Intervention de Valérie Létard

Réunion du 17 novembre 2004 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2005 — Débat sur l'assurance maladie

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

L'article 45 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a créé un Conseil de l'hospitalisation, chargé de « contribuer à l'élaboration de la politique de financement des établissements de santé ainsi qu'à la détermination et au suivi de la réalisation des objectifs de dépenses d'assurance maladie relatives aux frais d'hospitalisation ». Peut-on, monsieur le ministre, attendre de ce conseil que, à partir de 2005, il collecte et centralise les éléments précis qui nous font tant défaut ?

Après ces remarques générales, je souhaiterais aborder plus en détail deux questions, l'une concernant l'hôpital public, l'autre les établissements d'hospitalisation privée à but non lucratif. Toutes deux s'inscrivent, quoi qu'il en soit, dans le contexte du démarrage de la tarification à l'activité.

Comme je l'avais rappelé l'an dernier, je suis très favorable à la réforme de la T2A, et ce pour deux raisons. Cette réforme appelle à la transparence des coûts, ce qui va faciliter les coopérations entre public et privé, coopérations vers lesquelles s'orientent tous les bassins de vie. Elle doit permettre également de mettre les moyens accordés en adéquation avec le niveau d'activité des établissements.

L'hospitalisation privée y est, du fait de son fonctionnement actuel, davantage préparée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle basculera sur ce système à partir du 1er mars 2005. Cela ne se fera pas sans susciter quelques inquiétudes dans les établissements concernés.

Je voudrais ici relayer celle des établissements hospitaliers à but non lucratif participant au service public hospitalier.

Ces établissements sont légitimement inquiets des conditions du passage à la tarification à l'activité, car ils remplissent le plus souvent des missions voisines de celles des hôpitaux publics, en particulier la mission d'accueil de tous les patients quels que soient leur pathologie, leur niveau socioculturel ou leurs moyens financiers. Or l'actuelle situation financière de ces établissements n'est guère meilleure que celle des hôpitaux publics.

Pour ne citer qu'un exemple, j'indiquerai que les établissements de santé appartenant à la FEHAP, la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée, vont terminer l'année 2004 avec un déficit moyen de 2 %, soit 100 millions d'euros. Ces établissements souhaiteraient être assurés que, à l'image de ce qui a été promis aux hôpitaux publics, un effort sera fait pour les aider à combler ce déficit structurel avant leur entrée dans la T2A.

Ils sont également inquiets de la mise en place du tarif unique par pathologie au regard du niveau de charges sociales auxquels ils sont soumis et qui est sensiblement supérieur à celui que supportent les hôpitaux publics. Sachant que la masse salariale représente environ 70 % d'un budget hospitalier, un surcoût sur les charges salariales, que les établissements chiffrent à plus de 10 %, représente une donnée qui ne peut pas être ignorée.

A ces difficultés s'ajoute celle qui résulte de la disparition, en 2005, des allégements de charges liés à la réduction du temps de travail, ce qui va entraîner un coût supplémentaire pour ces établissements. La FEHAP le chiffre, pour ses membres, à 70 millions d'euros en ce qui concerne les établissements de santé et à 21 millions d'euros en ce qui concerne les établissements sociaux et médico-sociaux.

En outre, le passage aux 35 heures n'a été rendu possible que par un blocage des salaires de tous les personnels pendant trois ans, blocage qui, ajouté aux allégements de charges, a permis de compenser la perte de plus de 10 % des heures travaillées. Dans le même temps, les agents de la fonction publique hospitalière sont passés aux 35 heures sans subir aucune retenue salariale.

Fort logiquement, les organisations syndicales des établissements privés demandent aujourd'hui un traitement équitable des personnels et la remise à niveau des salaires par une majoration de 2, 58 %. Or les établissements ne pourront y faire face sans une aide spécifique.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur la manière dont vous entendez aider à solder ces derniers contentieux liés aux conséquences de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.

Je terminerai mon propos concernant les établissements privés à but non lucratif en vous interrogeant, monsieur le ministre, sur l'application de l'article 52 de la loi de financement pour 2004. Cet article confie au ministre compétent le soin d'arrêter, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les paramètres d'évolution de la masse salariale pour l'année en cours dans le cadre des négociations des conventions collectives du secteur privé sanitaire et médico-social à but non lucratif. Cet article n'a pas été appliqué en 2004. Les établissements concernés sont favorables à la fixation d'un tel cadrage. Ils aimeraient savoir, monsieur le ministre, si vous allez le mettre en oeuvre en 2005.

Ma deuxième question portera sur l'hôpital public et son fonctionnement selon sa taille.

La mise en oeuvre de la T2A dans les hôpitaux publics a ceci de positif qu'elle oblige à s'interroger sur les missions particulières remplies par ces derniers et qui justifient qu'une fraction importante de leur dotation leur soit encore versée de façon forfaitaire à travers les MIGAC, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation.

Je vous avais interrogé l'année dernière, monsieur le ministre, sur la manière dont cette dotation pourrait éventuellement prendre en compte les inégalités en santé selon les régions et le rattrapage toujours nécessaire pour celles qui, comme le Nord Pas-de-Calais, accusent les retards les plus importants. Je n'avais alors pas reçu de réponse à ma question.

