La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud’hommes (projet n° 423 rectifié [2013-2014], texte de la commission n° 770 [2013-2014], rapport n° 769 [2013-2014]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous soyez nouvellement ou anciennement élus, je vous salue chaleureusement.
« Affaiblir les prud’hommes, c’est affaiblir les plus faibles », écrivait Pierre Joxe. Je suis convaincu de la justesse de cette maxime.
Affaiblir les prud’hommes, ce serait aussi aller contre notre modèle social, qui permet un règlement des litiges par les pairs – salariés et employeurs – s’inscrivant dans le droit fil de la confiance que nous faisons aux partenaires sociaux.
Vous le savez, les prud’hommes sont une institution singulière, reflétant la spécificité du monde du travail. Ils sont frappés du sceau du paritarisme, mais aussi d’une forme de reconnaissance de l’égalité dans l’effort puisque, je tiens à le rappeler ici, les femmes sont devenues électrices aux élections prud’homales en 1907 et éligibles en 1908, soit presque quarante ans avant que ces droits ne leur soient reconnus au niveau politique.
Mais une institution doit rester vivante, et il importe que la juridiction prud’homale évolue avec son temps. L’ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, M. Lacabarats, a rendu cet été à la garde des sceaux un rapport proposant des réformes pour remédier à certains dysfonctionnements qui ont été observés au sein de cette juridiction si particulière.
Une réforme d’ampleur est possible pour améliorer la procédure devant les conseils de prud’hommes, qui doivent gagner en efficacité, dans le respect de leur spécificité. Il faudra y travailler, et je le ferai, en concertation, bien sûr, avec les partenaires sociaux.
Cela étant, ce sujet n’est pas celui qui nous occupe aujourd’hui. Avec ce projet de loi, nous nous intéressons à quelque chose de plus limité, mais de fondamental, à savoir le changement du mode de désignation des conseillers prud’homaux.
Deux raisons justifient le changement proposé par le Gouvernement, changement qui vise à passer d’une élection directe à une désignation inscrite dans la mesure de l’audience.
La première raison tient au constat suivant : 75 % des inscrits n’ont pas participé à l’élection des conseils de prud’hommes en 2008. Si une telle situation n’est pas propre aux élections prud’homales, force est de noter qu’elle se dégrade d’élection en élection. Ainsi, alors que la participation atteignait 63 % en 1979, elle n’était plus que de 25 % en 2008. Le taux d’abstention ne cessant d’augmenter, …
… c’est la légitimité même des juges et de l’institution qui est rongée.
Un tel raisonnement ne peut valoir uniquement pour un seul type d’élections : il vaut pour toutes les élections !
La deuxième raison réside dans l’évolution qui s’est produite au cours des années passées. Une réforme fondamentale de la démocratie sociale a en effet été menée en deux temps, d’abord par la droite, ensuite par la gauche, de manière à mesurer finement, en 2008, la représentativité syndicale, puis, en 2014, la représentativité patronale. Nous pouvons en être fiers.
Aujourd’hui, il faut inscrire les élections prud’homales dans ce cadre nouveau et prometteur. Le changement de mode de désignation des conseillers est la suite logique, la conséquence cohérente et légitime des réformes de la représentativité.
Ni le caractère paritaire de la juridiction prud’homale, ni le nombre de conseils et de conseillers, ni la carte des conseils de prud’hommes ne sont concernés ou affectés. Ce projet de loi vise avant tout à renforcer la légitimité démocratique des conseils de prud’hommes, aujourd'hui légèrement pâlissante.
C’est pourquoi une réponse très forte est apportée par ce projet de loi : il s’agit d’adosser cette légitimité aux 5, 4 millions de votants dans le cadre de la mesure de l’audience, soit un nombre supérieur à celui des participants à la dernière élection prud'homale de 2008, qui n’a mobilisé que 4, 9 millions d’électeurs.
Quoi de mieux, de plus fort, solide, représentatif, incontestable et démocratique ?
Car, je tiens à le souligner, il y a bel et bien élection à un moment donné du processus.
En tant qu’ancien sénateur, je me sens autorisé à rappeler que la Haute Assemblée est bien placée pour savoir que le suffrage universel direct n’est pas le seul gage de la légitimité démocratique.
Qu’est-ce que la mesure de l’audience ? C’est l’expression consolidée du suffrage, puisqu’elle prend en compte les suffrages exprimés aux élections professionnelles, ceux recueillis lors des élections professionnelles des salariés des TPE et des élections aux chambres d’agriculture. Le suffrage est partout !
La justice prud’homale, pour être l’émanation du monde du travail, se doit d’être le reflet de cette mesure de l’audience. Tel est le sens de la réforme.
Toutefois, si nous connaissons déjà la représentativité des syndicats de salariés, celle des organisations patronales ne sera connue qu’en 2017, le processus ayant débuté avec la loi du 5 mars 2014.
Procéder à l’élection aujourd’hui, ce serait élire pour deux ans les deux collèges selon des mécanismes différents : cela n’aurait guère beaucoup de pertinence.
C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de proposer une dernière prorogation de deux ans des mandats des conseillers actuels. Ainsi, l’ordonnance pourra fixer le régime définitif des nouvelles modalités de désignation des conseillers, qui s’appliquera en 2017. Ce régime sera fondé sur la représentativité des organisations syndicales et patronales, les deux étant connues en 2017.
Ce dispositif, je le souligne, a franchi l’épreuve de la constitutionnalité : le Conseil d’État a été consulté, ainsi que le Conseil constitutionnel. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité au sujet d’une autre juridiction dont les membres étaient naguère élus, mais ne le sont plus aujourd’hui, le Conseil constitutionnel a estimé que la conformité à la Constitution était respectée. À mon sens, il n’y a donc pas de doute sur ce point.
Je voudrais à présent évoquer rapidement le recours aux ordonnances.
Je sais que le Parlement ne les aime guère, et il a raison. Toutefois, en l’occurrence, ce recours se justifie pleinement, et d’abord au regard de la grande complexité technique du sujet : nous n’allions pas, ici, déterminer précisément le nombre de sièges non seulement par conseil prud’homal, mais aussi par collège et par section. La loi instaurera le principe et le cadre, c’est-à-dire ce qui est primordial.
Surtout, il est essentiel de pouvoir construire la réforme en lien direct avec les partenaires sociaux, puisque c’est avec eux qu’ont été adoptées les précédentes évolutions. L’ordonnance est donc le véhicule le mieux adapté.
Si le texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, est adopté, nous mènerons, dès publication de la loi, une large consultation associant toutes les parties prenantes, afin d’établir le régime définitif fondé sur l’audience des organisations des salariés comme des employeurs et qui sera mis en œuvre lors du renouvellement de 2017.
Cette réforme contribuera au renforcement des moyens de la démocratie sociale. Les élections prud’homales, il n’est pas déplacé de le rappeler, ce sont 100 millions d’euros, sans compter les coûts supportés par chaque organisation syndicale.
Il ne s’agit pas ici de réformer la justice prud’homale pour faire des économies.
Il s’agit d’utiliser efficacement cet argent. Ces sommes ne seraient-elles pas mieux employées à financer, notamment, la démocratie sociale ou la formation des conseillers prud’hommes, dans la mesure où nous disposerons désormais d’une vraie mesure de la représentativité de chacun ?
Les nouvelles modalités de financement des organisations patronales et syndicales ont d’ailleurs été récemment définies et le fonds paritaire chargé de financer les organisations, prévu par la loi du 5 mars 2014, sera très prochainement mis en place.
Quand la mesure de l’audience n’existait pas et que les élections étaient éparpillées, l’élection prud’homale jouait, par substitution, un rôle de mesure. Ce temps est désormais révolu et l’élection prud’homale n’a plus à remplir cette fonction.
Je crois aussi qu’une telle évolution des conseils de prud’hommes dit quelque chose de notre démocratie sociale : comme si un cap avait été franchi, celui de la maturité. Car une mesure pertinente de la représentativité est un gage de la maturité de notre démocratie sociale, de la même manière qu’un financement rationalisé et transparent, ou la capacité de se donner le temps de la concertation pour une réforme d’ampleur des prud’hommes.
Des évolutions ultérieures sont sans doute souhaitables. Si la loi ne va pas au-delà du mode de désignation des juges, c’est que d’autres difficultés existent, personne ne l’ignore. Sur ce point, je vous renvoie à la lecture du livre de Pierre Joxe Soif de justice.
On ne peut se satisfaire de ce que la durée moyenne de traitement des affaires au fond et en référé soit de douze mois, ni que les condamnations de l’État pour lenteur de la justice soient de plus en plus nombreuses. Avec 71 condamnations en 2012 relatives aux délais des conseils de prud’hommes, nous manquons à notre « devoir de protection juridique de l’individu et notamment du justiciable en droit de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable », selon les termes d’une décision du juge se référant à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Je prends l’engagement devant vous, comme devant les partenaires sociaux, que ce débat vivra.
Il faut avoir à l’esprit que 99 % des demandes introduites devant les prud’hommes sont le fait de salariés – licenciement contesté, relations de travail dégradées, CDD à répétition, etc. Nous ne sommes pas là pour les affaiblir. Or le temps est l’argument des forts et, pour reprendre la formule de Pierre Joxe que j’ai citée au début de mon propos, il affaiblit les faibles.
Les salariés comme les employeurs ont besoin de prud’hommes qui fonctionnent mieux.
Cependant, vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, tel n’est pas du tout l’objet de la réforme que je vous soumets aujourd’hui. Tout processus d’ampleur se construit pierre après pierre. Et, à la base de tout, il y a les conditions de la démocratie. Là est l’objet du présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui en procédure accélérée vise à moderniser le mode de désignation des conseillers prud’homaux à travers une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance.
Son objet est parfaitement circonscrit, car il s’agit non pas de réformer les règles de fonctionnement des conseils prud’homaux, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, mais seulement de remplacer l’élection actuelle par une désignation fondée sur l’audience des partenaires sociaux, qui est désormais mesurée selon des règles rénovées.
Je rappelle, notamment pour nos nouveaux collègues sénatrices et sénateurs, que la commission des affaires sociales a, le 23 juillet dernier, adopté sans modification ce texte, alors rapporté par notre ancien collègue Jacky Le Menn, auquel je souhaite rendre hommage pour la qualité de son travail.
Je ne reviendrai pas sur les enjeux et la généalogie de ce texte, dont les principes sont connus du Sénat depuis pratiquement un an et qui ont été exposés en détail dans le rapport de notre commission rendu public à la fin de juillet et auquel je vous invite à vous reporter si besoin.
Je voudrais en revanche rappeler très brièvement les raisons qui, à l’issue d’une réflexion entamée il y a plus de quatre ans, ont conduit le Gouvernement à proposer ce texte, avant de vous en présenter le contenu.
Vous le savez, cette élection souffre de trois faiblesses récurrentes, comme l’ont très bien montré M. Jacky Richard, conseiller d’État, et M. Alexandre Pascal, inspecteur général des affaires sociales, dans un rapport réalisé à la demande du gouvernement de François Fillon et publié en 2010.
L’élection prud’homale pâtit tout d’abord d’un fort taux d’abstention, qui s’est élevé en 2008 à 74, 3 %, contre 67, 6 % en 2002 et 37, 4 % en 1979. Seulement 4, 7 millions de salariés ont voté en 2008, ce qui affaiblit la légitimité même de l’institution prud’homale, à laquelle nous sommes tous attachés.
Deuxième faiblesse : cette élection est complexe à organiser. Je rappelle, mes chers collègues, que ce sont les communes qui sont chargées de l’organisation du scrutin prud’homal. En 2008, 9 439 d’entre elles ont été concernées. Elles sont notamment chargées d’établir et de vérifier les listes électorales, en collaboration avec les services déconcentrés du ministère du travail.
Compte tenu de la lourdeur de cette mission, l’Association des maires de France a régulièrement saisi les ministres concernés successifs pour proposer notamment que les communes soient déchargées de l’organisation de cette élection, considérant qu’elle ne leur incombe pas.
D’autres acteurs sont également mobilisés, comme les partenaires sociaux, les entreprises et divers prestataires privés.
Enfin, le coût de cette élection n’est pas négligeable. Si la démocratie « n’a pas de prix », elle a en revanche un coût que l’on peut analyser en toute objectivité. À titre d’exemple, l’enveloppe dégagée pour les élections prud’homales en 2008 s’élevait à 91, 6 millions d’euros, soit un peu moins de la moitié du coût de l’élection présidentielle de 2007, mais trois fois le coût du référendum organisé en 2000 sur le quinquennat présidentiel.
Je voudrais couper court à toute polémique inutile. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait été très clair sur ce point devant notre assemblée : le coût de l’élection prud’homale ne justifie pas à lui seul la réforme proposée par le Gouvernement. Vous l’avez rappelé dans votre intervention.
En vérité, ce coût serait acceptable si aucune élection concurrente n’existait pour désigner les conseillers prud’homaux. Or tel n’est pas le cas compte tenu des dispositifs de mesure de la représentativité des partenaires sociaux que différentes lois ont progressivement mis en place depuis 2008.
Du côté des syndicats, les résultats de l’audience des organisations syndicales auprès des salariés ont été présentés pour la première fois en mars dernier au niveau national et interprofessionnel. Au total, 5, 4 millions de salariés se sont exprimés en faveur des organisations syndicales de leur choix, soit 700 000 salariés de plus qu’aux élections professionnelles.
Du côté patronal, la loi du 5 mars dernier a fixé les critères de la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs, dont les résultats sont attendus en 2017.
C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de remplacer l’élection des conseillers prud’homaux par une désignation fondée sur l’audience des partenaires sociaux, qu’ils représentent les salariés ou les employeurs. Celle-ci sera effective dès 2017.
Ce faisant, le Gouvernement entend éviter la coexistence de deux tests de légitimité éventuellement discordants et gagner en simplicité.
D’autres scénarios étaient possibles en théorie, comme l’aménagement du système actuel d’élection au suffrage universel direct ou la création d’un système d’élection ad hoc au suffrage universel indirect fondé sur une recomposition substantielle du corps électoral. Mais le Gouvernement a estimé que ces pistes de réflexion comportaient au final plus d’inconvénients que d’avantages.
Venons-en plus précisément au contenu du projet de loi tel que modifié par la lettre rectificative du 16 juillet dernier.
L’article 1er habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance dans les dix-huit mois qui suivent la promulgation de la loi pour remplacer l’élection des conseillers prud’homaux par un dispositif de désignation fondé sur l’audience des organisations syndicales et patronales.
Des protections sont prévues : l’ordonnance devra respecter l’indépendance, l’impartialité et le caractère paritaire de la juridiction prud’homale.
En outre, son périmètre est défini avec précision, à travers neuf items, dont les modalités de répartition des sièges par organisation dans les sections, collèges et conseils, les conditions des candidatures et leurs modalités de recueil et de contrôle, ou encore la procédure de nomination des conseillers prud’hommes.
Le projet de loi de ratification de cette ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant sa publication.
La lettre rectificative au projet de loi du 16 juillet dernier a notamment supprimé le dixième item de l’ordonnance, relatif au dispositif transitoire pour la période allant de 2015 à 2017. Celui-ci aurait consisté, d’une part, en une désignation des conseillers du collège salariés en fonction des résultats des élections professionnelles de 2008 à 2012, d’autre part, en une désignation des conseillers du collège employeurs selon des règles transitoires ad hoc, puisque la représentativité de ce collège ne pourra être établie qu’en 2017.
Après concertation avec les partenaires sociaux et par souci de simplicité, le Gouvernement a finalement proposé de proroger une nouvelle fois le mandat actuel des conseillers prud’hommes de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2017 au plus tard. Le nouveau système de désignation des conseillers prud’hommes sera alors entièrement fondé sur la représentativité des organisations, y compris du côté patronal.
C’est pourquoi la lettre rectificative a introduit dans le projet de loi un deuxième article tendant à proroger les mandats actuels des conseillers prud’homaux, à fixer le plafond d’autorisations d’absence pour permettre aux conseillers représentant les salariés de suivre des formations liées à leur mandat et à aménager les règles en cas de difficulté provisoire de fonctionnement d’une section d’un conseil de prud’hommes.
En définitive, ce texte pragmatique prévoit simplement que la désignation des conseillers prud’homaux se fondera sur le mécanisme de mesure de l’audience des partenaires sociaux que le législateur a mis en place, étape par étape, depuis 2008 et qui fonde la légitimité même du dialogue social dans notre pays.
À l’instar de notre ancien collègue Jacky Le Menn, je pense que la réforme proposée par le Gouvernement présente de solides garanties de constitutionnalité. L’assemblée générale du Conseil d’État, lors de l’examen de la lettre rectificative, a en effet estimé que, compte tenu de la nouvelle circonstance de droit que constitue le volet relatif à la représentativité patronale apparue dans la loi du 5 mars dernier, cette deuxième et ultime prolongation du mandat des conseillers prud’homaux était justifiée.
En outre, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-76 QPC du 3 décembre 2010 « M Roger L. », a déclaré constitutionnel un dispositif de désignation des assesseurs des tribunaux des affaires de sécurité sociale très proche de celui que propose le Gouvernement dans le présent projet de loi.
Cependant, certaines difficultés techniques restent à résoudre. Je pense notamment à la nécessité de prendre en compte les rapports de forces spécifiques dans certains ressorts de conseils des prud’hommes, ou encore à l’audience des employeurs du secteur dit « hors champ ». Mais je fais confiance à vos services, monsieur le ministre, pour dégager des solutions dans les mois qui viennent, en concertation avec les partenaires sociaux, ainsi que vous vous y êtes engagé devant la commission.
Il faudra également sensibiliser rapidement les salariés pour qu’ils participent massivement, à l’avenir, dans leurs entreprises, aux élections professionnelles, qui fondent non seulement la légitimité des syndicats dans le dialogue social, mais qui permettront également, grâce à ce projet de loi, de désigner les conseillers représentants les salariés dans les conseils des prud’hommes.
Enfin, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, d’un souhait qui va au-delà du présent projet de loi : il est indispensable à mes yeux que le Gouvernement réserve une suite au rapport remis le 16 juillet par Alain Lacabarats, président de la chambre sociale à la Cour de cassation, à Mme le garde des sceaux sur l’avenir de la juridiction du travail. Dans la mesure où vous-même y avez fait allusion, j’en conclus que vous vous attacherez à ce qu’il en soit ainsi.
