Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si cette nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative s’annonce sans grand suspense, elle offre, malgré tout, l’occasion de dresser un premier bilan de la discussion parlementaire.
Ce projet de loi de finances rectificative et son alter ego le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale anticipent les lois de finances de l’automne pour, d’ores et déjà, acter une partie des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité.
Or, j’ai déjà eu l’occasion de le dire en première lecture, les parlementaires écologistes ne se retrouvent pas dans l’équilibre général de ce pacte.
Accorder autant d’argent public à toutes les entreprises, sans conditions ni sectorialisation et en l’absence de véritables contreparties, revient à considérer que notre économie ne souffrirait que d’un défaut de l’offre. Cette logique conduit donc à vouloir accroître toute production, quelle qu’elle soit, sans s’interroger sur la pertinence et l’adéquation du modèle de production aux contraintes écologiques de notre temps.
Aujourd’hui, l’argent public subventionne abondamment une agriculture avide de pesticides, qui suscite de nombreux cancers et stérilise progressivement les sols. Il subventionne aussi fortement le diesel, alors que les particules fines, sans même parler des oxydes et dioxydes d’azote, provoquent chaque année des dizaines de milliers de morts prématurées.
Comment ne pas voir cette urgence écologique ? Comment ne pas voir que c’est ce modèle de développement qui détruit l’environnement et qui alimente la crise économique et sociale par ses dépenses onéreuses et son acharnement à sauver des filières souvent condamnées ?
Disons-le clairement : le groupe écologiste a le sentiment de ne pas être suffisamment entendu. Rien dans l’entretien que le Président de la République a donné le 14 juillet dernier n’ouvre sur une réelle perspective écologique pour notre pays. Aucune mention de la grande conférence internationale sur le climat qui se tiendra l’année prochaine à Paris n’a été faite. Un oubli purement malencontreux, espérons-le ; à défaut, il s’agirait d’un oubli coupable.
Au cours des débats budgétaires successifs, nous avons compris que conditionner les aides aux entreprises demeure impensable pour le Gouvernement. Les effets d’aubaine, y compris ceux du crédit d’impôt recherche, largement documentés par la Cour des comptes, resteront donc la règle.
Il est intéressant de se rappeler, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, que c’est pour financer ces baisses générales d’impôts et de cotisations que le prix des transports en commun a été renchéri par une hausse de la TVA.
En première lecture, les députés avaient adopté, sans que le Gouvernement s’y oppose, une augmentation des taxes de séjour, nationale et francilienne, afin, précisément, de financer les transports collectifs. Malheureusement, ces mesures n’ont pas résisté à la pression des professionnels de l’hôtellerie, et le Gouvernement les a finalement retirées.
Les deux taxes additionnées avaient un effet cumulatif fort et méritaient sans doute d’être améliorées et davantage concertées. Pour autant, la taxe francilienne de séjour est indispensable et urgente pour financer les projets d’infrastructures de transport dans un contexte de diminution des dotations d’investissement aux collectivités territoriales.
Dans ce projet de loi de finances rectificative, on enregistre également un recul spectaculaire des fonds attribués à l’écologie : ce sont 220 millions d’euros pris sur la transition énergétique et la ville durable qui sont réaffectés – comble de l’ironie ! – à la recherche sur le nucléaire militaire.
Outre qu’il heurte profondément les écologistes, ce transfert permet plus généralement de mettre en lumière la débudgétisation chronique et les mécanismes opaques qui permettent de substituer des crédits d’investissement, comme ceux du programme d’investissements d’avenir, le PIA, à des crédits de fonctionnement.
Ce n’est ni nouveau ni unique à la France : c’est un phénomène que l’on remarque aussi à l'échelon communautaire avec la gestion des budgets européens pluriannuels, qui permet souvent de telles dérives. On assiste en effet à une sorte de fongibilité systématique des actions structurelles au profit des budgets courants.
Voyez le cas de la politique agricole commune, avec les politiques structurelles de verdissement, très longues à mettre en place, puisqu’elles s’étalent sur plusieurs années, et les subventions agricoles. Les budgets étant réduits et les changements structurels longs à mettre en place, on se rendra compte d’ici à trois ou quatre ans que tout l’argent qui avait été consacré à la transformation structurelle de l’agriculture en France aura été dépensé dans ce système, qui perdure, des subventions mécaniques à l’agriculture.
À tous les niveaux, les besoins d’investissements au long cours pour permettre la transformation de notre modèle économique sont pourtant reconnus. À tous les niveaux aussi, la chasse aux économies est permanente et elle conduit à privilégier l’existant, fût-il condamné au changement, au détriment de la vision de long terme, fût-elle absolument nécessaire.
De la même manière, les 200 000 euros rendus à l’Institut national de l’audiovisuel en nouvelle lecture pointent le manque de prévoyance d’une politique qui s’assigne des économies improbables : l’INA avait en effet été récemment mis au régime sec. Une partie de ses réserves avait même été aspirée dans le cadre des économies décidées dans le projet de loi de finances pour 2014. Et voilà qu’on lui reverse en cours d’année l’argent qui lui manquait !
Quant aux annonces faites sur l’apprentissage, et qui ont connu un début de traduction législative en nouvelle lecture, elles vont de notre point de vue dans le bon sens, même si de nombreuses incertitudes pèsent encore sur leur financement, qui ne sera abordé qu’à l’occasion du prochain projet de loi de finances.
Enfin, je tenais également à signaler notre déception que le Gouvernement soit revenu sur l’amendement de première lecture qui visait à garantir un marquage des produits de tabac indépendant des fabricants.
Si la première lecture avait donc plutôt amélioré le texte, la nouvelle revient en fait assez largement sur plusieurs de ces avancées. Pour autant, la première partie du texte étant assez brève et contenant dans son article 1er une substantielle mesure d’aide aux ménages les plus modestes, les écologistes la voteront, quoique son probable rejet signifierait la fin de l’examen du texte par notre assemblée.