, par exemple, pour le bail environnemental, qui soulevait beaucoup d’inquiétudes avant le passage au Sénat et dont la rédaction actuelle, proposée par M. le rapporteur, semble faire consensus. Ce fut aussi le cas de la clause miroir pour les coopératives agricoles. La communication aux associés des procédures de négociation des prix dans le cadre du rapport annuel d’activité de la coopérative semble répondre aux exigences d’information et de transparence.

Beaucoup d’autres points sont à mettre à l’actif de ce projet de loi ; je ne les citerai pas tous, car ils sont trop nombreux. Je relèverai simplement l’importance que revêtent l’amélioration de l’enseignement agricole, la maîtrise des produits phytosanitaires, les mesures en direction de la protection du foncier agricole, l’élargissement du rôle des SAFER, la création du fonds stratégique pour la forêt et la prise en compte des spécificités de la montagne. À ce propos, je voudrais aborder un dernier point, qui me tient particulièrement à cœur. Il relève des dispositions relatives à la forêt, même si je laisse à Bernadette Bourzai le soin de parler plus globalement des avancées significatives introduites dans ce texte pour le secteur forestier.

Il s’agit du cas particulier des communes excessivement boisées en zone de montagne, qui doivent faire l’objet de mesures adaptées à leur aménagement. Les sénateurs, par le biais d’un amendement du rapporteur Philippe Leroy, avaient introduit la possibilité, pour les communes boisées à plus de 70 % de leur superficie, de pratiquer des coupes afin d’ouvrir les paysages et de permettre la réaffectation des parcelles concernées par ce défrichement à un usage agricole. Cette disposition ayant été supprimée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, nous avons réaffirmé le besoin de prendre en compte les contraintes particulières qu’un tel taux de boisement entraînait pour ces territoires. Dès lors, nous avons rétabli ce droit de déboisement. M. le rapporteur Philippe Leroy l’a fort bien rappelé il y a un instant, la fermeture des paysages est peu propice au maintien de la population et entraîne la désertification de ces territoires. Qui a envie de vivre sans horizon ou bien avec pour seul horizon les barreaux immenses d’une prison verte ? En Limousin, nous utilisons une expression qui traduit bien cette situation : nous disons des personnes qui la vivent qu’elles sont « enfermées dehors ».

Mes chers collègues, nous arrivons aux termes de la discussion d’un texte qui, contrairement à ce que l’on peut entendre sur certaines travées, est riche d’innovations et fondateur d’un nouveau cadre.

Notre commission a apporté quelques modifications supplémentaires au texte issu de l’Assemblée nationale, contribuant ainsi à amender encore ce projet de loi qui, si l’on en croit les déclarations de certains dirigeants agricoles, et grâce aux compromis trouvés sur ses dispositions phare, fait l’objet d’un assentiment général. À ce titre, il devrait trouver, dans cet hémicycle, une large majorité pour son adoption en deuxième lecture.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en croisant ce matin le ministre de l’agriculture à l’aéroport, où nous avons échangé sur le débat qui nous réunit ce soir, je n’imaginais pas un seul instant qu’il manquerait ce rendez-vous. Je lui adresse donc à mon tour mes vœux de prompt rétablissement.

Je voudrais dire combien j’ai apprécié la façon dont les travaux ont été menés au sein de la commission des affaires économiques. C’est bien entendu grâce à son président, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… mais aussi à son animateur qu’a été Didier Guillaume. Nos échanges ont été très pragmatiques, chacun ayant le souci d’apporter des réponses concrètes à de graves préoccupations, que nous connaissons bien car elles s’expriment dans nos départements.

J’ai noté un certain nombre d’avancées avec beaucoup de satisfaction, monsieur le rapporteur. J’en prends acte, car je fais partie de ceux qui préfèrent regarder le verre de cidre ou de poiré…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Voilà pourquoi je veux d’abord souligner les aspects positifs que je retire de nos débats au sein de la commission des affaires économiques, qui augurent bien du texte sur lequel nous pourrions, au moins en partie, nous retrouver.

Pour autant, si je m’exprime depuis cette tribune, ce n’est pas pour entrer dans le détail des différents articles qui ont été discutés ou des amendements que nous avons soutenus, dont certains ont été retenus et d’autres écartés. Je conçois plutôt mon rôle comme celui d’un porte-voix des agriculteurs de mon département.

En ces temps de comices agricoles, qui sont des moments privilégiés de rencontre avec les paysans, je tiens à dire que le monde agricole a le sentiment d’être encerclé : les règlements sont parfois appliqués de façon tatillonne, l’opinion accuse les agriculteurs d’être des fauteurs de troubles qui contribuent à polluer les territoires et à en écarter des personnes voulant vivre en toute quiétude dans leur propriété. Songez à la folle rumeur des « 200 mètres » ! Bien sûr, les réseaux sociaux l’ont amplifiée, mais les agriculteurs ont fini par penser qu’il y avait une part de vrai dans ce qui leur était reproché. Les uns et les autres, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous nous sommes employés à démentir cette rumeur. Malgré tout, il en reste quelque chose, je l’ai encore observé voilà quelques jours.

Les agriculteurs ont également le sentiment d’être encerclés, parce que leur avenir se rétrécit. Je suis frappé de voir le nombre de jeunes qui se détournent de cette profession, qui était celle de leurs parents, de leurs grands-parents et de leurs aïeux. Ce découragement touche plus particulièrement les éleveurs.

