Intervention de Jean-Jacques Filleul

Réunion du 23 juillet 2014 à 14h30
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Jacques FilleulJean-Jacques Filleul, rapporteur :

Madame la secrétaire d'État, je souhaite donc que le Gouvernement nous donne des éléments d’explication plus précis, car il est de notre responsabilité, comme de la vôtre, de veiller à ce que la libération de ces immatriculations ne vienne pas trop brutalement déstabiliser un secteur déjà tendu. Nous y reviendrons.

Cela étant, le Premier ministre a confié au député Thomas Thévenoud une mission de concertation avec l’ensemble des professionnels du secteur, taxis comme VTC, afin de trouver des solutions pérennes à un conflit que l’on pouvait sans doute résumer de manière très simple : trop de rigidité et de contraintes pour les taxis ; une trop grande souplesse et trop peu de règles pour les VTC.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est par conséquent avant tout un texte d’équilibre. Les propositions du rapport Thévenoud, remis au mois d’avril dernier, avaient recueilli l’assentiment de tous les acteurs du secteur du transport léger de personnes, les taxis comme les VTC.

Dans tout compromis, une mesure vient en équilibre d’une autre. Le texte, tel qu’il avait été initialement déposé, était le reflet fidèle du rapport précité. Il a été examiné en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 juillet et les avancées qui ont été adoptées respectaient globalement l’équilibre initial. Telle est la raison pour laquelle j’ai proposé, en commission, l’adoption du texte en l’état.

J’ai pris le temps d’analyser attentivement l’ensemble des points majeurs du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. J’ai rencontré tous les acteurs, organisé quatre tables rondes, entendu plus de quarante professionnels. J’ai acquis la conviction que, au fond, toutes les parties appréciaient la majorité des propositions formulées, tout en sachant que, en pareilles circonstances, il est courant d’essayer d’obtenir plus.

Aussi, à la suite de ces rencontres et compte tenu des évolutions qui ont été apportées par l’Assemblée nationale, j’ai considéré que le texte avait conservé le point d’équilibre – très important – atteint lors de la grande concertation du printemps dernier. De ce fait, il n’oppose pas les taxis aux VTC, ou l’inverse. Au contraire, il fixe des règles du jeu stables et équitables pour tous.

Si j’ai proposé la semaine dernière que la commission adopte en l’état la proposition de loi transmise par l’Assemblée nationale, je souligne que personne n’avait alors déposé d’amendement avant le terme du délai limite pour le dépôt des amendements, conformément à la procédure habituelle.

La commission n’a donc pas modifié la proposition de loi, mais de nombreux collègues m’ont interrogé sur certains points, en particulier sur le compromis mis en œuvre par le texte. Les questions sont nombreuses, car ce sujet est délicat et complexe.

Je souhaite par conséquent, mes chers collègues, vous apporter un certain nombre d’éclairages sur les points qui suscitent le plus de questions, voire parfois des polémiques. Certains d’entre eux sont quelquefois source de confusion ou font même l’objet de fausses informations. Vous avez donné, madame la secrétaire d’État, des précisions. Peut-être apporterai-je les mêmes, mais, en la circonstance, il ne me paraît pas négatif de rappeler ce que contient exactement ce texte.

Premier point : oui, le registre de disponibilité des taxis prévu à l’article 1er sera bien facultatif pour les chauffeurs de taxis. En outre, il sera contrôlé par l’autorité publique, qui garantira une protection des données personnelles. Un rapport permettra d’en évaluer l’utilité et de faire un bilan, mesure introduite par l’Assemblée nationale sur l’initiative du groupe UMP.

Deuxième point : oui, le texte s’attaque au problème essentiel du système de délivrance des licences. Il met fin au principe de cessibilité dans la mesure où toutes les nouvelles licences qui seront délivrées ne seront plus cessibles. Je rappelle que cette disposition a été préconisée dans tous les rapports – et ils sont nombreux – publiés depuis longtemps sur ce sujet : le rapport Rueff de 1959, le rapport Chassigneux, le rapport de la commission Attali, et j’en oublie certainement.

Toutefois, je vous rassure, mes chers collègues, afin de ne pas léser ceux qui se sont endettés pour acheter une licence, les licences déjà délivrées restent cessibles, mais elles doivent satisfaire à des conditions d’ancienneté prévues dans le texte et qui sont assez confortables.

