Intervention de Marcel Deneux

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 8 juillet 2014 : 1ère réunion
Examen du rapport de m. jean-yves le déaut député premier vice-président et m. marcel deneux sénateur vice-président sur « les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économie d'énergie dans le bâtiment »

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux, sénateur, vice-président :

L'objet de notre étude était donc d'examiner les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment.

Lorsqu'on prend un peu de recul par rapport au dispositif complexe qui régule l'insertion sur le marché des composants de la construction, qu'il s'agisse des matériaux (parpaings, isolants) ou des équipements (chaudières, ventilations), il apparaît que ces freins réglementaires peuvent intervenir à trois niveaux.

Tout d'abord, au niveau des procédures évaluant la sécurité et la qualité des produits. En vis-à-vis, ces procédures sont gérées dans la perspective de la fameuse « responsabilité décennale », mise en place par la loi « Spinetta » de 1978. C'est un régime de présomption de responsabilité de tous les acteurs de la construction vis-à-vis du maître d'ouvrage. Quels sont les opérateurs français de cette procédure au long du cycle de vie du produit, depuis les premiers contrôles techniques jusqu'au repérage des sinistres qui surviennent a posteriori, avec les mesures qui sont prises en conséquence ? Ce sont successivement : le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), les organismes de certification comme, par exemple, l'ACERMI pour les isolants, et l'Assurance qualité construction (l'AQC). M. Jean-Yves Le Déaut expliquera les problèmes constatés dans l'évaluation technique, et présentera les réformes que nous proposons.

Le deuxième domaine pouvant produire des freins réglementaires à l'innovation est celui des aides publiques. Cela peut paraître paradoxal de considérer les aides comme un frein. Mais la mise en place d'aides s'accompagne de la fixation des règles définissant leurs conditions d'octroi. Or, par définition, les innovations ne sont pas connues au moment où ces règles sont fixées. Les produits innovants sont donc désavantagés par rapport aux produits mûrs. Et les industriels fabriquant des produits mûrs font bien sûr tout pour conserver leurs aides, et empêcher les nouveaux venus d'en avoir. Nous avons décompté 14 aides nationales et 347 aides locales ; évidemment, chacune obéit à des règles distinctes, et personne dans l'administration n'a une vision globale de cette jungle ; les industriels, les distributeurs, les points contacts d'information, chacun dans son coin essaye de suivre l'évolution de ce monument de complexité. Je reviendrai sur la manière dont on pourrait simplifier cette véritable jungle.

Enfin, le troisième domaine d'apparition potentielle de freins à l'innovation touche aux règles de la construction en général et à la réglementation thermique en particulier, aujourd'hui la RT2012. Les prescriptions quantitatives de cette réglementation sont intégrées dans un outil de simulation appelé couramment le « moteur de calcul ». La conception de toute nouvelle construction doit être soumise à un test de validation, permettant de vérifier, dès sa conception, si le bâtiment pourra se conformer à la RT2012. Tout composant nouveau doit être préalablement référencé, puis techniquement décrit, dans le « moteur de calcul » pour pouvoir ensuite être utilisé. La procédure à suivre pour l'intégration dans le « moteur de calcul » est dite procédure du « titre V ». Elle est gérée formellement par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Mais, en réalité, c'est le CSTB qui a la main sur le « moteur de calcul » et son évolution. M. Jean-Yves Le Déaut va expliquer comment nous proposons d'introduire de la transparence dans ce dispositif.

Ce sera sans doute un apport important de notre étude d'avoir essayé d'apporter un peu de lumière dans cet univers complexe. Dans leurs plaintes, les industriels mélangent les différents aspects, et sont, de ce fait, difficilement compréhensibles. Du côté de l'administration, cette complexité a, jusqu'à présent, servi à justifier l'arbitraire. Quant aux ministres en charge du logement, ils se sont contentés de faire confiance à leurs services.

Ce n'est plus possible de continuer à fonctionner comme cela, car le sujet des économies d'énergie est devenu trop important ; c'est pourquoi nos recommandations sont ambitieuses.

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