Nous voici aujourd'hui réunis pour l'avant-dernière fois avant l'été, étant rappelé que, demain, nous réunissons le Conseil scientifique de l'OPECST pour lancer une réflexion, à laquelle je tiens particulièrement, sur l'intégrité scientifique.
La réunion de demain se tiendra au Sénat dans la grande salle de la rue Casimir Delavigne.
L'ordre du jour de notre présente réunion comprend quatre points ; le premier a trait aux organismes extraparlementaires dans lesquels siègent des membres de notre Office.
J'ai souhaité les évoquer non pour désigner aujourd'hui des représentants dans un ou plusieurs organismes extraparlementaires précis mais pour attirer votre attention sur le fait que le Conseil d'orientation stratégique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité accueille, certes, des membres de l'OPECST mais non pas en tant que membres, titulaires ou suppléants, puisque ces personnes sont désignées par le directeur de la fondation.
L'article 8 des statuts de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité prévoit que des représentants de l'OPECST peuvent toujours assister aux réunions dudit conseil stratégique d'orientation en qualité d'invités permanents sans droit de vote.
L'OPECST a donc toute latitude pour désigner un ou plusieurs invités permanents parmi ses membres pour chaque séance de ce conseil d'orientation.
Toutefois, il me semblerait souhaitable de procéder à la désignation d'un membre titulaire et d'un membre suppléant, d'une part, pour les députés et, d'autre part, pour les sénateurs, afin que quatre d'entre nous se sentent plus particulièrement concernés par le suivi des travaux de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.
Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, a assisté régulièrement, de 2008 à 2011, aux séances du conseil d'orientation mais, depuis octobre 2011, elle n'est plus membre de notre Office. Force est de reconnaître qu'aucun de nous ne lui a succédé dans le suivi qu'elle exerçait.
C'est pourquoi j'attire votre attention, dès aujourd'hui, sur le fait que, dès que la composante sénatoriale de l'OPECST sera reconstituée, à la suite du renouvellement sénatorial partiel de septembre 2014, cette participation sera de nouveau évoquée, de même que le remplacement dans d'autres organismes extraparlementaires de sénateurs non candidats ou non réélus lors des prochaines élections sénatoriales.
Nous allons maintenant procéder à la désignation d'un rapporteur, en réponse à deux saisines, l'une du Sénat et l'autre de l'Assemblée nationale.
Je rappelle que, pour impliquer le maximum de membres de l'Office dans ses travaux, il est de tradition depuis quelques années de procéder à la désignation de deux rapporteurs par rapport en faisant en sorte qu'il y ait à la fois un député et un sénateur, un membre de la majorité et un membre de l'opposition et, si possible, une femme et un homme.
Nous allons donc, tout d'abord, désigner un rapporteur pour la saisine de la commission des affaires économiques du Sénat du 17 avril 2014 sur le thème « des usages de la biomasse et de leur développement », pour laquelle le sénateur Roland Courteau s'est porté volontaire et a commencé des auditions exploratoires.
Y a-t-il d'autres candidats ?
M. Roland Courteau est donc désigné officiellement en qualité de rapporteur pour l'étude sur la biomasse.
J'ai le plaisir de le féliciter et de l'encourager dans ses futurs travaux.
Nous allons maintenant désigner deux rapporteurs pour la saisine de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du 23 juin 2014 sur « Les enjeux et les perspectives de l'épigénétique », pour laquelle je n'ai pas reçu de candidatures pour l'instant.
Quels sont les candidats ?
Je constate qu'il y a quatre candidatures. Celles de M. Alain Claeys, de Mme Anne-Yvonne Le Dain, de M. Jean-Louis Touraine et de M. Jean-Sébastien Vialatte, soit quatre candidatures de députés et aucune de sénateurs.
Il est donc suggéré aux candidats de se rapprocher pour décider ensemble des deux candidatures à présenter. Faute d'un tel accord, ces quatre candidatures seront soumises au vote lors de la prochaine réunion de l'Office.
Notre étude sur les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économie d'énergie dans le bâtiment répond à une demande du bureau de l'Assemblée nationale transmise le 27 mai 2013 ; l'étude de faisabilité qui avait fixé le cadre de notre travail date du 9 juillet 2013.
L'étude a donc duré un an, et s'est inscrite dans le cadre de la préparation de la loi sur la transition énergétique.
Dans ce laps de temps, nous avons auditionné plus de 170 acteurs du secteur, d'une part à Paris, notamment dans le cadre de deux auditions publiques ouvertes à la presse, et également en Franche-Comté, en Alsace, en Lorraine, à Lyon et à Chambéry. Nous sommes allés à Berlin pour rencontrer des responsables de la politique allemande, mais aussi dans le Bade-Wurtemberg et en Bavière, pour visiter des centres de recherche à Offenbourg, Karlsruhe, Stuttgart et Wurtzbourg ; nous avons également pris des contacts en Autriche, dans le Vorarlberg, et en Finlande. J'ai profité d'un déplacement en Suède pour rencontrer des acteurs du secteur du bâtiment.
Comme nous le martelons, 300 000 emplois sont en jeu.
Toutes ces références nous ont permis de comprendre que l'Europe est en mouvement pour conquérir les marchés immenses de la rénovation énergétique, et que la France risque de perdre la bataille de l'emploi associé si elle néglige l'innovation dans la physique des bâtiments.
Il serait irresponsable de gérer la transition énergétique dans l'immobilisme technique, comme le pensent certains responsables politiques et administratifs, qui croient qu'il suffirait de distribuer des aides publiques pour changer les choses ; il faut, au contraire, la voir comme un formidable défi scientifique et technologique qui va redonner un élan à notre économie, en stimulant sa capacité à créer, inventer, innover, pour conquérir des parts de marché en France et à l'étranger.
C'est cette vision dynamique de la transition énergétique qui donne toute sa légitimité à notre étude sur les freins à l'innovation. Un calcul sommaire indique que le marché français de la rénovation est de l'ordre de 900 milliards d'euros, trois fois le coût du renouvellement à neuf du parc d'électricité. Si l'on se contente d'essayer de faire face avec les techniques connues, non seulement on n'y arrivera pas, car la tâche est immense et on ne pourra pas la surmonter sans ruptures technologiques, mais, en plus, notre pays risque de se faire dépasser par nos voisins européens, qui eux, se mettent massivement en ordre de bataille.
L'objet de notre étude était donc d'examiner les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment.
Lorsqu'on prend un peu de recul par rapport au dispositif complexe qui régule l'insertion sur le marché des composants de la construction, qu'il s'agisse des matériaux (parpaings, isolants) ou des équipements (chaudières, ventilations), il apparaît que ces freins réglementaires peuvent intervenir à trois niveaux.
Tout d'abord, au niveau des procédures évaluant la sécurité et la qualité des produits. En vis-à-vis, ces procédures sont gérées dans la perspective de la fameuse « responsabilité décennale », mise en place par la loi « Spinetta » de 1978. C'est un régime de présomption de responsabilité de tous les acteurs de la construction vis-à-vis du maître d'ouvrage. Quels sont les opérateurs français de cette procédure au long du cycle de vie du produit, depuis les premiers contrôles techniques jusqu'au repérage des sinistres qui surviennent a posteriori, avec les mesures qui sont prises en conséquence ? Ce sont successivement : le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), les organismes de certification comme, par exemple, l'ACERMI pour les isolants, et l'Assurance qualité construction (l'AQC). M. Jean-Yves Le Déaut expliquera les problèmes constatés dans l'évaluation technique, et présentera les réformes que nous proposons.