En effet, parent pauvre du système juridictionnel français, les conseils des prud’hommes souffrent de nombreux dysfonctionnements qui nécessitent des mesures budgétaires, réglementaires et législatives afin de répondre aux attentes de nos concitoyens, notamment les plus fragiles.
En conclusion, mes chers collègues, dans la continuité de la position adoptée par la commission des affaires sociales le 23 juillet dernier, je vous invite à voter le présent projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre – avec qui j’ai la Bourgogne en commun –, madame la rapporteur, mes chers collègues, le premier texte que nous examinons est donc un texte qui a trait à la question sociale. On peut le voir de façon positive comme une priorité de l’agenda législatif, mais on peut également le voir comme la volonté de faire passer en catimini un texte important au regard de l’histoire des conseils de prud’hommes dans notre pays.
Effectivement, nous ne devrions légiférer que la main tremblante sur ce sujet si l’on se réfère à son histoire. Cette institution a été créée en tant que telle par Napoléon en 1806 pour l’industrieuse ville de Lyon. À l’époque, les métiers demandaient le rétablissement d’institutions de même nature, telle la Grande Fabrique, dont la Révolution française avait fait table rase un peu vite.
Monsieur le ministre, vous nous proposez donc rien de moins que la suppression d’une élection très ancienne et qui, vous l’avez rappelé, avait de surcroît donné le droit de vote aux femmes dès 1907.
Ce dispositif avait été perfectionné par des législations ultérieures, en 1848, autre date symbolique, puis en 1907, au cœur de cette IIIe République où la question sociale était au cœur des débats et réunissait à la fois le radical Léon Bourgeois, penseur du solidarisme, et les chrétiens-sociaux comme Albert de Mun.
Toutefois, vous l’avez rappelé, nous devons aussi tenir compte de la législation plus récente de 2008 et de 2010 relative à la représentativité des organisations syndicales et patronales.
Pour éviter la concurrence des mesures d’audience, puisque les élections prud’homales faisaient figure de test à cet égard depuis la loi Boulin de 1979, le mode de désignation des conseillers prud'hommaux devait évoluer. Ce chantier avait été ouvert dès 2010 avec le dépôt du rapport de Jacky Richard.
La suppression d’élections fait débat, mais je vous concède, monsieur le ministre, que la représentativité qui fondera le nouveau système est bel et bien également le fruit d’élections. Si le groupe UMP partage le constat de la nécessité d’agir, il ne peut que relever quelques errements dans la méthode.
Dans un premier temps, les mesures prévues avaient été disjointes de l’avant-projet de loi sur la formation professionnelle. Le compte rendu de la séance du 16 janvier dernier – à l’époque, je ne siégeais pas dans cet hémicycle et c’est donc à ce document que je me réfère – témoigne d’ailleurs de la réticence d’un certain nombre de groupes face à cette méthode, manifestée à l’occasion d’une question crible posée par un membre du groupe CRC.
Un projet de loi a ensuite été déposé le 22 janvier sur le bureau de l’Assemblée nationale, puis il a été retiré et enregistré sur le bureau du Sénat en mars, avant de faire l’objet d’une demande de procédure accélérée, suivie le 16 juillet d’une lettre rectificative. Le Sénat, dans sa précédente composition, a procédé à des auditions, et c’est maintenant le nouveau Sénat qui débat en séance publique. C’est à se demander s’il n’y avait pas, au ministère des relations avec le Parlement, un stagiaire un peu facétieux et désireux d’explorer tous les méandres de la Constitution et du règlement des assemblées ! §Si tel est le cas, c’est réussi, car nombre de dispositions existantes ont été utilisées.
À cela s’ajoute le recours aux ordonnances et à la procédure accélérée. Personnellement, je ne fais pas partie de ceux que le recours aux ordonnances effraie systématiquement. Il est possible, probable même, qu’en cas d’alternance, en 2017, nous ayons nous-mêmes recours à ce procédé qui permet d’agir vite et fort.
Cela étant, il faut ménager des garanties pour le Parlement et pour les parlementaires.
Si l’on veut aller vite, c’est que l’on sait où l’on veut aller. De la même façon que le Gouvernement fournit pour chaque projet de loi une étude d’impact, il ne serait pas absurde qu’il puisse fournir, dans le cas d’un projet de loi d’habilitation, les grandes lignes de son ordonnance, voire certains éléments plus détaillés. En effet, j’imagine que les choses sont d’ores et déjà assez claires dans votre esprit, monsieur le ministre, même si le débat va encore avoir lieu avec les organisations syndicales, comme vous l’avez signalé.
J’en viens au fond du texte.
J’ai pris soin de consulter ce week-end un certain nombre d’organisations au niveau national comme de praticiens sur le terrain – dans l’Yonne, mon département –, des conseillers prud’homaux, élus par les salariés comme élus par les employeurs, tant il est vrai que le terrain, le réel, doit inspirer nos travaux. Je peux dire qu’ils sont nombreux à partager la conviction selon laquelle il faut protéger la légitimité des conseillers prud’hommes en adaptant leur mode de désignation. Pour certains, nous en sommes presque à un système de cooptation. Nous constatons donc une évolution en la matière.
Les limites du système existant ont été rappelées.
C’est d’abord un taux d’abstention croissant, qui a atteint 75 % en 2008. Mais ce n’est pas une nouveauté : dès après le vote de la loi de 1806, le taux de participation s’élevait à 22 %. Ce fut donc une grande déception de constater une participation aussi faible. Il semble que l’histoire bégaie ou se répète !
Autre limite du système : la complexité de l’organisation du scrutin: Ce sont 9 500 mairies qui ont été réquisitionnées en 2008, et l’Association des maires de France a d’ailleurs souhaité que les mairies soient déchargées de cette tâche.
Le coût financier a été évoqué, et même si là n’est pas le véritable sujet, il faut savoir que ce coût est identique à celui des élections municipales de 2008. Cela mérite donc qu’on se penche aussi sur cet aspect.
D’autres points ont été soulevés, comme la lenteur de certaines décisions et un taux de conciliation trop faible. On m’a rapporté une récente évolution vers des prises de position qui s’apparentent plutôt à des postures, ce que regrettent certains conseillers prud’homaux, qu’ils soient élus par les salariés ou par les employeurs, car ils ont en tête l’enjeu important que représente, pour la crédibilité et le maintien de cette institution, un travail apaisé, mené dans un cadre serein.
Les différentes versions du texte n’ont d’ailleurs pas aidé à la pédagogie, car nombre de conseillers prud’homaux m’ont confié ce week-end être dans le flou, ne sachant pas vraiment de quoi l’avenir allait être fait, et craignant même l’arrivée de juges de carrière et d’un système totalement nouveau. Ce n’est pas l’objet du texte, mais je vous fais part de ce que j’entends et de la crainte qui est exprimée.
D’autres dispositifs auraient été possibles. Madame le rapporteur, vous avez évoqué les différentes pistes. Le suffrage indirect qui était envisagé aurait pu convenir ; ce n’est pas nous qui dirons l’inverse, car nous sommes bien placés, ici, pour constater que ce mode de scrutin peut faire émerger des élus engagés et compétents.
Les partenaires sociaux ont globalement approuvé le dispositif présenté. Encore faudrait-il examiner certains détails, car le diable se situe souvent dans les détails...
Sur la représentativité, l’encadrement s’interroge, craignant peut-être une répétition de ce qui s’était produit pour les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.
La période transitoire soulève aussi un certain nombre de questions, puisque le mandat se trouve quasiment doublé : des personnes qui ont été élues en 2008 pour cinq ans vont être amenées à siéger pendant neuf ans ! Or elles peuvent avoir pris des engagements, publics ou privés, dont le respect peut s’avérer difficilement compatible avec un tel délai.
Certains suggèrent de compléter éventuellement certaines sections compte tenu des départs et des changements de vie des uns ou des autres.
En tout cas, il y a là un grand sujet de préoccupation sur le terrain.
Par ailleurs, il faut naturellement prendre en compte les spécificités locales. En effet, l’audience prise en considération sera-t-elle mesurée au niveau national ou au plus près de chaque circonscription prud’homale ? Même si cette option est techniquement plus compliquée à réaliser, elle me semble préférable.
Vous aviez évoqué lors de votre audition, monsieur le ministre, une concertation à venir. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Sur l’aspect territorial, je veux aussi évoquer la crainte, parfois émise, du regroupement de sections ayant moins d’affaires – je pense notamment à celles de l’agriculture. Si tel devait être le cas, cela pourrait conduire à éloigner les salariés ou les employeurs de la juridiction.
Quelles sont les perspectives d’avenir ?
D’importantes économies vont être trouvées avec le nouveau mode de désignation. Bien sûr, il faudra en recycler une partie en économies nettes, mais il conviendrait également d’en consacrer une partie pour améliorer la visibilité de la démocratie sociale et la vivifier.
Au-delà de ces mesures, on doit s’interroger sur les mesures à prendre pour réduire les délais de traitement des recours et, à partir du bilan de la prud’homie qui avait été promis – peut-être nous direz-vous où l’on en est à cet égard, monsieur le ministre –, repenser le système pour le rendre encore plus efficient.
Le Gouvernement ne s’attaque pas à l’ensemble des problèmes que je viens d’évoquer. C’est, outre notre protestation contre la méthode un peu à la hussarde qui a été employée, ce qui conduira le groupe UMP à s’abstenir lors du vote de ce projet de loi. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud’hommes a pour objet d’autoriser le Gouvernement à supprimer par ordonnance – j’insiste bien sur ce point – les élections prud’homales. Celles-ci seront remplacées par une désignation des conseillers sur la base de la représentativité syndicale et patronale telle qu’elle ressortira des élections professionnelles.
Les arguments invoqués en faveur de cette suppression sont les suivants : ces élections coûtent cher, le taux d’abstention est élevé et le scrutin est complexe à organiser.
Concernant l’aspect financier, le coût est important pour la collectivité. Les dernières élections prud’homales de 2008 ont ainsi coûté 91, 6 millions d’euros.
À titre de comparaison, les élections européennes de 2009 ont coûté 120 millions d’euros, les élections régionales de 2010, 136 millions d’euros et l’élection présidentielle de 2007, 207 millions d’euros, si l’on ne prend en compte que l’argent qui a été déclaré.
Sourires.
Nous en convenons, 91, 6 millions d’euros, c’est une somme importante. Toutefois, lorsqu’il y a une dépense, la question est de savoir à quoi elle est destinée : ce n’est pas un grand trou où l’argent tombe ! Derrière une dépense comme celle-ci, monsieur le ministre, combien y a-t-il de personnes embauchées pour l’occasion ? Quelle est l’amélioration du pouvoir d’achat des employés municipaux ? Tout cela doit quand même compter !
Concernant l’abstention, chacun le reconnaît, celle-ci est réelle et importante – 74, 37 % en 2008 –, mais elle ne justifie en rien la suppression de ces élections ! À ce compte, pourquoi ne pas supprimer les élections européennes, qui ne mobilisent pas les foules non plus puisqu’on a enregistré 56, 5 % d’abstention aux élections de 2014 ? Pourquoi ne pas désigner nos représentants européens en fonction du score des partis à l’élection présidentielle ? Je vais reprendre vos termes, monsieur le ministre, qui sont plus élégants, plus technocrates, dirai-je même, que les miens : pourquoi ne pas adosser la représentativité des élections européennes aux scores obtenus à l’élection présidentielle ? §
Il serait plus judicieux de s’interroger aujourd’hui sur les causes de cette abstention : l’éloignement des bureaux de vote, les pressions subies par certains employés pour rester à leur poste au moment du vote ou encore la crise du syndicalisme français. (
Il convient de trouver de nouvelles voies pour susciter l’intérêt des électeurs au lieu d’opter simplement pour la suppression du scrutin.
Enfin, la complexité de l’organisation du scrutin constitue un réel problème, mais il aurait mérité un débat au sein de nos assemblées au lieu du dépôt d’un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnance. Ce sont aujourd’hui les communes qui sont chargées d’organiser le scrutin, d’établir et valider les listes électorales. Plus de 9 400 d’entre elles ont été concernées en 2008. Sans doute la lourdeur de ces procédures ne devrait-elle plus leur incomber. Doit-on transférer l’organisation à d’autres acteurs ? Le Sénat aurait pu en discuter.
La piste de la généralisation du vote électronique aurait pu être abordée, afin de simplifier l’organisation et de permettre à chacun de voter plus facilement, le tout sans surcharger la tâche des communes.
Telles sont les réflexions que m’inspirent les trois arguments invoqués par le Gouvernement pour justifier la suppression de cette élection. Le coût financier n’est pas une bonne raison, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre. L’argument de l’abstention ? Si on l’étend aux élections politiques, on ne va pas être déçu ! Pour ce qui est de la complexité, nous aurions pu en discuter et réformer le mode d’élection des conseillers prud’hommes.
Il est proposé que les élections professionnelles servent de base pour mesurer la représentativité des employés et des employeurs aux prud’hommes. Cette proposition pose de sérieux problèmes de légitimité et de représentativité.
S’agissant de la légitimité, le projet du Gouvernement est en rupture complète avec la tradition de la justice prud’homale qui veut que les juges soient directement élus par leurs pairs. En se fondant sur les élections professionnelles, les magistrats aux prud’hommes seront désignés indirectement, ce qui peut fragiliser la légitimité de leurs décisions.
Avec cette proposition, le Gouvernement mélange les enjeux de deux élections bien distinctes. Les élections prud’homales sont des élections nationales, bénéficiant d’une certaine couverture médiatique, dans lesquelles les candidats mènent une vraie campagne électorale sur leur circonscription, avec des thématiques communes à tous les travailleurs.
Les élections professionnelles, quant à elles, se tiennent dans chaque entreprise, à des dates différentes et mettent en jeu des thématiques principalement internes. Il n’est pas possible de se fonder sur les résultats d’une multitude d’élections très locales pour désigner des conseillers ayant vocation à assurer la représentation et la défense de tous les salariés et de tous les employeurs.
Enfin, de sérieux problèmes de représentativité se posent, aussi bien du côté des salariés, avec les chômeurs et les précaires, que du côté des employeurs, avec les structures de l’économie sociale et solidaire.
Actuellement, les chômeurs involontairement privés d’emploi – il y en a qui cherchent du travail, monsieur le ministre ! – ont la possibilité de voter aux élections prud’homales, s’ils en font la demande. En revanche, ils sont totalement exclus des élections professionnelles, qui ne concernent que les salariés ayant un emploi, et cette mise à l’écart les éloigne encore davantage du monde du travail.
La légitimité des organisations syndicales pourrait également se trouver affaiblie du fait de l’exclusion des chômeurs et des précaires.
Car le même problème se pose pour les précaires : pour voter aux élections prud’homales, il suffit de relever du droit du travail ou, si l’on est chômeur, d’en avoir relevé, tandis que pour les élections professionnelles, il faut avoir travaillé au minimum trois mois dans l’entreprise.
Quant aux employeurs de l’économie sociale et solidaire, comment mesurer efficacement leur représentativité ? Il n’est pas possible de se fonder sur les branches professionnelles, car ces structures sont disséminées dans tous les secteurs. Le présent projet de loi ne répond pas à cette interrogation. Il laisse ainsi planer une incertitude quant à la place de l’économie sociale et solidaire dans la justice professionnelle.
En conclusion, cette réforme, aussi bien par sa justification que par la solution qui est proposée, ne correspond pas à la vision de la démocratie sociale défendue par les écologistes. Nous souhaitons au contraire renforcer la participation et l’implication de tous les travailleurs dans le dialogue social. La suppression d’une élection pour des raisons financières et organisationnelles est clairement incompatible avec cette ambition.
Monsieur le ministre, nous entendons de plus en plus souvent des membres du Gouvernement affirmer qu’il n’y a plus de tabous, …
… principalement, d’ailleurs, en matière sociale.
On peut ne pas avoir de tabous, mais encore faut-il avoir un projet ! Où est-il ? Aujourd’hui, on ne jure que par les suppressions, les modernisations, les réformes, en vertu d’un activisme que l’on a connu en d’autres temps, mais sans la moindre amorce d’un nouveau contrat social. C’est la raison pour laquelle les écologistes ne voteront pas ce projet de loi. §
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué en commission des affaires sociales, à propos des conseils prud’homaux, que le présent projet de loi avait pour objectif d’« améliorer le fonctionnement de cette juridiction importante, la plus ancienne mais aussi l’une des plus modernes, protectrice des salariés et des plus faibles. »
Eh bien, les membres du groupe CRC adhèrent à cette vision et soulignent la place particulière des conseils de prud’hommes parmi les juridictions françaises. Depuis la loi révolutionnaire des 16 et 24 août 1790, les conseils de prud’hommes sont une juridiction paritaire et élective. Là est leur originalité : cette double caractéristique de parité et de démocratie pour les salariés et les employeurs assure les fondements de cette juridiction.
Faut-il rappeler que les conseils de prud’hommes tranchent plus de 200 000 affaires par an ? Ce sont là 200 000 litiges nés dans le cadre du travail et au titre desquels la juridiction prud’homale tend à établir ou à rétablir un équilibre dans les rapports entre les salariés et les employeurs.
Si le conseil de prud’hommes est l’une des plus anciennes juridictions, il est également l’une des plus modernes. En effet, les prud’hommes ont introduit la représentation de juges élus par leurs pairs, et les conseils prud’homaux ont accordé le droit de vote et d’éligibilité aux femmes dès 1907 !
Je souligne également – cela n’a pas encore été dit – que l’élection des conseillers prud’homaux est la seule élection nationale au suffrage universel direct sans distinction de nationalité.
Vous avez identifié trois principaux dysfonctionnements dans l’organisation actuelle du scrutin des conseillers prud’homaux pour ce qui concerne le collège salariés : un taux d’abstention majeur et croissant, une organisation du scrutin complexe et un coût financier non négligeable.
Concernant le coût, j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler en commission des affaires sociales et même dans cet hémicycle, à l’occasion de questions cribles organisées sur l’initiative du groupe CRC : il est de l’ordre de 1 euro par électeur potentiel et par an. Voilà la réalité des faits.
Pour résoudre ces dysfonctionnements, le Gouvernement ne propose rien de moins que de supprimer l’élection des conseillers prud’homaux.
J’en conviens, des solutions doivent être trouvées et apportées pour améliorer le fonctionnement des conseils de prud’hommes. Mais force m’est de le constater, plutôt que de rechercher des solutions, vous préférez faire fi du problème en optant pour la suppression pure et simple d’une élection démocratique !
