Intervention de Stéphane Le Foll

Réunion du 21 juillet 2014 à 21h30
Agriculture alimentation et forêt — Vote sur l'ensemble

Stéphane Le Foll :

J’ai entendu – c’est normal ! – quelques critiques : certains se demandent si ce sera une loi d’avenir.

Une loi ne répond pas au présent, pas plus qu’elle ne sert à résoudre des problèmes : ceux-ci se règlent par la dynamique que l’on est capable de créer.

Certains orateurs ont aussi parlé de la compétitivité.

Je ne veux pas faire de polémique, mais si la compétitivité dépendait d’une loi, il aurait suffi que vous adoptiez une loi relative à la compétitivité pour que l’agriculture soit aujourd'hui compétitive !

De la même manière, la recherche – vous me reprochez souvent de ne pas prendre de dispositions en la matière ! – ne se décide pas au travers d’une loi.

La recherche, c’est la mise en route d’un processus. Ce sont les chercheurs qui font la recherche. J’entends bien vos arguments, mais l’enjeu du présent texte, c’est d’offrir demain, comme cela a été dit, des outils pour mobiliser des énergies, engager des processus, offrir des perspectives aux acteurs forestiers, agricoles, industriels et alimentaires. L’enseignement et la recherche doivent être au service d’un projet collectif. C’est tout l’enjeu de l’agro-écologie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas aux spécialistes des questions agricoles que vous êtes que je vais raconter l’histoire de la modernisation de l’agriculture ! Comme beaucoup l’ont rappelé, c’est l’histoire de la mécanisation, de la recherche d’une meilleure production, pour atteindre l’autonomie. Certes, on peut se demander si l’importation de protéines végétales nous rend autonomes… Mais n’oublions pas que nous sommes sortis de la Seconde Guerre mondiale dépendants : dépendants sur le plan de la production non seulement porcine, mais aussi laitière, et surtout, totalement dépendants du point de vue des produits finis. Mécaniser, remembrer, spécialiser : tel a été l’objet de la révolution agricole. Tout cela s’est fait en trente ans.

Aujourd'hui, en quoi ce projet de loi est-il important ? Quelle est notre responsabilité ? S’agit-il de parler de compétitivité ? Oui ! De parler de recherche ? Bien sûr ! De parler d’innovation ? Sûrement ! De donner aux agriculteurs les capacités à s’installer ? Oui ! De redonner aux SAFER les pouvoirs dont elles ont besoin pour gérer le foncier ? Oui ! Mais l’enjeu véritable, c’est l’avenir de l’agriculture dans les dix ou quinze prochaines années. À cet égard, une loi peut permettre de poser les bases de ce que les agriculteurs ont d'ores et déjà entrepris sur la question environnementale, mais que nous devons désormais engager de manière plus profonde, plus générale, plus horizontale.

Le Grenelle de l’environnement a souvent été évoqué. Du Grenelle était sorti l’objectif de 20 % de la surface agricole utile pour le bio en 2020 et de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Néanmoins, aucune loi n’a suivi, et rien n’a été mis en œuvre pour enclencher un processus.

Au-delà de cet objectif, ce qui m’intéresse, c’est la mutation de l’agriculture. Cette mutation est nécessaire. Elle ne doit surtout pas être brutale : elle ne pourra se faire du jour au lendemain !

Donner un cadre avec les groupements d’intérêt économique et environnemental, fixer des objectifs en termes d’agro-écologie, travailler au plan Écophyto, aller plus loin dans la lutte contre l’antibiorésistance qui est engagée, fixer le cadre législatif qui donnera à tous les acteurs la capacité de créer une dynamique et, in fine, de réussir cette mutation : tels sont les enjeux du présent projet de loi, même si les modalités de mise en œuvre restent à définir.

Au final, nous n’aurons réussi que si la future loi trouve une résonance chez tous les acteurs.

Certains parlaient tout à l'heure d’agro-écologie. Je constate que ce sujet fait d'ores et déjà débat – dans les instituts de recherche, par exemple. C’est justement parce que nous avons ouvert des perspectives sur la question que les acteurs commencent à s’en saisir.

J’ai rencontré tout à l'heure des représentants de la Fédération nationale porcine. Nous avons évoqué la question de l’agro-écologie et la manière d’intégrer la production porcine. Cessons de toujours montrer celle-ci du doigt, car ses acteurs sont d’accord pour produire autrement ! Mes interlocuteurs m’ont même donné des exemples de ce qui est déjà pratiqué. Et ils adhèrent au projet !

En effet, derrière l’agro-écologie, il y a l’idée, très importante, que l’environnement ne s’oppose pas à la production agricole, et que celle-ci peut se préoccuper de celui-là. Les deux vont de pair. Jusqu’à présent, le débat était pipé : entre l’environnement et la production, on pensait qu’il fallait choisir. À cet égard, il me semble que le cadre posé par le biais du projet de loi permet, enfin, d’affirmer que les deux sont compatibles. Le Sénat y a ajouté la dimension sociale. La triple performance – économique, sociale et environnementale – de la production se voit ainsi consacrée.

À quoi sert une loi ? À créer des débats, à enclencher des processus, à mobiliser des énergies. Tout cela, le texte le permet.

Au travers des débats que nous avons eus sur les différentes questions qui se posaient, chacun a pu faire progresser une grande cause : celle de l’agriculture et de la forêt françaises. §

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