Le deuxième domaine pouvant produire des freins réglementaires à l'innovation est celui des aides publiques. Cela peut paraître paradoxal de considérer les aides comme un frein. Mais la mise en place d'aides s'accompagne de la fixation des règles définissant leurs conditions d'octroi. Or, par définition, les innovations ne sont pas connues au moment où ces règles sont fixées. Les produits innovants sont donc désavantagés par rapport aux produits mûrs. Et les industriels fabriquant des produits mûrs font bien sûr tout pour conserver leurs aides, et empêcher les nouveaux venus d'en avoir. Nous avons décompté 14 aides nationales et 347 aides locales ; évidemment, chacune obéit à des règles distinctes, et personne dans l'administration n'a une vision globale de cette jungle ; les industriels, les distributeurs, les points contacts d'information, chacun dans son coin essaye de suivre l'évolution de ce monument de complexité. Je reviendrai sur la manière dont on pourrait simplifier cette véritable jungle.
Enfin, le troisième domaine d'apparition potentielle de freins à l'innovation touche aux règles de la construction en général et à la réglementation thermique en particulier, aujourd'hui la RT2012. Les prescriptions quantitatives de cette réglementation sont intégrées dans un outil de simulation appelé couramment le « moteur de calcul ». La conception de toute nouvelle construction doit être soumise à un test de validation, permettant de vérifier, dès sa conception, si le bâtiment pourra se conformer à la RT2012. Tout composant nouveau doit être préalablement référencé, puis techniquement décrit, dans le « moteur de calcul » pour pouvoir ensuite être utilisé. La procédure à suivre pour l'intégration dans le « moteur de calcul » est dite procédure du « titre V ». Elle est gérée formellement par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Mais, en réalité, c'est le CSTB qui a la main sur le « moteur de calcul » et son évolution. M. Jean-Yves Le Déaut va expliquer comment nous proposons d'introduire de la transparence dans ce dispositif.
Ce sera sans doute un apport important de notre étude d'avoir essayé d'apporter un peu de lumière dans cet univers complexe. Dans leurs plaintes, les industriels mélangent les différents aspects, et sont, de ce fait, difficilement compréhensibles. Du côté de l'administration, cette complexité a, jusqu'à présent, servi à justifier l'arbitraire. Quant aux ministres en charge du logement, ils se sont contentés de faire confiance à leurs services.
Ce n'est plus possible de continuer à fonctionner comme cela, car le sujet des économies d'énergie est devenu trop important ; c'est pourquoi nos recommandations sont ambitieuses.
Notre rapport s'ouvre sur deux affaires montrant des problèmes dans l'évaluation technique des produits. Elles ont provoqué l'indignation de plusieurs députés qui ont demandé au bureau de l'Assemblée nationale de nous saisir. Ce sont les affaires des ouates de cellulose, et des couches minces d'isolants.
La ouate de cellulose est un isolant écologique tiré du bois. Elle a commencé à se développer fortement en France à partir de 2010 ; les petites entreprises concernées ont pris soin de se conformer à la procédure des avis techniques.
Mais ces entreprises ont été abattues en plein envol à cause d'une triple alerte réglementaire : d'abord, sur l'utilisation des sels de bore comme fongicide ; ensuite, sur le risque d'incendie en cas de proximité avec des spots lumineux encastrés ; enfin, sur les conditions d'octroi des certificats d'économie d'énergie. Aujourd'hui, plusieurs de ces entreprises ont fait faillite ; vendredi dernier, je devais faire face à des employés licenciés qui manifestaient devant ma permanence.
La première alerte réglementaire a été lancée par un groupe spécialisé de la commission en charge de formuler les avis techniques (CCFAT) ; la deuxième alerte, celle sur les débuts d'incendie avec des spots encastrés, a été lancée par l'AQC, la troisième par le CSTB.
Tous ces à-coups peuvent s'expliquer : dans le premier cas, la faute résulte de sur-réactions de la Direction générale de la prévention des risques par rapport à des évolutions de la réglementation européenne REACH ; dans le second cas, la faute est la conséquence d'un manque de vigilance, y compris au niveau du « groupe spécialisé », concernant le besoin d'imposer la pose d'un capot protecteur, dans le troisième, elle s'explique par des changements des règles du jeu.
M. Marcel Deneux et moi voulions nous rendre compte de la manière dont les instances impliquées fonctionnent. Nous sommes donc allés assister, d'abord à des réunions des groupes spécialisées de la CCFAT, ensuite à une réunion de la Commission de « prévention produits », dite « C2P », de l'AQC. Tout nous a semblé normal, aussi bien organisé qu'il est possible quand on fait appel à des experts d'un secteur pour apprécier des produits dudit secteur, c'est-à-dire quand on fait juger les qualités d'un produit par ses concurrents. Nous avons tout de même été troublés par l'absence de chercheurs et d'universitaires.
Il reste que notre fréquentation de ce milieu nous a fait entendre beaucoup de choses invérifiables : que la mort de la ouate de cellulose profite évidemment aux isolants classiques en laine minérale, et que le soupçon de préméditation par un jeu d'influence bien calculé demeure. J'avais personnellement demandé une enquête administrative. Cette demande demeure d'actualité. Je constate, en tout cas, que certains responsables des instances impliquées ont été remplacés au cours des derniers mois.
Quant à l'affaire des couches minces d'isolants, elle résulte de la revendication d'un industriel concernant une performance accrue de son produit, justifiée par sa facilité de mise en oeuvre. La rénovation des bâtiments anciens doit souvent s'accommoder de la géométrie imparfaite des surfaces ; dans ce cas, des films souples permettent de réaliser beaucoup plus facilement l'étanchéité que des blocs massifs d'isolants qu'il faut ajuster aux jointures. Le produit est intrinsèquement moins performant, mais plus facile à mettre en oeuvre de façon adéquate.
Le conflit entre le CSTB et l'entreprise en question porte, depuis une dizaine d'années, sur la valeur qu'on peut accorder à une mesure in situ, dans des chalets expérimentaux, pour rendre compte de la performance du produit. Le CSTB s'en tient à une mesure en laboratoire, car une mesure en situation réelle est difficilement reproductible ; il conteste qu'on puisse retenir le résultat d'une comparaison entre, d'un côté, l'installation parfaite d'un produit, et de l'autre, une installation imparfaite d'un produit concurrent ; il constate que la comparaison de deux installations parfaites confirme l'écart des performances intrinsèques.
L'affaire a connu plusieurs extensions devant les tribunaux, en France et dans d'autres pays d'Europe, notamment parce que les concurrents de l'entreprise concernée ont demandé, avec succès, le retrait des allégations de performance.
Nous avons demandé que le conflit s'oriente vers la recherche d'une « paix des braves », avec l'abandon des procédures judiciaires en cours, en échange de la mise en place d'une appréciation de performance sur la base du parc installé.
Notre idée est qu'il faut dépasser ce débat sur la performance intrinsèque des produits, car cette performance intrinsèque ne sert qu'à alimenter des calculs théoriques, sans forcément de lien avec le résultat final obtenu, puisque celui-ci dépend pour beaucoup de la mise en oeuvre.
S'il doit y avoir des procès, ce n'est pas entre industriels, sur des performances théoriques, mais entre les industriels alléguant certaines performances et les maîtres d'ouvrage floués, une fois leur maison construite.
Quant aux leçons que nous retenons de ces deux affaires sur l'organisation de l'évaluation technique, elles sont de deux ordres :
- d'abord, le CSTB, pour ses tâches d'évaluation technique via la CCFAT, est à la fois en situation de prescripteur et de prestataire ; en outre, il dépend pour son financement de ses prestations techniques, et il est mis en position de réclamer aux industriels des tests techniques qu'il va ensuite leur facturer ;
- ensuite, le CSTB, pour ce qui concerne ses analyses scientifiques comme celles relative à la mesure de la performance réelle, n'est pas assez immergé dans le monde de la recherche.