Élu d’un département connu pour la qualité de ses espèces animales – je rappelle à cette occasion que les jeux équestres mondiaux auront lieu en Basse-Normandie, j’allais dire en Normandie, mais n’anticipons pas !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Quand les troupeaux diminuent, quand les élevages laitiers régressent, les conséquences ne sont pas seulement agricoles, elles sont aussi environnementales. Nous le voyons, les paysages, la nature changent.

Dans une région comme le Perche, où l’élevage est une tradition – on y trouve beaucoup de chevaux, mais aussi des normandes –, si les paysages changent, c’est parce que les prairies sont en train d’être retournées : des terres jusqu’alors consacrées à l’élevage sont mises en culture. Voilà encore quelques jours, je me trouvais à un comice agricole : peu d’animaux étaient présents ; en revanche, on pouvait découvrir d’énormes machines agricoles, qu’on n’avait jamais vues, destinées non pas à l’élevage, mais à la culture.

Le découragement des agriculteurs est d’autant plus grand qu’ils savent que les règles ne sont pas respectées en Europe. Des pays comme l’Allemagne font appel à une main-d’œuvre moins coûteuse, en provenance des pays de l’Est. Dans les années quatre-vingt, nous nous inquiétions à juste titre du devenir d’un certain nombre de cultures après l’élargissement de l’Europe à l’Espagne et au Portugal, du fait d’une main-d’œuvre meilleur marché. À l’heure actuelle, le phénomène est tout à fait différent : qui aurait pu imaginer qu’un pays au niveau de vie élevé comme l’Allemagne produise du lait compétitif par rapport au lait français ?

Madame la secrétaire d’État, en suppléant le ministre de l’agriculture, vous êtes tout à fait à votre place. Je rappelle en effet que vous étiez chargée des questions agricoles au parti socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je lisais récemment l’un de vos derniers communiqués en tant que députée. Vous saluiez les incontestables efforts accomplis par le Gouvernement en matière de politique agricole commune. Vous souligniez que c’était une chance pour l’élevage, en particulier l’élevage familial, puisque les avancées en question permettaient de soutenir les troupeaux de 70 à 80 animaux. Êtes-vous toujours convaincue, maintenant que vous êtes au Gouvernement, de la pertinence de la vision qui était la vôtre à la fin du mois de mai ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Enfin, l’inquiétude de nos agriculteurs porte sur leurs relations avec la grande distribution. Là, vraiment, c’est toujours la lutte du pot de terre contre le pot de fer ! Car ce sont eux les grands perdants, ils en ont chaque jour la démonstration. Quels que soient les mécanismes mis en place – je pense notamment aux initiatives visant à l’instauration d’une médiation –, ils se révèlent inopérants.

Face à cette situation, le Gouvernement dépose un projet de loi. Or, depuis que je suis parlementaire, j’en ai connu quelques-uns, toujours présentés avec un lyrisme extraordinaire. Il faut le reconnaître, nous avons toujours eu de très bons ministres de l’agriculture. Quels que soient les gouvernements, ils étaient enthousiastes et volontaristes. Si seulement c’était une loi qui permettait de redonner espoir aux agriculteurs, il faudrait en voter une tous les ans ! Malheureusement, la réalité est un peu différente. En effet, de plus en plus, c’est au Gouvernement de répondre à leurs préoccupations, car c’est lui qui en a les moyens, tant par les mesures qu’il peut prendre au plan national que par celles qu’il peut suggérer au niveau européen.

Sachez, madame la secrétaire d’État, que l’inquiétude dont je viens de vous faire part est particulièrement forte. Il y a aujourd'hui un silence qui ne doit pas tromper. C’est celui de gens qui travaillent très durement, ne sont pas récompensés de leur travail et découragent leurs enfants de choisir un métier qui a pourtant fait la fierté de nombreuses générations. Faisons en sorte de modifier une telle situation, à défaut de pouvoir profondément la changer. Même les petits pas qui auront été accomplis seront salués. En tout cas, tel sera le sens que je donnerai à mon vote, comme je l’avais fait en première lecture.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’équilibre global de ce projet de loi, très bien décrit précédemment par mon collègue Jean-Jacques Lasserre, sauf pour dire que, contrairement à son titre, ce texte échoue tout de même à tracer des perspectives d’avenir pour notre agriculture.

Il s’agit d’un projet de loi d’adaptation concernant un secteur économique qui en a cruellement besoin. Toutefois, je crains, avec mes collègues centristes, qu’il soit insuffisant pour rassurer nos agriculteurs, nos producteurs et les jeunes qui s’engagent dans cette voie, notamment dans le cadre de l’enseignement agricole, que je connais bien.

Nous sommes loin du travail fourni par Edgard Pisani, qui influence encore aujourd’hui l’organisation de l’agriculture française.

L’agriculture est à la fois l’un des secteurs les plus traditionnels de notre pays et un domaine porteur d’avenir, fleuron de notre économie, qui évolue en permanence. Ce paradoxe est sans doute à l’origine de notre attachement aux agriculteurs et agricultrices, qui font vivre tout un pays, et même plus.

