...dont il n'est pas beaucoup question dans votre texte. Quant aux actes médicaux cliniques, ils sont, paraît-il, reportés aux calendes grecques. Je pense également au sauvetage du plan Kouchner de lutte contre la maladie d'Alzheimer, enterré d'ailleurs par votre prédécesseur, monsieur le ministre.
En outre, vous sous-estimez les besoins de l'hôpital public. Il y a quelques jours, en effet, dans un quotidien économique, le délégué général de la Fédération hospitalière de France, Gérard Vincent, déclarait : « Deux tiers des hôpitaux sont en déficit. Il manque 776 millions d'euros. Vu l'ampleur du problème, ce n'est pas une question de gestion mais une question de moyens. » Il s'élevait également contre une croissance prévisible de l'ONDAM hospitalier de 3, 6 %, alors que les besoins mériteraient une hausse de 4, 75 %. Il allait même jusqu'à qualifier « d'irréalistes » les économies que vous promettez par la rationalisation des procédures d'achat.
Vos hésitations et votre refus de considérer la réalité en face plongent aujourd'hui l'hôpital dans une situation délicate : il est définitivement le grand oublié du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 - M. Vasselle l'a écrit - comme de la réforme de l'assurance maladie. Aux demandes légitimes du monde hospitalier, vous répondez autoritairement qu'il faut réaliser 150 millions d'euros d'économies, et ce dès l'année prochaine.
On m'objectera, pour attester de la validité des économies prévues, que la « maîtrise médicalisée » - le grand mot est lâché ! - révèlera ses vertus bienfaitrices dès 2005 et que, comme par enchantement, les volumes et les prix des prescriptions et des actes augmenteront à un rythme réduit. Je crains que nous n'en soyons encore loin, d'autant que nous attendons toujours de véritables outils de régulation. Certes, vous nous les avez promis, monsieur le ministre, mais il faut aussi une volonté sans faille de contrôler leur application. Vous savez où nous mène généralement l'instauration d'outils de régulation sans contrôle ! Il est bon, je crois, de le souligner.
J'en viens à l'hôpital, où la tarification à l'activité pose pour l'instant davantage de problèmes qu'elle n'en résout.
D'abord, sa mise en application prend déjà du retard du fait de multiples difficultés techniques, ces mêmes difficultés qui ont par ailleurs retardé à deux reprises sa mise en place dans les établissements privés, laquelle serait, aux dernières nouvelles, prévue pour le 1er mars 2005.
Ensuite, le premier bilan révèle des disparités fortes entre les établissements, ce qui, bien sûr, est inhérent au système mais risque d'engendrer des restructurations hospitalières - voire des fermetures, Mme Létard l'a souligné - et est facteur de disparités sanitaires en matière d'aménagement du territoire. C'est dans cet esprit que la Fédération hospitalière de France demande que ce système soit limité, à terme, à 50 % des dotations.
Enfin, vous n'ignorez pas que les praticiens hospitaliers s'affrontent en ce moment au sein des hôpitaux, car un grand nombre d'entre eux s'inquiètent d'une gouvernance insuffisamment réfléchie et mal concertée.
Je m'arrêterai un instant sur les recettes, qui constituent la seule innovation du texte qui nous est soumis.
J'évacuerai d'un mot la question des ressources usuelles du système assises sur la masse salariale et la taxation du tabac. J'ai eu l'occasion de rappeler hier que rien ne laissait présager une hausse de la masse salariale de 4 % en 2005, pas même l'effet de rappel cumulé des années 2003 et 2004. Vous n'êtes pas sans savoir qu'un point de progression de la masse salariale en moins représente une impasse financière de 1, 5 milliard d'euros ! Toute erreur d'estimation aujourd'hui se paiera donc chèrement demain. Je ne reviendrai pas non plus sur le produit attendu des taxes sur le tabac, dont l'expérience des deux années passées nous enseigne qu'il est systématiquement surestimé.
Les seules mesures réalistes dont nous devons vous faire crédit concernent la hausse des prélèvements et la réduction des remboursements instaurés par la réforme du mois d'août dernier.
La liste des nouveaux prélèvements opérés sur les travailleurs et les assurés sociaux de ce pays est longue !
Il y a d'abord la Caisse nationale de solidarité et d'autonomie, la CNSA, qui abondera en 2005 l'ONDAM médico-social et qui sera financée par un jour travaillé supplémentaire compensant une hausse des cotisations patronales de 0, 3 %. Cette année, par exemple, le conseil général de la Dordogne contribuera à hauteur de 150 000 euros à la CNSA et, par extension, à l'assurance maladie.
Il y a ensuite la hausse des prélèvements sociaux, avec l'élargissement de la contribution sociale généralisée des actifs ou le relèvement du taux de contribution sociale généralisée des retraités imposables.
Il y a enfin le déremboursement des usagers, avec la franchise d'un euro par consultation et la revalorisation du forfait hospitalier pour la deuxième année consécutive. Et que dire des autorisations de dépassement d'honoraires consenties aux professionnels !
En résumé, vos recettes sont d'inspiration tendancieuse et ont une conséquence politique : elles s'appuient sur le principe que réguler, c'est faire payer les usagers, et elles renchérissent mécaniquement le coût de la protection sociale indépendamment des revenus des assurés sociaux, ce qui est foncièrement injuste et contraire à nos principes.
J'attirerai enfin votre attention sur les conséquences prévisibles de la réforme de la gouvernance, prévue aux articles 19 et 23 de la loi réformant l'assurance maladie.
Pour améliorer la gouvernance du système, vous avez considéré, monsieur le ministre, qu'il valait mieux qu'il soit géré de façon aussi indépendante que possible du pouvoir politique. La création d'une UNCAM aux compétences élargies et au fonctionnement paritaire atteste de cette volonté.
Des ambiguïtés demeurent néanmoins entre les rôles respectifs de l'UNCAM et du Gouvernement. Au fond, le Gouvernement a installé dans la cabine de pilotage de l'UNCAM l'un de ses proches, qui dispose de deux manettes : les déremboursements, sous réserve d'une convergence de vue avec la Haute Autorité de santé, et la hausse des franchises.
Si, comme je le pense, l'ONDAM pour 2005 est irréaliste, le comité d'alerte, que vous avez instauré, ne manquera pas de tirer la sonnette d'alarme car il suffira d'un dépassement de l'ONDAM d'un montant d'un milliard d'euros, soit 0, 75 % des dépenses prévisionnelles, pour que ledit comité soit en situation d'intervenir. Il intimera ainsi au directeur de l'UNCAM de prendre des mesures d'urgence. Ce dernier obtempérera, avec les leviers d'action qui sont les siens.