C'est pourquoi nous préconisons de séparer le CSTB en deux entités : d'une part, le CSTB lui-même resterait en charge de l'évaluation technique, mais aussi de l'expertise (auprès du Gouvernement) et de l'information (publication de guides) ; avec l'idée complémentaire de le financer via une taxe affectée prélevée sur les primes d'assurance, pour qu'il ait les moyens d'une pleine indépendance ; d'autre part, tous ces moyens techniques seraient regroupés dans un établissement juridiquement distinct : « Les laboratoires de la physique du bâtiment », qui serait immergé dans la communauté scientifique correspondante.
Nous pensons que le dispositif ainsi réaménagé, inspiré du modèle allemand du DIBt, qui n'a pas de moyens techniques propres et renvoie pour les prestations à des laboratoires à travers l'Allemagne, gagnerait beaucoup en crédibilité.
Je l'ai évoqué précédemment, les aides aux produits, qu'il s'agisse de matériaux ou d'équipements, constituent une barrière à l'entrée pour les produits innovants qui sont, par définition, non compris dans leur champ. Le calage de ces aides sur les avis techniques et les certifications accroît d'ailleurs la tension sur l'obtention de ces signes de qualité.
Mais les aides aux produits ne constituent pas seulement un frein pour l'innovation. Elles ont aussi pour conséquence un gaspillage des ressources publiques d'appui à la rénovation, pour deux raisons : d'abord, en présence des aides, les intermédiaires relèvent leurs prix, ce qui réduit l'effet d'incitation pour le consommateur final ; ensuite, les intermédiaires utilisent les aides comme argument commercial, ce qui provoque, au coup par coup, des décisions d'investissement qui ne sont pas forcément pertinentes.
Ainsi, la France, déjà à la peine pour mobiliser des ressources publiques, disperse en plus ses efforts avec son système d'aides aux produits. Car l'analyse des aides montre qu'elles sont, à hauteur de 60 % au moins, des aides ciblant des produits.
La principale recommandation en ce qui concerne les aides consiste donc à demander qu'elles soient affectées aux projets de rénovation, et non plus aux produits. L'idée est que, au cas par cas, pour chaque bâtiment à rénover, c'est la technologie la plus adaptée qui doit être utilisée, et non pas celle qui est la plus aidée. Il faut rechercher l'utilisation la plus efficace possible des ressources publiques affectées à la rénovation.
Dans cette approche, une difficulté surgit : comment définir la solution la plus efficace ? De fait, l'ADEME a déjà donné la bonne réponse à cette question en imaginant le label « RGE » : « Reconnu garant de l'environnement », entré en vigueur ce 1er juillet. Mais si le principe de labellisation des professionnels pour le conseil en rénovation semble pertinent, la cible choisie apparaît inadaptée : les 385 000 artisans sont très enclins à vendre avant tout leurs propres services. Du reste, les retours que nous avons eus sur les stages permettant d'obtenir le label indiquent que ces formations sont assez superficielles.
La recommandation proposée est donc plus ambitieuse : certifier un groupe d'environ 3 000 ou 4 000 « conseillers en rénovation », qui rempliraient cette fonction d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, à la fois qualifiée et indépendante, indispensable pour gérer, de la manière la plus efficace possible, chaque cas de rénovation. L'accès aux aides serait conditionné par l'élaboration d'un plan de rénovation conçu avec l'un de ces conseillers certifiés. Ce plan comporterait un échéancier des opérations successives à effectuer, dont la réalisation serait consignée dans un « passeport rénovation » qui serait attaché au bâtiment.
Ces conseillers certifiés seraient des acteurs privés, payés pour leur prestation. Les aides globalisées, de l'ordre de 5 000 à 6 000 euros par rénovation sur la base des données d'aujourd'hui (2 milliards d'euros pour 300 000 rénovations) couvriraient de fait le coût de ce conseil, de l'ordre de 1 000 euros.
Nous avons découvert à Berlin que ce modèle rejoignait certaines réflexions en cours au sein de la DENA, l'équivalent allemand, semi public, de l'ADEME.
D'un point de vue juridique, il est compatible avec le monopole des architectes, puisque nombre d'opérations de rénovation concernent en pratique des maisons de moins de 170 mètres carrés.
Dès lors, notre idée est de proposer que la certification soit assurée par l'université. Elle s'appuierait sur une formation initiale pour les étudiants, une formation continue pour les ingénieurs thermiciens et les architectes candidats, et une formation professionnelle pour des artisans souhaitant se consacrer à ce nouveau métier. Des filières pouvant délivrer ce genre de compétence hybride se mettent déjà en place, à Grenoble INP, par exemple. Il faudrait réussir des examens, et accepter d'effectuer régulièrement des stages de mise à niveau, eux-mêmes sanctionnés par un contrôle sérieux ; la certification serait retirée en cas de refus d'effectuer les efforts de mise à niveau.
Avec la globalisation des aides et ce dispositif des conseillers à la rénovation, le même niveau d'effort de la collectivité publique permettrait d'atteindre une efficacité plus grande, en supprimant les freins à l'innovation créés par les aides aux produits.
La procédure d'intégration au moteur de calcul est la partie la plus problématique du parcours d'une innovation, car c'est, de loin, la partie la moins transparente. Nous lui avons consacré une audition publique spécifique, le 13 février 2014, dont le compte-rendu figure dans le rapport.
D'abord, on ne sait pas vraiment qui est l'interlocuteur, puisqu'on ne le voit pas : en théorie, c'est la DHUP car il s'agit d'obtenir une adaptation partielle de la réglementation thermique, par arrêté ministériel ; en pratique, c'est le CSTB, qui est l'auteur de l'ensemble des modélisations constituant le moteur de calcul, et qui en gère la transcription logicielle sous la forme d'une boite noire, dont lui seul a la clef.
La procédure avance par des échanges écrits et progresse au rythme des examens successifs du dossier par la commission dite « du titre V » au rythme d'un examen tous les deux mois ; il peut y avoir cinq, six passages en commission ; à chaque fois, il faut répondre par écrit à de nouvelles questions. Lorsqu'on a la chance d'être convoqué, ce qui est rare, on est entendu par un jury d'une quinzaine de personnes dont on ignore les noms, et qui limitent strictement leurs échanges aux questions posées. C'est un peu comme si l'on avait affaire à une sorte de société secrète.
Nous avons écrit à la ministre pour connaître la composition de la commission. On nous a répondu que le secret de leur identité garantissait l'indépendance de ses membres.
Nous avons ensuite obtenu cette composition par une voie détournée et constaté que le CSTB y est dominant à travers ses filiales de certification ; et, à côté des représentants des bureaux d'études, il y a des personnes rattachées à des grands groupes.
C'est un point critique : l'absence de transparence masque à la fois la décision arbitraire d'un très petit nombre de personnes au CSTB, probablement même d'une seule, et l'influence de certains grands groupes. Le directeur de la DHUP a ainsi reconnu, en audition publique, qu'il accueillait dans ses services un employé détaché de GDF Suez.
La recommandation proposée est simple : créer, à la place de cette commission secrète, une instance transparente sur le modèle du « Haut conseil pour la transparence et l'information sur la sûreté nucléaire », c'est à dire une instance composée de collèges représentatifs des différentes parties prenantes du secteur du bâtiment ; c'est cette instance qui gérerait les demandes d'évolution du moteur de calcul, en tout transparence, en émettant un avis que le ministre ne pourrait contester qu'en le justifiant. Faudrait-il aller jusqu'à confier à cette instance le pouvoir de décision, en la transformant ainsi en une sorte d'autorité administrative indépendante ?