En France, avec plus d’un million d’actifs, l’agriculture est avant tout une activité économique. C’est une richesse pour notre pays, car elle représente à elle seule 19 % de la production européenne et constitue un secteur clé de notre économie. La diversité et la qualité des productions, alliées au professionnalisme des agriculteurs, en font une filière d’avenir. C’est parce que l’agriculture est un domaine d’avenir que j’aimerais aborder deux points précis, qui constituent des piliers pour le futur : la compétitivité et l’enseignement.

Il faut être extrêmement vigilant s’agissant de la compétitivité. Des pays voisins, comme l’Allemagne – Jean-Claude Lenoir vient de le rappeler –, sont en train de nous dépasser progressivement. La main-d’œuvre y est globalement 20 % moins chère qu’en France. Cette différence atteint même 50 % dans les fruits et légumes. Ce n’est pas une question de revenus, car le niveau de rémunération des agriculteurs est déjà trop faible. Il s’agit plutôt de mieux faire correspondre le coût du travail et la rémunération des producteurs. Pour améliorer la compétitivité de notre agriculture, il faut réduire les coûts du travail et simplifier les normes administratives.

Je tiens à rappeler ici le travail, en première lecture, de mon collègue Daniel Dubois s’agissant de la question de la création d’un observatoire de la compétitivité de l’agriculture française et des distorsions de concurrence imposées aux agriculteurs par l’application des directives communautaires et des normes françaises. Toutes les règles pesant non seulement sur les entreprises françaises mais aussi et surtout sur les agriculteurs leur sont devenues insupportables.

Je rappelle que le Sénat, et en particulier M. le président de la commission des affaires économiques, s’était engagé à créer un groupe de travail pour étudier la simplification des normes en matière agricole, ce qui permettrait notamment d’étudier les distorsions entre normes européennes et normes nationales. J’espère que ce groupe verra vite le jour.

La compétitivité de l’agriculture passe aussi par celle de l’industrie agroalimentaire. Il ne faut évidemment pas opposer les deux. Au contraire, ce sont des secteurs phare à valoriser et à mettre en avant pour notre économie.

J’en viens à la seconde partie de mon propos, qui portera sur l’enseignement agricole.

Je vous le disais en première lecture, les travaux préparatoires au présent texte permettaient de nourrir de bons espoirs sur cette problématique.

Le Gouvernement affiche l’ambition de faire de la France un leader en matière d’agroécologie. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour produire au mieux, en relevant un double défi : répondre à la demande mondiale en matière d’alimentation et respecter les écosystèmes, dans le cadre d’un développement durable reposant sur une moindre utilisation d’intrants, la préservation de la ressource en eau et la lutte contre le gaspillage du foncier. Mais l’agriculture n’existant pas sans l’enseignement agricole, je souhaitais que celui-ci, qui prépare les professionnels de l’agriculture et du monde rural et paysager de demain, trouve toute sa place dans ce texte.

L’Observatoire national de l’enseignement agricole a remis en 2013 un rapport présentant de nombreuses préconisations et inscrivant la formation des futurs acteurs du monde rural dans une agriculture du XXIe siècle. Je pensais qu’il serait le socle, la force de propositions, sur lequel ce projet de loi pourrait s’appuyer. Je ne retrouve malheureusement pas dans ce texte les perspectives dessinées par ce rapport, pourtant très fourni ! Où sont les transcriptions des sept recommandations ?

Ce rapport aurait pu être une source dense d’inspiration. Malheureusement, le projet de loi est passé à côté. On ne relève aucune avancée concernant les cinq missions dévolues à l’enseignement agricole, qui constituent un atout essentiel pour l’agriculture du futur. Il manque également l’articulation de l’autonomie des établissements avec un pilotage et un cadrage national. J’ai d’ailleurs redéposé un amendement en ce sens.

Pourtant, l’enseignement agricole, qui présente un modèle de coopération entre le système productif et le système éducatif, mériterait une forte implication des professionnels de l’agriculture et de leurs organismes.

En définitive – je regrette vraiment de devoir faire ce constat –, nous sommes face à un texte témoignant d’un rendez-vous manqué avec l’enseignement agricole. Une nouvelle organisation ancrée dans les régions et les territoires, orientée vers des spécialisations et des voies d’excellence, impliquant tous les acteurs de la filière dans un même acte partenarial, n’a pas su être mise en œuvre dans le cadre de ce travail législatif.

Je crains que notre agriculture ne souffre plus tard de ne pas avoir formé des professionnels capables de répondre et de s’adapter aux questions agronomiques. Je souhaitais d’ailleurs rappeler au ministre de l’agriculture son engagement à remettre en place l’Observatoire national de l’enseignement agricole, qui en est panne depuis plus d’un an maintenant. C’est une instance importante, qui permet d’appuyer les politiques menées et, surtout, d’être au plus près des nécessaires évolutions de l’enseignement.

Au cours de la première lecture, j’avais tenté de déposer certains amendements, sans grand résultat pour la plupart d’entre eux. C’est pourquoi je vous représenterai quelques propositions que je ne détaillerai pas maintenant. J’espère rencontrer cette fois un peu plus de succès !