Si toutes les élections pour lesquelles le taux d’abstention dépasse un certain seuil, et qui se révèlent complexes et coûteuses, étaient supprimées, nous devrions peut-être tout bonnement tirer un trait sur la démocratie.
Si le statu quo n’est pas une solution, j’en conviens, il existe selon nous des leviers d’action à enclencher pour améliorer le taux de participation aux élections tout en réduisant la complexité d’organisation et le coût du scrutin. C’est possible ! Ce matin même, nous avons organisé une conférence de presse et nous avons entendu de nombreuses propositions émanant des organisations syndicales. Ces dernières se plaignent d’ailleurs de n’avoir jamais été auditionnées par une commission ad hoc, afin de faire valoir leurs suggestions.
Ces propositions d’amélioration, que je n’aurai pas le temps de développer à leur place, comprennent notamment l’organisation du scrutin directement sur le lieu de travail des salariés, en lien avec les élections professionnelles. Elles vont même jusqu’au décloisonnement du vote par section, qui engendre effectivement des complications. Cette mesure serait également une source d’économies.
Les membres du groupe CRC estiment que ce projet de loi est, en l’état, un recul démocratique pour les salariés et qu’il emporte, de surcroît, des conséquences injustes sans pour autant être garant d’efficacité.
Tout d’abord, il s’agit d’un recul pour la démocratie. En effet, le but de l’élection des conseillers prud’homaux n’est pas d’établir une mesure d’audience mais bien d’assurer un mode de désignation démocratique des représentants des travailleurs. C’est l’élection démocratique qui confère à ces conseillers la légitimité à agir au nom des salariés ! On ne peut réduire cette dernière à leur appartenance syndicale. Retirer ce fondement démocratique conduit donc à affaiblir la légitimité des conseillers et, au-delà, celle des conseils de prud’hommes tout entiers.
Mes chers collègues, nous sommes d’autant plus inquiets sur ce point que nous entendons bien les défenseurs du présent texte faire volontiers référence aux tribunaux de la sécurité sociale, lesquels pratiquent l’échevinage, c’est-à-dire la présidence par un juge professionnel. C’est ce que nous craignons en définitive : que le présent projet de loi ne soit qu’une étape vers un nouvel affaiblissement programmé des conseils de prud’hommes ! En la matière, je n’invente rien : je vous renvoie tout simplement au rapport Marshall.
Pour notre part, nous portons un attachement particulier à la démocratie sociale au travail. Voilà pourquoi la remise en question de l’élection au suffrage universel affaiblirait, à nos yeux, la capacité de ces conseils à faire entendre la voix des salariés.
Le fort taux d’abstention lors des élections prud’homales ne peut justifier le remplacement de ces dernières par la désignation de conseillers issus des syndicats, élus lors des élections professionnelles. En effet, loin de résoudre le problème de l’abstention en s’attaquant à ses causes, ce texte semble en prendre acte et l’accompagner. On casse en quelque sorte le thermomètre au lieu de guérir la fièvre.
De plus, le Gouvernement semble oublier que ce mode de scrutin confère aux conseillers une indépendance au sein de l’entreprise où ils travaillent. Or cette indépendance doit être préservée, a fortiori quand, on le sait, 36 % des travailleurs craignent de se syndiquer par peur de représailles de leur direction.
Il s’agit donc d’un projet de loi injuste, pour les salariés qui se trouvent privés de leur droit de participation comme pour les travailleurs précaires, les retraités et les chômeurs, qui ne participent pas aux élections professionnelles et seront donc exclus du scrutin prud’homal. Le taux de participation de ces salariés était pourtant – je songe notamment aux petites entreprises – plus élevé lors des élections prud’homales que lors des élections professionnelles.
Il s’agit d’un projet de loi inefficace pour résoudre les problèmes de fonctionnement des conseils de prud’hommes, et j’y reviendrai en explication de vote. Par exemple, les représentants syndicaux ont rappelé que la forte abstention des salariés lors des élections prud’homales est due à la « mal-connaissance » des prud’hommes. Or la substitution de l’élection par la désignation ne fera que renforcer cet éloignement.
Pour l’ensemble de ces raisons, et faute de l’adoption des amendements de fond déposés par les membres du groupe CRC tendant à assurer le maintien de l’élection, nous voterons contre ce projet de loi qui, en l’état, représente un recul considérable des droits des travailleurs. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui a pour but de faire évoluer le mode de désignation des conseillers prud’homaux. Enfin ! serais-je tenté de dire. L’examen de ce dossier, en instance depuis près d’un an, a en effet été maintes fois repoussé.
Si les salariés et les employeurs sont particulièrement attachés à cette institution chargée de faire respecter les dispositions du droit du travail, force est d’observer qu’ils sont de moins en moins nombreux à participer aux scrutins. Ce constat a été rappelé : le taux de participation a chuté de 63 % en 1979 à 23 % lors des dernières élections, en 2008.
À l’évidence, le mode actuel de renouvellement des conseillers prud’homaux connaît aujourd’hui ses limites.
Déjà en 2010, la question était posée par le rapport de Jacky Richard et Alexandre Pascal, intitulé « Le renforcement de la légitimité de l’institution prud’homale : quelle forme de désignation des conseillers prud’hommes ? » Y étaient mises en exergue les trois difficultés dont souffre cette institution, l’une des plus anciennes de notre pays.
Ce rapport dénonçait notamment la grande complexité de l’organisation de l’élection, qui implique de nombreux acteurs, notamment les communes. L’Association des maires de France, cela a été dit, avait d’ailleurs demandé en 2010 que ces élections soient faites par correspondance et que les communes soient déchargées de leur organisation.
Ce rapport pointait également – les précédents orateurs en ont beaucoup parlé – le coût élevé que représentent ces scrutins : près de 100 millions d’euros. Comme l’a rappelé Michel Sapin en janvier dernier dans cet hémicycle, si ce coût ne justifie pas à lui seul une réforme, il n’est toutefois pas anodin.
L’institution souffre surtout d’un fort taux d’abstention aux élections prud’homales. Pourtant, d’importants moyens ont été engagés en 2008 pour assurer un taux de participation plus élevé. Des campagnes publicitaires ont été organisées en vue de sensibiliser les électeurs. Les modalités de vote ont en outre été diversifiées afin de faciliter le suffrage : vote par correspondance ou par internet, bureaux de vote au sein des entreprises, etc.
En dépit des efforts déployés, le scrutin de 2008 a confirmé la baisse constante du taux de participation, l’abstention ayant alors atteint un niveau inédit.
Plusieurs raisons ont été identifiées par la mission dirigée par Jacky Richard et Alexandre Pascal.
Tout d’abord, les électeurs, qui connaissent rarement les candidats, se sentent assez peu concernés par ces élections. Pour beaucoup d’entre eux, toutes les candidatures se valent.
Par ailleurs, certains salariés craignent encore de s’absenter pour aller voter.
Enfin, l’élection prud’homale ne semble pas faire exception parmi les scrutins organisés en France qui, M. Desessard l’a souligné, sont pour la plupart marqués par une abstention croissante. Aussi une réforme du mode de désignation s’imposait-elle naturellement.
J’entends bien les inquiétudes de certains de nos collègues, qui craignent un affaiblissement de l’institution et un recul de la démocratie sociale. Pour ma part, je crois bien au contraire que l’abstention croissante à ces élections peut, à terme, menacer l’institution des conseils de prud’hommes. Le recours à la désignation fondée sur la mesure de l’audience des organisations syndicales des salariés et des organisations professionnelles d’employeurs devrait permettre, en revanche, de renforcer la légitimité de l’institution.
Au reste, monsieur le ministre, vous l’avez rappelé en avril dernier devant la commission des affaires sociales : « Le principe électif demeure car le système sera fondé sur l’audience des organisations syndicales appréciée par le suffrage de 5, 4 millions de salariés, soit davantage de votants que lors de la dernière élection prud’homale ».
Vous l’aurez compris, je souscris au but visé. Je note toutefois que ce projet de loi suscite quelques réserves.
Par souci de simplicité, vous avez souhaité proroger une nouvelle fois le mandat des conseillers actuels.
Les mandats de neuf ans ont certes été en vigueur dans d’autres institutions… §
Nouveaux sourires.
Mais cette durée me semble bien trop longue, et son application risque d’engendrer nombre de démissions, ce qui serait préjudiciable au bon fonctionnement de la justice prud’homale.
Par ailleurs, compte tenu de la prorogation du mandat des conseillers actuels, est-il vraiment nécessaire de leur octroyer six jours de formation en plus pour chacune de leurs quatre années supplémentaires de mandat ? S’agissant, par définition, d’anciens conseillers, on peut considérer qu’ils sont à peu près formés au moment de la prolongation de leur mandat. Ces six jours me paraissent donc un peu superflus…
Sur la forme, le RDSE est toujours réticent à ce qu’un projet de loi habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance, dépossédant ainsi le Parlement de son rôle de législateur. En outre, était-il réellement nécessaire d’engager la procédure accélérée sur un texte dont l’échéance est repoussée à 2017 ?
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je soutiendrai personnellement votre texte, mais une grande majorité des membres du RDSE aura une approche… diversifiée.
Rires. – Mme Françoise Laborde applaudit.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, je n’ai entendu personne ici remettre en cause le conseil des prud’hommes, et ce n’est certainement pas au sein de notre groupe qu’une telle idée pourrait être exprimée.
Vous souhaitez seulement la suppression des élections ! C’est incroyable !
Ce point étant rappelé, que nous propose-t-on ici ? D’autoriser le Gouvernement à supprimer par ordonnance l’élection prud’homale, pour la remplacer par un système de désignation.
Autant le dire tout de suite : nous ne nous opposerons pas à ce projet, qui répond à des considérations purement pragmatiques dont la pertinence nous semble devoir l’emporter sur les objections que l’on a pu entendre s’élever ici ou là.
En revanche, les trois principales raisons invoquées à l’appui de cette mesure ne nous semblent pas les plus convaincantes.
La première, que M. le ministre a lui-même évoquée, se trouve dans le taux d’abstention, qui a avoisiné 75 % aux élections de 2008. C’est considérable, et c’est préjudiciable à l’exercice de la démocratie.
Mais l’abstention ne peut, à elle seule, justifier la suppression d’un scrutin.
La deuxième raison avancée est que l’organisation de cette élection serait trop complexe. L’argument semble également léger : on ne supprime pas un scrutin pour cela ; le cas échéant, on le simplifie ! L’un des scénarios proposés dans le rapport de MM. Richard et Pascal, rendu en avril 2010, tendait d’ailleurs à faire de l’élection prud’homale une consultation entièrement électronique.
Troisième raison : l’élection serait coûteuse. Bien sûr, les chiffres mentionnés par notre rapporteur interpellent : le coût de cette procédure atteint presque la moitié de celui de l’élection présidentielle. Toutefois, il peut paraître choquant de mesurer la démocratie à l’aune de son coût.
Pris isolément, ces motifs n’emportent pas d’emblée la conviction. Cumulés, peut-être un peu plus.
Il nous semble cependant que la justification de la suppression de l’élection prud’homale est à chercher ailleurs : les réformes intervenues en matière de représentativité syndicale depuis 2008 pourraient tout simplement avoir rendu cette élection obsolète.
La représentativité syndicale a été en effet substantiellement démocratisée par trois lois. Pour l’audience syndicale, il s’agit des lois du 20 août 2008 et du 15 octobre 2010. Cette dernière, en particulier, a institué une mesure de l’audience syndicale dans les entreprises de moins de onze salariés, qui n’élisent donc pas de délégués du personnel. En application de ces réformes, l’audience des organisations syndicales auprès des salariés a été mesurée pour la première fois au niveau interprofessionnel en mars 2013.
Les scores des centrales syndicales aux élections professionnelles pour les entreprises de plus de onze salariés, ceux des salariés des TPE et des employés à domicile ainsi que ceux des salariés agricoles, notamment aux élections aux chambres d’agriculture, ont été agrégés. Tous les éléments sont ainsi réunis pour disposer d’une bonne mesure de la représentativité syndicale.
Concernant l’audience patronale, c’est la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale qui l’a modernisée. Ce texte a, en particulier, ouvert la voie à une meilleure représentation patronale du secteur dit « hors champ », dont font partie des organisations telles que l’UDES, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UNAPL, l’Union nationale des professions libérales, ou la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
Il est donc faux de prétendre que la suppression de l’élection prud’homale porterait aujourd’hui une atteinte fatale à la démocratie sociale. Avant ces réformes, cet argument était sérieux, puisque cette consultation était alors la seule élection professionnelle véritablement universelle, c’est-à-dire ouverte à tous les actifs. Aujourd’hui, il ne vaut plus que pour les demandeurs d’emploi. Cependant, là encore, les faits parlent d’eux-mêmes : en 2008, seuls 5 % d’entre eux ont voté.
Dans ces conditions rénovées, la désignation des délégués prud’homaux par les syndicats peut apparaître comme une sorte d’élection indirecte. Cela est d’autant plus vrai que, ainsi qu’il a été précisé, et ce n’est pas anodin, les candidatures elles-mêmes seront ouvertes à tous les actifs, mêmes les non-syndiqués ; les centrales pourront présenter sur leurs listes des travailleurs qui n’en seront pas adhérents.
Si la réforme semble donc se justifier sur le plan démocratique, restait à en organiser concrètement les modalités. La première mouture du présent projet de loi prévoyait un système transitoire pour la période allant de 2015 à 2017, le temps que la réforme de l’audience patronale entre pleinement en vigueur. Nous ne pouvons que soutenir la lettre rectificative qui a supprimé ce système en proposant de proroger de deux ans le mandat des actuels conseillers. On gagne ainsi en simplicité.
Je ne m’étendrai pas sur l’argument de l’éventuelle inconstitutionnalité de cette disposition, qui semble avoir été écartée tant par le Conseil d’État que par le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Demeure l’éternelle question des ordonnances. Vous savez à quel point nous sommes prompts à dénoncer leur utilisation systématique et le dessaisissement du Parlement qu’elles impliquent. Mais rien de tel en l’occurrence : le sujet est à la fois technique et, pour une part au moins, réglementaire. Dans ce cas de figure, le recours aux ordonnances nous semble pouvoir se justifier, ne serait-ce que pour ne pas encombrer inutilement l’agenda du législateur.
En effet, si ce sujet est important sur le plan des principes, il ne figure pas au nombre des réformes prioritaires et vitales pour la France qui mériteront, j’en suis certain, des débats au sein de cette assemblée. Le groupe UDI-UC soutiendra donc le présent projet de loi. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mes chers collègues, je tiens avant tout à rendre hommage à la tâche accomplie sur ce projet de loi par son rapporteur initial, Jacky Le Menn.
Je souhaite également remercier notre collègue Anne Emery-Dumas, qui poursuit ce travail depuis la rentrée parlementaire au nom de la commission des affaires sociales.
Enfin, je veux saluer d’emblée Alain Milon, nouveau président de cette commission.
Le projet de loi qui nous est présenté répond à un double objectif : apporter une solution satisfaisante au problème récurrent de la montée de l’abstention aux élections prud’homales tout en poursuivant, et j’insiste sur ce point, le développement d’un dialogue social de qualité.
L’abstention des salariés lors de ces élections est en augmentation constante : elle est passée de 37 % en 1979 à presque 75 % en 2008. Pour le collège employeurs, malgré une légère remontée de la participation en 2008, elle reste proche de 70 %.
Afin d’enrayer cette spirale, des mesures de simplification ont été mises en œuvre, notamment le vote par correspondance ou par internet, et des campagnes de communication ont été menées, avec un budget en augmentation de 25 %. L’abstention a néanmoins continué de progresser. Des problèmes d’organisation y ont peut-être contribué, mais l’essentiel des causes s’inscrit plutôt dans le cadre du déclin global de la participation électorale.
Dans le cas précis des élections prud’homales, l’enjeu ne semble pas toujours très clair pour les électeurs, particulièrement pour les salariés qui n’ont pas encore eu recours à la juridiction, et qui espèrent peut-être une solution individuelle en cas de conflit.
S’y ajoute également, sans doute, le sentiment que toutes les candidatures sont équivalentes, le juge étant perçu comme un arbitre impartial et neutre, dont les décisions sont rendues en droit, plutôt qu’en fonction de l’appartenance syndicale. Dès lors, l’élection peut paraître dénuée d’enjeu particulier.
Ces élections mobilisent aussi de nombreux acteurs : les services de l’État, centraux et déconcentrés, pour l’organisation générale, les communes, pour établir les listes électorales et organiser les bureaux de vote ainsi que le dépouillement, les partenaires sociaux, enfin, pour constituer les listes et faire campagne.
Par ailleurs, nous ne devons pas négliger, dans un contexte budgétaire contraint, le coût de cette consultation si peu mobilisatrice : il s’élève à environ 100 millions d’euros, qu’il faut programmer tous les cinq ans.
L’ensemble de ces éléments a conduit les partenaires sociaux et les services de l’État à rechercher une solution à la fois opérationnelle et respectueuse du dialogue social. Des rapports ont été préparés par d’éminents magistrats, qui ont permis d’envisager plusieurs dispositifs. Celui qui a été retenu, et qui nous est proposé aujourd’hui, a été initié grâce à l’adoption de la loi du 20 août 2008, laquelle a permis l’organisation d’élections établissant la représentativité des organisations de salariés.
J’ouvre ici une courte parenthèse pour rappeler que les élections prud’homales ont longtemps été, pour les organisations syndicales, un moyen quelque peu détourné de mesurer leurs audiences respectives.
Cette pratique est désormais caduque.
La question de la représentativité patronale n’a pas été réglée par la loi de 2008. Elle l’est aujourd’hui avec l’adoption de la loi du 5 mars 2014, qui prévoit une représentativité patronale mesurée par le nombre d’adhérents aux organisations représentatives.
Ce projet de loi comporte donc deux articles.
L’article 1er tend à autoriser le Gouvernement à prendre dans un délai de dix-huit mois, par ordonnance, les dispositions prévoyant la désignation des conseillers prud’homaux en fonction de l’audience des organisations syndicales telle qu’elle aura été mesurée lors des élections de représentativité.
Il concerne, pour l’essentiel, la désignation des conseillers, la répartition des sièges entre les collèges, les modalités d’établissement des listes de candidatures, les procédures de nomination, la durée de mandat et le régime des autorisations d’absence. Comme l’orateur précédent, je nourris quelques interrogations sur la capacité du Parlement à régler par la loi toutes ces questions éminemment complexes.