L'important serait de ramener la DHUP à un rôle de secrétariat et le CSTB à une position de partenaire parmi d'autres. Toutes les décisions de ce « Haut conseil de la construction » à propos des innovations bénéficieraient alors de la légitimité que confère une procédure transparente. On se rapprocherait ainsi, en France, de la situation d'autres pays d'Europe comme la Suède et l'Allemagne, où c'est la communauté professionnelle qui définit elle-même ses bonnes pratiques.
Par ailleurs le logiciel transcrivant les 1 377 pages du « moteur de calcul » passerait en mode de gestion ouverte dite « open source ». Cela en faciliterait les corrections et les évolutions. Le CSTB animerait le réseau des contributeurs, et éditerait les versions successives.
Sur ces bases renouvelées, notre pays pourrait alors reprendre sa marche en avant pour conquérir une position de pointe dans la physique du bâtiment. J'y reviendrai.
Il est un point sur lequel le moteur de calcul n'a pas évolué : c'est la prise en compte des émissions de CO2. Pourtant, c'est là un des objectifs premiers de la politique énergétique de notre pays.
Le rapport de M. Claude Birraux et de M. Christian Bataille, en 2009, avait soulevé le problème de l'ajout d'un plafond d'émission de CO2 dans la réglementation thermique, à côté du critère de consommation en énergie primaire. Lorsque nous sommes allés à Bruxelles, les fonctionnaires de la Commission nous ont confirmé que rien, dans le droit européen, ne s'opposait à cet ajout, contrairement à ce qui avait été opposé, à l'époque, à cette recommandation. La loi Grenelle 2 a prévu que ce plafond serait un des éléments de la prochaine réglementation thermique de 2020, et des discussions se tiennent depuis plusieurs mois autour de l'idée de tester un tel plafond dans le cadre d'un nouveau label plus exigeant que la RT 2012.
Le débat butte sur le calcul des émissions de CO2 de l'électricité, à cause de la thèse consistant à prendre en compte non pas les émissions moyennes sur l'année, mais les émissions dites « marginales », celles de la pointe de consommation d'hiver, ce qui revient pratiquement à considérer que le contenu en CO2 de l'électricité française est égal à ce qu'il serait, si celle-ci était produite à 100 %, tout au long de l'année, par les plus émissives centrales au charbon d'Europe.
Manifestement, ce raisonnement n'est pas très cohérent : à se focaliser ainsi sur la pointe de consommation, il est d'ailleurs invalidé pour les années aux hivers doux, comme celui que nous venons de vivre, qui pourraient se multiplier avec les changements climatiques.
Mieux vaut donc sortir de ce débat en calculant les émissions réelles tout au long de l'année, en tenant compte des appels de puissance supplémentaires adressés à nos voisins à certains moments.
Par ailleurs, comme l'avait indiqué un rapport de MM. Bruno Sido et Serge Poignant, en 2010, il faut traiter la question de la pointe éventuelle de consommation par une politique spécifique jouant notamment sur les réserves d'effacement de la demande, la suppression, grâce à des relogements prioritaires, des taudis énergétiques équipés de « grille-pain », et la mise en place d'une politique tarifaire dissuasive de type EJP.
La réglementation thermique peut appuyer cette politique grâce à une modulation créant une incitation à étendre les zones géographiques donnant accès au gaz, et favorisant l'installation d'un chauffage relais pour les jours de pointe : chaudière à bois ou système local de stockage d'énergie.
À cet égard, nous avons visité à Crailsheim, dans le Bade-Wurtemberg, un système de stockage d'énergie à l'échelle d'un quartier, basé sur un ballon d'eau chaude de plusieurs millions de litres, et une dizaine de sondes souterraines enterrées à plus de 60 mètres. Ce système permet de restituer en hiver, par des pompes à chaleur, l'énergie solaire thermique accumulée durant les saisons plus clémentes. Il illustre la vitalité innovante de nos voisins.
Aux marges de notre étude sur les freins à l'innovation, nous avons été amenés à nous pencher sur certains éléments de contexte indispensables pour que l'innovation puisse donner son plein effet. Nous jetons un pavé dans la mare. Divers constats peu satisfaisants s'imposent au terme de notre étude : les critères sur lesquels sont fondées les aides sont trop compliqués, mal ciblés ; les annonces politiques sur les performances visées ne sont pas toujours bien orientées, elles manquent de cohérence ; le public, mais aussi les entreprises, perdent confiance dans un système opaque, bureaucratique et trop centralisé.
Ainsi, les questions de formation sont essentielles, pour prendre en main des solutions plus performantes, pour atteindre un plus haut degré de qualité, pour travailler de façon mieux coordonnée entre corps de métier. Ce degré supplémentaire d'investissement personnel est essentiel pour réaliser des bâtis bien étanches, avec un minimum de ponts thermiques. Les centres de formation des apprentis, les lycées professionnels ont un rôle à jouer pour proposer des travaux pratiques, de préférence sur des plateformes de tests.
D'un autre côté, les marchés publics, qui ont mobilisé 75 milliards d'euros en 2012 selon l'Observatoire économique de l'achat public, doivent être l'occasion pour l'État et les collectivités locales de montrer l'exemple de l'engagement en faveur de la performance, en considérant non pas le prix d'achat, mais le coût complet sur le cycle de vie du système, y compris l'exploitation et la maintenance.
Notre enquête dans le monde du contrôle et de la réglementation énergétique du bâtiment a révélé un système similaire à celui qui régissait le domaine nucléaire il y a une vingtaine d'années : mélange des genres entre recherche, évaluation, conseil, expertise et contrôle ; combinaison désordonnée entre une centralisation à outrance des instances décisionnaires et une multiplicité d'opérateurs institutionnels travaillant plus en concurrence qu'en coopération ; endogamie des acteurs décisionnels avec les responsables industriels ; distance marquée entre les universités, les écoles d'architecture et les centres techniques en charge des technologies du bâtiment ; aucune place dans le monde de la recherche pour la physique des bâtiments en tant que telle ; pas de réelle stratégie pour traiter la priorité absolue de la rénovation. Le bâtiment est considéré comme une discipline subalterne.
Enfin, il est essentiel de poursuivre le regroupement des forces de la recherche touchant à la physique du bâtiment, tel qu'il s'est déjà engagé, d'une part, dans le cadre d'un groupe programmatique de l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE), d'autre part, à travers la constitution des huit plateformes technologiques du plan « bâtiment durable ».
Le Groupe d'analyse prospective thématique (GAT) « Bâtiment et ville durables » a produit, en 2013, un livre blanc indiquant qu'environ 200 chercheurs en France se consacrent d'une manière ou d'une autre, à ce domaine. Ils sont éparpillés dans de nombreux laboratoires de statuts divers à travers le pays : on peut citer, entre autres, le Centre de thermique de Lyon (CETHIL), le Laboratoire des sciences de l'ingénieur pour l'environnement (LASIE) au sein de l'université de La Rochelle, l'Institut de mécanique et d'ingénierie à Bordeaux, Le Laboratoire régional de génie civil et géo-environnement à Lille, le Laboratoire d'énergétique et de mécanique théorique et appliquée (LEMTA) à Nancy, et bien sûr, le Centre « Efficacité énergétique des systèmes » de « Mines ParisTech », le CSTB à Marne La Vallée, le CEA au travers notamment de l'Institut de l'énergie solaire près de Chambéry, EDF au centre des Renardières et GDF-Suez à Saint-Denis avec le CRIGEN.
En tant que membre désigné par l'OPECST au sein du Conseil stratégique de la recherche, je veillerai à ce que la physique des bâtiments soit considérée comme un axe majeur de développement de notre recherche. Il ne s'agit certes pas de la grande physique des prix Nobel, mais c'est un domaine crucial pour l'avenir de notre pays, compte-tenu de l'effort mené en France, en Europe, et dans d'autres pays du monde, pour accélérer la transition énergétique.