Au-delà de ces quelques remarques de fond, je tiens tout de même à saluer le travail des rapporteurs, qui ont su trouver des compromis s’agissant de nombreux articles adoptés en commission. Je les félicite de leur sens politique et de leur connaissance du sujet, qui rattrapent quelque peu les insuffisances de fond du texte.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que nous examinions aujourd’hui, en deuxième lecture, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, permettant ainsi à ce texte très attendu d’aboutir avant l’automne. Certes, cela nous oblige à un calendrier un peu contraint, mais, comme vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, ce projet de loi a fait l’objet d’une large et longue concertation. En effet, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, à qui je souhaite un prompt rétablissement, a effectué en amont un travail considérable avec tous les acteurs professionnels et syndicaux du monde agricole. Ce travail de concertation s’est prolongé dans les deux assemblées, avec des débats parlementaires qui se sont déroulés dans un climat serein et constructif, permettant ainsi l’élaboration d’un texte enrichi. Que nos deux rapporteurs, Didier Guillaume et Philippe Leroy, en soient remerciés et félicités !

Comme l’a indiqué le rapporteur Didier Guillaume, nous avons là un bel exemple de coconstruction d’un texte, dont l’enjeu est majeur. Il s’agit effectivement de donner à l’agriculture française les moyens et les outils lui permettant de relever les grands défis de l’avenir. Cela signifie améliorer l’autonomie alimentaire de notre pays et du continent européen, ce dernier, il faut le savoir, dépendant de l’étranger à hauteur de 35 millions d’hectares, et contribuer, au travers de nos exportations, à l’alimentation de pays déficitaires. Cela étant, mon cher Gérard Bailly, il ne s’agit pas de nourrir la planète. Ce serait une très grande ambition !

La première lecture a permis l’adoption de plusieurs mesures fondamentales pour réorienter l’agriculture vers un nouveau modèle de production, l’agroécologie, avec l’ambition de concilier compétitivité, tant de notre agriculture que de notre filière bois, et engagement de la France sur la voie de la transition écologique, le tout en cohérence avec les orientations de la politique agricole commune et le verdissement décidés par l’Union européenne. Je précise que, pour la première fois, ces politiques ont fait l’objet d’une décision conjointe du Conseil des ministres et du Parlement européen et ne sont pas issues de propositions de la seule Commission européenne.

Je me réjouis que les députés aient conservé une bonne partie des enrichissements que nous avions apportés à ce projet de loi.

Je ne reviendrai pas sur les mesures relevant plus particulièrement du domaine agricole, qui ont déjà été évoquées par Didier Guillaume et Renée Nicoux, et j’orienterai mon intervention sur le titre V, c'est-à-dire les dispositions relatives à la forêt.

Des décisions fondatrices pour ce nouveau modèle ont été confortées pendant la navette. Je citerai, entre autres mesures, la reconnaissance de la multifonctionnalité des forêts et de leurs fonctions d’intérêt général, ce qui ouvre la possibilité d’une rémunération de ces aménités environnementales, ainsi que la mise en place d’outils de gestion collective et de dynamisation foncière forestière avec les groupements d’intérêt économique et environnemental forestier, les GIEEF. Cette dernière disposition vise à mieux organiser l’exploitation de la forêt française, mieux mobiliser la ressource, mais aussi à améliorer les relations entre forestiers et collectivités locales, qui ne sont pas toujours au beau fixe.

La première lecture au Sénat avait été l’occasion d’apports importants. L’adoption d’amendements du groupe socialiste avait ainsi permis de maintenir le droit de préférence des communes en cas de vente de parcelles forestières de moins de 4 hectares, afin de favoriser les regroupements, et de prendre en compte les spécificités des zones de montagne pour les seuils nécessaires à la constitution des GIEEF, afin d’adapter cet outil aux conditions physiques montagnardes.

À ce titre, si je souscris tout à fait aux propos du rapporteur Philippe Leroy sur la nécessité de procéder à une déforestation de certains territoires, principalement de montagne, qui sont surboisés, je pense qu’il sera nécessaire de débattre de la création de sections spécialisées forestières.

Ce projet de loi tend aussi à lutter contre l’importation de bois illégal, en autorisant les saisies immédiates de produits incriminés à titre conservatoire, en prévoyant des sanctions pour leur mise sur le marché et en offrant la possibilité aux associations environnementales de se constituer partie civile à l’encontre des contrevenants. Toutes ces dispositions ont été reprises à l’Assemblée nationale et, pour certaines, enrichies ou précisées.

Le Sénat a également permis de progresser dans la recherche d’un équilibre entre les activités des forestiers et celles des fédérations de chasse. Nous avons réussi, me semble-t-il, à consolider le dialogue sylvo-cynégétique…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

… et à trouver les modes de conciliation des intérêts tant des chasseurs que des forestiers. Jean-Jacques Mirassou et Philippe Leroy ont œuvré à ce compromis, et je tiens à les en remercier.

Le groupe socialiste a ainsi introduit des dispositions créant une instance de dialogue : un comité paritaire composé de représentants des propriétaires forestiers et des chasseurs, rattaché à chaque commission régionale de la forêt et du bois. Ce comité devra élaborer chaque année un programme d’actions permettant de favoriser l’établissement d’un équilibre sylvo-cynégétique dans les régions les plus affectées par les dégâts de gros gibier.

Par ailleurs, l’adoption de plusieurs amendements portés par les sénateurs socialistes a permis d’assurer la représentation des fédérations de chasseurs au sein des CDPENAF, du conseil d’administration des SAFER et de la commission régionale de la forêt et du bois et limité la responsabilité des chasseurs sur le plan sanitaire aux espèces de gibier dont la chasse est autorisée.

