C'est un honneur d'être entendu par votre commission. Vous avez cité l'article L. 1451-1 du code de la santé publique relatif aux procédures de nomination. Cet article a été introduit à l'occasion de la loi de 2011 qui a créée l'ANSM, à la suite de la crise du Médiator. La transparence, l'ouverture sociale et politique sont apparues, depuis ce scandale, indispensables. Si je suis nommé à la tête de l'ANSM, je serai amené à être auditionné régulièrement, ce dont je me félicite, car cet organisme doit rendre compte de ses activités.
J'ai 58 ans, j'ai travaillé dans le domaine sanitaire et social, je suis médecin, psychiatre, mais j'ai aussi une formation en statistique et en épidémiologie. J'ai suivi une formation complémentaire en sciences sociales et je suis passé par l'ENA. Depuis lors, j'ai travaillé successivement à la direction générale de la santé, puis en cabinet ministériel avec Mme Gillot et avec M. Kouchner où j'ai piloté la loi sur les droits des malades, ce qui m'a permis de tisser des liens avec les mouvements associatifs, mais aussi avec les professionnels de santé. Dès ma sortie de l'ENA, en 1997, je me suis occupé de la loi de renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, ce qui a conduit à la création de l'Afssaps. J'ai participé à la rédaction des décrets. Au cabinet de M. Kouchner, je me suis attaché à la disposition dite « anti-cadeaux » pour mettre fin aux avantages consentis par l'industrie pharmaceutique aux professionnels de santé. En 2002, j'ai créé l'Oniam avec Claude Huriet : cela fut une expérience enrichissante et je crois que nous avons fait du bon travail. J'ai beaucoup travaillé sur le médicament, sur les vaccins, sur les accidents médicamenteux, mais j'ai eu aussi à connaître du procès pénal sur les hormones de croissance. Nous avons également traité l'accident des sur-irradiés d'Epinal et de Toulouse afin d'indemniser rapidement les victimes, avant que le procès pénal détermine les responsabilités. J'ai intégré la direction de la branche AT/MP de la Cnam en 2011 ; je suis un peu triste de quitter si vite une instance où le dialogue social n'est pas un vain mot. Je suis également membre du comité de direction de la Cnam. Enfin, j'ai été membre de MSF où je me suis beaucoup occupé des conflits armés, d'abord sur le terrain puis, pendant de nombreuses années, au siège.
Mon parcours est marqué à la fois par le service au public en difficulté, voire en danger et par le fait que je suis un praticien - j'aime beaucoup ce terme - de l'humanitaire et de l'action publique.
Très attaché à l'accès à l'information et à la déontologie, je souhaite mettre à disposition de l'ANSM ma formation et mon expérience. Cette agence est essentielle dans le domaine de la santé publique et de la sécurité sanitaire. Bien sûr, elle a été marquée par le drame du Médiator. Après les assises du médicament, la loi de 2011 a constitué la feuille de route de l'Agence. L'enjeu principal est de continuer à mettre en oeuvre cette loi : ainsi, faudra-t-il que l'ANSM internalise l'expertise, alors que tel n'était pas le cas auparavant. Elle devra donc recruter et former le personnel, afin que l'expertise interne soit de qualité ; elle devra aussi surveiller les mises sur le marché et les produits commercialisés tout au long de leur vie : la modernisation du réseau de pharmacovigilance est indispensable. Il faudra également résoudre la problématique des sous-déclarations et permettre aux usagers de signaler des évènements indésirables. En outre, la pharmacovigilance européenne ne doit pas être négligée : la présence de notre pays y est indispensable. La pharmaco-épidémiologie devra enfin se développer, en s'appuyant sur l'expertise de la Cnam.
La politique du médicament doit prendre en compte à la fois la production, les contrôles, la distribution, la prescription et la consommation. Je vous incite à consulter l'excellent rapport Bégaud et Costagliola : notre pays est en surconsommation médicamenteuse, ce qui entraîne le plus souvent des mésusages. Or, ces derniers impliquent que la pathologie n'est pas traitée, que des effets secondaires apparaissent et que des crédits sont dépensés en pure perte. Il faut donc créer un service public du médicament pour mettre en lien l'ANSM, la HAS, la Cnam et l'InVS.
Les thérapies innovantes coûtent cher et les autorisations temporaires d'utilisation (ATU) sont nécessaires, tout comme des AMM adaptés aux enfants.
Notre présence au niveau européen est cruciale. Avec l'affaire du Médiator, la France a perdu en influence, mais les choses s'améliorent et l'ANSM a retrouvé une certaine crédibilité.
En 2012 et 2013, l'ANSM a mis son personnel sous forte pression : sur 1 000 personnes, 800 ont changé de poste ou de fonction. Je m'inscrirai dans la continuité de la loi, mais je renforcerai le dialogue social afin d'apaiser les tensions.
Dans l'affaire du Médiator, l'instruction est bientôt terminée. D'ici la fin de l'année, une ordonnance de règlement sera prise : l'ANSM sera renvoyée, ou non, en correctionnelle.
Le contrat d'objectif et de performance devra être signé avec l'Etat d'ici la fin de l'année. Je serai très attentif à ce que les moyens de l'établissement ne soient pas trop réduits afin, notamment, de pouvoir intervenir au niveau européen.
Le contrôle de la Cour des comptes s'est achevé et les observations provisoires devraient être remises avant la fin de l'année. Il s'agit toujours d'un moment difficile pour un directeur, mais le rôle de la Cour est essentiel. Les conclusions de la mission IGAS devraient bientôt être publiées.
Je tiens à rendre hommage au travail du professeur Maraninchi qui a fait preuve d'un grand courage en prenant la direction de l'Afssaps en 2011. Beaucoup a été fait, mais il faut poursuivre la modernisation de cette agence dans un climat serein.