Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 14 octobre 2014 à 14h30
Désignation des conseillers prud'hommes — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Si le statu quo n’est pas une solution, j’en conviens, il existe selon nous des leviers d’action à enclencher pour améliorer le taux de participation aux élections tout en réduisant la complexité d’organisation et le coût du scrutin. C’est possible ! Ce matin même, nous avons organisé une conférence de presse et nous avons entendu de nombreuses propositions émanant des organisations syndicales. Ces dernières se plaignent d’ailleurs de n’avoir jamais été auditionnées par une commission ad hoc, afin de faire valoir leurs suggestions.

Ces propositions d’amélioration, que je n’aurai pas le temps de développer à leur place, comprennent notamment l’organisation du scrutin directement sur le lieu de travail des salariés, en lien avec les élections professionnelles. Elles vont même jusqu’au décloisonnement du vote par section, qui engendre effectivement des complications. Cette mesure serait également une source d’économies.

Les membres du groupe CRC estiment que ce projet de loi est, en l’état, un recul démocratique pour les salariés et qu’il emporte, de surcroît, des conséquences injustes sans pour autant être garant d’efficacité.

Tout d’abord, il s’agit d’un recul pour la démocratie. En effet, le but de l’élection des conseillers prud’homaux n’est pas d’établir une mesure d’audience mais bien d’assurer un mode de désignation démocratique des représentants des travailleurs. C’est l’élection démocratique qui confère à ces conseillers la légitimité à agir au nom des salariés ! On ne peut réduire cette dernière à leur appartenance syndicale. Retirer ce fondement démocratique conduit donc à affaiblir la légitimité des conseillers et, au-delà, celle des conseils de prud’hommes tout entiers.

Mes chers collègues, nous sommes d’autant plus inquiets sur ce point que nous entendons bien les défenseurs du présent texte faire volontiers référence aux tribunaux de la sécurité sociale, lesquels pratiquent l’échevinage, c’est-à-dire la présidence par un juge professionnel. C’est ce que nous craignons en définitive : que le présent projet de loi ne soit qu’une étape vers un nouvel affaiblissement programmé des conseils de prud’hommes ! En la matière, je n’invente rien : je vous renvoie tout simplement au rapport Marshall.

Pour notre part, nous portons un attachement particulier à la démocratie sociale au travail. Voilà pourquoi la remise en question de l’élection au suffrage universel affaiblirait, à nos yeux, la capacité de ces conseils à faire entendre la voix des salariés.

Le fort taux d’abstention lors des élections prud’homales ne peut justifier le remplacement de ces dernières par la désignation de conseillers issus des syndicats, élus lors des élections professionnelles. En effet, loin de résoudre le problème de l’abstention en s’attaquant à ses causes, ce texte semble en prendre acte et l’accompagner. On casse en quelque sorte le thermomètre au lieu de guérir la fièvre.

De plus, le Gouvernement semble oublier que ce mode de scrutin confère aux conseillers une indépendance au sein de l’entreprise où ils travaillent. Or cette indépendance doit être préservée, a fortiori quand, on le sait, 36 % des travailleurs craignent de se syndiquer par peur de représailles de leur direction.

Il s’agit donc d’un projet de loi injuste, pour les salariés qui se trouvent privés de leur droit de participation comme pour les travailleurs précaires, les retraités et les chômeurs, qui ne participent pas aux élections professionnelles et seront donc exclus du scrutin prud’homal. Le taux de participation de ces salariés était pourtant – je songe notamment aux petites entreprises – plus élevé lors des élections prud’homales que lors des élections professionnelles.

Il s’agit d’un projet de loi inefficace pour résoudre les problèmes de fonctionnement des conseils de prud’hommes, et j’y reviendrai en explication de vote. Par exemple, les représentants syndicaux ont rappelé que la forte abstention des salariés lors des élections prud’homales est due à la « mal-connaissance » des prud’hommes. Or la substitution de l’élection par la désignation ne fera que renforcer cet éloignement.

Pour l’ensemble de ces raisons, et faute de l’adoption des amendements de fond déposés par les membres du groupe CRC tendant à assurer le maintien de l’élection, nous voterons contre ce projet de loi qui, en l’état, représente un recul considérable des droits des travailleurs. §

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