Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois que je n’aurai pas le même talent que mon ami Nicolas Alfonsi, car, même si j'ai quelques racines corses, je n’ai pas les mêmes « fondamentaux ».
Insularité, marginalité : voilà comment j'ai entendu certains Corses me présenter la Corse à l’occasion d’un déplacement, il y a de cela près de vingt ans. Depuis, on ne peut que se réjouir des changements intervenus…
La Corse est toujours aussi belle et les Corses toujours aussi « hors-norme » ; à nous de mieux les comprendre, de mieux entendre ce qu’ils sont, ce que leur culture et leur histoire leur ont donné d’irremplaçable, de spécifique.
Le déplacement que je viens d’évoquer précédait la promulgation de la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, qui faisait de l’île une collectivité territoriale à statut particulier entrant dans le champ de l’article 72, premier alinéa, de la Constitution.
Depuis, la Corse et les Corses ont trouvé progressivement un mode de fonctionnement spécifique tout en respectant le droit commun applicable aux régions chaque fois que n’existe pas de dérogation à ce droit.
Ils ont expérimenté une large responsabilité en matière de compétences de leur collectivité, beaucoup plus larges que les compétences transférées aux autres régions du continent. Ils ont connu, avec l’Assemblée de Corse et le conseil exécutif, un mode de fonctionnement nouveau, qui a nécessité de leur part une véritable capacité d’adaptation.
Un peu plus de vingt ans après cette révolution – au sens premier du mot –, après cette réflexion – toujours au sens premier du mot – et cette réorganisation, il n’était pas illégitime que la Corse s'interrogeât sur son fonctionnement. Elle le fait en profitant de la réflexion globale sur la réforme territoriale qui s'impose à notre pays.
La Corse est soumise aux mêmes constats et aux mêmes contraintes que nos autres régions, départements et territoires : le redressement de notre pays, le développement de notre économie, le travail des jeunes et des moins jeunes, le besoin absolu de sécurité.
Mais, il faut bien l’admettre, toutes ces attentes sont formulées dans un contexte qui est compliqué par les problématiques liées à l’insularité. Les déplacements, leur coût, les délais, les approvisionnements, le tourisme, le respect de l’environnement et l’agriculture sont autant d’exemples qui, développés, montreraient bien la spécificité de l’île. Je n’évoquerai que deux problématiques : la réforme territoriale et la sécurité.
Je veux saluer la disponibilité et l’écoute de l’actuel et du précédent gouvernement, qui sont allés à la rencontre des élus de Corse pour entendre leurs besoins et leur apporter une réponse – pour m'être déplacée en compagnie de M. le préfet il n’y a pas très longtemps, je crois pouvoir en témoigner. Je sais fort bien que ni Marylise Lebranchu, ni Manuel Valls – alors ministre de l’intérieur –, ni vous-même, monsieur le ministre, n’avez ménagé votre peine.
Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République consacre son article 13 à la Corse. Chers collègues, il nous reviendra d’examiner ce texte à l’automne et, je n’en disconviens pas, d’y apporter des améliorations, comme on le fait ici régulièrement…
Je veux néanmoins souligner que ce texte est le fruit de nombreux débats et rencontres – notre collègue Mme Giraud les a rappelées à l’instant – nées des propositions du rapport établi par la commission des compétences législatives et réglementaires sur les institutions particulières de la Corse, rapport présenté à la session de l’Assemblée de Corse de la fin septembre 2013.
Chacun s'était alors accordé à reconnaître la nécessité de remédier à des défauts susceptibles d’entraver le bon fonctionnement de l’Assemblée de Corse. À ce titre, le projet de texte prévoit quatre mesures principales, qui ont été énoncées tout à l’heure et que je rappelle très rapidement.
Première mesure : l’affirmation de l’applicabilité à la Corse de toutes les dispositions législatives qui concernent les régions et ne sont pas contraires à celles qui sont spécifiques à la collectivité territoriale de Corse – cette mesure n’a d’autre objectif qu’une simplification.
Deuxième mesure : la possibilité, pour l’Assemblée de Corse, de modifier la liste des compétences déléguées à sa commission permanente en cours de mandat. C'est une flexibilité opportunément reconnue aux membres de l’Assemblée qui en ont émis le vœu, pour remédier à quelques embarras que l’on a connus.
Troisième mesure : l’autorisation et l’organisation du retour à l’Assemblée de Corse de l’ensemble des membres du conseil exécutif, y compris son président, en cas de démission collective ou de vote d’une motion de défiance, celle-ci relevant d’un mécanisme original de responsabilité politique de l’exécutif devant l’Assemblée de Corse.
Quatrième et dernière mesure : le prolongement de deux ans du programme exceptionnel d’investissement pour la Corse, dont la durée avait été initialement fixée à quinze ans. Ce programme, dont il faut se féliciter, personne ne le remettra en cause. Il avait été simplement retardé et interrompu, d’où la nécessité de le prolonger, et je ne peux, avec Nicolas Alfonsi, que m'inquiéter de ce qu’il adviendra à l’issue de ces deux années, une fois le programme terminé…
Monsieur le ministre, pour avoir lu votre discours, je sais que vous donnez votre accord de principe au texte qui va nous être proposé dans quelques mois. Je sais votre volonté d’aller plus loin, s'il le faut, pour obtenir un consensus fort et durable – cela fait partie intégrante de votre vision et de votre manière de procéder, que l’on ne peut que saluer.
Mais il s'agit d’un consensus qui n’a pas besoin, selon moi, d’une révision de la Constitution. Ce consensus doit être respectueux de notre droit national et européen ; cela a d'ailleurs été dit à propos de certaines dispositions souhaitées par quelques élus corses.
Ce consensus doit également être respectueux du triple principe, que nous connaissons bien, d’unité de la République, de diversité et de spécificité des territoires – ce qui s'impose tout particulièrement en Corse –, et de subsidiarité. Ce triple principe, nous avons choisi de l’appliquer au reste du territoire, notamment dans le cadre de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Monsieur le ministre, au-delà de cette réforme territoriale qui sera appliquée à la Corse avec, je le crois, la juste mesure qui convient, je voudrais ajouter un mot concernant la problématique sécuritaire, qui concerne aussi bien l’organisation de la police et de la gendarmerie que celle des sapeurs-pompiers. Dans les deux cas, il s'agit de la protection des personnes et des biens.
Je tiens à saluer, ainsi que vous l’avez fait lors de votre déplacement en Corse le 12 juin dernier, le dévouement, la disponibilité, le courage de nos forces de sécurité, qui travaillent tous les jours côte à côte, au risque de leur vie, et qui n’hésitent pas à s’exposer, simplement pour faire leur devoir, parce que ce devoir s’impose à elles.
Comme beaucoup d’entre nous, monsieur le ministre, je ne peux ici que former le vœu de voir l’engagement d’apaisement formulé par certaines factions se concrétiser, vite et en totalité : que de drames alors évités, que de tensions apaisées ! Que la Corse sera belle d’une harmonie retrouvée !