En effet, vous pensez réaliser un milliard d'euros d'économies à ce titre en 2005, alors que rien n'est prêt.
Bien qu'elles constituent la clé de voûte de la maîtrise médicalisée, les négociations conventionnelles avec les professionnels de santé n'ont pas même encore commencé, et elles risquent de ne pas être terminées avant la fin de l'année.
En la matière, l'expérience de vos prédécesseurs devrait pourtant vous inviter à la plus grande prudence...
Après douze années d'existence, la maîtrise médicalisée se solde, à ce jour, par un échec retentissant, tant qualitatif que quantitatif.
Avant tout engagement sur une éventuelle maîtrise des dépenses, les médecins ne manqueront pas de vous demander des garanties en termes de revalorisation d'honoraires, ne serait-ce que pour rétribuer leur fonction de médecins traitants ou de spécialistes consultants, si bien qu'en 2005 cette maîtrise, qui n'a de médicalisée que le nom, sera moins une source d'économies qu'une occasion de dépenses supplémentaires.
Venons-en maintenant à l'hôpital, dont il a été beaucoup question et sur lequel se concentrent toutes les critiques, comme s'il était le seul responsable de la dérive des dépenses de santé, la médecine libérale étant, quant à elle, bizarrement épargnée.
Je crains qu'à travers cette campagne de dénigrement ne soient moins visées les missions que l'hôpital public assure pour le plus grand bénéfice des Français - lesquels, toutes les enquêtes le prouvent, lui sont très attachés - que les dépenses qui en découlent et que vous ne voulez ni reconnaître ni prévoir.
C'est comme si vous demandiez à l'hôpital public d'assumer des missions de plus en plus nombreuses et diverses - missions que, souvent, le secteur libéral ne peut ou ne veut assumer - sans lui en donner, dans le même temps, les moyens.
En effet, qui forme les futurs médecins ? Qui assure la permanence des soins ? Qui a soigné les personnes âgées pendant la canicule ? Qui les prend en charge lorsqu'elles sont atteintes de pathologies multiples ? Qui assure l'accompagnement en fin de vie des mourants, sinon l'hôpital public ?
Dans ces conditions, le taux de progression des dépenses de 3, 6 % qui lui est consenti pour 2005 ne lui permettra pas de s'en sortir. Et il faut espérer que ce taux n'intègre pas les recettes liées au forfait hospitalier, car il ne serait plus, alors, que de 3, 2 %, ce qui serait nettement insuffisant au regard du taux de 4, 74 % demandé par la Fédération hospitalière de France, la FHF, pour l'ONDAM, afin de permettre une simple reconduction des moyens nécessaires au fonctionnement des établissements.
Vous comprendrez que les finances des hôpitaux ne puissent donc que se dégrader.
J'en viens au plan « Hôpital 2007 ». Je n'ai jamais dit - même si c'est exact ! - que la réforme de l'assurance maladie avait tenu l'hôpital à l'écart. Ce que je déplore simplement, c'est que ce plan, que vous nous présentez, monsieur le président de la commission des affaires sociales, comme « la plus importante réforme de l'hôpital depuis 1958 », n'ait pas, pour l'essentiel, été soumis à l'examen du Parlement alors qu'il aura, me semble-t-il, des conséquences néfastes pour l'hôpital public.
En effet, la suppression de la carte sanitaire, la réforme de la gouvernance et la mise en place progressive de la tarification à l'activité s'inscrivent dans une logique marchande qui va entraîner une concurrence entre établissements, alors qu'il aurait fallu, au contraire, privilégier la complémentarité et la mise en réseau. Les structures les plus fragiles, quelle que soit la cause de cette fragilité, sont appelées à dépérir, voire à disparaître, même si elles remplissent une mission de service public.
Il apparaît pour le moins imprudent de vouloir accélérer la mise en oeuvre de cette réforme, en particulier la convergence entre l'hôpital public et les cliniques privées à l'horizon 2012, comme le dispose un article résultant d'un amendement déposé par nos collègues de l'Assemblée nationale. Cette accélération ne pourra se traduire, selon moi, que par des conséquences néfastes sur le fonctionnement de nos hôpitaux. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure, lors de l'examen dudit article.
Cette hâte est d'autant plus grave que nous ne disposons pas d'une évaluation complète de l'application de la T2A en 2004. Nous ne connaissons pas encore le montant de l'enveloppe allouée aux missions. d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, les MIGAC, au titre de cette année. Vous savez pourtant que cette enveloppe est vitale pour l'hôpital public, puisqu'elle finance notamment la lutte contre la précarité et les urgences.
Les quelques chiffres qui nous ont été communiqués ne sont pas rassurants puisque, sur 572 établissements recensés, 172 verraient leur budget se réduire sans que les conséquences qu'auront ces réductions sur leur fonctionnement puissent être mesurées avec exactitude.
Enfin, la logique productiviste de la T2A semble difficilement compatible avec la maîtrise des dépenses de santé. En effet, en 2004, selon les premières estimations fournies par notre rapporteur, elle générera une dépense supplémentaire de 200 millions d'euros.
Enfin, pour ce qui concerne le médicament, votre politique est incohérente et elle est à l'origine d'un surcoût important pour l'assurance maladie. Ce fait a été mis en lumière par la Cour des comptes : selon elle, la consommation de médicaments a augmenté de 42 % ces trois dernières années, soit presque autant que les indemnités journalières. Mais il faut reconnaître que vous déployez beaucoup moins d'énergie pour lutter contre ces dérapages que pour enrayer ceux des indemnités journalières.
Pour l'assurance maladie, ce poste de dépenses représente une charge annuelle de 22 milliards d'euros. Ce dérapage est d'autant plus inacceptable qu'il concerne, le plus souvent, des médicaments n'apportant aucun progrès thérapeutique évident par rapport aux traitements existants, alors que, dans le même temps, des médicaments princeps peu coûteux et à l'efficacité prouvée sont retirés du marché par les firmes pharmaceutiques.
Eprouveriez-vous quelques difficultés à résister aux pressions de l'industrie pharmaceutique ? Il est vrai que, ces pressions étant beaucoup plus fortes que celles de l'industrie agroalimentaire, par exemple, vous pouvez avoir plus de mal à ne pas y céder, et je le comprends. Je suis d'ailleurs prêt à vous aider : un certain nombre de nos amendements vont dans ce sens, et j'espère que vous leur réserverez le meilleur accueil, car nous ne souhaitons que vous épauler et faire en sorte que les finances de la sécurité sociale se portent le mieux possible.