… d’autant que le présent texte est une proposition de loi. Nous ne voulons pas plus nous montrer irrespectueux à l’égard du bicaméralisme, qui est l’un des piliers de notre République.
Il s’agit de se fonder sur l’existence de cet équilibre, fragile, parfois contesté, mais réel, qui a été recherché collectivement. Il convient de donner aujourd’hui aux agents économiques – entreprises, artisans ou salariés – une visibilité et une prévisibilité, et de continuer à travailler avec les acteurs de terrain autour des solutions concrètes pour améliorer la montée en gamme des services de transport. C’est cette considération très pragmatique qui nous a guidés et qui conduit le Gouvernement à solliciter de votre part, mesdames, messieurs les sénateurs, un vote conforme.
Je veux maintenant vous présenter les différentes dispositions qui vous sont soumises.
Le premier article de la présente proposition de loi ouvre une véritable perspective de modernisation, avec le développement de la maraude électronique.
La maraude, c’est-à-dire la possibilité pour le client de héler un véhicule sur la voie publique, est une spécificité propre aux taxis. Elle pourra désormais se pratiquer électroniquement. C’est une véritable avancée, un service qui correspond aux attentes des consommateurs et des utilisateurs de taxis.
Ce concept de maraude électronique, autrement dit la possibilité de voir les taxis libres autour de soi sur un écran de smartphone, constitue un atout supplémentaire pour cette profession. Je tiens à insister sur ce point : même si une certaine frilosité peut subsister, cette modernisation est nécessaire au développement de l’activité des taxis. Cette pratique répondra à une attente réelle, tout en élargissant leur clientèle.
La volonté du Gouvernement de participer au développement des usages du numérique trouve une illustration pertinente dans ce projet d’open data de la disponibilité des taxis. C’est une véritable innovation, dont je veux souligner l’originalité et l’ambition. Résoudre un problème par la technologie correspond à une vision progressiste, à une vision d’avenir !
Il est important que la puissance publique puisse contribuer à cette modernisation, bien entendu sans se substituer au marché. L’intérêt d’un tel open data est double. Il offrira, tout d’abord, les conditions d’une amélioration réelle de l’accès aux services de transport de personnes, tout particulièrement dans les zones urbaines. Il permettra, ensuite, d’améliorer l’information des acteurs publics du transport et des mobilités. Ceux-ci ont en effet besoin de connaître le plus précisément possible l’offre de transport pour adapter celle des autres composantes du service public des transports et développer toutes les alternatives à l’utilisation de la voiture individuelle.
Tout le processus de mise en œuvre de l’open data se fera dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui garantit la protection des libertés individuelles. Je tiens à vous assurer que cette modernisation ne se fera pas au détriment de ces libertés !
Nous avons aussi pu entendre ou lire, çà et là, que le Gouvernement voulait interdire aux VTC l’usage des nouvelles technologies et la géolocalisation. Il n’en est rien ! Il est évidemment hors de question d’interdire à ces véhicules d’être géolocalisés.
En revanche, les VTC ayant interdiction de circuler en quête de clients et donc de s’adonner à la maraude, laquelle est réservée aux taxis, ils ne doivent pas pouvoir signaler aux clients en temps réel leur disponibilité sur une carte de leur smartphone. En revanche, les entreprises de ce secteur demeurent parfaitement libres d’utiliser ces technologies pour organiser au mieux leur activité, y compris la géolocalisation de leurs véhicules.
Dans un nouvel article de la proposition de loi, il est prévu que le Gouvernement produise un rapport au Parlement sur la mise en place de l’open data, un an après son entrée en vigueur. Le Sénat pourra ainsi suivre, en toute transparence, la réalisation de ce projet de modernisation de la profession de taxis, avec des données chiffrées sur la géolocalisation.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, un nouvel article a été introduit sur proposition du rapporteur, je tiens à le préciser. Il a rendu obligatoire l’équipement des taxis de terminaux de paiement électronique, afin d’améliorer le service rendu à la clientèle et de moderniser l’image de la profession. Il me semble indispensable d’offrir ce service aux touristes ainsi qu’à tous nos concitoyens.
La proposition de loi s’attache également à moderniser les conditions d’exercice de la profession de conducteur et d’exploitant de taxi. Certaines règles mériteraient en effet d’être précisées, au bénéfice de ces professionnels.