L’article 2 est issu de la lettre rectificative du 16 juillet 2014 visant à proroger le mandat des actuels conseillers prud’homaux jusqu’au 31 décembre 2017 au plus tard.
Il fixe en outre le plafond d’autorisations d’absence pour les conseillers salariés, afin qu’ils puissent suivre une formation liée à leur mandat.
II est vrai que plusieurs inquiétudes ont été exprimées devant la nouveauté de ce dispositif.
Tout d’abord, se pose la question de la participation des demandeurs d’emploi à la désignation des conseillers salariés.
Comme l’avait souligné le Gouvernement le 16 janvier dernier, « les organisations syndicales sont légitimes pour représenter aussi bien les salariés que les chômeurs », …
… une appréciation que nous faisons nôtre. De plus, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est, à mon avis, le plus à même de rappeler que les demandeurs d’emploi ont vocation à trouver le plus rapidement possible un emploi.
L’autre question concerne les salariés non syndiqués, qui pouvaient jusqu’à présent constituer des listes.
Le dispositif proposé n’est pas si nouveau puisqu’il existe dans le cadre des tribunaux des affaires de sécurité sociale. En effet, les assesseurs sont désignés par ordonnance du président de la cour d’appel sur une liste établie par la sécurité sociale et la MSA – mutualité sociale agricole –, sur proposition, notamment, des organisations représentatives d’employeurs et de salariés. Nous ne sommes donc pas en terre inconnue !
Saisi en 2010, le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs estimé que « le pouvoir de présentation des candidats reconnu aux organisations professionnelles ne méconnaît pas le principe d’égal accès aux emplois publics ». Il a aussi considéré qu’il n’y a pas de risque objectif qu’un justiciable syndiqué soit jugé différemment d’un justiciable non syndiqué dans la mesure où le droit français proscrit tout mandat impératif.
Voilà qui répond clairement, à notre avis, aux inquiétudes exprimées ici ou là, ainsi qu’à cette tribune il y a quelques minutes.
En définitive, ce projet de loi apporte des réponses aux questions urgentes posées par l’abstention massive aux élections prud’homales, aux difficultés et au coût de leur organisation, et ce dans le respect du dialogue social, en prenant appui sur le caractère incontestable des élections de représentativité.
Au-delà de ce texte, c’est vers l’avenir des juridictions prud’homales que nous devons maintenant nous tourner. Les difficultés ne doivent pas être niées. Elles sont d’ailleurs clairement décrites dans le rapport que Mme la garde des sceaux a demandé à M. Lacabarats, président de chambre de la Cour de cassation. Dans sa lettre de mission, Mme Taubira citait notamment « la nécessité d’entreprendre les réformes nécessaires dans leur intérêt pour préserver les particularismes des conseils de prud’hommes ». Dieu sait si le sujet est d’actualité !
Un certain nombre de constats montrent qu’il convient de porter un regard attentif sur cette juridiction.
Le taux de conciliation n’est plus que de 5 %, en lien direct et évident avec la dureté des rapports sociaux dans un contexte de chômage aigu.
Plus problématique, le taux d’appel est de 60 %, ce qui constitue un taux de contestation beaucoup plus élevé que celui qui est enregistré pour les autres juridictions de première instance.
Enfin – et c’est sans doute le point le plus ennuyeux –, les dysfonctionnements de la justice prud’homale, qui sont d’abord préjudiciables aux justiciables, le sont aussi pour l’État, régulièrement condamné à ce titre. En tête des motifs de condamnation, et donc de pénalisation financière, figurent les délais de procédure, qui peuvent atteindre cinq ans dans les conseils les plus sollicités. Il est bien évident que le manque de moyens en est une cause majeure.
Même si cette question n’est pas l’objet direct de notre débat, qui est circonscrit au mode de désignation des conseillers, il semble évident que les greffes doivent être renforcés, que les conseillers doivent disposer d’un temps suffisant pour instruire les dossiers et rédiger les conclusions et que ce temps doit être indemnisé à hauteur du travail accompli.
De plus, la formation des conseillers prud’hommes doit être étoffée, avec la création d’une formation initiale et d’une formation continue sans doute supérieure aux trente-six jours aujourd’hui octroyés sur cinq ans. Ce sujet est central, comme l’ont d’ailleurs souligné les partenaires sociaux lors des auditions menées par notre commission.
C'est la raison pour laquelle je tiens à reprendre ici une proposition du premier rapporteur, Jacky Le Menn, qui avait souhaité explicitement que « les sommes économisées par le remplacement des élections prud’homales par une désignation fondée sur l’audience des partenaires sociaux servent essentiellement à financer la démocratie sociale » – je préciserai : son fonctionnement plus que sa visibilité – « ou la formation des conseillers prud’hommes ».
Monsieur le ministre, en écoutant votre intervention liminaire, j’ai compris que vous étiez particulièrement réceptif à cette proposition. Nous serons donc attentifs aux suites qui pourraient y être données.
Les moyens et la formation sont des points absolument fondamentaux : ils sont la traduction concrète de notre attachement très profond au paritarisme et à une justice du travail qui conserve toute sa spécificité.
Il n’y a pas lieu aujourd’hui de diminuer le rôle des conseils de prud’hommes. Le contexte social que nous affrontons nous fait, bien au contraire, obligation de veiller à ce que ceux-ci soient en mesure de remplir pleinement leur mission, dans l’intérêt majeur du monde du travail.
Pour conclure, il ne nous semble pas que l’évolution vers la désignation des conseillers prud’hommes porte atteinte à la démocratie. C’est même probablement l’inverse. §La réforme qui nous est proposée constitue un progrès démocratique puisque la loi du 20 août 2008 permet de tenir compte du vote des salariés à des élections qui les concernent au premier chef et qui ont vocation à mesurer la représentativité.
Dès lors, quoi de plus démocratique que d’attribuer les sièges de conseillers prud’hommes, en fonction des résultats, à telle ou telle organisation ?
Selon nous, la démocratie sociale se mesure non pas au nombre d’élections proposées aux salariés, mais à la cohérence d’ensemble de celles-ci. C’est bien parce que cette réforme est cohérente et qu’elle constitue, à nos yeux, un progrès démocratique que le groupe socialiste votera ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, à mon tour, à saluer M. Milon, nouveau président de la commission des affaires sociales. Je salue également, après plusieurs orateurs, le travail remarquable qu’avait réalisé Jacky Le Menn, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, d’ailleurs.
Monsieur Desessard, vous avez évoqué le coût des élections prud’homales de 2008 et les emplois ou les suppléments de revenu qu’elles induisent. Sachez que, parmi les principaux postes de dépenses, figure l’acheminement, qui coûte plus de 30 millions d’euros. Or l’acheminement ne donne pas beaucoup de travail…
On s’en occupe !
Les dépenses liées à la constitution des listes électorales se sont élevées à 28 millions d’euros. Plus de 11 millions d’euros ont été consacrés à la communication, qui a été renforcée en vue d’obtenir une meilleure participation, avec le succès que l’on sait…
Pour le reste, le remboursement de la propagande aux partenaires sociaux a représenté plus de 10 millions d’euros, et les opérations de vote proprement dites ont coûté 6 millions d’euros.
J’ajoute que la généralisation du vote électronique coûterait environ 20 millions d’euros.
Je tenais à vous livrer ces éléments d’information, que je tiens à la disposition de tous, car ils intéressent, me semble-t-il, tout le monde.
Les conseillers prud’homaux bénéficient aujourd'hui de la même protection que les délégués syndicaux – depuis la candidature jusque dans les douze mois suivant l’exercice du mandat –, et il en sera de même après la réforme que nous proposons. De plus, nous ne remettons pas en cause leur indépendance.
Cette protection vaut pour les salariés comme pour les employeurs.
Ainsi que l’a indiqué M. Caffet, il est clair que les organisations syndicales sont légitimes pour représenter les demandeurs d’emploi, contrairement à ce qui a été dit par certains. Rien ne s’oppose à ce que des demandeurs d’emploi figurent sur leurs listes, bien au contraire !
Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés. Je sais que le Parlement n’est pas favorable aux ordonnances, et je le comprends aisément. Mais, en l’occurrence, il est vraiment nécessaire d’engager une concertation rapide avec les partenaires sociaux. En la matière, le recours à l’ordonnance se justifie par le degré de détail requis : il faut définir, pour chaque section, chaque territoire, le nombre de conseillers prud’hommes, ce qui ne me semble pas relever du domaine de la loi. Cela étant, bien entendu, chacun est libre de porter sa propre appréciation !
De plus, l’échéance de 2017 n’est pas si lointaine. Le « rétroplanning » est donc assez resserré. Une concertation sera organisée au cours du premier semestre de 2015 avec les partenaires sociaux sur les règles de gestion, le dispositif de désignation, les règles de conversion et d’affectation sectorielle et territoriale, et les chiffres de l’audience. La publication des ordonnances devrait avoir lieu durant le second semestre. L’année 2016 sera mise à profit pour engager la préparation technique du dispositif.
Je remercie M. Jean-Baptiste Lemoyne de son intervention intéressante, notamment dans son volet historique. Il reste que, à l’abstention de son groupe j’aurais bien sûr préféré un vote positif.
Je le répète, la concertation a eu lieu ; aucune atteinte n’est susceptible d’être portée au caractère paritaire de la juridiction. Tel n’est pas l’objet du texte qui vous est proposé. Si, demain, des réformes doivent être engagées, elles seront faites sur la base du rapport Lacabarats.
Monsieur Desessard, vous avez argué du fait que les chômeurs ne peuvent pas voter. Certes, mais on n’est pas chômeur toute sa vie ! Ils peuvent figurer sur les listes. D’ailleurs, l’objectif est justement qu’ils restent chômeurs le moins longtemps possible.
M. Jean Desessard s’esclaffe.
Enfin, concernant le hors-champ – cette question a également été évoquée par d’autres orateurs, notamment Mme la rapporteur –, l’économie sociale et solidaire sera prise en compte par l’ordonnance, avec la FNSEA, l’UDES, etc.
Monsieur Watrin, j’ai apprécié votre défense de l’institution. Personne n’entend y porter atteinte. Nous essaierons, demain, peut-être ensemble, d’en améliorer le fonctionnement, car celui-ci, aujourd'hui, pénalise assurément, par sa complexité et sa lourdeur dans le processus de prise de décision, les plus fragiles et les plus faibles des salariés.
Mais je ne pense pas qu’il s’agisse d’un recul pour la démocratie, et je vous sais gré de ne pas m’avoir fait de procès d’intention en la matière.
L’indépendance des salariés sera, bien sûr, respectée. Les conseillers prud’hommes bénéficieront de la même protection qu’auparavant.
Monsieur Barbier, je vous remercie de votre soutien personnel, car j’ai cru comprendre que le vote de votre groupe serait divers. Chacun le sait, nul système n’est parfait, mais la réforme s’imposait et le système que nous proposons est sans doute celui qui présente le moins de faiblesses et le plus de cohérence.
Je remercie également M. Jean-Marie Vanlerenberghe de son intervention, marquée par le pragmatisme, et de sa démonstration. Pris isolément, chaque argument n’est certes pas suffisant en soi, mais les trois réunis permettent d’adhérer à la solution qu’offre une meilleure représentativité syndicale, telle qu’elle a été définie par la mesure de l’audience dans les lois de 2008 et 2010, pour ce qui concerne les organisations syndicales de salariés, et dans la loi du 5 mars 2014, pour ce qui est des organisations patronales.
Je terminerai en remerciant M. Jean-Pierre Caffet. Les précisions que vous avez apportées, monsieur le sénateur, concernant la représentativité sont très importantes. Vous avez ouvert le débat plus largement sur l’avenir de cette juridiction sociale, qui est fondamentale pour l’application du droit social. Et c’est bien pourquoi il n’est pas question pour nous de porter atteinte à cette institution.
Enfin, je rappellerai simplement que la démocratie ne se mesure pas au nombre des élections, mais plutôt à leur cohérence.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
(Non modifié)
Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnance les dispositions relevant du domaine de la loi prévoyant la désignation des conseillers prud’hommes en fonction de l’audience des organisations syndicales de salariés définie au 5° de l’article L. 2121-1 du code du travail et de celle des organisations professionnelles d’employeurs définie au 6° de l’article L. 2151-1 du même code. Ces dispositions déterminent, dans le respect de l’indépendance, de l’impartialité et du caractère paritaire de la juridiction :
1° Le mode de désignation des conseillers prud’hommes ;
2° Les modalités de répartition des sièges par organisation dans les sections, collèges et conseils ;
3° Les conditions des candidatures et leurs modalités de recueil et de contrôle ;
4° Les modalités d’établissement de la liste de candidats ;
5° La procédure de nomination des conseillers prud’hommes ;
6° Les modalités de remplacement en cas de vacance ;
7° La durée du mandat des conseillers prud’hommes ;
8° Le régime des autorisations d’absence des salariés pour leur formation à l’exercice de la fonction prud’homale ;
9° Le cas échéant, les adaptations nécessaires en matière de définition des collèges et sections.
Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant sa publication.
Je remercie M. le ministre d’avoir détaillé l’ensemble des frais entraînés par une élection prud’homale, mais, comme je le disais, les coûts s’évaluent aussi en fonction de leur intérêt pour la société, y compris de leur intérêt économique. Si vous importez 60 milliards d’euros de pétrole, cet argent part directement dans un autre pays et vient accroître le déficit de notre pays ; si, pour la même somme, nous produisons nous-mêmes de l’énergie, c’est l’ensemble de la vie économique en France qui en profite.
La question est donc de savoir s’il y a, ou non, déperdition de ces millions dépensés. Pour ma part, je réponds non parce qu’ils créent de l’activité économique dans le pays et, par là même, des revenus.
On ne peut donc pas avoir une vision aussi négative des coûts occasionnés par une élection. On pourrait même dire qu’ils sont vertueux par rapport à d’autres dépenses que l’on encourage. Je pense, par exemple, à la distribution de tracts pour Intermarché, Auchan et autres grandes surfaces qui déversent dans nos boîtes aux lettres des tonnes de papier. Là, c’est un pur gaspillage, car ces documents ne servent vraiment à rien ! On peut considérer que l’argent dépensé pour la démocratie sociale est tout de même plus noble, outre le fait qu’il présente un intérêt économique.
Mais, monsieur le ministre, vous m’avez véritablement soufflé lorsque quand vous avez dit qu’il n’était pas grave que le chômeur ne vote pas, qu’il voterait plus tard !
Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.
D’abord, c’est une manière de dire que vous allez résorber le chômage et qu’il n’y aura bientôt plus de chômeurs. Mais cela fait déjà un moment que vous nous le dites ! De la même façon, M. Sapin nous dira : « Pourquoi s’occuper de la précarité puisqu’il n’y en aura bientôt plus ? » Bien sûr, quand tout ira mieux, il n’y aura plus à se demander quoi faire pour les précaires ! Le problème, c’est que notre société est, pour longtemps, une société frappée par le chômage et la précarité. Dès lors, si vous n’apportez pas des réponses maintenant pour les chômeurs et les précaires, si vous attendez que tout aille bien, cela signifie que nos citoyens vont aller moins bien !
En d’autres termes, votre vision manifeste un manque de réalisme sur ce qu’est la société d’aujourd’hui.
Vous nous expliquez – c’est vraiment extraordinaire ! – que les chômeurs voteraient forcément plus tard. Voulez-vous dire que, en tant que chômeurs, il ne faut pas qu’ils votent, qu’ils ne doivent pas exprimer qu’un syndicat les défend mieux en tant que chômeurs ? Voulez-vous dire qu’ils doivent attendre d’avoir un boulot pour voter, car, en tant que chômeurs, leurs voix ne nous intéressent pas ?
« Vous n’êtes pas content parce que vous êtes chômeur ? Ce n’est pas grave, vous voterez quand vous serez contents ! » Voilà exactement ce que vous dites !
« Vous ne votez pas parce que vous êtes précaire. Votre vie est difficile, mais ce n’est pas grave : vous voterez quand vous ne serez plus en situation de précarité, quand votre vie sera meilleure. »
Or le vote d’un chômeur ou d’un précaire n’est pas forcément le même que celui d’un cadre ou d’un ouvrier qui a un travail.
Faut-il donc considérer que la démocratie sociale concerne les salariés, mais pas ceux qui n’ont plus de travail ni ceux qui se trouvent en situation de précarité. Je trouve votre réponse vraiment formidable !
Bien sûr !
Mon collègue de Paris considère que la suppression d’une élection est un progrès démocratique. §Pourquoi ne le faites-vous pas pour toutes les élections politiques ?
Comment peut-on considérer que la suppression d’une élection est un progrès démocratique ?
Faisons le parallèle entre élections européennes et élection présidentielle. Lors des élections européennes, la formation à laquelle j’appartiens – je ne parle pas des autres – réalise un score de 16 % et, deux ans plus tard, lors de l’élection présidentielle, elle atteint un modeste 1, 7 %. On voit bien qu’il existe des différences de faveur suivant l’élection et suivant le message que veulent délivrer les électeurs. Cela tient aussi, bien sûr, à notre propre message électoral et à nos propositions, mais on ne peut pas faire l’impasse sur la réponse qu’apportent les électeurs à tel ou tel moment.
Cela signifie que, au travers des différentes élections, selon leur nature – régionales, cantonales, européennes –, les électeurs ne disent pas la même chose. Or il en va de même dans l’exercice de la démocratie sociale : on peut très bien avoir envie de soutenir tel syndicat au niveau local et vouloir au niveau national une représentation plus « idéologique », si je puis dire, plus représentative de la défense des droits des salariés.
Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu sur l’économie sociale et solidaire.
Vous avez précisé qu’il y aurait une représentation pour les employeurs, sans préciser ce que serait la représentation du secteur de l’économie solidaire, secteur important pour nous puisqu’il s’inscrit dans une approche plus sociale, plus environnementale et dans une forme d’économie que nous défendons.
Sur cet article 1er, qui prévoit dans son premier alinéa la désignation en fonction de l’audience des organisations syndicales, je voudrais relancer M. le ministre quant à l’audience qui serait prise en considération pour cette désignation. J’avais évoqué ce point dans mon intervention, mais, sauf erreur de ma part, je ne pense pas avoir reçu de réponse.
S’agit-il vraiment de l’audience mesurée au niveau national ou pourra-t-on aller vers un système de mesure plus fin de chaque circonscription prud’homale afin de prendre en compte de la meilleure façon possible les implantations syndicales et patronales dans les territoires ? Comme vous le savez, on note de grandes disparités des forces en présence selon les territoires. Une telle mesure est certainement plus compliquée à réaliser, mais sûrement plus respectueuse des engagements que l’on peut trouver sur les différents territoires. De manière générale, cela permettrait de mieux prendre en compte la réalité locale.
