Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 30 juin 2014 à 21h30
Débat sur la corse et la réforme territoriale

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier M. Nicolas Alfonsi et le groupe du RDSE d’avoir inscrit à l’ordre du jour ce débat sur l’avenir de la Corse.

Vue à travers les chroniques de faits divers, la Corse apparaît généralement comme un territoire à problèmes, une terre de violence atavique, mais aussi l’un des symboles des impuissances de l’État.

Je ne partage évidemment pas ce point de vue. Je considère que, par bien des aspects, la Corse peut même devenir un laboratoire d’excellence pour construire de nouvelles modernités territoriales, à condition de se dégager des conservatismes et des dogmes idéologiques : la Corse mérite mieux que d’être un terrain d’affrontement entre nationalismes, entre droit à l’autodétermination et républicanisme sourcilleux, affrontement sans fin qui empêche de forger des réponses réelles à des questions concrètes liées aux difficultés de la vie quotidienne.

Il est dans la nature des écologistes de tourner le dos à ces exacerbations, qui cachent souvent des intérêts particuliers, pour s’attaquer aux enjeux réels. Dans les quelques minutes qui me sont imparties, je voudrais en décliner trois.

L’enjeu environnemental, tout d’abord. Dans un bassin méditerranéen dont le littoral a été sacrifié au tourisme de masse, la société corse – et il faut ici lui rendre hommage – a mieux préservé ses paysages que tout autre territoire, de la Sardaigne au Languedoc-Roussillon.

Nous devons l’en remercier et la soutenir dans l’adoption d’un plan d’aménagement et de développement durable de la Corse – le PADDUC – ambitieux qui devra préserver une part de cette beauté du monde, d’un patrimoine participant de l’enchantement collectif, ce qui signifie aussi répondre à un certain nombre d’enjeux sociaux ; nous y reviendrons.

Dans le domaine environnemental toujours, je considère que la Corse peut être l’une des vitrines territoriales de la transition énergétique : elle a les atouts de la révolution des énergies renouvelables : l’eau, le soleil, le vent, la biomasse… Avec le projet d’Areva, par exemple, la Corse accueille déjà des expérimentations prometteuses en matière de stockage d’énergie. Mais il manque encore la volonté politique de franchir un cap.

Il faut un pilotage fin, par les nouvelles technologies des réseaux intelligents, de ce potentiel considérable en énergies renouvelables pour en gérer la variabilité ; il faut des investissements résolus et cohérents... Il convient d’arrêter de tergiverser, monsieur le ministre, et il est de la responsabilité de l’État d’imposer à son opérateur historique de ne plus considérer la Corse comme un territoire juste bon à brûler des fiouls lourds dont plus personne ne veut.

Dans le domaine de la langue, la Corse est aussi en avance puisqu’elle a réussi à mieux préserver sa langue que bien d’autres territoires en France et en Europe. La volonté de reconquête linguistique portée par l’Assemblée de Corse doit donc être soutenue, tant la France, chantre dans les conférences internationales d’une diversité culturelle parfois limitée à la défense de la francophonie, est ici fragilisée dans sa crédibilité internationale par son incapacité à faire vivre sur son sol sa propre diversité linguistique.

Au-delà des vieilles lunes jacobines d’une France menacée par ses propres territoires, le projet de co-officialité de la langue corse est au contraire une véritable opportunité à saisir pour nous recrédibiliser dans le monde alors que la France n’a toujours pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, malgré les engagements de campagne de François Hollande.

Après votre visite en Corse, monsieur le ministre, ma question sera extrêmement précise et simple : quels sont donc, du point de vue de l’État, au-delà des postures idéologiques, les éléments de la proposition de co-officialité adoptée par l’Assemblée de Corse qui nécessiteraient d’être amendés pour permettre à l’État de la soutenir ?

J’en viens au troisième point que je souhaitais aborder : le débat sur le statut de résident, dont a également parlé Nicolas Alfonsi. Les instances locales d’Europe Écologie Les Verts en Corse l’ont clairement dit : il ne s’agit pas d’une bonne réponse à un vrai problème, celui de la difficulté des habitants de l’île à se loger en raison de la pression touristique sur le prix du logement.

Nous considérons que nous devons sortir la Corse de sa spécialisation dans une mono-industrie touristique qui la déstabilise, produit des emplois précaires et peu qualifiés, et entraîne une pression insoutenable sur le foncier et le littoral. Les deux facteurs se combinent pour une crise du logement engendrée par l’écart entre ce revenu moyen faible des résidents permanents et le prix de l’immobilier conditionné, lui, par des acheteurs « extérieurs », souvent plus fortunés.

Nous devons donc agir, et d’abord par le soutien à de nouveaux secteurs économiques : la transition énergétique en Corse, par exemple, pourrait constituer une opportunité de créer des emplois durables et qualifiés, notamment dans le secteur solaire.

Ensuite, il faut absolument trouver des réponses pour stopper la spéculation immobilière et garantir l’accès au logement. Les écologistes ont fait plusieurs propositions en ce sens. Étendre la loi Duflot pour encadrer les loyers dans certaines zones touristiques, plafonner le taux de résidences secondaires : voilà des propositions concrètes et faciles à mettre en œuvre.

Monsieur le ministre, là aussi, ma question sera simple : au-delà du caractère très probablement anticonstitutionnel du statut de résident, votre gouvernement serait-il favorable à la mise en œuvre de ces propositions pour faciliter l’accès des habitants de l’île à un logement à coût maîtrisé ? C’est une question centrale pour l’avenir de la Corse.

Un statut de résident qui se fonderait sur un droit du sang, tel que le débat actuel le laisse entrevoir, n’entre pas dans les valeurs de l’écologie politique. Si nous ne sommes pas favorables au statut tel qu’il est aujourd’hui présenté, lié à la question de l’accès à la propriété, nous sommes en revanche favorables à une citoyenneté de résidence.

Ce sont aussi ces questions qui sont posées dans le débat corse. Approfondir l’idée d’une citoyenneté corse de résidence serait promouvoir cette notion de communauté de destin, s’éloigner d’un système clientéliste qui instrumentalise le vote des propriétaires de résidences secondaires, et affirmer ainsi les droits des résidents permanents, dont les étrangers habitant et travaillant en Corse.

À travers ce débat, aujourd’hui, il ne s’agit donc pas de se lamenter ou de craindre que des réponses corses ne détricotent la République ; il s’agit au contraire de soutenir en Corse des propositions et des réponses adaptées aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, d’accompagner résolument des politiques publiques modernes au service d’un territoire qui fut parfois en avance sur son temps.

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