Tout cela va dans le sens d’une gestion durable et « pacifiée ». Mais il faut aussi répondre aux enjeux économiques et permettre à la France de mieux valoriser son potentiel forestier. L’aspect économique constitue effectivement un enjeu majeur, car, comme le rapporteur Philippe Leroy l’a souligné, la forêt française est la troisième forêt européenne et, malgré cela, la balance commerciale de la filière bois est déficitaire de 6 milliards d’euros. Aussi l’instauration dans la loi, dans un objectif de rééquilibrage, du fonds stratégique de la forêt et du bois représente-t-elle une avancée fondamentale, ce fonds constituant le point de départ de toute politique forestière.

C’est pourquoi, à l’instar du rapporteur Philippe Leroy, je plaiderai pour qu’une solution garantissant à long terme le financement de l’investissement forestier soit trouvée, l’Assemblée nationale ayant supprimé le compte d’affectation spéciale que nous avions adopté. Nous voulons être assurés que le fonds stratégique, créé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, sera convenablement doté et abondé pour encourager le reboisement, lequel est en attente dans de nombreux secteurs, voire en déshérence à la suite des différentes tempêtes.

Ce texte marque aussi une étape importante dans la prise en compte des attentes de la société, et le second point de mon intervention portera donc sur le titre III du projet de loi, visant à progresser en matière de santé animale et végétale et de sécurité sanitaire de l’alimentation.

Certaines des orientations retenues dans ce cadre visent à limiter l’utilisation des produits phytosanitaires, mais également à envisager les moyens d’une réduction de l’usage des antibiotiques en élevage. Nous savons tous que l’antibiorésistance progresse dans notre pays et qu’il est nécessaire de lutter contre cette situation, causant 25 000 décès par an dans l’Union européenne.

Les mesures visant à mieux contrôler l’usage des antibiotiques et limiter celui des produits phytosanitaires constituent une avancée réelle, mais je serai un peu plus mesurée sur les exigences introduites en matière de recours aux pesticides. Comme en première lecture, et en accord avec notre collègue Nicole Bonnefoy, qui fut, en 2012, rapporteur de la mission d’information sur les pesticides et leur impact sur l’environnement et la santé, je plaiderai pour des mesures plus ambitieuses encore en matière de réduction de l’utilisation des pesticides et de limitation de leur impact sur l’environnement et les riverains.

Le projet de loi tend à promouvoir des méthodes alternatives, notamment le biocontrôle. Je tiens à en féliciter M. le ministre de l’agriculture, qui a pris l’initiative de réunir au printemps les professionnels concernés par ce secteur, afin de lancer une dynamique porteuse d’innovation, de développement et d’emplois. Sur ce sujet, je me réjouis particulièrement des dispositions, validées à l’Assemblée nationale, visant à sécuriser l’utilisation des préparations naturelles peu préoccupantes, dites PNPP.

Dans le rapport de la mission précédemment citée, le Senat avait plaidé pour l’utilisation et le développement de ces PNPP. On ne peut que se féliciter que ce travail collectif et constructif ait permis de sortir par le haut d’une situation en apparence bloquée, dont dépendait la mise en œuvre de pratiques alternatives sécurisées et accessibles à tous, particulièrement dans certains secteurs à l’économie fragile, dont le maraîchage, l’horticulture et d’autres encore.

En ce début de seconde lecture, je souhaite que nous ayons des débats riches et constructifs, à l’image de ce qu’ils ont été jusqu’à présent, et que nous maintenions l’objectif de permettre à notre agriculture de remplir ses missions d’alimentation, de production et de durabilité. II en résultera, j’en suis persuadée, quelques améliorations, et le texte issu des travaux du Sénat sera encore renforcé. Cela donnera au ministre de l’agriculture toutes les assurances pour conduire sa mise en œuvre et redonner à notre agriculture et à nos agriculteurs confiance en l’avenir. Moi aussi, monsieur Lenoir, je fréquente les comices agricoles et, dans ce cadre, je tente d’apporter des réponses positives aux questions qui me sont posées, y compris en m’appuyant sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Mme Bernadette Bourzai. Madame la secrétaire d’État, vous pouvez donc compter, tout comme M. le ministre de l’agriculture, sur le soutien du groupe socialiste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de mêler ma voix à celle de mes collègues qui ont précédemment adressé un message de sympathie et de prompt rétablissement au ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll.

Le hasard a permis votre présence parmi nous ce soir, madame la secrétaire d’État, mais vous êtes tout à fait à votre place. En effet, parmi les différents dossiers dont vous avez la charge, se trouvent ceux du commerce et de la consommation. Or, comme un certain nombre de nos collègues précédemment, nous avons quelques messages à vous délivrer sur ces sujets.

Le projet de loi d’avenir que vous nous invitez à examiner en seconde lecture au Sénat, ce soir, appelle de ma part un certain nombre de commentaires.

Tout d’abord, ce texte est clairement orienté vers des préoccupations que je considère plutôt franco-françaises et n’appréhende l’avenir qu’au travers du prisme de ses fonctions environnementales et sociétales.

Répond-il aux défis du futur traité transatlantique ? Non ! Or, du côté américain, on s’est doté avec le farm bill d’une force de frappe économique importante, fondée sur une garantie de revenus face aux aléas climatiques, sanitaires ou liés à la volatilité des prix.