Vous me permettrez de réitérer ma demande cette année, sans me satisfaire de la réponse publiée au Journal officiel du 4 novembre 2004. J'ai bien lu que « la tarification à l'activité a pour but de garantir un financement plus équitable entre les établissements puisque les critères d'allocation des ressources sont équivalents pour chacun d'entre eux » et que « ce système garantit les financements correspondant aux activités effectivement réalisées par les établissements, de façon que l'offre de soins corresponde effectivement aux besoins des populations ».

Ainsi, dès lors que nous avons, dans le Nord-Pas-de-Calais, une population importante, nos volumes d'activité seront importants et la réforme sera donc globalement bénéfique.

J'entends bien ce discours, mais il me semble qu'il fait l'impasse sur un point : sans une politique volontariste en matière d'éducation à la santé, de prévention et de soins, l'application stricte de la réforme laissera notre région à jamais en queue du peloton. Vous comprendrez aisément que, en tant qu'élue de cette région, j'insiste à nouveau sur le besoin de dégager, sous une forme ou sous une autre, des financements supplémentaires pour venir à bout des inégalités en santé, ce qu'une application stricte de la T2A ne permettra pas d'accomplir.

Enfin, je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur une autre inégalité, engendrée, elle, par la taille de certains hôpitaux.

A côté des CHRU et des hôpitaux locaux, il existe en effet une catégorie, celle des hôpitaux généraux, qui regroupe des établissements de taille parfaitement hétérogène. Au sein de cette catégorie, le rapport d'activité varie de 1 à 10, les missions d'un établissement à un autre peuvent être très différentes en nature et en volume. Certains hôpitaux rayonnent sur un territoire de santé qui peut être aussi important que celui d'un CHRU, et c'est le cas dans plusieurs grands départements français.

Ainsi, l'hôpital de Valenciennes, pour ne citer qu'un exemple que je connais bien, dessert un territoire de plus de 750 000 habitants. Son activité annuelle atteint 70 millions de points ISA, 360 000 actes, plus de 84 000 entrées en services de médecine, chirurgie ou obstétrique et de 54 000 passages aux urgences, sans compter plus de 5 000 urgences pédiatriques, 5 000 urgences de gynécologie obstétrique, 5 000 sorties SMUR et 24 000 séances d'hémodialyse.

Un tel établissement assure des missions sanitaires spécifiques qui font de lui un hôpital de référence et de recours pour tout un bassin de vie, ce qui n'est pas le cas des hôpitaux généraux de petite taille.

L'hôpital de Valenciennes assure notamment des urgences pédiatriques, une permanence psychiatrique aux urgences, des soins de neurochirurgie, le traitement de l'insuffisance rénale chronique et des pathologies cancéreuses, le prélèvement d'organes pour les greffes, des urgences gynécologiques, des explorations fonctionnelles neurologiques, et pour cela il abrite une unité de soins intensifs de cardiologie, un service de médecine nucléaire, un service d'hématologie, une maternité de niveau III avec réanimation néonatale... Et je pourrais encore prolonger la liste !

A cela, on peut ajouter des lits de réanimation ouverts toute l'année - leur nombre est renforcé en hiver -, des consultations très spécialisées pour certaines pathologies et une unité pour la maladie d'Alzheimer.

Vous le voyez, monsieur le ministre, un hôpital qui intéresse un bassin de vie de près d'un million d'habitants ne peut pas être traité de la même manière qu'un petit hôpital général. Il répond, à l'évidence, à des besoins qui vont bien au-delà de ceux qu'est appelé à satisfaire un hôpital de taille moyenne. Pourtant, rien, dans la réglementation actuelle, ne le distingue d'un hôpital dix fois plus petit.

Il me semble que, s'agissant des hôpitaux comme celui que je viens de décrire et dont le budget est supérieur à 200 millions d'euros, on pourrait, sans entrer dans une demande de création de nouveaux CHRU, envisager de leur donner une place particulière d'« hôpital de référence et de recours ».

Cette reconnaissance de leurs charges spécifiques pourrait leur ouvrir droit à un abattement spécial, à l'image de ce qui se pratique pour certains établissements participant au service public hospitalier, qui bénéficient aujourd'hui d'un abattement de 6, 5 % afin que soient prises en compte les sujétions auxquelles ils sont soumis.

Telle est la proposition que je souhaite formuler. Il me paraît en effet important que la réglementation s'adapte à l'évolution des territoires et de leurs besoins.

Si le sud du département du Nord avait constitué un département autonome, il bénéficierait depuis longtemps d'un CHU en raison de l'importance de sa population.

D'autres territoires connaissent des problèmes similaires. Il me semble que la réforme en cours, en amenant à réfléchir sur les missions remplies par les différents établissements hospitaliers, devrait conduire à se poser la question de la place des hôpitaux généraux de très grande taille. Le fait d'habiter un département très peuplé ne doit pas, en effet, être synonyme de handicap en matière d'accès à des soins de qualité.

J'espère, monsieur le ministre, que vous voudrez bien suivre cette suggestion et procéder à une évaluation de sa faisabilité.

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