Lors de votre audition, vous aviez évoqué, monsieur le ministre, une concertation à venir sur ce point. Quels éléments pouvez-vous nous livrer aujourd'hui à ce sujet ?
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 3 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 1.
Je reviendrai cependant sur l’idée défendue par mon collègue de Paris, représentant du groupe socialiste, qui disait que, puisqu’il s’agissait de l’élection d’un juge, les gens ne voyaient pas de différence entre les centrales syndicales et que, en conséquence, ce n’était plus la peine de procéder à une élection.
Mes chers amis, si la légitimité d’une élection tient à la différence que les électeurs sont susceptibles de faire entre les uns et les autres, supprimons aussi les élections politiques ! Car, dans de nombreux endroits, les citoyens ne savent plus faire la différence entre la droite et la gauche. Et beaucoup de citoyens se posent la question : « À quoi “ils” servent, “là-bas” ? », et particulièrement lorsqu’il est question de notre assemblée…
Vous ne vous êtes pas demandé – en tout cas, pas devant nous – si l’on allait faire suivre la démarche de suppression de cette élection par d’autres suppressions d’élections. Car, finalement, certains se demandent aussi à quoi on sert !
Ne faut-il pas aller au bout de la logique ? En écoutant mon propos, vous allez dire qu’il est un peu stupide. Car la question qui se pose n’est pas celle de la suppression, mais celle de la réorientation. Comment faire pour que notre assemblée soit respectée ? Comment faire pour redonner du pouvoir au politique ? Et comment faire pour avoir, dans l’opinion, une image réellement différenciée des différentes réponses politiques ?
La question qui se pose au niveau syndical se pose de la même façon au niveau politique. Donc, si elle justifie la suppression de ces élections, restons prudents, car c’est aller au-devant de bien des dangers. Il ne suffira pas de dire qu’il faut lutter contre la droite extrême : il faudra se poser la question de la perception qu’a la population de la représentation nationale, tout comme vous avez posé le problème de la différenciation entre les propositions syndicales faites à l’occasion des élections prud’homales.
L’élection prud’homale est une élection nationale qui permet de mesurer la représentativité par rapport à des réponses différentes. Il en va de même au niveau politique. Alors, faites très attention aux arguments que vous employez pour justifier la suppression des élections prud’homales !
J’irai dans le même sens que mon collègue Desessard. Effectivement, on nous présente là un projet de loi extrêmement dangereux pour la démocratie sociale, prenant comme point d’appui le faible taux de participation. Cela a été dit et redit, mais je pense qu’il faut le répéter puisque, visiblement, les arguments ne sont pas entendus : est-ce réellement un argument audible que celui qui consiste, devant la faiblesse de la participation, à supprimer l’élection et à procéder par désignation ?
On note aujourd’hui, en France, un déficit de participation à tous les types d’élections. La proposition qui nous est faite consiste à dire qu’il ne faut pas nous inquiéter, qu’on va améliorer les choses. On se demande, monsieur le ministre, pourquoi vous faites une telle proposition sans avoir anticipé et sans nous proposer de mesures alternatives.
Nous avons rencontré un certain nombre de syndicats, et encore ce matin, lors d’une conférence de presse. Comme l’a dit mon collègue Dominique Watrin, tous avaient des propositions alternatives intéressantes dont il aurait été utile de débattre dans l’hémicycle. Mais, en l’occurrence, vous nous demandez de vous accorder notre confiance sur une réforme qui va certainement voir le jour pour améliorer la situation.
Sachez que ce n’est pas ainsi que l’on procède quand on veut sérieusement s’attaquer à un problème, car il s’agit en effet de réformer un système qui présente effectivement des défauts. En tout cas, cela ne peut pas se faire en supprimant les élections !
Que dire, par exemple, du taux de participation de 20 % aux élections des chambres de commerce ? C’est aussi un taux extrêmement faible. J’espère que vous n’allez pas non plus envisager de supprimer ces élections ! Ou alors, dites-nous franchement quelles autres élections, y compris politiques, vous envisagez de supprimer !
En fait, vous nous proposez tout simplement de casser le thermomètre. Or, vous le savez bien, ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on guérit le mal. Ces arguments ne tiennent vraiment pas la route et sont dangereux en termes de démocratie sociale.
Je tiens à le redire ici, les élections prud’homales sont le résultat d’une bataille, de luttes sociales ; elles ont été obtenues pour donner aux salariés des droits supplémentaires au sein des entreprises.
Et voilà que ces élections, on nous propose de les supprimer d’un simple trait de plume, de surcroît par ordonnance !
Nous n’acceptons pas ce retour en arrière et, puisque nous n’avons pas la possibilité de réécrire totalement le dispositif par voie d’amendement, nous proposons la suppression de l’article 1er.
Comme mon camarade Desessard
Sourires.
À nos yeux, l’article 1er du projet de loi est un énorme pavé lancé dans l’édifice de la démocratie sociale. Nous ne pouvons pas l’accepter !
M. Jean Desessard applaudit.
Ces deux amendements visant à supprimer l’article 1er du projet de loi, présentés l’un par le groupe écologiste, l’autre par le groupe CRC, sont inspirés par des motivations similaires.
La commission des affaires sociales, le 23 juillet dernier, pour les raisons qui ont déjà été largement exposées dans la discussion générale, a adopté conforme le présent projet de loi, dont l’article 1er constitue la colonne vertébrale. En son nom, j’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.
Permettez-moi, madame la présidente, de continuer quelques instants, par pur plaisir, mon débat avec M. Desessard.
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, je dois dire que je suis parfois surpris par certains de vos arguments. Ainsi, j’avais cru comprendre que, dans certaines formations politiques, on voulait la suppression de l’élection présidentielle, voyant dans cette suppression une grande avancée démocratique. Ce rappel mérite réflexion. Qu’en pensez-vous, monsieur Desessard ?
Sourires.
En ce qui concerne la communication, il est évident qu’on a fait aussi bien que possible lors de la dernière élection.
Et puis, le fait est que ces élections ne sont pas faciles à organiser pour les communes ; ceux d’entre vous qui sont maires savent bien qu’elles entraînent beaucoup de travail.
Mme Françoise Cartron et M. Claude Bérit-Débat acquiescent.
Monsieur Desessard, on peut parler, comme vous, avec fougue, peut-être même avec un peu de vigueur. Reste que, malgré tous les efforts de communication qui ont été réalisés, il n’y avait que 5 % de demandeurs d’emploi inscrits sur les listes. Bien entendu, sur ces 5 % d’inscrits, certains se sont sans doute abstenus. Autant dire que la proportion de demandeurs d’emploi ayant effectivement voté a été très faible, vous en conviendrez que, au bout du compte, cela ne fait pas beaucoup de votants en chiffres absolus. Même si l’on peut considérer que cela ne justifie rien, il me paraît utile de rappeler cette réalité.
Notre proposition de réforme n’est pas fondée sur la suppression des principes démocratiques, comme certains l’ont prétendu. En effet, des mesures d’audience ont été légitimées par trois lois : celles de 2008 et de 2010 pour les salariés, celle de 2014 pour les patrons. Ces deux mesures d’audience nous permettront, en 2017, d’assurer la représentation la meilleure possible.
Cette réforme a pour but de renforcer la légitimité de l’institution prud’homale. On ne peut pas dire, quand il y a 35 % de participation à une élection, que ce résultat signe la fin du système politique en vigueur et, quand il s’agit des élections prud’homales, se gargariser d’un taux de participation de 25 % !
Quant à l’impartialité et à l’indépendance de la justice prud’homale, je répète qu’elles sont garanties par le caractère paritaire de la juridiction, qui heureusement n’est plus attaqué, ainsi que par l’interdiction des mandats impératifs.
Enfin, tous les justiciables potentiels sont susceptibles de participer aux juridictions, y compris ceux qui, à un moment ou à un autre – que cela ne soit pas mal pris –, ont pu se trouver sans emploi, puisque l’audience doit être mesurée par périodes de quatre ans. L’ensemble des employeurs seront pris en compte, comme l’ensemble des salariés. Quant à l’audience de l’économie sociale et solidaire, elle sera bien mesurée dans le cadre de la représentativité patronale.
Le recours à une ordonnance est nécessaire pour organiser la concertation avec les partenaires sociaux. Madame Cohen, il est fort bon que vous les ayez rencontrés. Je les ai rencontrés moi aussi, et je les rencontrerai encore, puisque nous allons les consulter pendant tout le premier semestre de l’année 2015. Nous voulons avancer avec eux !
Les auteurs de ces amendements font valoir que l’abstention ne justifiait pas la suppression. Eh bien, la suppression proposée justifiera notre abstention… Cet après-midi, en effet, nous serons un peu normands en nous abstenant sur ces deux amendements comme sur les suivants.
Le 16 janvier dernier, j’ai posé toute une série de questions à M. Sapin. Je suis obligé de constater qu’on ne m’a pas répondu.
Je n’ai pas obtenu de réponse sur le bien-fondé de la suppression des élections prud’homales ni de véritable réponse sur la représentation des chômeurs. Je n’ai pas non plus de certitudes en ce qui concerne l’économie sociale et solidaire.
S’agissant du coût et de la participation, je rappelle à nos collègues que, si l’on a compté 4, 8 millions d’électeurs aux élections prud’homales de 2008, il y en a eu 5, 4 millions lors des élections mesurant la représentativité, soit seulement 600 000 de plus. Or quel a été le coût comparé de ces deux élections ? On sait très bien que, pour la publicité qui a précédé l’élection de représentativité, on a mis en œuvre des moyens d’une tout autre ampleur que ceux qui avaient été mobilisés en vue des élections prud’homales.
Les réponses qui nous sont apportées ne me donnent pas satisfaction. Je le regrette, car je crois que la représentation au sein des conseils de prud’hommes est une question très importante.
En particulier, je ne suis pas convaincu qu’une représentation définie au niveau national apporte une bonne réponse pour les juridictions. En effet, la représentativité des différentes tendances dans un secteur géographique peut être très différente des moyennes nationales, de sorte qu’une organisation syndicale dont l’audience est très forte dans un ressort prud’homal pourrait ne pas y être représentée parce qu’elle a réalisé un score faible au niveau national.
M. Claude Dilain acquiesce.
Pour ces raisons, monsieur le ministre, je voterai, avec regret, les amendements présentés par nos collègues écologistes et communistes.
J’avais cru comprendre que le parti socialiste, à une époque, n’était pas pour le régime présidentiel actuel… Visiblement, une évolution s’est produite. Décidément, il n’y a plus de tabous ! Nous verrons bien dans les prochains mois…
En tout cas, les écologistes considèrent que le régime présidentiel pose un véritable problème parce que le Parlement a trop peu de pouvoirs. Je le répéterai autant qu’on voudra !
L’élection au suffrage universel direct favorise-t-elle la présidentialisation du système ? Probablement. C’est pourquoi nous nous interrogeons sur le meilleur mode d’élection possible pour respecter les pouvoirs du Parlement. Je suppose que nous discuterons de tout cela quand nous débattrons de la VIe République !
Je veux revenir quelques instants sur les chômeurs. On nous explique qu’ils sont seulement 5 % à être inscrits. Mais c’est bien là le problème ! Cela a été clairement dit par moi comme par mes camarades communistes !
Rires et exclamations sur les travées de l’UDI-UC.
Sur le plan financier, la question est entendue puisque M. le ministre lui-même a expliqué que la vraie raison n’était pas là. Nous allons donc vous croire, monsieur le ministre !
Quant à l’argument fondé sur l’abstention, je vous ai mis en garde : si l’on appliquait le même raisonnement dans le domaine politique, il n’y aurait plus d’élections que tous les cinq ans : la présidentielle et les législatives.
Reste la question des modalités des élections prud’homales. Nous aurions aimé en débattre, mais, malheureusement, le Gouvernement a préféré recourir à une ordonnance.
On aurait pu citer la proportion de votants et conclure que les chômeurs ne se déplacent pas, mais, monsieur le ministre, vous avez bien distingué les deux chiffres. La question est donc : pourquoi les chômeurs ne sont-ils que 5 % à s’inscrire ?
On peut dire : sont-ils crétins, ces chômeurs ! Faut-il être bête pour ne pas s’inscrire ? C’est bien de leur faute s’ils ne votent pas ! §Excusez-moi, mais c’est bien cela qui est dit : s’ils ne sont que 5 % d’inscrits, c’est de leur faute !
M. Jean Desessard. On peut aussi poser le problème autrement : comment aider des personnes en situation de détresse à participer à la démocratie sociale ? Voilà la vraie question !
Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.
Poussons plus loin : il y a des disparités aussi aux élections politiques. Ainsi, aux élections européennes – je le dis quand bien même elles nous sont favorables –, les ouvriers et les chômeurs ne votent pas autant que les cadres. On ne supprime pas ces élections pour autant ! Le vrai défi est de conduire un plus grand nombre de citoyens à voter.
Comment des personnes qui ne sont pas dans la démocratie sociale, principalement les chômeurs, les précaires et les salariés des petites boîtes, peuvent-elles y être intégrées ? Telle est la véritable question dont le Parlement aurait dû débattre !
C’est ce que j’ai voulu signifier dans la discussion générale lorsque j’ai regretté qu’il manque un projet pour la mise en place d’une cogestion et d’une démocratie sociale réelle. Aujourd’hui, on nous dit : ce sera une fois tous les cinq ans, et tant pis pour les chômeurs. Et pour les précaires, M. le ministre ne l’a pas dit, mais c’est un peu pareil.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.
Les amendements ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'article.
Je tiens à réaffirmer un certain nombre de nos convictions. Je veux le faire brièvement, mais avec une certaine solennité parce que la réforme qui se prépare me paraît très grave.
Je considère, avec mes collègues du groupe CRC, que les élections prud’homales sont en quelque sorte une « université des droits ». Dans ces conditions, nous sommes très inquiets que les conseillers prud’homaux puissent être non plus élus, mais désignés.
Monsieur le ministre, tandis que vous preniez plaisir à débattre avec M. Desessard, vous n’avez pas répondu à ma question : pourquoi ne pas avoir présenté au Sénat des propositions d’amélioration des élections prud’homales ? En nous promettant des propositions à venir, vous nous demandez de vous faire confiance a priori, alors que vous êtes en train de détricoter un élément important de la démocratie sociale.
Je crois extrêmement important d’aller au fond des problèmes, et notamment de se demander pourquoi les inscrits ne sont pas plus nombreux sur les listes électorales, en particulier parmi les plus fragiles. C’est là le nœud de la question ; faute de le défaire, les réformes aggraveront encore la situation et feront reculer la démocratie dans l’entreprise.
Telles sont les raisons pour lesquelles, notre amendement de suppression ayant été rejeté, nous voterons contre l’article 1er du projet de loi.
L'article 1 er est adopté.
(Non modifié)
I. – La date du prochain renouvellement général des conseils de prud’hommes est fixée par décret et, au plus tard, au 31 décembre 2017. Le mandat des conseillers prud’hommes est prorogé jusqu’à cette date.
II. – Dans les conditions fixées aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1442-2 du code du travail, les employeurs accordent aux salariés de leur entreprise, membres d’un conseil de prud’hommes, sur leur demande et pour les besoins de leur formation, des autorisations d’absence :
1° Dans la limite de six jours par an au titre de la prolongation du mandat, prévue à l’article 7 de la loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010, qu’ils exercent entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015 ;
2° Dans la limite de six jours par an au titre de la prolongation du mandat qu’ils exercent entre le 1er janvier 2016 et la date fixée par le décret pris en application du I du présent article et au plus tard lors du prochain renouvellement général.
III. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 1423-10 du code du travail, s’il n’est pas possible de pourvoir aux vacances dans les conditions fixées par l’article L. 1442-4 du code du travail, et jusqu’à la date du prochain renouvellement général, il peut être recouru aux affectations prévues en cas de difficulté provisoire de fonctionnement d’une section, qui peuvent être renouvelées au-delà de deux fois, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article L. 1423-10.
L'amendement n° 2, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard.
L’article 2 est important et ne doit pas être supprimé.
Mes chers collègues, je vous rappelle que cet article, introduit par la lettre rectificative au projet de loi du 16 juillet dernier, proroge les mandats actuels des conseillers prud’hommes jusqu’au 31 décembre 2017 au plus tard. En outre, il fixe le plafond d’autorisations d’absence pour que les conseillers représentant les salariés puissent suivre des formations liées à leur mandat. Enfin, il aménage les règles en cas de difficulté provisoire de fonctionnement d’une section.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur le présent amendement de suppression.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 4, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer l’année :
par l’année :
La parole est à Mme Annie David.
Bien que ce débat ait déjà eu lieu en commission et que vous connaissiez le sort que je réserverai à cet amendement, j’interviens ici pour réaffirmer, avec les autres membres de mon groupe, que ce texte constitue réellement une atteinte à la démocratie sociale.
Monsieur le ministre, la question qui se pose – Laurence Cohen vient d'ailleurs de la répéter – est la suivante : quelles mesures allez-vous proposer pour nous convaincre que la suppression de ces élections constituerait réellement une avancée ?
Cet amendement tend à raccourcir d’un an, de 2017 à 2016, la prorogation des mandats des conseillers prud’homaux telle que vous la proposez. Je vous rappelle en effet que les conseillers prud’homaux actuellement en place ont été élus en 2008 pour un mandat de cinq ans, que ce mandat a déjà été prorogé et que, en le prorogeant encore de deux ans, vous parviendrez à un mandat d’une durée de neuf ans.
Or chacune des organisations syndicales, salariales ou patronales, que nous avons rencontrées, tout comme vous avez pu le faire, monsieur le ministre, nous ont rapporté les difficultés qu’elles rencontraient pour maintenir en place ces conseillers prud’homaux au-delà de leur mandat. Les raisons en sont multiples, et je me contenterai de citer le cas des salariés qui, parvenus à l’âge de la retraite, décident de ne plus travailler.
Dans certains conseils de prud’hommes, il y a donc carence et, déjà, certains présidents de ces conseils sont obligés d’organiser des élections partielles pour remplacer les conseillers prud’homaux arrivés « à épuisement », car être conseiller prud’homal, ce n’est pas tous les jours facile !