Répond-il à la baisse tendancielle des fonds communautaires ? Non ! La politique agricole commune, à mon grand regret d’ailleurs, fédère de moins en moins les différents États membres.

Répond-il à la fluctuation des revenus de nombreux agriculteurs français ? Non ! Ces revenus sont directement impactés par les aléas climatiques, sanitaires ou géopolitiques, auxquels ils sont pourtant régulièrement confrontés, et subissent les conséquences des rapports difficiles entretenus avec la grande distribution. Cette dernière n’a pas compris que sa pérennité repose également sur celle des producteurs et des transformateurs. Les uns comme les autres doivent dégager des marges financières pour pouvoir se restructurer et évoluer. À ce propos, le cas de l’Allemagne est souvent cité : au cours des huit ou dix derniers mois, ce pays a effectivement accepté une progression de près de 9 % du prix du lait, évolution rendue possible par une pratique de la concertation, qui, même entre producteurs, transformateurs et grande distribution, s’opère avec une certaine harmonie.

Le projet de loi d’avenir n’a donc d’avenir que le nom ! Il ne prépare pas l’agriculture française aux grands défis de demain, et je le déplore.

Lors de l’examen de la nouvelle politique agricole commune, telle qu’elle nous était parvenue de Bruxelles après le vote du Parlement européen, j’avais dénoncé une dérive identique au niveau de la politique européenne. L’Europe est à contre-courant des stratégies agricoles déployées outre-Atlantique. Les pays de cette zone seront donc beaucoup mieux armés qu’elle ne le sera pour profiter de la future augmentation de la demande alimentaire mondiale. Alors que la demande en protéines végétales et animales va croissant à l’aube de ce XXIe siècle, l’Europe et la France ne participeront que marginalement à cette évolution.

J’avais imaginé que notre pays, au lendemain du vote de cette politique agricole commune et grâce à ce projet de loi d’avenir, aurait pu redevenir le « fer de lance » de l’agriculture européenne. Malheureusement, il s’est fait distancer par les Pays-Bas et par l’Allemagne, et ses industries agroalimentaires sont directement menacées par un déficit de restructuration. Certaines d’entre elles, notamment dans la filière des viandes blanches, sont très fragiles. Je vous concède, madame la secrétaire d’État, que nous ne sommes pas parvenus à ce résultat en un jour. Soyons honnêtes ! Mais la situation s’aggrave de jour en jour...

Il ne reste plus aux agriculteurs qu’à subir sur le terrain une administration plus « tatillonne » que jamais, des exigences « environnementalistes » toujours plus lourdes et sans contrepartie financière et une difficulté croissante à obtenir un partage équitable de la valeur ajoutée face à une grande distribution dont l’avidité en termes de profits est sans cesse plus grande.

Face à ces dérives, je ne vois pas de volonté politique forte pour « produire plus et mieux », comme M. le ministre de l’agriculture l’avait pourtant annoncé, le 27 mai dernier, lors d’une session du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire. Cet engagement, je l’avoue, m’avait rassuré et avait rassuré ma famille politique.

Produire plus et mieux est pourtant la seule voie possible, car l’acte de production a pour corollaire la transformation, au sein de nos PME, de nos grandes entreprises de l’agroalimentaire, qui animent et structurent nos territoires ruraux. Malheureusement, à leur tour, je le déplore, ces entreprises se fragilisent, parce qu’elles ne dégagent plus suffisamment de marges pour pouvoir se moderniser, à l’image des entreprises de transformation agroalimentaire des autres pays de l’Union européenne.

Madame la secrétaire d’État, permettez-moi quatre dernières remarques.

Le GIEE est une mesure sympathique s’il en est. Je crains toutefois que ce concept ne soit pas à la hauteur des enjeux et, pis encore, qu’il soit source de complication administrative supplémentaire. Ce n’est sans doute pas la volonté du législateur, ni celle des rapporteurs de ce texte, mais il faut admettre que les agriculteurs sont soumis à une complexité administrative croissante qui les décourage.

Le transfert à l’ANSES de la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes est à mon sens irrationnel ; je me suis déjà exprimé sur ce sujet en première lecture. Je considère en effet que les fonctions d’expertise et de délivrance doivent être clairement séparées. Les plus anciens parmi nous se souviennent des débats qui avaient été initiés par nos collègues Claude Huriet et Charles Descours en copiant un petit peu ce qui avait été fait autrefois par la Food and Drug Administration. Je regrette que nous nous soyons un peu éloignés de cette architecture. Nous verrons comment cela fonctionnera dans l’avenir…

La modification du code civil en vue d’y intégrer le statut de l’animal, classé actuellement par le code rural et le code pénal comme un « être vivant et sensible », serait un geste « loin d’être banal et anodin », pour reprendre l’expression de la garde des sceaux, qui souligne également que « le statut de l’animal a son poids, sa signification et surtout ses conséquences ».

Madame la secrétaire d’État, ces conséquences seraient dévastatrices dans les filières d’élevage et ouvriraient la porte à tous les contentieux qu’un juge pourra engager en donnant libre cours à tous les fantasmes ou interdits. Je m’étonne qu’un ancien ministre de l’agriculture, remarquablement intelligent, fin et pertinent, se soit prêté à cet exercice sans en mesurer pleinement les dérives juridiques potentielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Enfin, je trouve particulièrement choquante la désignation des assesseurs dans les tribunaux paritaires par les juges.

