Intervention de Francis Delattre

Réunion du 22 juillet 2014 à 21h30
Règlement du budget de l'année 2013 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne vais pas faire durer le suspense plus longtemps : le groupe UMP, comme en première lecture, votera contre le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013. En effet, les résultats économiques sont mauvais, et les chiffres sont incontestables.

La pression fiscale excessive en 2013 a engendré une moins-value de recettes fiscales de 14, 6 milliards d’euros par rapport aux prévisions. La forte pression fiscale sur les revenus des ménages a pour une grande part entraîné une moindre consommation, une perte de pouvoir d’achat et, sans nul doute, une hausse du travail au noir, ce qui a eu pour conséquence de diminuer de près de 5 milliards d’euros les recettes de la TVA et de près de 5 milliards d’euros les recettes de l’impôt sur le revenu en 2013. La pression fiscale sur les entreprises a entraîné quant à elle un recul de leurs investissements, de leurs marges, déjà faibles, et des créations d’emplois, ce qui s’est traduit par une diminution de 6, 3 milliards d’euros de recettes d’impôt sur les sociétés en 2013.

Ce repli de la consommation et des investissements a forcément eu des effets récessifs sur l’économie française. Ainsi, la croissance du PIB a été très faible : 0, 3 % sur l’ensemble de l’année 2013, avec, pour conséquence, le non-respect des objectifs chiffrés de déficit public et de vos engagements internationaux, y compris pour le déficit structurel.

Sans effort réel sur les dépenses et sans réformes structurelles, la trop forte pression fiscale a érodé le rendement de l’impôt, ne permettant donc pas au Gouvernement de tenir ses objectifs en matière de réduction du déficit public : celui-ci a atteint 4, 3 % du PIB en 2013, alors que l’objectif de la loi de programmation prévoyait le retour aux 3 %.

Hors aléas conjoncturels, le déficit structurel est, lui aussi, bien supérieur à la prévision initiale : 3, 1 % du PIB, alors que la prévision inscrite dans la loi de programmation était de 1, 6 %, soit un dérapage de 1, 5 point. Ce dérapage du déficit structurel montre que la situation ne s’améliore pas et que le Gouvernement connaît des difficultés pour respecter les objectifs qu’il s’était fixés. Pendant ce temps-là, la dette continue de s’accroître... L’encours de la dette de l’État a augmenté pour atteindre 1 457 milliards d’euros, soit les trois quarts de la dette publique, qui se situe à la fin de 2013 à 1 925 milliards d’euros.

Malgré la réalité de la hausse vertigineuse de la dette, nous sommes encore aujourd’hui artificiellement anesthésiés dans nos efforts pour réduire nos déficits par le niveau historiquement bas des taux d’intérêt, qui nous épargne largement. Je pense notamment à la partie purement financière du remboursement des intérêts.

Certes, les dépenses de l’État ont été maîtrisées en 2013, puisque les dépenses nettes du budget général ont légèrement diminué par rapport à l’exécution 2012, de l’ordre de 900 millions d’euros, donc moins de 1 milliard d’euros. Ce résultat a été grandement facilité par une moindre inflation et par cette diminution de la charge de la dette de 1, 4 milliard d’euros. Cependant, les dépenses de fonctionnement de l’État ont encore augmenté en 2013 de 1 milliard d’euros, comme en 2012, alors qu’elles avaient diminué en 2011 – nous nous prêtons souvent à des comparaisons – de 3, 7 milliards d’euros.

Au-delà de la vérité un peu froide et sèche des chiffres, ce n’est pas seulement nous, l’opposition, qui déclarons que ces résultats sont mauvais ; c’est également la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. Si, sur la forme, la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État pour l’année 2013 – c’est heureux pour notre capacité d’emprunt –, sur le fond, elle demeure très critique quant aux résultats du Gouvernement en 2013 : elle critique notamment une « réduction du déficit budgétaire sensiblement plus faible que prévu » et une dette qui « a continué à croître ». Le Haut Conseil des finances publiques a été tout aussi critique et, constatant un écart de plus d’un demi-point entre la loi de programmation et le déficit constaté en 2013, il a même déclenché en mai dernier le mécanisme de correction prévu par le traité sur la stabilité. Dans ces conditions, comment se satisfaire de tels résultats, même si, de-ci de-là, des efforts ont été consentis ?

En première lecture, à l’issue de la discussion générale, M. le ministre Michel Sapin nous avait appelés à plus de modestie, qu’il justifiait ainsi : « Dans une période de grave crise économique, comme jamais la France n’en a connu depuis la guerre, puis une période de sortie de crise extrêmement progressive, trop timide, accompagnée de toutes les incertitudes que ce type de situation inédite engendre, dans notre pays comme sur l’ensemble du continent européen, comment les prévisions pourraient-elles être intégralement respectées ? C’est impossible ! » C’est probablement difficile, mais les efforts, les engagements correspondent-ils à une réalité ? Nous en doutons.