Mes chers collègues, vous aurez donc compris que cet amendement a du sens dans le cadre des élections prud’homales, dont nous aurions donc souhaité qu’elles soient avancées à 2016.
Toutefois, avec le rejet de notre amendement de suppression de l’article 1er, les dispositions du présent amendement perdent de son sens. Dès lors, madame la présidente, mes chers collègues, je ferai gagner du temps à tout le monde en le retirant.
L'amendement n° 4 est retiré.
L'amendement n° 5, présenté par Mme Emery-Dumas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
1° Remplacer les mots :
aux dispositions
par les mots :
à la dernière phrase du premier alinéa
2° Après le mot :
général,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
les affectations prévues à l’article L. 1423-10 du code du travail en cas de difficulté provisoire de fonctionnement d'une section peuvent être renouvelées au-delà de deux fois.
La parole est à Mme la rapporteur.
Il s'agit d’un amendement de clarification juridique.
Le premier alinéa de l’actuel article L. 1423-10 du code du travail dispose que « lorsque le président du conseil de prud'hommes constate une difficulté provisoire de fonctionnement d'une section, il peut, après avis conforme du vice-président, sous réserve de l'accord des intéressés, affecter temporairement les conseillers prud'hommes d'une section à une autre section pour connaître des litiges relevant de cette dernière. Ces affectations sont prononcées pour une durée de six mois renouvelable deux fois dans les mêmes conditions. »
L’article 2 du présent projet de loi vise les dispositions de cet alinéa, mais il assouplit une de ses modalités d’application en prévoyant que les affectations temporaires peuvent être renouvelées au-delà de deux fois jusqu’à la date du prochain renouvellement général des conseils de prud’hommes.
Or la rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l'article 2 peut être source de confusion, car il est indiqué que le projet de loi déroge aux dispositions de l’article L. 1423-10 du code du travail, tout en prévoyant explicitement d’appliquer son premier alinéa.
C’est pourquoi, au travers du présent amendement, nous proposons une rédaction qui ne modifiera pas l’intention initiale du Gouvernement, mais qui clarifiera juridiquement le dispositif et permettra d’appliquer l’ensemble des autres dispositions de droit commun de l’article L. 1423-10 du code du travail.
Nous nous rallierons à l'amendement de Mme la rapporteur, dans la mesure où la possibilité d’un renouvellement au-delà des deux fois six mois apporte une réponse concrète à un problème qui nous est remonté du terrain et que, ici, chacun a identifié. En effet, certaines situations se révéleront complexes, et de nombreux présidents de conseils de prud’hommes sont d’ores et déjà inquiets.
Le groupe UMP votera donc cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'article 2 est adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
Le groupe CRC prend acte du rejet de ses amendements. Et comme nous l’avions annoncé, nous voterons contre ce projet de loi.
Je ne reviendrai pas sur les arguments déjà développés par les membres de notre groupe – par moi-même, dans la discussion générale, ou par mes collègues Annie David et Laurence Cohen.
Ce texte, finalement, est un rendez-vous manqué. Les organisations syndicales qui siègent au Conseil supérieur de la prud’homie, de la CGC à la CGT, en passant par Force ouvrière et par l’UNSA, n’ont pas manqué de formuler des propositions pour rendre ce scrutin des prud’hommes plus efficace et moins complexe.
Force est de constater qu’elles n’ont pas été entendues. La CGT, notamment, réclame depuis 2008 la création d’une commission ad hoc pour faire étudier objectivement ces propositions. Si elles sont mauvaises, des arguments le démontreraient, et si elles sont bonnes, d’autres arguments les appuieraient… Or il n’a pas été possible, pour les organisations syndicales, de faire étudier des propositions se posant en alternative à une proposition qui est tout de même grave, puisqu’il s'agit de la suppression d’un droit démocratique, l’élection !
Par ailleurs, nous, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, nous entendons souvent dire que nous sommes passéistes, que nous ne voulons rien changer. Mais nous ne sommes pas pour le statu quo !
Les organisations syndicales ont énoncé des propositions fort intéressantes. Je me contenterai de citer la proposition de la CGT d’organiser l'élection sur le lieu de travail, en lien avec les institutions représentatives du personnel, d’organiser dans les mairies le scrutin pour les chômeurs et les retraités – il est effectivement important que les chômeurs puissent s'exprimer –, et de mettre en place un scrutin beaucoup plus simple que le scrutin par section – il est possible, nous dit-on, d’organiser un scrutin unique, quitte à ce que le syndicat ventile ensuite les élus entre chacune des cinq sections.
Je crois donc que nous avons fait œuvre de démocratie en organisant, ce matin, une conférence de presse pour donner la parole aux syndicats et pour écouter leurs arguments, et cela sans se cantonner au sujet des élections, d'ailleurs.
En effet, M. le ministre l’a rappelé, la France a été condamnée soixante et onze fois pour ses délais de justice excessifs. Or les représentants syndicaux que nous avons écoutés ce matin nous ont, eux, rappelé que la réduction continuelle des moyens résulte des gouvernements successifs, qu’il s'agisse du nombre de greffiers ou du contingentement du temps consacré à chaque dossier, obligeant aujourd'hui les conseillers prud’homaux à prendre sur leur temps personnel pour se faire une opinion et étudier convenablement les litiges.
Alors que les conseils prud’homaux ont beaucoup de mal à réunir le quorum de leurs membres, la prorogation de leurs mandats jusqu'en 2017 va encore accroître les difficultés que rencontrent les conseillers salariés à respecter leurs engagements.
En effet, les listes des conseillers élus depuis 2008 arrivent à un point de rupture, et l’on nous dit que les présidents de tribunaux sont – ou vont être – dans l'obligation de réfléchir à l'organisation d'élections complémentaires après épuisement des possibilités de transfert d’une section à l’autre…
C'est un comble que des élections complémentaires doivent être organisées alors que l’on nous propose un texte qui supprime ces élections !
La vérité, il faut la dire : ce texte s'inscrit dans un ensemble de projets que l’on ne peut ignorer et qui, tous – ce n’est pas un hasard ! –, visent à affaiblir les mécanismes de protection des salariés. Sans les énumérer tous, je pense au décret sur l’inspection du travail, au projet de relever sensiblement les seuils sociaux, ce qui privera nombre de salariés de délégués du personnel ou de comité d’entreprise, ou bien encore le texte sur la modernisation de la vie des entreprises, que nous étudierons bientôt.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que le délai moyen de traitement des dossiers prud’homaux était, en moyenne, de 12 mois. Comme vous, nous pensons que ce délai est trop long. Toutefois, à qui la faute ? Nous pensons d'abord aux politiques d’austérité, dont j'ai parlé à l’instant, qui ont considérablement réduit les moyens budgétaires. Je rappellerai aussi, pour être juste, la suppression de 25 % du nombre des conseils prud’homaux décidée par Mme Dati, sous la présidence de M. Sarkozy.
En conséquence, nous nous opposons à ce projet de loi, qui affaiblit la légitimité des conseillers prud’homaux. Pour autant, je le répète, nous ne sommes pas pour le statu quo et nous renouvelons notre demande que soit ouvert un véritable débat associant toutes les organisations syndicales, pour trouver les meilleures réponses possible afin d’améliorer le fonctionnement quotidien des conseils de prud’hommes.
Des solutions existent, qui doivent absolument préserver l’originalité de cette juridiction dans le cadre de la parité et de l’électivité. C'est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, nous ne voterons pas ce projet de loi – notre position ne vous surprendra pas.
On pourrait longtemps discuter de l’aspect financier. Quand on fait des économies et que l’on redistribue l’argent ainsi économisé, il faut choisir les dépenses que l’on vise, et tout dépend alors de leur nature !
Si ces économies sur les dépenses servent à augmenter les dividendes des actionnaires, ce n’est pas un bon choix, et l’on peut parfois penser que le CICE – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, c'est cela ! En revanche, s'il s'agit de développer l’activité locale, par exemple en donnant des dotations aux départements ou aux régions afin de favoriser un ensemble d’investissements pour des entreprises de proximité, c'est plutôt une bonne chose…
Il ne s'agit donc pas de dire qu’il ne faut pas de dépenses, mais plutôt de s'interroger sur leur nature et sur la façon dont elles améliorent le tissu économique. Néanmoins, je ne m'attarderai pas davantage sur ce point, car nous aurons l’occasion d’en discuter de nouveau.
À mes yeux, l’aspect le plus important de ce projet de loi, dont je ne sais s’il est une initiative du gouvernement actuel ou s’il était déjà dans les cartons du gouvernement précédent, porte sur la démocratie sociale.
Aujourd’hui, on nous dit que la démocratie sociale implique moins d’élections. Or je ne suis pas d’accord, mes chers collègues ! J’ignore si je serai traité de passéiste, mais je dirai que les gens ont envie de donner leur avis de plus en plus souvent. Ils ne veulent plus accorder de délégation pour 5, 8 ou 9 ans. Ils souhaitent donner leur point de vue et participer régulièrement.
La démocratie sociale se construit. Or limiter la consultation à une seule élection pendant cinq ans ne participe pas d’une telle construction !
Au niveau local, on construit grâce à une élection ; au niveau national, l’élection est l’occasion de présenter des projets différents. Voilà ce qu’est la construction de la démocratie sociale.
À cet égard, nous étions prêts, à l’instar de nos collègues du groupe communiste, …
… à discuter des modalités. Comment devons-nous associer les gens ?
Par ailleurs, et c’est le second point, il y a une différence entre la démocratie sociale et la démocratie politique. En effet, les syndicats représentent les intérêts des salariés, lesquels choisissent celui qui les représente le mieux.
Seulement, mes chers collègues, force est de constater que ce projet de loi tend à exclure les précaires et les chômeurs ! Les plus défavorisés ne peuvent pas participer à cette démocratie sociale en donnant leur point de vue sur les orientations sociales du Gouvernement ou de la nation. C’est tout de même aberrant ! Consciemment, on dit que les plus pauvres, ceux qui souffrent le plus, même s’ils sont moins nombreux, ne peuvent pas donner leur avis. C’était un droit constitutif de la démocratie sociale, et on le leur refuse !
Il aurait fallu prévoir des modalités pour qu’ils soient associés. Certes, la vie n’est plus rectiligne et on n’occupe pas le même emploi pendant 40 ans ; on vit des périodes de chômage, de précarité, définitives pour certains, ce qui n’empêche pas d’avoir envie d’être représenté et défendu par des syndicats ayant différents points de vue.
En l’espèce, on oppose une fin de non-recevoir aux chômeurs ; quant aux précaires, on a l’air de leur dire qu’il faut laisser ces choses trop sérieuses aux salariés des grandes entreprises. Certes, il est normal que ces derniers aient leur mot à dire dans le cadre de la démocratie sociale, mais exclure de ce champ les chômeurs et les précaires est une décision très grave !
Ne serait-ce que pour cette raison, l’ensemble des sénatrices et sénateurs écologistes votera contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.
Je tiens tout d’abord à réitérer notre attachement aux conseils de prud’hommes. Je le fais avec un peu de solennité, car j’ai eu le sentiment, à certains moments, que l’on nous faisait un mauvais procès en nous accusant pratiquement d’être sur le point de supprimer ces juridictions.
Soyons clairs : l’institution des conseils de prud’hommes est pour nous un acquis social, une conquête sociale qui, comme cela a été rappelé, plonge ses racines dans la Révolution française. À nos yeux, elle est à placer sur le même plan que la médecine du travail ou l’inspection du travail.
Pour preuve de cet attachement, je voudrais rappeler, après avoir écouté tous les orateurs, que j’ai été le seul à m’inquiéter des conditions de fonctionnement et de formation des conseillers prud’homaux, puisque j’ai demandé à M. le ministre s’il était possible de faire un effort financier dans ce domaine, par exemple en recyclant dans l’aide à la formation les économies réalisées grâce à ce texte.
De grâce, que l’on ne nous fasse pas de mauvais procès en nous accusant de vouloir attenter à la démocratie sociale !
Par ailleurs, quels sont les débats qui nous ont opposés, ou en tout cas occupés, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi ? À mon sens, ils sont au nombre de trois : la question de la légitimité ; le problème de l’exclusion d’un certain nombre de catégories sociales ; la question tout aussi fondamentale du fonctionnement de la démocratie, tout particulièrement de la démocratie sociale.
Je ne reviendrai pas sur la question de la légitimité, car tout a été dit à cet égard.
S’agissant de l’exclusion d’un certain nombre de catégories, notamment les chômeurs et les précaires, qui ont été mis en avant au cours du débat, je veux rappeler à M. Desessard, qui ne sera peut-être pas d’accord avec moi, que les organisations syndicales ont vocation à représenter les chômeurs et les précaires !
Si vous pensez, mon cher collègue, que les organisations syndicales ne se préoccupent que de ceux qui ont un emploi en laissant tomber les chômeurs et les précaires, je vous laisse libre de votre appréciation, mais sachez que telle n’est pas ma conception. Je tenais à vous le faire savoir.
Enfin, le dernier débat a trait à la démocratie. Nous nous préoccupons aujourd’hui concrètement des modalités selon lesquelles les conseillers prud’hommes vont recevoir leur mandat. Telle est la question qui nous est posée.
Certains disent qu’il faut une élection. Or aux termes de ce texte, il y a déjà une élection, à savoir celle qui assure la représentativité des organisations syndicales.
Monsieur Desessard, il n’a donc jamais été envisagé de remettre en cause la légitimité des conseillers prud’hommes, qu’ils tirent – j’y insiste – d’un processus électoral.
Pour ma part, étant quelque peu pragmatique et soucieux de la manière dont les conseils de prud’hommes fonctionnent et des moyens qui leur sont accordés, je préfère franchement recycler le coût de cette élection, soit 100 millions d’euros tous les cinq ans, ce qui n’est pas une bagatelle, dans la formation et l’amélioration du fonctionnement de ces juridictions.
Enfin, monsieur Desessard, puisque vous m’avez interpellé vivement à deux reprises, en tant que collègue au Conseil de Paris, en sous-entendant que je tenais des propos scélérats, permettez que je vous lise la page 45 du rapport de Jacky Le Menn, où figure la retranscription de l’audition des organisations syndicales : « Il ne nous paraît pas que l’évolution vers la désignation porte atteinte à la démocratie. La réforme envisagée constitue au contraire un progrès démocratique. »
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Madame Cohen, permettez-moi de terminer mon explication de vote ! Je poursuis ma lecture du rapport : « La démocratie ne se mesure pas au nombre d’élections proposées aux salariés, mais à leur cohérence d’ensemble. »
Ces propos, que j’ai tenus à la tribune, en m’inspirant du rapport, ont semblé vous scandaliser, mais ils ont bel et bien été tenus par la secrétaire nationale d’une grande confédération syndicale qui, elle, monsieur Desessard, est représentative.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.
J’ai quelque peu l’impression que nous avons eu un débat théologique autour du principe de l’élection. À mon avis, il faut regarder ce qui se passe dans la vie réelle. Si nous comparions le nombre de candidats et le nombre de postes de conseillers prud’homaux à pourvoir, nous verrions que nous nous rapprochons plus d’une cooptation que d’une véritable élection telle que nous en connaissons dans la vie politique.
À cet égard – permettez-moi d’ouvrir une parenthèse à l’intention de nos collègues de la majorité gouvernementale, qui ont apporté leur soutien à la suppression d’élections politiques –, j’estime que revenir sur le panachage dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants est bien davantage de nature à priver de choix les citoyens, qui l’ont d’ailleurs très mal vécu !
J’en reviens au texte qui nous occupe. Le système proposé n’est pas parfait, mais il n’est pas aberrant non plus.
Nos collègues du groupe CRC ont avant tout fait référence à la position de l’une des organisations syndicales, mais, si l’on examine le point de vue des autres, force est de constater tout de même qu’un consensus s’est dégagé.
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Il faut tout de même raison garder.
Monsieur le ministre, je regrette qu’un certain nombre de questions soient néanmoins restées pendantes, notamment s’agissant des rumeurs de regroupement des sections ayant « le moins de travail » ou de la mesure de l’audience à prendre en compte au niveau soit territorial, soit national.
Toutefois, je ne voudrais pas terminer cette explication de vote sans saluer les femmes et les hommes qui s’engagent dans cette fonction de conseiller prud’homal, laquelle est exigeante et prend du temps, pour les représentants des salariés comme pour ceux des employeurs.
Nous sommes conscients que certains d’entre eux sont à bout, le mandat ayant tendance à s’allonger, avec des conditions de travail qui semblent « se durcir » entre collègues. Il nous faut éviter de laisser cette situation s’aggraver, car les conseils de prud’hommes doivent avant tout s’attacher à l’examen de chaque dossier individuel au fond. Chacun doit sortir de ses postures, ce qui est aussi l’objectif de ce texte.
Comme je l’avais annoncé lors de la discussion générale, le groupe UMP s’abstiendra sur ce texte.
Mon explication de vote sera simple. Tout à l’heure, au cours de la discussion générale, j’ai indiqué que le groupe UDI-UC voterait pour ce texte.
Je tiens aussi à dire solennellement, dans le droit fil des discussions que nous venons d’avoir, que nous ne remettons évidemment pas en cause l’institution du conseil des prud’hommes.
Il s’agit ici du mode d’élection des conseillers prud’hommes. Or, malheureusement, la démonstration vient d’être faite que celui-ci était imparfait. Nous avons tous pu constater dans nos mairies le peu de participation que ces élections suscitent et les difficultés d’organisation qu’elles représentent.
Peut-être y avait-il d’autres organisations possibles ? Je veux bien l’entendre, et c’est la raison pour laquelle nous serons très attentifs, monsieur le ministre, au contenu de ces ordonnances, lesquelles ne seront pas simples à rédiger, d’un point de vue tant technique que réglementaire.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
À l’expérience, nous verrons si la démocratie sociale n’y gagne pas réellement, car s’il y a bien des élections qui sont représentatives de toutes les forces sociales dans le pays, ce sont bien les élections professionnelles, telles qu’elles sont organisées aujourd’hui.
Pour reprendre la discussion sur les organisations syndicales et répondre au reproche qui nous est fait de ne prendre en considération qu’un seul syndicat parmi ceux qui ont été auditionnés, je vous invite à mon tour, comme l’a fait notre collègue Jean-Pierre Caffet, à lire le rapport de Jacky Le Menn, qui est très complet et qui reprend l’ensemble des auditions que nous avons organisées.