Or il faut se mettre en position d'anticiper les marchés futurs. Les Allemands et les Autrichiens l'ont bien compris. Ils donnent une réelle priorité à la recherche dans les domaines de la physique des bâtiments, de la gestion active de l'énergie, de la récupération de calories dans la masse du bâti. Le principe est simple : « récupérer toutes les formes de chaleur quand elle est gratuite, la restituer quand on en a besoin ». Il faut préserver économiquement, par une offre dynamique, les parts de marché de notre industrie face à une concurrence européenne qui ne cesse de se renforcer.
La France possède tous les atouts pour relever le défi de la transition énergétique. Il faut pour cela simplifier, débureaucratiser, rendre le système plus transparent, soutenir la formation de tous les acteurs, du maître d'oeuvre à l'artisan en passant par l'architecte et l'ingénieur de bureau d'études, ouvrir le système vers les universités, organiser l'audit et l'expertise et évaluer a posteriori les techniques mises en oeuvre.
Plus d'un million cent mille personnes sont salariées dans le secteur du bâtiment, auquel il faut ajouter 385 000 artisans. Les travaux du bâtiment, cela représente un chiffre d'affaires de 126 milliards par an, dont 42 milliards sont affectés aux travaux d'entretien et d'amélioration dans le logement. Cette valeur doit être doublée pour tenir les engagements pris. Si on considère que les logements recouvrent 3 milliards de mètres carrés, leur rénovation, au coût, couramment admis, de 300 euros le mètre carré, correspond à une dépense totale de 900 milliards d'euros. D'ici 2030, donc quinze années, cela représente un effort de 60 milliards par an. Même si nous n'atteignons que la moitié de cet objectif, soit 30 milliards, cela représente 300 000 emplois supplémentaires par an.
Un des révélateurs du décalage entre la France et ses voisins est la condescendance avec laquelle notre appareil administratif traite le cas des labels passifs, qui sont certes privés, mais n'en demeurent pas moins des efforts allant dans le bon sens : la région de Bruxelles a négocié avec ces labels leur intégration dans sa réglementation ; de notre côté, nous les ignorons. Il faudrait faire attention à ce que notre RT2012 ne nous amène pas à revivre une nouvelle fois l'aventure du Minitel face à Internet.
Pour nous, c'est M. Dietmar Eberle, l'un des papes du mouvement des « Baukünstler », groupe d'architectes du Vorarlberg à l'origine de la révolution de la construction passive en bois, qui semble fixer le bon cap avec son prototype « 22-26 » à Lustenau : il faut abandonner la vision théorique d'ingénieur du bâtiment parfait traitant l'occupant comme un intrus perturbateur ; au contraire, l'avenir appartiendra au bâtiment à consommation nulle, se rééquilibrant constamment par des systèmes inertiels pour réagir aux moindres besoins de ses occupants.
Faire le pari de l'innovation, c'est rester dans le peloton de tête de la recherche pour se donner une chance de créer des emplois et de ramasser la mise au niveau industriel. La transition énergétique doit être vue comme un formidable défi scientifique, technologique et social puisqu'elle va profondément transformer notre quotidien.
Voilà notre synthèse d'une étude que j'ai appréciée, s'agissant d'un sujet que nous connaissions insuffisamment. Avec M. Marcel Deneux, nous avons mené un travail approfondi, avec beaucoup d'auditions, dont plusieurs publiques. Nous sommes, d'ores et déjà, fréquemment sollicités sur ces sujets. Par exemple, la semaine dernière, nous nous sommes rendus à Chambéry. Nous agirons pour aider à relever ce défi.
L'un des constats les plus marquants concerne l'ampleur du décalage entre la France et les pays que nous avons visités. Par exemple, il est clair que pour atteindre le niveau auquel se trouve la Finlande aujourd'hui, il nous faudra plus de dix années. En raison de la rudesse de leur climat, les Finlandais se sont intéressés à ce sujet dès les années quatre-vingt.
Leur avance concerne surtout le bois.
Le bois, ainsi que les matériaux isolants, les vitrages à triples épaisseur, etc.
Je voudrais remercier messieurs les rapporteurs pour la clarté de la présentation de leur rapport. Nous allons passer au feu roulant des questions. Je donne la parole à M. Denis Baupin.
D'abord, je tiens moi aussi à remercier les rapporteurs pour ce travail, bien que nous n'ayons pu en lire l'intégralité, faute de temps.
Le projet de rapport a pourtant été mis en consultation pendant plusieurs jours.
Le temps s'avère, malgré cela, parfois insuffisant pour tout lire de façon approfondie.
Je trouve que votre rapport apporte un éclairage intéressant sur un aspect du secteur du bâtiment sur le fonctionnement duquel je m'interrogeais depuis longtemps et qui m'apparaissait, effectivement, comme une boîte noire, sans que je n'aie jamais eu l'opportunité de l'étudier de plus près. Vous donnez un coup de pied très utile dans la fourmilière. En rappelant les exigences de transparence, de crédibilité, d'objectivité et de lisibilité, vous proposez une voie pour sortir des possibles conflits d'intérêts liés aux enjeux financiers.
Néanmoins, votre idée d'un « haut conseil » me laisse un peu perplexe, car tel que vous le décrivez, celui-ci apparaît comme une structure alourdissant le dispositif. Mais vous avez peut-être en tête des modalités pratiques qui compenseraient cette première impression. Ce « haut conseil » m'inspire, en tous cas, deux remarques. D'une part, pourquoi l'organiser seulement au niveau national ? Pourquoi réinventer en France ce qui a été fait à l'étranger ? Il me semble qu'il serait envisageable de mutualiser la recherche et la gestion des règles du bâtiment au niveau européen. Je ne méconnais pas le frein que constitue, à cet égard, l'hétérogénéité des législations et des réglementations nationales. Malgré tout, je considère qu'il y aurait là une perte d'efficacité. D'autre part, pourquoi n'inclure dans les parties prenantes que celles du bâtiment, et pas celles de l'énergie, telles l'ADEME ou les acteurs de l'efficacité active, d'autant que les règles à prendre en compte concernent non seulement l'enveloppe du bâti, mais aussi la gestion active de l'énergie. Les deux doivent aller de pair pour parvenir à une bonne évaluation.
S'agissant des critères complémentaires à intégrer à la réglementation thermique, vous avez proposé d'en ajouter deux, l'un relatif aux émissions de CO2 - ce qui n'est pas indifférent dans le cas particulier de la France, l'électricité n'étant pas produite de la même façon chez nous et chez nos voisins - et l'autre aux énergies renouvelables utilisées localement.
Ce dernier terme implique-t-il qu'elles soient aussi produites localement ? D'autre part, j'estime qu'il y a, en dehors des émissions de CO2, d'autres impacts potentiellement négatifs pour l'environnement à prendre en compte. Étant donnée la part prise par l'énergie nucléaire dans la production d'électricité française, je souhaiterais qu'un critère soit ajouté pour tenir compte de la production de déchets radioactifs.
Il s'agit d'électricité produite et utilisée localement, sans transiter par le réseau. Quant à la réduction des émissions de CO2, c'est l'un des critères sur lesquels la France s'est engagée à l'horizon 2030. C'est pour cela que nous l'avons ajouté à celui de la consommation d'énergie primaire.
La prise en compte de l'énergie produite localement couvre-t-elle également le cas de l'utilisation des réseaux de chaleur ? Le fait d'être inclus dans un réseau de chaleur a un impact extrêmement positif sur l'efficacité énergétique.
Quant à la troisième partie de vos recommandations, l'idée de s'aligner sur les normes européennes du bâtiment passif m'apparaît très positive.
