Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 22 juillet 2014 à 21h30
Règlement du budget de l'année 2013 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a une semaine, nous discutions conjointement du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes et de l’orientation de nos finances publiques. Les deux sujets sont en effet intiment liés, car nous ne pouvons pas parler de l’avenir sans connaître le passé.

Aujourd’hui, nous revenons sur ce projet de loi de règlement après son rejet par la Haute Assemblée en première lecture, comme l’a rappelé M. le rapporteur général. Quelles leçons pouvons-nous donc en tirer ?

L’exécution des comptes en 2013 est marquée par une maîtrise des dépenses. Les prévisions ont été plus que respectées en la matière et les dépenses nettes du budget général ont même légèrement diminué par rapport à 2012. Cependant, si de réels efforts de maîtrise des dépenses méritent d’être salués – ils ont pu être réalisés, par exemple, grâce à la poursuite de la dématérialisation des procédures ou encore grâce à une plus grande rationalisation des achats –, la baisse des dépenses est surtout significative dans le périmètre « zéro volume », qui intègre la charge de la dette et les contributions au compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Or cette réduction de 3, 45 milliards d’euros des dépenses sur le champ de la norme « zéro volume » peut être essentiellement attribuée à des facteurs conjoncturels, tels que les taux d’intérêt très bas, qui réduisent la charge d’intérêt de la dette, ou encore une inflation plus faible que prévue, qui allège la charge des pensions. La progression continue de la dette publique depuis quinze ans est en effet masquée par des taux d’intérêt historiquement bas : un relèvement de 1 point de l’ensemble de ces taux se traduirait par une hausse immédiate de la charge d’intérêt de 2 milliards d’euros et de 15 milliards d’euros sur dix ans. Il est donc grand temps, pour protéger les générations futures et garantir la pérennité des politiques publiques, de faire reposer le redressement de nos comptes sur des efforts plus structurels.

Il est regrettable que la Cour des comptes constate encore peu de progrès en matière de régularité dans l’exécution budgétaire, notamment à cause de certaines sous-budgétisations constantes. En effet, si des efforts ont été accomplis dans certains domaines tels que les bourses étudiantes, la mission « Défense », quant à elle, souffre de manière chronique d’ouvertures de crédits beaucoup trop faibles en loi de finances. Cela conduit – nous en avons un nouvel exemple dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014 – à des transferts de crédits en fin ou en cours d’exercice pour faire face aux dépenses incompressibles dans ce domaine, notamment en matière de recherche militaire. Le rapporteur général de l’Assemblée nationale a d’ailleurs commenté en ces termes le redéploiement de 250 millions d’euros en faveur du programme « Excellence technologique des industries de défense », qui figure dans le dernier collectif : « […], ces redéploiements conduisent à des débudgétisations peu vertueuses, résultant souvent des sous-budgétisations constantes qui affectent certains ministères, dont le ministère de la défense ».

En matière de recettes, vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, l’exécution 2013 suscite également des inquiétudes, puisqu’elle marque, malgré l’augmentation importante des recettes fiscales par rapport à 2012, une diminution très nette par rapport aux prévisions, bien que celles-ci aient été revues à la baisse à plusieurs reprises – je précise que le principe de sincérité budgétaire n’est en aucun cas remis en cause. Ainsi, notre rapporteur général a rappelé que la progression de 15, 6 milliards d’euros des recettes fiscales par rapport à 2012 ne représente « qu’environ la moitié de l’augmentation […] attendue en LFI ».

La croissance atone, beaucoup plus faible que l’estimation optimiste de 0, 8 % qui était celle de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, est en partie responsable de ces résultats. Toutefois, une large partie de cette perte de recettes demeure inexpliquée. Je rappelle que l’impôt sur les sociétés est le premier concerné, avec des recettes inférieures de 6, 4 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale, suivi de l’impôt sur le revenu, avec un écart de 4, 9 milliards d’euros.

Autre élément marquant de cette exécution budgétaire : les incertitudes persistantes concernant les « dépenses fiscales », communément appelées « niches fiscales ». Il n’en subsiste pas moins de 460 selon la Cour des comptes et leur coût exact en 2013 ne sera connu qu’au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2015. Plus grave encore, l’obligation d’évaluation de l’efficience et de l’efficacité de ces dispositifs, prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, est encore loin d’être mise en œuvre. On se réfère encore bien souvent au rapport Guillaume, qui date de juin 2011. Ce rapport avait déjà démontré, sans ambiguïté, l’inefficacité de certaines dépenses fiscales, qui n’ont pourtant jamais été remises en cause.

L’un des enjeux des prochaines années sera donc d’évaluer de manière transparente ces niches fiscales et de supprimer celles dont l’efficacité pour atteindre les objectifs qui leur sont alloués n’est pas démontrée. Pour cela, il faudra lutter contre certains conservatismes, nous le savons, et faire preuve, il est vrai, d’un grand courage politique, mais nous ne doutons pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous en soyez doté ainsi que le Gouvernement.

Malgré toutes ces remarques, que nous concevons davantage comme des critiques constructives, notre groupe approuvera à nouveau très majoritairement, voire quasiment à l’unanimité, le projet de loi de règlement.

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