Intervention de Éliane Giraud

Réunion du 30 juin 2014 à 21h30
Débat sur la corse et la réforme territoriale

Photo de Éliane GiraudÉliane Giraud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit ce soir porte sur « la Corse et la réforme territoriale ». Il a été inscrit à l’ordre du jour du Sénat à la demande du groupe Rassemblement démocratique et social européen, plus particulièrement à votre demande, monsieur Alfonsi.

Le groupe socialiste et apparentés, au nom duquel j’interviens, se félicite qu’un débat consacré spécifiquement à la Corse ait lieu dans notre assemblée et vous remercie, mon cher collègue, de nous donner ainsi l’occasion de débattre de la réforme territoriale en Corse, même si j’ai bien compris que c’était évidemment la réponse du ministre qui vous importait.

Élue de la montagne, parlementaire de l’Isère et vice-présidente de la région Rhône-Alpes, je suis particulièrement sensible à la beauté et au charme de cette montagne posée sur la mer qu’est la Corse.

Vice-présidente de la Fédération des parcs naturels régionaux de France, j’admire la richesse des paysages et des territoires de la Corse, notamment ceux du merveilleux parc naturel régional, qui comporte d’extraordinaires réserves naturelles – je pense notamment à la réserve de biosphère de la vallée du Fango et à la réserve marine et terrestre de Scandola –, qui sont aussi de formidables réservoirs de biodiversité.

La Corse, sentinelle avancée en Méditerranée, mérite le soutien et l’investissement de la France en reconnaissance de ce qu’elle nous a apporté tout au long de notre histoire, mais aussi pour l’importance stratégique en Méditerranée qu’elle eut hier, qu’elle a aujourd’hui et qu’elle aura demain. La Corse nous concerne tous.

Ce débat s’inscrit dans une actualité parlementaire riche, avec la réforme territoriale et ses deux projets de loi : d'une part, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, d'autre part, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, présenté au nom du Premier ministre, M. Manuel Valls, par la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique, Mme Marylise Lebranchu et le secrétaire d’État à la réforme territoriale, M. André Vallini, que j’ai l’honneur de remplacer au Sénat depuis sa nomination au Gouvernement.

Même si ma présence au Sénat est récente, je sais, monsieur Alfonsi, quels ont été votre engagement et votre travail continus dans la vie publique. Je tiens à rendre hommage à votre conviction et à votre ouvrage, défendant, dans le même temps, l’unicité de la République et la reconnaissance de la spécificité et des singularités de la Corse. Avec ce débat, en ce moment précis où notre pays engage une nécessaire réorganisation territoriale, vous montrez votre implication de responsable politique soucieux de l’avenir de la Corse, en apportant votre vision pour les années à venir.

Le Gouvernement de Manuel Valls, comme, hier, celui de Jean-Marc Ayrault, est particulièrement à l’écoute de la Corse et de ses habitants.

À la suite de l’adoption, le 27 septembre 2013, par l’Assemblée de Corse, d’une délibération comprenant plusieurs points – une proposition de modification de la Constitution, la mise en place d’une gouvernance propre à la collectivité territoriale de Corse, l’amélioration des procédures d’adaptation de la législation à la Corse, des modifications du statut particulier de la Corse –, les ministres Manuel Valls et Marylise Lebranchu ont rencontré, à Paris, le 22 novembre 2013, une délégation de quatorze élus de Corse. Il s’agissait de les entendre et de lancer avec eux un travail commun sur l’amélioration du fonctionnement des institutions.

Le 3 février dernier, Marylise Lebranchu, à Ajaccio, a installé un comité de travail sur l’organisation territoriale de l’île, composé des membres du comité stratégique de la collectivité territoriale et de représentants de l’État.

Le 14 avril dernier, une seconde réunion a permis d’échanger avec les membres du groupe de travail sur l’apprentissage de la langue corse – s'agissant du soutien apporté à la création d’un établissement public territorial –, sur les problèmes du foncier – concernant la création par la loi ALUR, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, d’un établissement public foncier régional qui permettra d’agir efficacement pour augmenter l’offre de logement – ou encore sur la création d’une taxe ou redevance au mouillage dans les réserves naturelles et les parcs marins.

Le 12 juin dernier, monsieur le ministre de l’intérieur, vous vous êtes rendu dans l’Île de Beauté pour poursuivre le travail engagé et élaborer des solutions efficaces, respectueuses du cadre constitutionnel et conformes aux attentes de nos concitoyens corses et des élus.

Ce travail, conduit en partenariat étroit avec les acteurs concernés, illustre bien la volonté du Gouvernement de donner toute leur place aux élus de Corse dans le travail d’élaboration en cours et de prendre la problématique corse à bras-le-corps.

