Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les notaires que j’ai rencontrés dernièrement à Château-Renault, sont très inquiets, mais également extrêmement déterminés. Rapport de l’Inspection générale des finances, fuites dans la presse, déclarations ministérielles contradictoires : tout cela n’est pas fait pour les rassurer.
Les notaires ont conscience d’être la cible de tous ceux qui souhaitent la déréglementation de leur profession, voire sa disparition. Surtout, ils ne comprennent pas que ce soit le gouvernement actuel qui soit à l’origine de cette campagne.
Les notaires, en effet, ne méritent pas les caricatures entendues ces derniers temps visant à les stigmatiser. Je rappelle qu’ils ont collecté, en 2013, 22 milliards d’euros de recettes fiscales à titre gratuit pour l’État. Ce sont des officiers publics assurant une mission de service public, appliquant des tarifs réglementés, les mêmes sur tout le territoire.
La sécurité des actes notariés représente une garantie forte pour l’ensemble de nos concitoyens, notamment pour les plus faibles d’entre eux.
Un ministre a annoncé en août que 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat pourraient être restitués aux Français en déréglementant la profession. Or son successeur a déclaré en septembre qu’il était illusoire de penser qu’une telle réforme rendrait 6 milliards de pouvoir d’achat aux Français. Qui croire ?
Regardons de près ce qui s’est passé aux Pays-Bas. En libéralisant les tarifs voilà douze ans, les Néerlandais ont provoqué une hausse de 70 % du coût des actes notariés, ce qui a accru l’inégalité d’accès au service public notarial. Où est donc l’intérêt économique d’un tel bouleversement ?
Le président du Conseil national du notariat soulignait en mai dernier : « Ce n’est pas parce qu’il y aura plus de concurrence entre notaires qu’il y aura plus d’achats immobiliers ou plus de successions à régler ! Cela n’aura aucun impact sur le PIB. »
Si ce projet n’a aucune conséquence, ni sur le pouvoir d’achat ni sur le PIB, en quoi pourrait-il être utile ? La seule solution raisonnable me semble donc son retrait immédiat. En effet, sa mise en œuvre porterait atteinte à notre modèle social républicain déjà fortement attaqué.
Une libre installation « sauvage » entraînerait une dégradation de la sécurité juridique et une remise en cause de la garantie collective. Par ailleurs, l’entrée de capitaux étrangers dans leurs études par l’intermédiaire des banques, des compagnies d’assurance ou d’autres investisseurs, conduira inéluctablement à une perte d’indépendance, ainsi qu’à la disparition des petites structures.
Une telle réforme signera le recul non seulement de la présence de la puissance publique dans des territoires aujourd’hui très affectés par la disparition de services publics comme La Poste ou encore les trésoreries, mais aussi de l’accès au droit pour nombre de nos concitoyens, à l’image de ce qui s’est passé avec la fermeture de tribunaux. Et cela, nous ne pouvons l’accepter !
La défense de l’accès au droit, la préservation de la mission de service public des notaires et la sécurité juridique sont autant de principes chers à Mme Taubira, ministre de la justice. Je me félicite qu’elle les ait défendus à maintes reprises, montrant ainsi son attachement à la réglementation notariale. Devant le congrès des notaires qui se tenait à Lyon en juin 2013, elle disait à propos de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles : « Il a fallu se battre contre ceux qui sont persuadés qu’il faut déréglementer ces professions. […] Nous sommes armés d’une culture du service public. Nous avons la culture de la présence territoriale. Nous avons la culture de la citoyenneté. Armés de cela, nous avons décidé d’être invincibles et nous avons été invaincus ! »
Alors, monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas laisser s’installer une telle entreprise de destruction de nos principes républicains au profit de l’installation d’un hypermarché du droit. Comment comptez-vous donc préserver dans notre pays les valeurs fondamentales qui régissent cette profession ? Les notaires et les personnels des études sont prêts à appuyer toute initiative allant en ce sens.