J’ai participé à ces séances et je puis vous dire que, sur les cinq organisations syndicales salariales, deux ont manifesté leur accord pour aller vers une désignation ; une a fait connaître ses réticences en déclarant, tout en prenant acte du choix du Gouvernement d’aller vers une désignation de la représentation prud’homale, qu’elle s’interrogeait sur le respect de la démocratie sociale ; enfin, les deux dernières nous ont fait savoir leur opposition à ce texte.
Par ailleurs, si les organisations syndicales patronales ont exprimé leur accord, d’autres syndicats, notamment de magistrats et d’avocats, ont montré leur désaccord avec ce mode de désignation. Je tenais donc à rétablir les faits et à rappeler qu’il y a plus d’une organisation qui est opposée à ce projet.
Quant au mode actuel d’élection, il est évidemment imparfait, et notre collègue Dominique Watrin a proposé des améliorations. En effet, cette élection attire moins de 30 % des électeurs inscrits, ce qui ne saurait être une source de satisfaction, et 5 % des demandeurs d’emploi seulement sont inscrits sur les listes électorales. Un important travail législatif restait donc à faire pour améliorer l’organisation des élections prud’homales.
Cependant, les législateurs que nous sommes ne doivent en aucun cas accepter que cette modification du mode de désignation des conseillers prud’hommes se fasse par voie d’ordonnance. Jean-Marie Vanlerenberghe a dit qu’il accorderait une attention extrême à la rédaction de cette ordonnance, mais nous en ferons autant, rassurez-vous, monsieur le ministre ! Toutefois, le texte du projet de loi indique bien que ces nouveaux conseillers prud’hommes seront désignés et non plus élus.
Quelles que soient les modalités d’organisation de cette désignation, nous ne pouvons en accepter le principe. Les collègues de mon groupe s’étant déjà exprimés, je ne reprendrai pas leurs arguments sur la nécessité de conserver une réelle représentativité à ces conseils de prud’hommes, dont le rôle reste essentiel à l’échelon national.
De notre point de vue, leur représentativité est différente de celle des organisations syndicales, mesurée en application des deux textes que nous avons adoptés en 2010 et en 2014 et qui sont relatifs respectivement aux organisations syndicales de salariés et aux organisations syndicales patronales. Monsieur le ministre, il nous semble qu’il s’agit de deux niveaux de représentativité différents : en recourant à une désignation sur la base de l’audience des organisations syndicales mesurée lors des élections professionnelles, vous niez la spécificité des conseillers prud’homaux.
J’ai retiré en séance le deuxième amendement de notre groupe relatif à la prorogation du mandat des conseillers prud’homaux en place, parce que nous espérions – peut-être sommes-nous de doux utopistes ! – un sursaut du Sénat, dans l’hypothèse où une majorité de nos collègues aurait adopté notre amendement de suppression de l’article 1er. Tel n’a pas été le cas, et nous le regrettons.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes donc opposés à l’adoption de ce projet de loi, madame la présidente.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la désignation des conseillers prud’hommes dans le texte de la commission, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 1 :
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage (projet n° 677 [2013-2014], texte de la commission n° 738 [2013-2014], rapport n° 737 [2013-2014]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour aborder un sujet qui ne souffre aucune polémique partisane – l’adoption à l’unanimité de ce projet de loi d’habilitation par la commission en atteste, et j’en suis heureux.
Oui, le premier projet de loi que j’ai l’honneur de présenter devant vous est un projet de loi d’habilitation. J’aurais préféré qu’il en soit autrement, mais chacun comprend, je le crois, la nature spécifique de ce texte, qui consiste à adapter notre législation nationale au nouveau code mondial antidopage. La voie de l’ordonnance se justifie, parce que nous devons agir vite, avant le 1er janvier 2015, et parce que ce texte technique fait l’objet, me semble-t-il, d’un large consensus.
Il nous faut agir vite, car la France veut se montrer exemplaire dans la lutte contre le dopage, et je sais à quel point le Sénat s’est investi sur ces questions.
Notre pays s’est engagé à respecter les principes du code mondial antidopage en signant la convention internationale contre le dopage dans le sport de l’UNESCO du 19 octobre 2005, dont la ratification a été autorisée à l’unanimité par le Parlement.
Nous voulons évidemment respecter nos engagements internationaux, d’autant plus que Valérie Fourneyron, mon prédécesseur, a été investie, le 1er janvier 2013, par les États parties du Conseil de l’Europe pour les représenter au sein du comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA. Je saisis cette occasion pour saluer l’investissement de Valérie Fourneyron sur ces questions, ainsi que sa récente élection à la présidence du comité santé, médecine et recherche de l’agence.
Outre cette exigence de rapidité, le recours à l’ordonnance se justifie par la nature particulièrement technique de ce texte.
Les modifications apportées au code mondial antidopage ne corrigent pas l’économie générale de la lutte contre le dopage, mais visent à renforcer l’efficacité du contrôle et à élargir la gamme des sanctions : un équilibre entre prévention et répression. L’absence d’amendement sur ce texte tend d’ailleurs à montrer qu’il n’est pas l’occasion de revoir en profondeur notre législation.
Les dernières modifications du code mondial n’impliquent pas systématiquement de rectification législative, mais elles en entraînent tout de même un certain nombre de corrections – sept principalement – à effectuer en priorité, que je souhaite vous présenter dans les meilleurs délais.
La première priorité est l’aide substantielle à la découverte d’infractions.
La commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité de la lutte contre le dopage, dont le rapporteur était Jean-Jacques Lozach, que je salue, a bien montré que l’avenir de la politique de la lutte contre le dopage résidait dans l’utilisation de modes de preuves non analytiques.
Demain, les témoignages et les échanges d’informations seront au moins aussi importants que les contrôles urinaires ou sanguins. L’affaire Lance Armstrong, que chacun a en mémoire, a montré que ce sportif avait été sanctionné avant tout sur la base de témoignages confondants d’anciens coéquipiers et soigneurs.
Pour faciliter les enquêtes, le nouveau code mondial élargit ainsi les possibilités d’aménager les sanctions des sportifs.
Il s’agit d’encourager les sportifs, mais aussi tous les autres acteurs, à fournir ce que l’on appelle « une aide substantielle » permettant de découvrir une violation des règles antidopage ou une infraction pénale. À cette fin, des sursis seront autorisés en fonction de la nature et de la qualité de la coopération des sportifs. Aujourd’hui, le code du sport ne prévoit pas de disposition mettant en œuvre ces stipulations du code mondial antidopage. Il devra donc être modifié dans ce sens.
La deuxième priorité est la délivrance des autorisations à usage thérapeutique.
Aujourd’hui, seules les fédérations internationales et les organisations nationales antidopage, les ONAD, sont habilitées à délivrer des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques pour les sportifs relevant de leur champ. Avec le nouveau code mondial, les organisations responsables de grandes manifestations auront également cette compétence.
La troisième priorité est l’allongement du délai de prescription. C’est une évolution importante, qui aura des conséquences sur notre code du sport : le délai de prescription des actions disciplinaires, qui était de huit ans, est désormais porté à dix ans. Cela permettra d’utiliser au mieux les nouvelles techniques d’analyse sur les échantillons prélevés dans des compétitions antérieures.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la peur du gendarme, en l’occurrence celui du futur, est l’un des outils pour sécuriser les manifestations au présent. Le CIO s’attache ainsi à conserver de très nombreux prélèvements pour des analyses postérieures régulières.
La quatrième priorité est l’interdiction intimée aux sportifs de solliciter des personnes ayant fait l’objet de sanctions. Le code mondial et notre code du sport identifient les infractions qui peuvent être commises par les sportifs : détenir ou tenter de détenir, sans raison médicale dûment justifiée, une ou plusieurs substances ou méthodes interdites ; utiliser ou tenter d’utiliser une ou des substances ou méthodes interdites ; participer ou tenter de participer à un trafic.
Une autre infraction est prévue par le nouveau code mondial : s’associer à une personne qui a fait l’objet d’une sanction prononcée par une fédération ou une organisation nationale de lutte antidopage, ou encore à titre pénal. Là encore, c’est essentiel dans la prévention du dopage.
Trop de sportifs ont encore, dans leur encadrement, des personnes qui font ou ont fait l’objet d’une sanction antidopage. Cela ne peut pas durer et les fédérations doivent pouvoir prévenir ce type d’associations dangereuses entre sportifs et dopeurs. Le code du sport devra être modifié pour intégrer, à l’article L. 232-9, cette évolution.
La cinquième priorité est la création d’une nouvelle infraction : la complicité en matière de trafics de substances ou méthodes dopantes. Le nouveau code mondial antidopage 2015 crée une nouvelle infraction destinée aux personnes qui se seront rendues complices, soit d’un sportif qui a détenu ou tenté de détenir, a fait usage ou tenté de le faire, d’une méthode ou substance interdite, ou s’est soustrait ou a tenté de se soustraire à un contrôle, soit d’une personne qui a participé ou tenté de participer à un trafic.
La complicité est entendue dans le code mondial comme l’assistance, l’incitation, la contribution, la conspiration, la dissimulation ou toute autre forme de relation qui revêt un caractère intentionnel, conduisant à une violation ou une tentative de violation des règles antidopage. La sanction possible est comprise entre deux ans et quatre ans de suspension en fonction de la gravité de l’infraction.
La sixième et avant-dernière mesure à transposer concerne l’implication des fédérations sportives nationales et du personnel d’encadrement du sportif dans les enquêtes menées par l’Agence française de lutte contre le dopage.
Avec le nouveau code mondial, les fédérations internationales sont tenues d’exiger des fédérations nationales qu’elles communiquent à leur organisation nationale de lutte antidopage, ainsi que, naturellement, à la Fédération internationale, toute information sur une violation d’une règle antidopage et qu’elles coopèrent aux enquêtes menées par l’ONAD ou la Fédération internationale.
Le code du sport intégrera, par conséquent, une nouvelle disposition législative imposant aux fédérations sportives de signaler à l’Agence française de lutte contre le dopage et à la Fédération internationale dont elles relèvent tout manquement aux dispositions relatives à la lutte contre le dopage.
Là encore, il s’agit à la fois d’améliorer l’échange d’informations et de protéger le sportif d’un entourage potentiellement dangereux, potentiellement néfaste. La coopération de tous est la clef de la réussite de la lutte contre le dopage.
La septième et dernière mesure concerne les contrôles antidopage effectués au domicile du sportif entre 21 heures et 6 heures du matin. Contrairement à la réglementation en vigueur, le code mondial prévoit désormais que « tout sportif peut être tenu de fournir un échantillon à tout moment et en tout lieu ».
Cette disposition implique la possibilité pour les personnes habilitées à procéder aux contrôles d’accéder au domicile du sportif, notamment de 21 heures à 6 heures du matin. L’évolution de l’article L. 232-14 du code du sport qui s’ensuivra devra donc s’opérer dans le respect du principe constitutionnel de l’inviolabilité du domicile.
Ce sujet est délicat juridiquement et nous impose des consultations complémentaires. Dès que celles-ci seront abouties, je m’engage à ce que le projet d’ordonnance soit transmis pour information aux parlementaires.
Voilà, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales évolutions qu’entraînera l’ordonnance. Elles ne devraient pas susciter de controverse. En effet, quelle que soit la travée sur laquelle nous siégeons, nous nous accordons pour considérer que le dopage est un danger sanitaire et un fléau moral. Ces dispositions, qui visent à lutter plus efficacement contre cette dérive, vont dans le bon sens. Les sportifs doivent être protégés, du haut niveau jusqu’aux amateurs, des amateurs jusqu’au haut niveau.
D’autres mesures sont prises parallèlement, dans le même objectif.
À la suite des préconisations du rapport d’enquête du Sénat sur l’efficacité de la lutte contre le dopage publié en juillet 2013, les anciens correspondants régionaux sont désormais des correspondants interrégionaux antidopage, ou CIRAD, au nombre de treize.
Ils sont spécialisés et uniquement affectés à la lutte contre le dopage. Ils sont au cœur de l’échange d’informations entre les acteurs de l’antidopage : autorités sportives, de lutte contre le dopage, de police ou de gendarmerie, aux échelons national et international.
En matière de dopage, le sentiment de défiance est un ogre qui se nourrit de chaque affaire, de chaque manquement, de chaque suspicion. Il est insatiable et, plus il mange, plus il forcit ! L’objectif de cette transposition est de le mettre à la diète.
Dans tous les domaines, nous devons mettre en place les règles et les procédures qui rassurent nos concitoyens quant au respect des valeurs de justice et de probité, a fortiori par ceux dont la fonction ou la popularité confie une responsabilité supplémentaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que vous adopterez ce texte à l’unanimité et que je pourrai rapidement revenir devant la représentation nationale avec un projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE. – M. Claude Kern applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a déposé au début du mois de juillet dernier un projet de loi l’habilitant à prendre les mesures relevant du domaine de la loi, mesures nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du nouveau code mondial antidopage.
Ce nouveau code a été adopté lors de la quatrième conférence mondiale sur le dopage dans le sport qui s’est tenue en novembre 2013 à Johannesburg, en Afrique du Sud. Il s’agit de la troisième version de ce code, qui a été adopté pour la première fois en 2003. Il est prévu qu’elle entre en vigueur le 1er janvier 2015.
Ce projet de loi, que votre commission de la culture, de l’éducation et de la communication a examiné le 16 juillet dernier, pose un certain nombre de questions. En premier lieu, quelle est la portée juridique de cette nouvelle version du code mondial antidopage ? Faut-il la transcrire dans notre droit interne et, dans l’affirmative, dans quel délai ? En deuxième lieu, quels sont les apports de ce nouveau code mondial antidopage ? En troisième lieu, quels sont les éventuels risques que pourrait présenter ce texte ? Enfin, quelles sont les principales dispositions qui devraient figurer dans l’ordonnance et quelle a été la position de votre commission à l’issue de l’examen de ce projet de loi ?
En ce qui concerne, tout d’abord, la portée du nouveau code mondial antidopage et la nécessité de le transcrire dans notre ordre juridique interne, il convient de rappeler que le statut du code mondial antidopage est particulier, puisque, selon les termes mêmes de la convention internationale de lutte contre le dopage dans le sport signée à Paris le 19 octobre 2005 et ratifiée par la loi n° 2007-129 du 31 janvier 2007, « les États parties s’engagent à adopter des mesures appropriées [...] conformes aux principes énoncés dans le code mondial antidopage » et « à respecter les principes énoncés dans le code ». Cela signifie que le texte du code ne fait pas partie intégrante de la convention et ne crée aucune obligation contraignante en droit international pour les États parties.
Concernant les délais de transcription, cela signifie également qu’il n’y a pas d’obligation pour la France de transcrire dans son droit interne les dispositions nouvelles du code mondial antidopage au 1er janvier 2015, date de son entrée en vigueur.
On peut rappeler à cet égard que, dans le passé, le législateur n’a pas hésité à surseoir à la transcription des précédentes versions du code. Ainsi, la version du code entrée en vigueur le 1er janvier 2009 n’est devenue pleinement effective que deux ans plus tard, à la suite de l’adoption de l’ordonnance du 14 avril 2010 et à la publication du décret du 13 janvier 2011.
Si la transcription du nouveau code n’est donc pas une obligation juridique, elle n’en demeure pas moins, à nos yeux, une nécessité politique, et j’oserai même dire éthique, morale, déontologique.
La lutte contre le dopage est devenue une nécessité universelle, ne serait-ce que pour protéger nos propres sportifs à la fois d’une concurrence déloyale et de la tentation de se délocaliser sous des cieux moins regardants. L’exemplarité de la France et de l’Europe dans l’application des règles internationales constitue la meilleure garantie pour inciter l’ensemble des autres pays signataires de la convention de 2005 à être eux-mêmes irréprochables.
La transcription des principes du nouveau code antidopage en droit français apparaît d’autant plus nécessaire que la France accueillera le mois prochain sur son sol le comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage, comité auquel appartient, comme représentante de l’Europe, Valérie Fourneyron, ancienne ministre en charge des sports.
Après avoir évoqué la question de la portée du nouveau code et de son délai de transcription, j’en arrive à l’interrogation concernant son intérêt et ses apports. À ce sujet, on peut observer que les modifications apportées au nouveau code mondial ne changent pas l’économie générale du dispositif, mais visent, selon l’exposé des motifs du projet de loi, à « renforcer l’efficacité du contrôle et à élargir la gamme des sanctions, tout en veillant à leur proportionnalité ».
Les modifications apportées sont trop nombreuses pour être toutes citées. La plupart sont d’ailleurs très techniques et ne nécessitent pas de transcription législative.
Mes chers collègues, permettez-moi néanmoins d’évoquer devant vous quelques-unes de ces dispositions, qui illustrent bien, à mon sens, les progrès qui ont été accomplis et l’intérêt de transcrire ce nouveau dispositif.
Concernant tout d’abord les périodes de suspension, un consensus s’est dégagé pour considérer que les tricheurs intentionnels devaient être suspendus pour une période de quatre ans. Ce principe prévu par l’article 10.2 devient donc la norme, sauf si le sportif peut établir que la violation des règles n’était pas intentionnelle.
Le nouveau code mondial antidopage met ensuite l’accent sur l’importance croissante des enquêtes et sur le recours aux renseignements pour lutter contre le dopage.
Plusieurs articles du nouveau code sont ainsi modifiés pour favoriser la coopération et les échanges d’informations entre les différentes institutions qui concourent à cette lutte. On met en particulier l’accent sur les preuves non objectives, non scientifiques, comme les témoignages, les enquêtes de police et de gendarmerie, le rôle des sportifs repentis, l’action de divers organismes, en particulier celle de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP. En bref, il s’agit d’aller bien au-delà des seuls contrôles. Je crois que, en la matière, nous avons su tirer les enseignements de l’affaire Armstrong.
N’oublions pas, en effet, que jamais Lance Armstrong n’a été contrôlé positif, tout au moins officiellement, et que ce sont surtout des témoignages qui ont conduit au dénouement de cette affaire en janvier 2013.
Enfin, le délai de prescription a été porté à dix ans, contre huit ans dans le code actuel, afin de tenir compte du fait qu’il faut aujourd’hui beaucoup de temps pour découvrir des programmes de dopage sophistiqués.
Une autre priorité du nouveau code concerne la mise en cause du personnel d’encadrement du sportif impliqué dans le dopage. Le nouveau code sanctionne ainsi les « associations interdites », termes qui désignent le fait pour un sportif de s’associer à des encadrants suspendus ou condamnés pour des faits en lien avec le dopage.
Un point essentiel concerne également la recherche d’un meilleur équilibre des rôles entre les fédérations internationales et les organisations nationales antidopage, les ONAD.