Troisième point : la proposition de loi clarifie les différents statuts des chauffeurs tout en allant dans le sens d’un progrès social et humain. Il existe aujourd’hui trois statuts, un chauffeur pouvant être artisan, salarié ou locataire. Demain, il n’en subsistera plus que deux, car le texte supprime le statut de locataire, qui s’apparentait sur bien des points à ce que certains ont qualifié de forme d’esclavage moderne. Toutefois, pour que cette réforme ne soit pas trop brutale, elle a été aménagée.

Je balaierai maintenant les idées reçues, souvent relayées dans les médias, sur les articles relatifs aux VTC.

Premièrement, il est inexact d’affirmer que la géolocalisation est désormais interdite aux VTC. Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, et j’y ai été sensible. C’est bien la maraude électronique qui leur est interdite, dans la mesure où la maraude est, et doit rester, le monopole réglementaire des taxis. Les VTC pourront continuer à proposer une géolocalisation de leurs véhicules – c’est d’ailleurs l’un des éléments qui explique leur succès commercial rapide –, mais les éditeurs d’applications ne pourront plus permettre à leurs clients de héler électroniquement, si je puis dire, un véhicule à l’extérieur.

Deuxièmement, pour ce qui concerne la tarification des prestations de VTC, je tiens à rappeler que la tarification kilométrique est l’un des éléments centraux de l’activité de taxi, avec le compteur horokilométrique. Or, selon le droit en vigueur, les VTC peuvent facturer leur course au kilomètre parcouru. Le texte corrige cette anomalie en leur interdisant la tarification kilométrique. En revanche, il est important de maintenir la possibilité de tarifer à la durée. Les VTC, je pense en particulier aux VTC historiques de la grande remise, sont parfois amenés à effectuer des prestations sur plusieurs heures d’affilée, voire des journées entières, et il est nécessaire de leur laisser la possibilité de continuer à tarifer de cette manière et d’exercer leur profession. Par ailleurs, je vous rappelle qu’un décret devra fixer la durée minimale à partir de laquelle ce mode de tarification est possible. Cela constituera donc en pratique un garde-fou.

Troisièmement, j’évoquerai ce que l’on appelle couramment le « retour à la base arrière ». Même si cette expression ne figure pas dans le texte, elle est sous-entendue. Ce retour suscite de nombreux débats et fera l’objet, j’en suis sûr, d’une large discussion lors de l’examen des articles.

À la suite de l’adoption d’un amendement en fin de discussion en séance à l’Assemblée nationale, les VTC ont désormais l’obligation de revenir à leur siège social ou, comme vous l’avez rappelé très justement, madame la secrétaire d’État, dans un parking situé hors de la chaussée à l’issue d’une prestation. Cet amendement me semble participer de l’équilibre fragile trouvé par les députés sur la question sensible de la maraude. Ainsi que l’expliquait Thomas Thévenoud dans son rapport, il est difficile de considérer que les VTC ne sont pas en maraude lorsqu’ils circulent sur la voie publique, en attente de réservation préalable, et qu’ils sont rendus visibles aux consommateurs par des applications pour smartphones. La frontière est fine. Le retour à la base arrière permet de mieux faire la distinction entre les activités des taxis et des VTC. Nous aurons l’occasion de discuter de nouveau tout à l’heure de ce point important. Nous examinerons très attentivement les amendements qui seront proposés.

En conclusion, la remise à plat des règles applicables aux VTC dans cette proposition de loi est la conséquence logique d’une dérégulation poussée à l’excès dans la loi Novelli que le législateur de l’époque n’avait probablement pas pu ou su anticiper.

Les VTC sont les premiers à prôner une concurrence non faussée avec les taxis sur le marché de la réservation préalable. Le fait est que, aujourd’hui, ils opèrent dans un cadre réglementaire permettant un certain nombre de distorsions de concurrence en leur faveur. Le texte n’a pas d’autre objet que de remettre les compteurs à zéro, si je puis dire, et de rétablir l’égalité des armes entre les acteurs. Je suis convaincu qu’il y va aussi de l’intérêt et de la sécurité du consommateur.

Nous reviendrons sur tous ces points lors du débat que nous aurons dans quelques instants, mais je tenais, mes chers collègues, à vous apporter ces précisions liminaires. Je suis sûr que de nos échanges émergera une solution de bon sens, de celles que le Sénat a toujours à cœur de rechercher. §

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