Nos regrets portent notamment sur le financement des chambres d’agriculture, point fort de nos discussions, qui a été longuement débattu.
Alors que ce projet de loi comporte de nombreux points intéressants – circuits courts, solutions de proximité, économies plus resserrées sur les ressources locales, exploitations des particularités –, vous choisissez ce moment pour éloigner la responsabilité consulaire du département ! C’est d’autant plus regrettable que le redécoupage suggéré des régions rendra l’exercice très compliqué.
L’agriculture de nos régions est d’une grande diversité. L’idée de confier aux chambres régionales des missions très générales, plaisantes à l’énoncé mais ni opérationnelles ni adaptées, est une idée dépassée. « Définition d’un projet régional », « mises en cohérence des actions locales », « économies d’échelle », sont autant de termes génériques qui ne nous paraissent pas adaptés à la situation. Le développement agricole, dont nous savons qu’il vous préoccupe autant que nos collègues, exige d’être abordé avec des attitudes très fines et proches des réalités.
Un autre de nos regrets concerne l’enseignement agricole, question très débattue également, qui aurait dû prendre plus de place dans ce projet de loi. On ne retrouve qu’insuffisamment les prescriptions du rapport 2013 de l’Observatoire national de l’enseignement agricole, intitulé L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025.
Nous regrettons à ce sujet que l’amendement de notre collègue Françoise Férat, pourtant adopté en seconde lecture au Sénat, n’ait pas été retenu en commission mixte paritaire. Sans nous y attarder, rappelons qu’il aurait permis la conclusion de protocoles de gouvernance des établissements d’enseignement agricole entre les conseils régionaux et les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, ou DRAAF. Il aurait également rendu possible la signature d’une convention d’objectifs et de moyens pour les exploitations qui font partie des centres constitutifs des établissements d’enseignement agricole et offert la possibilité d’entretenir des relations étroites – c’est fondamental– entre les établissements et le monde professionnel agricole.
J’exprimerai un dernier regret en évoquant les sujets n’ayant pu être traités dans ce texte.
Tout d’abord, j’ai longuement parlé dans mes interventions précédentes des aléas climatiques. Prenons-en conscience, la situation actuelle n’est pas acceptable. L’agriculture, à 90 % ou 95 %, montre une telle fragilité qu’elle n’est plus en situation d’affronter les accidents climatiques. Nous reviendrons sur ce sujet à l’avenir, j’espère. Pour ma part, je m’emploierai personnellement à ce qu’il en soit ainsi.
Ensuite, je regrette – j’ai d’ailleurs eu déjà l’occasion de le souligner – que nous n’ayons pas eu la possibilité de discuter d’un dispositif cadre à la suite de l’interdiction du Monsanto 810 et des débats qui en ont découlé. Certes, il était intéressant de parler de l’inscription d’une variété, mais il aurait fallu examiner au fond la question des PGM, les plantes génétiquement modifiées, en abordant la poursuite nécessaire de la recherche et en donnant à la loi la possibilité de cerner les objectifs de la recherche. Ces deux questions mériteront à l’avenir d’être débattues. Nous ne pouvons pas nous réunir incessamment dans cette enceinte au gré des inscriptions des variétés dans les catalogues. Ce n’est pas ainsi qu’on légifère ! Il importe de prévoir un dispositif cadre.
Par ailleurs – j’ai aussi eu l’occasion de le dire –, la création dans le projet de loi d’un médiateur en vue de régler les relations entre les producteurs et les distributeurs, soit une question fondamentale, est certes une bonne idée et constitue une avancée, mais elle n’est pas à la hauteur du problème posé. Il ne faut pas voir d’une façon angélique ce chantier, qui est au contraire d’une férocité inimaginable. Il faudra bien un jour que le législateur – peut-être sera-ce le travail de la Haute Assemblée ! – élabore un bon dispositif.
Enfin, j’évoquerai l’application du verdissement de la politique agricole commune.
Je l’ai souligné à plusieurs reprises, il sera très difficile de mettre en place l’obligation d’assolement pouvant aller jusqu’à 30 % dans des régions de monoculture. J’espère, monsieur le ministre, que vous nous donnerez sur ce point des précisions positives.
L’objet de ce projet de loi était bien sûr très ambitieux. La triple performance – tantôt elle est double, tantôt elle est triple ; pour ce qui me concerne, elle est triple ! –, environnementale, sociale, économique, est une belle ambition, qui s’est traduite par une véritable recherche d’équilibre.
Pour conclure, permettez-moi de vous faire part d’un sentiment, afin de justifier ou d’expliquer l’abstention du groupe UDI-UC sur ce projet de loi : il aurait fallu à notre avis traiter davantage le volet économique, même si l’exercice est difficile. La plupart des secteurs agricoles sont en situation de désarroi et de désespérance. Selon moi, notre travail est loin d’être achevé : l’agriculture française a besoin d’un nouveau souffle, elle a tout simplement besoin d’être reconnue. Sa fonction, ses sacrifices, ses difficultés exigent, me semble-t-il, une meilleure reconnaissance – la reconnaissance du monde agricole passe par là. Son utilité sociale a besoin d’être confirmée.
La situation économique de la plupart des productions nous donnera, j’en suis sûr, l’occasion d’engager de nouveaux débats. §