Toutes ces mesures sont loin de redonner à l’agriculture française sa vraie place en Europe et dans le monde.

À cela s’ajoute une menace, celle d’un étiquetage nutritionnel que je vois poindre à l’horizon de la future loi de santé publique de Mme Marisol Touraine, qui soumettrait certains produits agricoles transformés – souvent des produits sous signe de qualité tels le camembert de Normandie ou la saucisse de Morteau – à un affichage discriminant dicté par « la faculté ». Il y a très exactement six ans, au sein de la commission des affaires européennes, je m’étais opposé à un règlement européen qui imposait cet étiquetage nutritionnel. Soyons très attentifs à cette mesure qui se profile dans le projet de loi de santé publique.

Je déplore également, comme le président Raoul, qui fait la même analyse que moi, la condamnation dans notre pays de tout projet de recherche et d’innovation. Le syndicat de la magistrature a publié le 11 juillet dernier un communiqué de presse dénonçant la permanence de la répression de la contestation en France. Des magistrats appellent en substance à condamner ceux qui entreprennent pour construire l’avenir – notre ami Marcel Deneux doit apprécier –, en saluant parallèlement ceux-là mêmes qui détruisent le bien d’autrui « au nom de l’intérêt général pour créer les conditions d’un débat public ». Je tiens à votre disposition, madame la secrétaire d’État, ce communiqué du syndicat de la magistrature qui est assez choquant.

Tout n’est pas bon dans le progrès, mais rien n’est possible sans lui et, s’il n’y a pas de politiques sans risques, il y a des politiques sans chances. Vous ne donnez pas, au travers de ce texte, toutes les chances à l’agriculture de France pour affronter les grands enjeux de demain.

Je finirai sur une note plus positive : le verre de cidre et de calvados à moitié plein…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

M. Jean Bizet. … m’invite à saluer l’engagement des rapporteurs Didier Guillaume et Philippe Leroy ainsi que du président Daniel Raoul. Je sais l’attention qu’ils ont portée à certains des amendements auxquels je tiens. Le sort qui leur sera réservé déterminera le sens de mon vote.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Carole Delga

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont évoqué la relation des producteurs avec la grande distribution. Comme vous le savez, nous avons reçu cet après-midi, avec Arnaud Montebourg et le directeur de cabinet de Stéphane Le Foll, les représentants de la grande distribution et des producteurs. Ce sujet, qui est en effet préoccupant, mobilise toute l’attention du Gouvernement. Je tiens à rappeler que le médiateur a déjà accompli un certain travail et que des contrôles ont été réalisés. Nous recevrons prochainement les conclusions de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et, si des manquements sont constatés, des sanctions seront prises.

Lors de cette réunion a également été rappelée notre volonté de soutenir les PME et de préserver l’emploi. Mardi dernier, lors des questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale, Stéphane Le Foll a d’ailleurs indiqué qu’une aide est apportée au secteur agroalimentaire, en particulier à la production fruitière, notamment dans les départements du sud de la France, qui sont concurrencés par une production espagnole en expansion.

Cet après-midi à Bercy, nous avons aussi évoqué certains des dispositifs de la loi de modernisation de l’économie, la LME, qu’il conviendrait d’améliorer. Certains d’entre vous ont d'ailleurs suggéré ces modifications. Quand des dispositifs votés ne sont pas totalement opérationnels, il est bon de le reconnaître.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

Vous le savez, la situation budgétaire de la France est préoccupante et un effort de tous est nécessaire : de l’État, qui fait cet effort en ce qui concerne le fonctionnement de ses administrations, des collectivités locales, de l’ensemble des Français. Les chambres consulaires doivent donc, elles aussi, contribuer à l’effort, mais celui-ci doit être mesuré, compatible avec les missions qu’elles assument sur l’ensemble de nos territoires, tout particulièrement pour la formation de nos jeunes, c’est-à-dire des apprentis. Concernant les chambres d’agriculture, la réduction de la fiscalité pesant sur leurs adhérents, c'est-à-dire sur les agriculteurs, doit servir à favoriser la compétitivité et le développement économique dans ce secteur.

Le Président de la République et Stéphane Le Foll ont obtenu, comme le rappelait Didier Guillaume, un accord historique sur la politique agricole commune, qui est très favorable pour la France tant en termes de montants que d’orientations. L’élevage est d’ailleurs le secteur qui a reçu le plus fort soutien, en dépit de certaines réactions étonnantes de la profession. Pourtant, il faut bien le dire, s’il y a bien une filière qui souffre dans l’agriculture, c’est l’élevage, notamment le secteur laitier.

En Normandie – je me permets dès à présent d’utiliser cette dénomination –, ….

Sourires.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

… l’élevage est une activité importante. La politique agricole commune prévoit, je le répète, des dispositifs de soutien à ce secteur, qui, en effet, requiert un travail exigeant. Être éleveur – les éleveurs sont des acteurs économiques et environnementaux qui jouent un rôle essentiel dans l’ensemble de nos territoires ruraux et de montagne – suppose une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, mes origines ne me permettent pas de l’oublier.