Durant ces quarante dernières années, le statut juridique de la Corse a fait l’objet de nombreuses réflexions et connu des évolutions qui y ont renforcé la montée en puissance des responsabilités locales. Ainsi, avec la loi du 30 juillet 1982, la Corse devient une collectivité territoriale de plein exercice ; avec la loi du 13 mai 1991, de nouvelles compétences et ressources lui sont transférées ; la loi du 22 janvier 2002 amplifie le mouvement de transfert, la collectivité se voyant dotée de nouvelles responsabilités et d’agents appelés à exercer les missions considérées, et traite aussi de la question du patrimoine.

Une double priorité s'impose depuis 2002 : faciliter le développement de la Corse et renforcer ses infrastructures. Cela a notamment été permis par les engagements pris au titre du programme exceptionnel d’investissement mis en œuvre par Lionel Jospin, programme qui représente 2 milliards d’euros, à quoi s'ajoutent 450 millions d’euros au titre des financements européens ayant été mobilisés.

Grâce à ces investissements importants, la vie quotidienne des citoyens a connu de nombreuses améliorations : dans leurs déplacements, au niveau de la qualité de l’eau et de l’accès à celle-ci, pour la gestion et le traitement des déchets et pour les équipements publics. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, dans votre discours prononcé le 12 juin dernier, la Corse est la région française ayant connu la plus forte croissance économique au cours de ces dernières années.

Dans ce contexte, il est important que les efforts collectifs se poursuivent et qu’ils soient soutenus par le Gouvernement et le Parlement.

Les réflexions de Pierre Chaubon, le travail des élus corses et les réformes institutionnelles votées par l’Assemblée de Corse s’inscrivent dans une dynamique positive, faisant apparaître de nouvelles, et nombreuses, volontés.

Le travail doit donc se poursuivre pour parvenir à conforter l’évolution de la Corse et la volonté de ses habitants dans le respect des valeurs de la République, tout en sachant prendre en compte les singularités de ce territoire.

Si le regroupement des régions ne concerne pas la Corse, le calendrier électoral, lui, la concerne. La première élection générale des conseillers départementaux et des membres de l’Assemblée de Corse suivant la publication de la loi relative à ce regroupement se tiendra au mois de décembre 2015.

Donnant suite au rapport préparé par la commission des compétences législatives et réglementaires présidée par M. Pierre Chaubon, le projet de loi relatif à l’organisation territoriale de la République présenté le 18 juin dernier en conseil des ministres et déposé sur le bureau du Sénat reprend plusieurs de ses propositions de nature à améliorer le fonctionnement des institutions en poursuivant le processus de renforcement des responsabilités déjà reconnues à la collectivité territoriale de Corse – CTC.

Ce faisant, le Gouvernement a fait le choix d’une réforme ciblée du statut législatif de la CTC sur la base des recommandations de l’Assemblée de Corse afin d’apporter une réponse immédiate aux attentes des acteurs locaux.

Parmi ces mesures, je mentionnerai d’abord la précision suivant laquelle le droit commun applicable aux régions s’applique à la Corse, afin qu’il ne soit plus nécessaire de mentionner spécifiquement celle-ci dans les lois et règlements applicables aux régions ; cela répond avant tout à un souci de simplification.

Je citerai ensuite : la possibilité donnée à l’Assemblée de Corse de faciliter les délégations de compétences à la commission permanente, afin d’introduire plus de souplesse dans son fonctionnement et dans ses relations avec le conseil exécutif ; la possibilité de faire inscrire une question à l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse à la demande d’un cinquième de ses membres, de manière à renforcer la démocratie et le pluralisme ; la modification des règles de fonctionnement du conseil exécutif de Corse, selon les préconisations du rapport précité de la commission des compétences législatives et réglementaires de septembre 2013.

Enfin, je rappelle que, la programmation du plan exceptionnel d’investissement ayant pris du retard, il est proposé d’en prolonger de deux ans la mise en œuvre, en accord avec les partenaires locaux de la convention-cadre.

Le plan exceptionnel d’investissement, qui résulte d’une proposition du Gouvernement aux représentants élus de la Corse formulée au cours de l’été 2000, a été consacré par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse. Il prévoit une programmation sur quinze ans d’investissements publics destinés à combler les retards d’équipement dont souffrait la Corse dans plusieurs secteurs.

Ces thèmes ne manqueront pas d’être abordés par les membres du comité stratégique sur l'organisation territoriale de la Corse qui doit se tenir à la fin de la semaine, le 4 juillet, en présence de la ministre Marylise Lebranchu.

Comme vous aimez à le répéter, cher Nicolas Alfonsi, en reprenant des propos de Mendès France – votre seule référence, dites-vous, dans la vie publique –, un responsable ne se détermine jamais dans ses décisions par les conséquences, bonnes ou mauvaises, qu’elles pourraient avoir pour lui, mais en fonction de l’intérêt général.

Je crois que c'est ce que nous faisons, que c'est ce que fait le Gouvernement, et c'est cette même logique qui doit toujours prévaloir dans les rapports entre la France et la Corse.

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