Ces propos, il faut bien le dire, sont assez désarmants. Cela tendrait à dire que l’action politique, les décisions économiques, les réformes engagées ne servent à rien et que les promesses ne peuvent évidemment pas être tenues en période de crise. Or cela crée un vrai problème vis-à-vis de l’opinion publique.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous reprochez souvent notre action passée. Dois-je vous rappeler qu’au pire moment de la crise, sous le précédent quinquennat, nous avons pour notre part respecté l’essentiel de nos objectifs ? À la suite de la crise de 2008-2009, le déficit public a certes mécaniquement explosé en 2009. Néanmoins, par la suite, tous les objectifs de réduction du déficit transmis à Bruxelles ont été atteints et même nettement dépassés : 7, 1 % en 2010 pour un objectif initial de 7, 7 % ; 5, 3 % en 2011 au lieu de 6 %.

En première lecture, le ministre des finances a également rétorqué : « Je comprends tout à fait que l’on dise que cela ne va pas assez vite ni assez loin. Je remarque toutefois que, durant plusieurs années successives, le déficit n’a pas cessé d’augmenter. » Là encore, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de m’inscrire en faux, car les chiffres disent tout le contraire ! En 2013, le déficit budgétaire de l’État s’établit à 74, 87 milliards d’euros, soit une réduction de 12, 3 milliards d’euros, alors que la réduction avait été de 57, 8 milliards d’euros entre 2010 et 2011. Certes, à votre crédit, en 2013, la réduction du déficit est supérieure à l’année précédente, au cours de laquelle celui-ci n’avait diminué que de 3, 6 milliards d’euros. Toutefois, cela résulte à 90 % de la très forte pression fiscale que vous avez imposée aux Français et aux entreprises.

Si le ministre des finances faisait allusion à la hausse du déficit en 2009, qui est certes réelle, la responsabilité du précédent gouvernement est en revanche bien plus limitée que ce que vous essayez en permanence de faire croire. Seul 10 % du déficit lui est aujourd’hui imputable. En effet, selon le rapport de la Cour des comptes, c’est la crise qui explique près de 40 % de notre déficit : elle a fait baisser brutalement toutes les recettes de près de 50 milliards d’euros en 2009 et, dans le même temps, le Gouvernement a dû, comme tous les gouvernements d’Europe, augmenter exceptionnellement en 2009 et 2010 les dépenses de 46 milliards d’euros pour protéger notre économie et les Français.

Néanmoins, nous devons reconnaître une certaine franchise au ministre des finances, qui a reconnu que « l’ensemble des ménages français a apporté sa contribution au rééquilibrage des finances publiques ». Nous en sommes bien d’accord ! Nous sommes donc bien loin des promesses présidentielles selon lesquelles 90 % des Français seraient épargnés par les hausses d’impôts. La réalité, mes chers collègues, c’est que la France a battu tous les records l’année dernière : ceux du nombre de faillites d’entreprises, de taux de chômage, de baisse des marges des entreprises, de perte de pouvoir d’achat et d’endettement.

Lui Président, c’est en 2013 des faillites de PME qui ont augmenté de 20 % en un an, notamment les petites entreprises de moins de dix salariés ; 13 000 entreprises ont mis la clé sous la porte à l’été 2013, un chiffre record !

Lui Président, c’est à l’automne 2013 un taux de marge des sociétés non financières de 27, 7 % de leur valeur ajoutée, soit le plus bas niveau depuis 1985 et le plus bas niveau de la zone euro.

Lui Président, c’est en 2012 et 2013 une perte de pouvoir d’achat de 1, 8 %, un record depuis trente ans !

Lui Président, c’est en 2013 un record absolu du nombre de chômeurs de 3, 3 millions de personnes et sa promesse d’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année dernière qui n’a pas été tenue.

Lui Président, c’est en 2013 un record d’endettement de 91, 8 % du PIB et de 1 940 milliards d’euros, qui frôle désormais en 2014 les 95 % et 2 000 milliards d’euros...

Pour conclure, j’évoquerai la baisse des dotations aux collectivités locales.

Le ministre des finances nous a répondu en première lecture : « L’effort demandé aux collectivités locales est-il supérieur à ce que représentent leurs dépenses dans la dépense publique ? Non, il est exactement comparable. »

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que nous ne sommes absolument pas d’accord avec cette démonstration. M. le ministre sous-entend que les recettes vont compenser la baisse des dotations. Or c’est faux ! D’une part, parce que nous ne disposons plus de recettes réellement dynamiques et, d’autre part, parce que nous sommes confrontés à de nouvelles dépenses incessantes, en plus de la future baisse des dotations. Je pense par exemple à l’inflation des normes et à la réforme des rythmes scolaires.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre le projet de loi.

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