Concernant la simplification dans le cadre de la politique agricole commune, je rappelle que les installations classées porcines, par exemple, ont bénéficié d’un allégement des normes.

Par ailleurs, je souligne qu’une partie des entreprises agricoles peuvent bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Les coopératives agricoles, quant à elles, profiteront de la disparition progressive de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Concernant l’étiquetage nutritionnel, nous soutenons pleinement Marisol Touraine, qui souhaite un étiquetage plus clair. Pour autant, nous ne sommes pas réduits à ces fameux feux, qui n’étaient pas tricolores, puisqu’il y avait plus de trois couleurs. Nous souhaitons que l’information soit plus lisible, mais sans être pour autant simpliste. La prévention sanitaire grâce une meilleure alimentation ne peut pas se limiter à des couleurs qui n’auraient qu’un effet stigmatisant et aucune vertu pédagogique. Sachez que tant le ministère de l’agriculture que mon secrétariat d’État travaillent avec le ministère de la santé pour améliorer l’étiquetage nutritionnel, en évitant bien sûr de stigmatiser les produits de qualité.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, laissez-nous travailler et vous présenter dans quelques semaines nos projets. Nous serons peut-être plus proches de ce que vous souhaitez que vous ne le pensez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance…

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Plutôt une certaine vigilance !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Joli passing-shot, madame la secrétaire d’État !

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

La mention « fait maison », idée, je le rappelle, qui est partie du Sénat, a fait l’objet d’une large concertation. On ne peut pas à la fois promouvoir la gastronomie, avec une première étape qui est la mention « fait maison », une deuxième étape qui est le titre de « maître-restaurateur », impliquant la cuisine de produits de qualité et le développement de circuits courts, et élaborer un décret simpliste. La cuisine française est complexe…

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

… et c’est pourquoi le décret l’est aussi. Il prévoit certaines exceptions réalistes, tout en reconnaissant le savoir-faire des restaurateurs. Nous mènerons d'ailleurs une réflexion à la rentrée sur la reconnaissance de l’aspect artisanal du métier de cuisinier.

Monsieur Le Cam, vous avez évoqué des dispositifs permettant de développer une forme d’économie participative en matière agricole. Sachez que nous allons très rapidement mettre en œuvre la loi sur l’économie sociale et solidaire. Des financements pourront donc être mobilisés dans ce secteur. Sans entrer dans le détail, j’indique qu’un soutien fort est apporté au modèle coopératif, y compris dans l’agriculture, et que l’accent est mis sur la participation des salariés et la répartition équitable des profits.

Par ailleurs, dans ce projet de loi, nous accordons une attention toute particulière à l’installation des jeunes et à la transmission, avec les contrats de génération. Nous sommes bien conscients que de nouvelles pratiques agro-écologiques doivent être développées, auprès tant des agriculteurs en place, au travers de formations, que des jeunes, grâce à la formation initiale.

M. Leroy a longuement évoqué les problèmes liés à la forêt. Celle-ci doit en effet être fortement soutenue. La cohabitation des multiples acteurs doit parfois être quelque peu dirigée par l’État. Il est vrai que, en zone de montagne, la forêt « descend », comme on dit dans ma région, ce qui pourrait entraîner la disparition de pâturages. Il est donc nécessaire de mener une politique de limitation, pour éviter que l’agro-pastoralisme, qui est essentiel à la montagne, ne soit menacé.

En ce qui concerne l’enseignement agricole, j’ai entendu, madame Férat, vos remarques concernant l’Observatoire national de l’enseignement agricole. Nous en discuterons de nouveau dans les prochaines heures.

Enfin, certains ont parlé de précipitation au sujet de ce projet de loi. Permettez-moi de m’en étonner, car l’objectif de faire adopter cette loi pendant l’été avait été très clairement annoncé. Les travaux ont commencé en janvier dernier et ont été menés de manière concertée, avec efficacité d'ailleurs. Le ministre et ses services ont été très à l’écoute et ont porté les avancées proposées par les parlementaires, qu’ils appartiennent à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter. Stéphane Le Foll pourra les compléter demain – de façon plus brillante que je ne l’ai fait ! – lors de la discussion des amendements que vous défendrez, pied à pied, grâce à votre expérience du terrain.

Je le répète, il faut toujours voir le verre à moitié plein.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Oui, monsieur le sénateur ; Stéphane Le Foll appréciera !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Carole Delga, secrétaire d'État

Dans les prochaines heures, nous travaillerons pour faire de cette loi un texte d’avenir, qui soit riche de promesses, mais aussi pleinement opérationnel, pour notre agriculture et pour la France.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Mes chers collègues, la commission se réunira à neuf heures trente pour l’examen des amendements. Je le rappelle, il a été décidé de cesser nos débats en séance à dix-huit heures au plus tard. Vous pourrez ainsi reprendre des forces pendant le week-end, pour que nous achevions l’examen de ce texte lundi prochain !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, je vous informe que 155 amendements ont été déposés sur ce texte. Par ailleurs, je souhaite à mon tour un prompt rétablissement à M. Stéphane Le Foll.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 18 juillet 2014, à dix heures trente et à quatorze heures trente :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (718, 2013-2014) ;

Rapport de MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, fait au nom de la commission des affaires économiques (743, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 744, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le vendredi 18 juillet 2014, à zéro heure trente-cinq.