Pour ma part, je souhaite que l’on parle la langue corse en Corse, car je crois que les langues sont une richesse et que, comme le disait M. Dantec, cette pratique ne fait courir aucun risque à la langue française, à condition qu’elle s’inscrive dans un cadre conforme aux principes de la République, et avec la garantie que la cible sera atteinte grâce à la mobilisation des moyens de l’État dans le système éducatif.
Je le répète ici, au Sénat, avec la même sincérité et la même exigence de rigueur que celles que j’ai voulu exprimer dans mon intervention prononcée en Corse, la volonté du Gouvernement est non pas de fermer les portes, mais d’ouvrir celles qui permettent d’atteindre les bonnes solutions, afin de régler les problèmes auxquels la Corse doit faire face aujourd’hui.
Je conclurai sur deux points.
Tout d’abord, préconiser une réforme constitutionnelle qui impliquerait l’inscription des dispositions concernant la Corse dans la Constitution – encore faudrait-il en définir le contenu ! – supposerait d’être en situation de réunir une majorité qualifiée au Congrès pour la faire voter.
Or réunir une majorité des trois cinquièmes au Congrès pour faire voter une réforme constitutionnelle ne dépend pas de la seule volonté de la collectivité territoriale de Corse. On pourra tordre le problème dans tous les sens : ce n’est pas seulement un problème de droit, même si la règle de la majorité qualifiée est inscrite dans la Constitution ; c’est un problème politique !
Pour faire voter de telles dispositions constitutionnelles, il faut une majorité qualifiée au Congrès, mais je ne suis pas certain que cette majorité existe.
Il me paraîtrait donc hautement aléatoire de conditionner à la réunion de cette majorité la résolution des problèmes de la Corse, dont on nous dit qu’ils relèvent de l’urgence.
Si urgence il y a, réglons ces problèmes sans tarder, dans le cadre juridique existant ! Ne prenons pas le risque d’engager des discussions aléatoires visant à mobiliser des majorités dont on ne sait pas si elles existent, pour régler à long terme des problèmes qui, nous dit-on, relèvent de l’urgence du court terme.
La résolution des problèmes de la Corse à court terme n’obère en rien la possibilité de les régler de manière plus ambitieuse encore à long terme, dès lors qu’il y aurait une possibilité d’approfondir la réflexion juridique et de réunir les conditions politiques nécessaires.
Ensuite, quand les problèmes sont compliqués en droit, techniquement et politiquement, plus on est nombreux à dialoguer avec bonne foi et sincérité, plus on a de chances de les régler ensemble. Pour ce faire, il faut éviter de se faire des procès d’intention, c’est-à-dire non fondés sur des dires effectifs, en oubliant les propos tenus précédemment.
Avant moi, d’autres se sont exprimés sur la Corse, en Corse ou à Paris : ils ont tous indiqué dans quel cadre juridique la réforme pouvait s’engager.
Je n’ai rien dit de plus ni de moins, lorsque je me suis rendu en Corse, que ceux qui s’étaient exprimés avant moi ! Je n’ai fermé aucune porte. J’ai voulu indiquer quels étaient les aléas d’un chemin complexe et incertain, non pas pour altérer une volonté, décevoir, désespérer ou casser les enthousiasmes, mais pour mobiliser ceux-ci dans une direction qui mène vers une lumière, une issue, une solution.
Par ailleurs, je n’ai pas non plus fermé le débat sur la question institutionnelle, y compris dans sa dimension constitutionnelle – on peut en effet régler le débat institutionnel dans le cadre de la Constitution actuelle, ou aller plus loin. J’ai simplement dit que l’important, sur ces sujets, c’était le résultat et non la posture, c’était l’objectif, et non le fétichisme du droit ou de telle ou telle inscription normative dans tel ou tel texte.
À la faveur de ce débat, organisé au Sénat sur l’initiative de Nicolas Alfonsi, je veux redire aux Corses que, par-delà leurs sensibilités, leurs options et leurs volontés – elles sont diverses et multiples sur tous les sujets dont nous venons de débattre –, ils trouveront face à eux un gouvernement ouvert, à l’écoute, attentif, désireux de trouver des solutions et d’éviter des impasses, rigoureux dans son approche des textes et du droit.
Car les textes et le droit, parfois, ont à voir avec la politique lorsque l’on convoque la rigueur. Nous le ferons dans le respect de ceux qui délibèrent en nous posant des questions que j’estime justes, même si les réponses apportées ne sont pas toujours à la hauteur de ce que nous pourrions souhaiter.
J’espère que ce débat aura contribué à préciser certains points, et que nous aurons d’autres occasions de nous revoir pour approfondir ces sujets.
La question de la Corse, qui mobilise nos assemblées depuis longtemps, est trop passionnante pour cesser de les intéresser demain. Et elle est trop exigeante pour ne pas être abordée avec tous les préceptes de la rigueur intellectuelle. §