Parmi les 55 000 conducteurs de taxis, 8 000 exercent aujourd’hui leur métier sous un statut de locataire, lequel constitue une source d’ambiguïté et, en définitive, pénalise les chauffeurs. Ce régime hybride fait du locataire un salarié au titre de la sécurité sociale et un artisan pour les services fiscaux. Il rend les locataires plus vulnérables aux fluctuations de la conjoncture, le montant forfaitaire dont ils doivent s’acquitter étant indépendant des recettes réelles résultant de leur activité. La proposition de loi met fin à ce système, remis en cause par les locataires eux-mêmes, au profit du droit commun : la location-gérance.
Le 1er janvier 2017 au plus tard, la location simple devra être remplacée par la location-gérance. La mise en œuvre de cette disposition est donc programmée dans le temps.
Cette modernisation doit aussi permettre aux taxis de participer, à leur manière, à l’amélioration de l’image de la France auprès des touristes. Des millions de touristes étrangers arrivent chaque année dans nos gares et nos aéroports, et le premier contact direct qu’ils ont avec notre pays se fait bien souvent par l’intermédiaire des taxis. Le mois dernier, lors de la clôture des Assises du tourisme, M. le ministre des affaires étrangères et du développement international a repris les propositions du rapport Thévenoud relatives à la nécessité, pour les taxis, de disposer d’une meilleure visibilité dans les villes et celles qui visent à faciliter les accès à la capitale par le biais des couloirs réservés.
Le présent texte laisse le soin aux autorités compétentes de fixer les mesures d’identification des taxis, en respectant ainsi les compétences des collectivités territoriales et, à Paris, celles de la préfecture de police, eu égard à ses prérogatives d’autorité communale.
Au-delà de la modernisation des conditions d’exercice de la profession de taxi, cette proposition de loi entend clarifier et renforcer les règles qui s’appliquent au transport de personnes, singulièrement aux VTC, dont le régime créé récemment est jugé insuffisamment protecteur pour le consommateur.
La loi de 2009, dite « loi Novelli », avait pour ambition affichée de réformer le statut des grandes remises s’adressant à une clientèle haut de gamme sur un segment du marché très particulier. Il en a résulté une dérégulation quasi complète du secteur. Cette loi a créé le régime des véhicules de tourisme avec chauffeurs et prévu des dispositions extrêmement souples, comme l’absence de qualification des conducteurs.
Avec le développement des smartphones, de nouveaux opérateurs se sont implantés sur ce marché, qui connaît ainsi depuis deux ans une forte expansion, tout particulièrement en région parisienne. Le Gouvernement ne souhaite pas freiner les initiatives ni entraver des acteurs économiques qui répondent à de nouveaux besoins.
Au contraire, les services à la personne, les nouvelles technologies, le numérique constituent autant d’opportunités que le Gouvernement entend saisir pour contribuer au développement de l’emploi et de la compétitivité de notre pays, tout en répondant aux besoins des consommateurs. Toutefois, les règles du jeu doivent être claires pour tous et partagées par chacun. La liberté ne peut s’exercer au détriment de l’égalité.
Dès 2013, nous avons pris des mesures réglementaires afin de réguler cette activité. Toutefois, il est nécessaire de fixer un cadre législatif aux VTC, adapté à une activité de transport de personnes. Il s’agit non pas de créer une nouvelle profession réglementée, mais de fixer des règles pour la protection des personnes, afin de garantir leur sécurité et leurs droits en tant que consommateurs. En ma qualité de secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, je suis particulièrement vigilante sur ce point.
La protection de la sécurité des personnes et la protection des intérêts du consommateur sont les motifs d’intérêt général qui justifient que les activités de transport de personnes soient réglementées.
L’Assemblée nationale a modifié les dispositions relatives aux VTC par rapport à la proposition initiale du rapporteur. D’un côté, elle a allongé la durée de l’immatriculation des exploitants de trois ans à cinq ans. De l’autre, elle a instauré une obligation pour les chauffeurs de VTC, à l’issue d’une course, de retourner au lieu d’établissement de l’exploitant ou dans un lieu de stationnement autorisé en dehors de la chaussée.
Il est utile à ce stade de rappeler certains principes généraux relatifs à l’activité de transport de personnes sur la voie publique, à partir de l’exemple des taxis. C’est pour des raisons d’ordre public et d’intérêt général que les taxis bénéficient d’une autorisation de stationner sur la voie publique, donc d’exercer la maraude.