À propos de la quatrième partie de vos recommandations, l'idée d'une globalisation de la rénovation, en attachant au logement un « passeport rénovation », constitue une piste attractive. Néanmoins cette dernière repose, dans votre schéma, sur le recours à un métier de « conseiller à la rénovation », dont le modèle économique reste à préciser. Par rapport à la réglementation et aux métiers existants, par exemple celui d'architecte, il s'agirait d'une transformation majeure. Je trouve néanmoins l'idée intéressante, d'autant que diverses analyses et préconisations formulées par ailleurs vont dans le même sens.
Vous évoquez à juste titre les possibilités ouvertes par le tiers financement. Il ne faut pas oublier que des modifications juridiques seront nécessaires pour le rendre possible, notamment la levée du monopole bancaire. Je regrette d'ailleurs qu'ayant abordé cette question dans le corps du rapport, vous n'y fassiez pas référence dans vos recommandations.
Dans ce domaine, les blocages ne sont pas prioritairement réglementaires.
En conclusion, j'apporte mon soutien à ce rapport, sous la seule réserve que j'aurais souhaité que soient prises en compte d'autres formes de pollution que les seules émissions de CO2.
J'aimerais revenir aux premiers mots de l'intitulé de votre rapport : « Les freins réglementaires », pour souligner que la réglementation ne constitue pas exclusivement un frein. Informé très tôt de cette question en tant que rapporteur du Grenelle de l'environnement, j'ai ainsi veillé, dès 2008, dans le cadre de mes fonctions de président de conseil général, à ce que les subventions accordées aux communes soient conditionnées par le respect de la RT2012.
Par ailleurs, vous avez évoqué la question du prix de l'énergie électrique. À cet égard, abonné depuis trente ans au tarif Tempo - EDF étant parvenu à me convaincre d'abandonner l'option d'Effacement jour de pointe (EJP) - j'observe que le tarif « bleu » correspondant aux heures creuses augmente, alors que le « rouge » appliqué à la pointe stagne. De ce fait, alors même que, il y a encore quelques années, une large majorité des logements neufs étaient équipés en chauffage électrique, le consommateur se trouve de moins en moins sensibilisé à la nécessité de ne pas consommer d'électricité durant les périodes de forte demande.
Enfin, j'ai été marqué par la question de la qualité de l'air dans les bâtiments, sujet traité par un très intéressant rapport de l'OPECST signé par Mme Marie-Christine Blandin. L'idée première de la performance énergétique des bâtiments étant de limiter, autant que faire se peut, les échanges avec l'extérieur, un peu sur le principe de la bouteille « thermos », se pose la question du primat de la santé humaine sur les autres objectifs poursuivis. Cette question vaut aussi dans le cas particulier de l'utilisation des sels de bore pour l'ignifugation de la ouate de cellulose.
Votre exposé m'a à la fois passionnée et sidérée. J'ai eu le sentiment de découvrir un océan de retard en matière de performance énergétique. Je suis inquiète du retard pris. Je suggérerais donc que l'intitulé du rapport insiste un peu plus sur la nécessité d'une alerte, car il y a réellement urgence à agir.
Je voudrais revenir sur la question de la géothermie de faible profondeur, évoquée en page quarante-six de votre rapport. Dans ma circonscription, un drame humain résulte de la mise en oeuvre de cette technique par un particulier, sur le conseil d'un chauffagiste et avec l'aide d'un foreur. Malheureusement, ce forage a percé une couche étanche d'argile, provoquant un phénomène géologique conséquent. L'eau ayant touché des couches de gypse, le sous-sol du village a bougé et une quarantaine de maisons sont en passe de s'effondrer. Nous sommes donc confrontés à un problème de sécurisation de la géothermie de faible profondeur. Celle-ci présente un potentiel certain, mais la réglementation existante s'avère complètement inadaptée. Ainsi, le préfet de région a-t-il été contraint d'assimiler le particulier concerné à un exploitant minier, afin de pouvoir se référer au code minier, le ministère de l'Écologie ne semblant pas encore avoir pris conscience de la nécessité d'intégrer dans ce dernier les pratiques individuelles. L'avocat de ce particulier lui a conseillé d'engager un recours contre cet arrêté préfectoral en posant une question préalable de constitutionnalité sur l'applicabilité du code minier.
Au travers de cet exemple, je voudrais souligner que ce que vous a dit M. Philippe Vesseron sur la géothermie n'intègre probablement pas la totalité des cas existants, notamment cet exemple emblématique, ou son équivalent côté allemand, la commune de Staufen im Breisgau, dans le Bade-Wurtemberg, ayant été confrontée au même drame en essayant de mettre en place un système collectif de géothermie.
Pour sécuriser ceux qui souhaitent mettre à profit le potentiel de la géothermie de faible profondeur, il sera nécessaire de faire évoluer la législation. Le BRGM a d'ailleurs pris conscience de ce problème, d'où le retard pris dans la publication des décrets d'application. Je tenais à mentionner ce problème d'autant qu'il semble prendre une certaine ampleur, un autre cas de mouvement géologique lié à cette technique venant de m'être signalé.
Il s'agit davantage d'un problème de droit de l'eau que de code minier. Or, le droit de l'eau a peu évolué, si ce n'est en surface. Le propriétaire du sol peut prélever autant d'eau en profondeur que le lui permettent ses moyens techniques.
Je vous remercie pour ce rapport très décapant qui confirme que nous sommes en retard de dix à vingt ans par rapport à l'Allemagne et à l'Autriche. Ma première question concerne un aspect qui n'est pas approfondi dans votre rapport : l'existence, au-delà des freins réglementaires, de freins culturels. Le poids des habitudes conduit à des pratiques d'un autre temps. Ainsi, en Allemagne, le chauffage électrique est déconseillé depuis plus de vingt ans dans les logements neufs, alors qu'en France, encore aujourd'hui, des rénovations y font appel. Par exemple, dans le Maine-et-Loire, l'association Alizée qui travaille avec l'ADEME à la sensibilisation des populations est confrontée à une résistance très forte dans certaines copropriétés où, pour des raisons de revenus et d'espérance de vie, les copropriétaires ne souhaitent pas s'engager, malgré les aides, dans un démarche de rénovation pourtant rationnelle sur le long terme d'un point de vue économique. Nous allons à l'échec si nous faisons évoluer les seuls aspects réglementaires et techniques, alors que certaines pratiques restent inchangées. Prévoyez-vous une suite à votre étude pour traiter de ces freins culturels ?
Avant une réponse globale des rapporteurs, avez-vous d'autres questions ?
Compte tenu de vos propositions, avez-vous l'intention de présenter des amendements dans les futurs textes examinés par le Parlement ? Nous pourrions, en tant que parlementaires, faire évoluer beaucoup de choses en intervenant pour modifier la législation ou la réglementation.
Je voudrais d'abord vous remercier pour vos réactions positives.
Quant au problème des critères d'appréciation évoqué par M. Denis Baupin, nous avons indiqué qu'à côté de celui relatif à l'énergie primaire consommée, sur lequel certains voulaient revenir lors des auditions, nous souhaitions que soient affichés deux critères mesurables pour les énergies renouvelables utilisées et les gaz à effet de serre rejetés. À 100 TWh d'appel de puissance, nous importons 10 % d'électricité venant en grande partie d'Allemagne, produite par des centrales au lignite rejetant beaucoup de CO2. À 30 TWh appelés, l'électricité est à 90 % d'origine nucléaire, avec très peu d'émissions de CO2.
Effectivement, l'énergie nucléaire présente d'autres difficultés que vous avez abordées avec M. François Brottes dans votre récent rapport sur le coût de l'électricité. Enfin, si l'utilisation de l'électricité pour le chauffage présente des inconvénients dans une maison mal isolée, elle peut aussi avoir des avantages dans une maison bien isolée et ventilée.
