Le débat public sur le projet Cigéo a été organisé de mai à décembre 2013 par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), conformément à ce que prévoyait la loi de 2006. Dans le rapport d'évaluation du précédent plan, je m'étais par avance inquiété, avec Claude Birraux, à la lumière des incidents survenus en 2009 à propos des nanotechnologies, du risque d'empêchement des réunions par un petit nombre d'opposants déterminés. Deux ans et demi plus tard, mes craintes ont malheureusement été pleinement confirmées. Les deux premières réunions qui se sont tenues à Bure et à Bar-le-Duc, en mai et juin 2013, ont été interrompues par quelques dizaines d'adversaires du débat très minoritaires. C'est à juste titre que la CNDP a appelé les pouvoirs publics à « prendre les mesures nécessaires pour assurer la tenue et la sérénité du débat ». Il revient, en effet, au pouvoir exécutif de faire appliquer la loi.
Face à l'impossibilité de tenir les réunions publiques prévues, la CNDP n'est pas restée sans réagir, et nous tenons à saluer ici son action ainsi que celle de la commission particulière du débat public (CPDP) Cigéo. L'organisation de neuf débats contradictoires sur Internet a permis un dialogue interactif entre l'Andra, des experts indépendants et le public. Plus de 9 000 connexions ont été enregistrées, pendant ou après les débats, et quelques 400 questions ont été posées. Ces résultats dépassent largement ceux enregistrés pour des réunions publiques. En matière de nouvelles technologies de communication, la CNDP ne s'est pas limitée à l'organisation de ces neuf débats interactifs. Comme je l'avais préconisé en 2011, elle a également fait appel aux réseaux sociaux. Au vu du compte rendu du débat public sur Cigéo, nous considérons que, malgré les obstacles rencontrés, ce dernier a non seulement bien eu lieu, mais a même atteint ses objectifs, aussi bien sur le plan de l'information des citoyens que du recueil des différentes opinions exprimées sur ce projet.
Nous avons également noté que la CNDP a organisé une conférence de citoyens. Nous considérons que cette formule, qui consiste à réunir une forme de « jury » d'une quinzaine de personnes, contredit le principe du débat public : elle ne contribue pas à informer les citoyens et elle ne leur permet pas non plus d'exprimer leur point de vue. En forçant un peu le trait, il serait possible de considérer que la conférence de citoyens se positionne en tant qu'alternative au référendum, tel qu'il est prévu à l'article 11 de la Constitution, comme une nouvelle forme de démocratie directe, sans les lourdeurs d'une consultation nationale, mais aussi sans la légitimité d'un appel au peuple souverain. Nous considérons que la CNDP ne doit pas utiliser cette formule ambiguë pour des débats de portée nationale qui précédent un rendez-vous législatifs.
Le débat public a pris fin le 15 décembre 2013. Les conclusions du débat ont été publiées en février 2014. En mai 2014, le conseil d'administration de l'Andra - au sein duquel je représente notre Office - a décidé d'apporter des modifications à son projet pour prendre en compte les résultats du débat. Par exemple, il a prévu une phase industrielle pilote au démarrage du centre de stockage géologique, ou encore le raccordement du site au réseau ferré, pour acheminer les colis de déchets par le rail plutôt que par la route. Sur d'autres points, l'Andra rappelle justement la pertinence des dispositions législatives et réglementaires existantes. Ainsi, en matière de maîtrise des risques, conformément à la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, la délivrance de l'autorisation de création du centre de stockage est soumise, comme pour toute autre installation nucléaire, à une évaluation préalable approfondie par l'Autorité de sûreté nucléaire, autorité administrative indépendante dont la compétence et la rigueur sont internationalement reconnues. L'ASN assurera également un contrôle des conditions de réalisation du stockage et, après son ouverture, de ses conditions d'exploitation.
Toutefois, plusieurs propositions et conclusions du débat public ne relèvent pas directement de l'Andra, mais d'une intervention du Gouvernement ou du Parlement. Nous suggérons donc au Gouvernement de tirer lui aussi les conclusions du débat public, car c'est l'une des conditions de la crédibilité de cette procédure. Je vais passer à présent la parole à Christian Namy qui va conclure.