Monsieur le ministre, la commission est défavorable à votre amendement et j’espère que son avis sera suivi par notre assemblée. En voici la raison, que je formule avec beaucoup d’amitié – voire d’aménité… – à l’égard de votre administration, que je connais très bien, mais dont je vais dire du mal !
De fait, il règne au sein de l’administration forestière une sorte de crainte, de crainte sacrée, de voir disparaître des lambeaux de forêts. Ce dogme est le fruit de la position qu’il a fallu prendre dans notre pays au XIXe siècle, lorsque, après la Révolution, en raison de la révolution industrielle, nos forêts ont été défrichées au point d’être complétement massacrées. Songez, mes chers collègues, que nous étions tombés à 6 ou 7 millions d’hectares en l’espace de cinquante ans ! Dans ce contexte, en France comme en Angleterre et en Allemagne, où le même problème se posait, l’administration et les écoles forestières ont élaboré le dogme de la forêt sacrée : un hectare planté était un hectare sacré.
Seulement, mes chers collègues, c’était il y a cent cinquante ans. Aujourd’hui, on constate que certaines communes de montagne, à la suite de la déprise agricole et du départ des agriculteurs, connaissent des taux de boisement qui interdisent le développement agricole ou touristique, et même le développement tout court. C’est pourquoi il est urgent d’admettre que les forêts sont sacrées là où elles doivent l’être et qu’elles le sont moins là où elles posent un certain nombre de problèmes de développement humain.
Voilà la raison pour laquelle le Sénat, à l’unanimité, a souhaité que, dans le cadre des directives régionales d’aménagement et sous contrôle de la commission régionale de la forêt et du bois, on puisse autoriser certaines communes de montagne, dont le taux de boisement dépasse 70 %, à procéder à des opérations de déboisement qui permettent leur développement.
L’amendement que je propose vient un peu tempérer les craintes de votre administration – que j’ai bien comprises –, et aussi les vôtres, monsieur le ministre.
Il tend simplement à ce que le programme arrêté pour une commune trop boisée qui souhaite se développer soit approuvé par la commission régionale de la forêt et du bois mentionnée dans cette loi. Cela permettrait au préfet, qui préside cette commission, de contrôler le respect de l’esprit de la loi.
Voilà, monsieur le ministre, l’objet de cet amendement. Je demande son adoption et, par conséquent, le rejet du vôtre – je vous le dis en toute amitié.