Concernant la coopération européenne, nous avons indiqué qu'elle doit être mise en place. Toutefois, s'agissant de marchés potentiellement importants, avec des emplois non délocalisables, il y a tout de même intérêt à développer la recherche et l'innovation en France, afin de ne pas perdre pied, comme cela a été le cas dans l'éolien terrestre ou le solaire thermique. Du moins, dans ce dernier secteur avons-nous bénéficié de l'investissement réalisé par l'allemand Viessmann en région Lorraine, mais une forte baisse de la production, face à la concurrence du photovoltaïque, a conduit dans les derniers temps à diviser par deux le nombre d'emplois.
Pour les réseaux de chaleur, nous préciserons dans le rapport qu'ils sont bien inclus dans le périmètre des énergies renouvelables locales.
Le problème de la qualité de l'air intérieur et de ses effets sur la santé ne faisait pas directement partie du périmètre de notre étude mais nous l'avons néanmoins évoqué, en faisant référence au rapport de Mme Marie-Christine Blandin. L'air intérieur est dix fois plus pollué que l'air extérieur, alors que nous nous trouvons dix fois plus longtemps à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Qui plus est, la qualité de l'air extérieur, contrairement à celle de l'air intérieur, est en permanence mesurée. D'autre part, nous n'avons rencontré qu'une fois, en Autriche, un bâtiment où l'hygrométrie était mesurée, alors que, paradoxalement, cette préoccupation existe dans l'élevage. De fait, si les thermomètres d'ambiance sont très répandus, il n'en va pas de même pour les hygromètres.
Se pose notamment la question des composants organiques volatils (COV) qui influent sur notre santé. Certains parlent d'une bombe à retardement. Il est certain qu'il s'agit d'un sujet d'avenir qu'il faudra traiter avec celui, plus général, des liens entre santé et environnement.
Je suis d'accord pour être plus ferme sur l'effet d'alerte, puisque tout rapport comporte un sous-titre, ce denier pourrait souligner cet aspect.
Au sujet de la géothermie, nous avons mentionné en une dizaine de lignes ce que nous a dit M. Philippe Vesseron, représentant du Comité national de la géothermie, en indiquant qu'un certain attentisme était lié à la réforme du code minier. Des événements tels que ceux qui viennent de survenir devraient conduire à traiter de cette question dans la réforme dudit code. Nous ajouterons une phrase correspondant aux informations fournies à l'instant par M. Patrick Hetzel.
Concernant la volonté des acteurs et les résistances culturelles, nous les avons considérées et ne nous sommes pas limités aux freins réglementaires, même si c'était le sujet de notre étude.
Enfin, si ce rapport est approuvé par l'Office, nous essayerons, bien entendu, de nous battre pour que la loi sur la transition énergétique prenne en compte un certain nombre de recommandations. La plus-value de l'Office consiste à étudier les sujets de façon approfondie et à les suivre dans la durée. Si les recommandations n'étaient pas intégrées à la loi, nous aurions un peu échoué dans notre mission.
Sur la question du financement, nous avons fait plusieurs propositions en page soixante-quatorze du rapport, par exemple en évoquant le rôle possible des sociétés publiques locales (SPL).
Nous avons notamment souligné que dans le parc de trente-deux millions de logements d'une surface totale de trois milliards de mètres carrés, de huit à dix millions de personnes ne disposent d'aucun moyen financier pour mettre en place une rénovation thermique de leur habitation. Faute de moyens, même les meilleures initiatives risquent de rester lettre morte. Or, certaines aides aux produits ne produisent aucun effet bénéfique pour les consommateurs. Nous l'avons souligné en comparant les prix de produits identiques vendus en France, en Belgique et en Allemagne. La plus grande part des aides aux produits, se traduisant par une augmentation de prix, va au fabriquant.
Enfin, nous avons proposé l'idée d'un viager partiel, permettant à la Caisse des dépôts et consignations d'engager des travaux, les intérêts étant éventuellement payés par le locataire et les sommes engagées étant récupérables au moment de la mutation juridique du bien. Cette idée nécessiterait un changement législatif conséquent. Je sais que la Commission des affaires économiques a également réfléchi à cette question, il s'agit d'une piste à explorer en lien avec les sociétés locales mentionnées, par exemple.
Ainsi qu'avec les banques qui touchent les consommateurs, et en gros tous les réseaux concernés par le logement. Les grandes banques ne sont pas seules concernées.
Je vais à présent vous demander de vous prononcer sur ce rapport.
À la suite de cet échange, le rapport a été approuvé à l'unanimité et sa publication autorisée.
L'OPECST a entendu ensuite la présentation de l'étude de faisabilité d'une étude sur les enjeux des terres rares, effectuée par Mme Delphine Bataille et M. Patrick Hetzel.
L'OPECST a été saisi, le 24 février 2014, par M. Daniel Raoul, président de la Commission des affaires économiques du Sénat, d'une demande d'étude sur les enjeux stratégiques des terres rares. Plusieurs auditions ont depuis lors permis de préciser l'étendue de ce sujet.
Les terres rares, qui sont dix-sept éléments répertoriés dans la classification périodique de Mendeleïev, se trouvent généralement dans des minerais, ce qui implique de les en séparer, opération qui n'est pas sans danger pour la santé publique et pour l'environnement, ce qui explique que les pays développés laissent les pays moins développés s'en charger.
On distingue les terres rares lourdes, peu abondantes, des terres rares légères, dont les gisements sont beaucoup plus nombreux. Du fait de leurs propriétés particulières optiques et magnétiques, ces terres sont utilisées dans la fabrication des aimants permanents, des télévisions en couleur, des pots catalytiques, des batteries des téléphones portables, des alliages magnétiques, des ampoules basse consommation. Elles ont de nombreuses applications médicales.
La Chine, qui produit environ 90 % des terres rares, alors qu'elle ne possède que 50 % des réserves mondiales actuellement identifiées, a, sur ce marché, une position dominante et poursuit une politique volontariste de création d'une véritable filière, en attirant les investissements étrangers dans ses usines de séparation, en développant et en investissant à l'étranger, comme au Groenland.
En 2010, la Chine a instauré des quotas d'exportation, dans le cadre d'un conflit frontalier avec le Japon. Il en est découlé une crise de nature géopolitique, mais qui a entraîné temporairement une forte augmentation des prix puis une relance de la production hors de Chine, notamment aux États-Unis d'Amérique et en Australie. Le Japon qui en a particulièrement souffert, a développé des réponses à une pénurie éventuelle s'appuyant sur la réutilisation des terres rares, leur recyclage, et la recherche de produits de substitution.
Dans ce contexte, L'Europe n'a pas de production, mais quelques projets en Suède, au Groenland et en Finlande. La France n'a plus de métallurgie, mais est un acteur important du secteur grâce à l'usine de séparation et de purification des terres rares de Solvay à La Rochelle.
Le marché est marqué par l'abondance des réserves physiques - sauf pour cinq terres rares - par une demande structurellement croissante, par l'importance accrue du recyclage et l'économie des ressources utilisées. La spéculation y joue un rôle non négligeable, de même que le négoce.
Ces terres rares présentent des risques pour la santé et l'environnement qui posent de nombreuses questions, sans que l'on ne soit toutefois capable de se forger des convictions définitives. L'impact du thorium sur la santé doit être étudié de manière plus précise. Les terres rares posent en effet des problèmes lors de leur extraction et de leur séparation. Les pollutions associées aux terres rares sont tout particulièrement liées à la radioactivité des minerais - surtout pour le thorium - et au fait que leur traitement nécessite de grandes quantités d'eau. La gestion des déchets qu'elles occasionnent est une vraie question. On ne peut pas faire disparaître le thorium, peu valorisable par ailleurs, ni sa radioactivité mais il est possible de mettre en place une bonne radioprotection et de respecter les seuils réglementaires habituels.