Cette justification est d’autant plus d’actualité dans nos villes, tout particulièrement dans les métropoles, où la question de la fluidité de la circulation est un véritable enjeu. Concrètement, chacun d’entre nous peut se rendre compte des conséquences sur la circulation de la présence d’un véhicule mal garé ou stationnant dans un espace non autorisé. Sans les stations de taxis, qui matérialisent l’autorisation de ces véhicules à bénéficier d’un espace dédié, la circulation en zone urbaine serait anarchique et encore plus compliquée.
La proposition de loi répond au souci d’équilibre qui a animé l’ensemble des débats préparatoires : renforcer les garanties de professionnalisme des acteurs du VTC et renforcer la responsabilité des intermédiaires, tout en évitant des excès de réglementation.
Elle entend maintenir cet équilibre par l’introduction d’un certain nombre de règles simples : la capacité financière des exploitants, l’obligation de vérification de la carte professionnelle et de l’assurance par les intermédiaires, les garanties accrues du monopole des taxis sur la maraude.
L'Assemblée nationale a, par amendement, complété les garanties relatives au transport de personnes pour des véhicules à deux ou trois roues, improprement appelés « motos taxis ». Développée récemment, cette activité bénéficiait d’un régime très souple sans réelles garanties de sécurité pour les clients, selon les députés. Ils ont donc proposé d’y remédier.
Cette proposition de loi s’attache également à faire en sorte que ces règles soient respectées par tous. C’est le sens de la responsabilisation accrue des intermédiaires, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’une relative impunité, les dispositions existantes visant soit les exploitants soit les chauffeurs eux-mêmes. Il s’agit de dispositions protectrices des consommateurs ; là aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprendrez que j’y sois particulièrement attentive.
La redéfinition des infractions relatives à l’offre frauduleuse de transport permettra une répression plus facile du racolage. Les forces de l’ordre sont d’ores et déjà mobilisées de manière importante pour mettre fin à cette situation qui porte préjudice aux taxis comme aux VTC qui respectent la réglementation. Elles doivent avoir les moyens d’exercer plus facilement leur mission.
Ce texte prévoit par ailleurs une intervention accrue de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, dont je salue l’engagement sur ce dossier. Elle contrôlera notamment l’application par les VTC des règles relatives à la tarification. En privilégiant l’efficacité du contrôle de règles simples à un excès de réglementation sans moyen effectif d’assurer son respect, le texte repose sur un équilibre que le Gouvernement partage pleinement.
Je tiens à souligner l’efficacité des forces de l’État qui ont apporté leur soutien à la démarche du député Thévenoud. Je pense en particulier au service national des enquêtes de la DGCCRF.
Nous avons relevé de nombreux manquements. Les plus graves d’entre eux – en particulier le service UberPOP – ont fait l’objet de procédures contentieuses pour pratiques commerciales trompeuses. Leur règlement s’inscrit dans des délais plus longs, compte tenu de la nécessité d’une intervention judiciaire et, surtout, de l’absence de sanction directe pour l’organisation d’un service illégal de transport de personnes. En effet, le cadre en vigueur ne permettait pas aux forces de police ou aux services du ministère des transports d’intervenir contre la société Uber : ils pouvaient seulement se retourner contre les conducteurs, eux-mêmes victimes de cette entreprise.
L’une des avancées notables de la présente proposition de loi est justement de combler cette lacune. Dans l’attente du vote de ce texte, je me félicite toutefois que la diligence des services de la DGCCRF, dans des délais particulièrement contraints, ait eu quelque efficacité.
Afin d’adapter le parc automobile du transport léger de personnes aux exigences environnementales et de lutte contre les changements climatiques, l'Assemblée nationale a instauré un régime de dérogations pour les véhicules hybrides et électriques. À ce propos, je représentais Arnaud Montebourg la nuit dernière à l’Assemblée nationale lors de l’examen de la proposition de loi « bornes électriques » de Mme Massat, texte que le rapporteur connaît bien et dont le Gouvernement soutient à la fois la dimension écologique et industrielle.
Pour marquer sa volonté de simplifier, le Gouvernement a proposé de supprimer le régime des petites remises dans le cadre de la présente proposition de loi. Il s’agit d’empêcher la création de nouvelles petites remises, en laissant subsister celles qui existent aujourd’hui et qui sont estimées à 2 000 environ. Là encore, cette mesure vise à apporter plus de lisibilité et de simplicité, en évitant ainsi les distorsions de concurrence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion, je tiens à revenir sur la brièveté des délais de préparation de cette réforme. J’entends bien les regrets que vous formez en ce sens.