L'état de la recherche et de la formation sur les terres rares dans notre pays est préoccupant. En effet, il y a de moins en moins de grands laboratoires de recherche sur les terres rares. Les compétences ont tendance à disparaître, car les chercheurs vieillissent, même si plusieurs laboratoires du CNRS travaillent sur ce thème. L'Europe était à l'origine de 50 % de la production d'articles scientifiques relatifs à la métallurgie au début des années 1990, en métallurgie extractive. Aujourd'hui, cette proportion est tombée à moins d'un tiers, la moitié étant désormais écrite par la Chine.
Plusieurs questions doivent être étudiées à propos des terres rares : dans quels domaines faudrait-il développer la recherche ? Quels sont les besoins en recherche fondamentale ? Les moyens consacrés à la recherche sont-ils suffisants ? Sont-ils suffisamment visibles ? Sont-ils disponibles ou sont-ils surtout annoncés ? Comment pourrait-on développer les réseaux en place et les partenariats ? De quelle manière pourrait-on relancer la recherche en toxicologie ? Est-il nécessaire de mettre en place de nouvelles formations pour sauvegarder et retrouver des savoir-faire dans un contexte où l'on constate un déficit de formation ?
Il apparaît souhaitable d'étendre l'étude de l'OPECST aux matières premières stratégiques et critiques, car leur problématique est très proche de celle des terres rares qu'il s'agisse des risques de pénurie, de l'opportunité de mettre en place des stocks stratégiques, de l'organisation du recyclage, de la recherche de produits de substitution, de la généralisation souhaitée de l'écoconception et des analyses du cycle de vie, ou de la définition d'une nouvelle politique minière.
L'utilisation du terme stratégique permet de prendre en considération les ambitions politiques essentielles de l'État et de réfléchir aux situations où le tissu industriel se retrouve en rupture d'approvisionnement, ou soit dans l'obligation de cesser sa production, tandis que des concurrents prendraient les parts de marché correspondantes de manière pérenne. Le terme critique permet de prendre en compte les risques élevés de déficit, sans percées scientifiques permettant une substitution. Au niveau européen, les terres rares sont considérées comme des matières premières critiques.
Plusieurs questions se posent auxquelles des réponses ne sont pas actuellement apportées : quel est le risque de pénurie ? Quel est le risque stratégique ? Quels sont les besoins stratégiques de l'industrie française ? Faudrait-il stocker certains produits ? De quel événement faudrait-il se prémunir ? Quel sera l'impact du panel de l'OMC sur la plainte de l'Union européenne et du Japon sur les quotas et les taxes à l'exportation ? Faut-il relancer la prospection, la production minière, et l'économie de la métallurgie qui a fortement décliné ? Comment pourrait-on exploiter des mines sans porter atteinte à l'environnement et à la santé publique et en offrant des salaires décents, comme en Suède et en Finlande ? Est-il utile de mieux connaître le sous-sol français puisqu'on ne connaît pas l'horizon géologique au-delà des 100 mètres de profondeur, alors que, en Pologne, concernant le cuivre, on descend à 1 200 mètres. Comment pourrait-on mieux utiliser les opportunités qui s'offrent à l'international ? Comment pourrait-on développer les coopérations entre les laboratoires de recherche dans l'Union européenne et lancer des initiatives dans le cadre franco-allemand ?
Pour répondre à ces questions et à cette problématique, les rapporteurs envisagent d'organiser trois auditions publiques : la première portera sur l'impact des terres rares et des minerais stratégiques et critiques sur la santé et l'environnement ; la deuxième concernera la mise en place d'une stratégie industrielle; la troisième traitera de l'action internationale et du fonctionnement du marché des matières premières critiques et stratégiques.
Nous comptons travailler avec le COMES, le BRGM, et nous rendre au laboratoire de l'Institut de chimie de Paris, à l'usine de séparation de terres rares de La Rochelle, à l'usine d'Eramet à Sandouville, et enfin à Marcoule, au CEA. Nous souhaiterions aller au Japon et en Chine, en Suède et en Finlande ; ainsi qu'en Allemagne et en Belgique.
Pour conclure, nous proposerons que l'OPECST modifie l'intitulé de cette étude qui s'appellerait dorénavant : « Les terres rares et les matières premières stratégiques et critiques ».
Un débat a suivi les exposés des rapporteurs.
Je tiens à souligner que les terres rares ne sont pas des terres, et qu'elles ne sont pas rares. Votre visite au laboratoire de Thiais devrait être intéressante, et je souhaiterais m'y associer.
Les terres rares sont l'apanage de la Chine et de l'Afrique du Sud. Il y en a sans doute partout, mais on ne sait pas les trouver. Si l'on a, en France, un corps de géologues qui est important et des ingénieurs des mines, il n'y a plus de mines. D'ailleurs, les mineurs ne sont jamais géologues. Nous avons donc un vrai problème de positionnement stratégique.
Les bourses de terres rares jouent un rôle important, mais elles fonctionnent dans un monde économique fermé. Il n'est pas évident qu'il soit important de connaître dans le détail l'état de notre sous-sol. De même, est-il utile de constituer des réserves stratégiques ? À quoi serviraient-elles ? Si l'on décide de former des géologues, il faut penser à leurs débouchés, car, déjà, il n'y a déjà plus d'emploi dans l'industrie du téléphone et de l'informatique. Ce sont de vrais sujets de débats.
Je tiens à féliciter les rapporteurs pour leur travail très complet qui va bien au-delà d'une étude de faisabilité classique. La mission qu'ils envisagent au Japon sera intéressante. Les trois tables rondes qu'ils proposent sont pertinentes. Mais il faudrait aussi aller en Chine et en Mongolie extérieure, pays qui a sans doute de grandes réserves de terres rares qui ne sont pas exploitées actuellement.
Nous avions imaginé une mission en Chine, non pas pour voir des sites d'exploitation, mais pour étudier la manière dont ce pays est en train de constituer une véritable filière et pour comprendre ses enjeux stratégiques.
Je rappelle qu'il reste une métallurgie en France, et qu'il y a des équipes qui travaillent sur ce thème à Partis, à Grenoble et en Lorraine. Ces équipes se sont regroupées dans un plan métallurgie. L'Académie des technologies a rédigé un rapport sur ce thème, auquel a participé M. Yves Bréchet.
Il ne faut pas oublier d'associer l'Université à cette étude, et notamment les deux Labex qui sont concernés : l'un à l'Université de Lorraine, dénommé Ressources 21 et qui travaille notamment sur l'extraction et le transfert à la biosphère ; l'autre à Orléans, spécialisé dans les géofluides et les volatils. Il faut aussi auditionner les instituts Carnot et voir le BRGM. Un déplacement à Nancy serait intéressant.
La mission que vous prévoyez à La Rochelle me rappelle celle que j'y avais faite en 1991 lors du premier rapport de l'OPECST sur les déchets faiblement radioactifs à vie longue, liés à l'utilisation de la monazite. Ces déchets repartaient à l'époque dans la baie de La Rochelle, et on ne savait pas quoi faire des tonneaux de terres rares qui restaient. Ce dernier problème perdure.
Je trouve intéressant ce qui a été dit sur la toxicologie, ainsi que les thèmes que vous comptez développer lors de trois tables rondes et la composition de votre comité de pilotage.
L'OPECST a alors adopté le rapport de faisabilité à l'unanimité, et décidé de modifier l'intitulé de l'étude qui sera entreprise. Celle-ci s'appellera désormais « Les terres rares et les matières premières stratégiques et critiques ».
La séance est levée à 19 h 15.