Ce point aurait sans doute mérité des développements plus importants en vue de reprendre, par exemple, les propositions formulées par la commission d’enquête sénatoriale sur le dopage, laquelle a rendu son rapport en juillet 2013. Je remercie d’ailleurs M. le ministre d’avoir mentionné ce rapport à plusieurs reprises.
Dans les faits, les prérogatives des fédérations internationales et des organisations nationales antidopage ne sont pas significativement modifiées.
On peut toutefois mentionner que le nouveau code ouvre la possibilité pour une ONAD d’effectuer des contrôles en dehors des lieux des manifestations organisées par une fédération internationale ou par une organisation responsable de grandes manifestations. Sur ce point, il existe une réelle marge de progression. Mon sentiment personnel est d’ailleurs le même pour ce qui concerne le secteur de la prévention en général, ainsi que le rôle des organisations nationales antidopage.
Au final, comme je vous le disais, les avancées sont réelles, même si elles ne sont pas révolutionnaires.
Il en est autrement des risques juridiques attachés à ce nouveau code, qui ont été soulignés tant par l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, que par le Conseil d’État. Ces risques constitutionnels, qui justifiaient toute l’attention de notre commission, sont de trois ordres et d’importance différente.
Le premier problème tient à la compétence reconnue par le nouveau code au tribunal arbitral du sport, le TAS. Comme l’indique de manière constante le Conseil d’État, il n’est pas possible de soumettre au contrôle d’une autorité internationale les décisions d’autorités nationales investies par la loi de prérogatives de puissance publique, qu’il s’agisse d’instances disciplinaires des fédérations sportives ou de l’Agence française de lutte contre le dopage.
Cette difficulté était déjà présente dans les précédentes versions du code et une solution « équivalente » en termes de garanties a été trouvée, consistant à ouvrir à l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, et aux fédérations internationales la possibilité de contester, devant la juridiction administrative, les décisions prises en matière de sanction du dopage par les instances fédérales ou par l’AFLD. L’ordonnance ne devrait donc pas transcrire dans notre droit cette disposition concernant la compétence du tribunal arbitral du sport.
La deuxième difficulté est peut-être plus sérieuse, puisqu’elle a trait à l’automaticité des sanctions prévue par l’article 10 du nouveau code mondial antidopage, automaticité qui vient heurter le principe d’individualisation des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Pour contourner cet obstacle, le Conseil d’État a estimé dans son avis que les dispositions du nouveau code devaient « être lues comme permettant d’instaurer un régime de sanction maximale », ce qui conduit à éviter tout risque d’inconstitutionnalité.
Le dernier problème est le plus considérable, puisqu’il concerne l’obligation faite par le nouveau code à tous les sportifs de se rendre disponibles pour des contrôles « à tout moment et en tout lieu ».
Si l’on comprend bien l’intérêt de ce principe de totale disponibilité pour éviter des pratiques dopantes en dehors des temps de la compétition effective, force est de reconnaître qu’il heurte de front deux principes essentiels de notre droit : l’inviolabilité du domicile, qui est constitutionnellement garantie entre vingt et une heures et six heures, et le droit au respect de la vie privée, lequel est reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme.
L’exposé des motifs, comme le texte même du projet de loi, se contente de mentionner que la transcription devrait se faire dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels, une précaution qui a été ajoutée par le Conseil d’État, mais qui reste à notre sens un peu vague. J’ai donc demandé au Gouvernement de plus amples informations sur le dispositif envisagé pour transcrire cette mesure, en laissant entendre que nous ne pouvions nous satisfaire d’un engagement trop flou sur le respect des principes constitutionnels.
Je dois saluer, à cet égard, la qualité des échanges que nous avons eus avec le cabinet du ministre et l’administration du ministère des sports. Ils ont permis que me soit transmis l’avis du Conseil d’État, lequel fixe le cadre précis de la transcription que le Gouvernement s’est engagé à respecter.
Le dispositif qui figurera dans l’ordonnance devrait ainsi prévoir que le contrôle après vingt et une heures ne pourra avoir lieu qu’avec le consentement du sportif. Je rappelle que nous sommes en l’occurrence en dehors de toute procédure judiciaire concernant, par exemple, le trafic de produits illicites ; il s’agit simplement d’un contrôle relatif à la lutte antidopage.
Ce dispositif prévoit également que le contrôle devra se limiter au prélèvement d’échantillons et qu’il devra garantir une proportionnalité entre les atteintes portées aux droits des sportifs, par exemple le droit à l’intimité, et les enjeux liés à la lutte contre le dopage.
Cette triple garantie permet, à mon sens, de lever toute inquiétude sur la constitutionnalité du dispositif et, ce faisant, sur l’ensemble de l’ordonnance à venir, les autres dispositions législatives ne posant pas de difficulté particulière.
Par ailleurs, la future ordonnance modifiera également le code du sport afin de prévoir l’extension du champ des institutions susceptibles d’accorder des autorisations d’usage à des fins thérapeutiques, les AUT, la création d’une nouvelle infraction relative à la complicité en matière de trafics de substances ou de méthodes dopantes, l’implication des fédérations sportives nationales et du personnel encadrant dans les enquêtes menées par les organisations nationales antidopage.
Comme vous pouvez le voir, le nouveau code antidopage comporte un certain nombre d’avancées et les quelques risques, réels, qu’il pouvait comporter sur le plan juridique ont été dûment circonscrits. Votre commission a donc adopté cet article unique et ce projet de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette question du dopage, nous sommes au cœur de la dimension déontologique du sport, donc au cœur d'un ensemble d’enjeux d’équité sportive, d’égalité des chances devant la performance sportive, de santé publique, mais aussi au cœur d’enjeux éducatifs, en particulier dans le domaine de la prévention, et économiques considérables ; je vous rappelle en effet que le sport représente un chiffre d’affaires mondial de l’ordre de 500 milliards d’euros, soit l’équivalent du PIB de la Suisse ou de la Suède, avec une croissance moyenne de 4 % par an. Enfin, ces enjeux sont également diplomatiques : on voit que le sport est très souvent utilisé, pour ne pas dire instrumentalisé, à des fins géopolitiques.
Face à ces enjeux, il nous faut construire une régulation éthique et financière forte. Il convient de rendre au sport toute sa place dans le débat public et politique, y compris en l’appréhendant à travers ses avatars et ses déviances, comme le dopage.
Applaudissements.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord, puisque l’occasion m’en est donnée, de rendre un hommage appuyé à notre collègue Marie-Christine Blandin, à laquelle je succède et qui a présidé pendant trois ans notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Je tiens à saluer son implication, sa disponibilité et son souci permanent de faire vivre le débat au sein de notre commission ; la préparation de ce projet de loi en est un bon exemple. Je veux également souligner sa volonté d’associer tous les membres de cette commission au travail législatif. Tout cela constituera pour moi un modèle à suivre.
Monsieur le ministre, le projet de loi qui est examiné aujourd’hui par le Sénat issu des élections du 28 septembre dernier a d’abord été étudié par notre commission de la culture, en juillet dernier, dans une autre configuration. Il s’agit, comme cela vient d’être rappelé, d’un texte important, puisqu’il vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi, afin d’assurer le respect dans le droit interne des principes du nouveau code mondial antidopage.
Comme vient de nous le rappeler notre rapporteur, il y avait une certaine urgence à légiférer, pour des raisons non pas tant juridiques que sportives, puisque la France devrait accueillir prochainement le Comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage. Il était bien sûr important que nous montrions l’exemple ; c’est tout le sens de cette première lecture au Sénat, et nous partageons cet objectif.
Si nous devons légiférer dans l’urgence, c’est aussi parce que le Gouvernement a renoncé, jusqu’à présent, à déposer au Parlement un véritable projet de loi d’orientation sur le sport. Maintes fois annoncé depuis 2012, ce texte aurait permis de traiter de nombreux aspects de notre politique de lutte contre le dopage au-delà du périmètre, par nature limité, de la transposition en droit français du nouveau code mondial antidopage. Permettez-moi, monsieur le ministre, de regretter cette occasion manquée.
Je ne reviendrai pas sur la présentation que vient de faire le rapporteur, notre collègue Jean-Jacques Lozach, des conclusions auxquelles nous sommes arrivés. Je souhaite plutôt évoquer les conditions dans lesquelles nous avons travaillé, ainsi que l’état d’esprit qui est le nôtre en ce début de session et auquel nous resterons fidèles à l’avenir.
Le rôle du Sénat est d’abord d’être un bon législateur, et nous serons attentifs à examiner les projets de loi en ayant comme seule boussole l’intérêt général et la constance dans la défense de nos principes.
En l’espèce, vous savez que le Sénat a toujours été très engagé dans la lutte contre le dopage, qui doit constituer pour nous une priorité. Nous ne changerons pas d’avis à l’avenir et vous pouvez compter sur les sénateurs afin de vous apporter tout le soutien nécessaire pour continuer à renforcer, à la fois, les outils juridiques et les moyens à la disposition des services compétents pour défendre l’honneur et la vérité du sport.
En contrepartie – si j’ose dire, monsieur le ministre ! –, nous espérons également que vous serez attentif à accorder toute l’attention qu’ils méritent aux travaux du Sénat. Je pense en particulier à ceux de la commission d’enquête sur le dopage dont Jean-Jacques Lozach était le rapporteur et Jean-François Humbert le président. Celle-ci a rendu en juillet 2013 un rapport très remarqué, assorti de nombreuses propositions qui, pour l’essentiel, restent encore à mettre en application.
Nous formons le vœu que les travaux du Sénat, qui illustrent la diversité politique de notre assemblée, mais également des convictions partagées, puissent être mieux pris en compte par le Gouvernement. En effet, c’est essentiel pour que le bicamérisme demeure une force pour nos institutions.
Concernant le sport, le Sénat est convaincu qu’il s’agit à la fois d’un secteur d’excellence, dans lequel notre pays doit investir davantage en se dotant d’un modèle économique adapté, et d’une activité porteuse de valeurs et d’exemplarité qu’il convient de défendre.
Vous le savez, mes chers collègues, il n’est jamais facile pour le Parlement de se dessaisir de son pouvoir législatif pour le confier, même temporairement, au Gouvernement, et ce d’autant plus que cette ordonnance devrait comporter des dispositions qui ne seront pas sans conséquence sur l’exercice de certaines libertés publiques, un domaine dans lequel le Sénat considère avoir une responsabilité particulière.
Toutefois, il nous a semblé que la qualité de nos échanges sur ce texte dans le cadre de la préparation de son examen en commission, comme le souci qui est le nôtre de travailler avec vous de manière intelligente, justifiait que le Sénat adopte ce projet de loi.
À cet égard, je souhaite remercier notre rapporteur d’avoir veillé à ce que le Gouvernement s’engage sur les garanties que nous souhaitions que l’ordonnance comporte pour être pleinement conforme aux principes de notre droit.
Applaudissements.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de saluer les nouveaux venus dans cet hémicycle, notamment ceux que nous voyons pour la première fois.
Par ailleurs, qu’il me soit permis de souligner ce que d’autres rappelleront sans doute après moi et qui a été anticipé par M. le ministre : les parlementaires n’aiment pas se dessaisir d’une de leurs deux prérogatives... C’est humain ! Néanmoins, si la forme de ce texte laisse à désirer, le fond nous convient, et il y a urgence à agir.
Le dopage est une pratique qui n’est plus admissible. Le sport professionnel doit être clean, sans dopage ni dopés. Les progrès de la chimie et des techniques modernes permettent de mettre en place des systèmes de plus en plus inventifs et nocifs pour la santé, et ce dans tous les pays.
La France se félicite souvent – à tort ou à raison – d’être précurseur dans la lutte contre le dopage. Il nous semble important ici de souligner à quel point les pratiques de dopage sont également liées à des pratiques et des économies mafieuses, via un usage détourné des médicaments et de la prescription médicale.
Aujourd’hui, la France ne relâche pas ses efforts et met tout en œuvre pour harmoniser les pratiques de lutte et les sanctions et mieux riposter face au dopage. C’est bien, mais, monsieur le ministre, il faut que les actes suivent, tout comme les moyens, notamment budgétaires. Il ne faut pas non plus oublier la prévention, ce qui est beaucoup plus compliqué.
Les règles de droit doivent pouvoir constamment s’adapter aux nouvelles pratiques du dopage, tout en respectant notre État de droit, comme l’a fort bien rappelé Mme la présidente de la commission.
Un point essentiel a retenu notre attention aujourd'hui : la question de l’harmonisation.
Si nous nous félicitons de la volonté d’harmonisation dont témoigne ce texte, quelles que soient les entités de lutte contre le dopage – les moyens de lutte, l’harmonisation des sanctions, la meilleure circulation des informations, la question des preuves, celle des échantillons, etc. –, nous notons également que la coopération entre les pays est extrêmement importante pour agir. En effet, le dopage ne connaît pas de frontières et utilise des réseaux qui couvrent différents pays.
Comme l’a souligné M. le rapporteur à l’instant, l’action en amont, c'est-à-dire la prévention, constitue un véritable enjeu. Elle commence selon nous dès le plus jeune âge, à l’école, dans les pratiques des clubs ou dans celles de l’Union nationale du sport scolaire, l’UNSS.
La pratique du dopage, si elle doit sans aucun doute être combattue, doit également remettre en question le modèle économique et social dans lequel évoluent nos sportifs, qu’ils soient professionnels ou amateurs. C’est peut-être la zone grise de ce texte.
En effet, s’il est clair que le dopage est essentiellement pratiqué en milieu professionnel, hélas ! on ne peut nier son existence – moindre, mais réelle – dans le sport amateur. Là aussi, nous sommes tous soumis à des injonctions contradictoires, puisque nous sommes prompts à nous précipiter dans les stades pour assister à des événements sportifs. On peut donc se demander si notre attitude en tant que spectateurs n’est pas un encouragement à des pratiques de dopage.
Pour le dire autrement, l’industrialisation depuis quelques années de l’économie du sport, qui attend toujours plus, toujours plus loin, qui enchaîne à un rythme effréné les compétitions, est une cause non excusable, mais très importante du dopage : on attend toujours plus de chaque sportif, essentiellement pour des raisons financières. Se posent donc en creux la question des droits de télévision et celle des paris sportifs, entre autres.
Très paradoxalement, le sport, élément de santé publique, devient destructeur pour la santé des sportifs dopés, pour les proches et les encadrants qui, hélas ! sont parfois complices de ce dopage. S’ensuivent des addictions, des conséquences médicales désastreuses, des dépendances médicamenteuses, dans certains cas même des suicides, ainsi que le suggère l’excellent rapport qui a déjà été cité.
Le dopage n’est pas simplement le jeu de quelques personnes qui veulent augmenter leurs performances. Il est le résultat d’un système économique dans lequel nous sommes tous collectivement un peu responsables.
C’est d’ailleurs peut-être le maillon faible de ce texte. S’il reconnaît que le dopage est une pratique qui ruine les fondements effectifs et symboliques du sport, ce projet de loi ne parviendra peut-être pas à enrayer les pratiques mafieuses, dont l’économie souterraine est extrêmement développée et protégée et qu’il n’est peut-être pas si simple de dénoncer.
Tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il faut sortir du dopage que connaissent les sportifs de haut niveau. C’est pourtant peut-être un aboutissement de notre économie de la concurrence et de la compétitivité où, pour tenir, certains se dopent. Cela concerne, bien au-delà du sport, la vie économique, parfois la vie des spectacles, quelquefois même la vie tout court. C’est pourquoi nous espérons que ce texte permettra la mise en place d’armes plus efficaces pour lutter contre le dopage.
Par conséquent, même s’il partage les inquiétudes formulées par Mme la présidente de la commission et par M. le rapporteur, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre », disait Pierre de Coubertin. Cette vision émancipatrice du sport et des valeurs humanistes qu’il véhicule, nous la partageons. Pourtant, nous en sommes loin aujourd’hui.
L’argent a envahi le sport, le transformant en un spectacle et en une marchandise. La pression médiatique, les enjeux financiers, les calendriers sportifs toujours plus chargés, font des sportifs les victimes d’une surcompétition inhumaine, qui prend le pas sur le sport lui-même. Le sport financiarisé a ainsi perdu sa dimension éthique et généralisé le recours à la tricherie et au dopage.
Véritable problème de santé publique, le dopage est un fléau, contre lequel il faut lutter bien sûr, mais qu’il faut également prévenir. Pour ce faire, c’est en faveur d’une inflexion du fonctionnement et de la conception du sport lui-même qu’il faudrait œuvrer, sans se limiter à la sanction de la pratique répréhensible que constitue le dopage.
Nous avons toujours considéré ce problème avec la plus grande attention, puisque c’est bien la loi Buffet de 1998 qui a alors engagé la lutte contre le dopage...
... et ouvert la voie à une réflexion internationale débouchant sur la création de l’Agence mondiale antidopage et la création d’un code mondial antidopage.
Quinze ans plus tard, nous constatons que le dopage reste une pratique répandue et que la lutte engagée contre lui n’a pas pleinement porté ses fruits, malgré les progrès que nous avons pu noter. Il est donc important de renforcer les moyens engagés dans cette bataille, pour que, enfin, cette pratique recule significativement.
Nous ne sommes pas opposés au fond à ce projet de loi présenté aujourd’hui par le Gouvernement, puisqu’il transpose en droit français les actualisations du code mondial antidopage opérées depuis 2007.
Je n’entrerai pas dans le détail des dispositions prévues par ce « nouveau » code mondial : elles renforcent les moyens de la lutte contre cette pratique, entre autres en augmentant le délai de prescription, par exemple, ce qui permettra aux enquêtes souvent longues d’aboutir, en augmentant les périodes de suspension pour les tricheurs, mais aussi en prenant mieux en compte les principes de proportionnalité et des droits de l’homme dans la publicité des violations des règles antidopage.
Cependant, nous émettons plusieurs réserves concernant ce projet de loi.
La première d’entre elles concerne le caractère inconstitutionnel de certaines mesures prévues dans le code mondial antidopage : violations du principe d’individualisation des peines ou du droit au respect de la vie privée et du domicile, par exemple.
Certes, le Gouvernement affirme qu’il suivra les recommandations du Conseil d’État, qui préconise des adaptations pour rendre la transposition en droit français du code mondial antidopage conforme à la Constitution. Cependant, nous sommes contraints d’en rester aux déclarations de M. le ministre et ne pouvons en avoir la certitude.
En effet, la forme que prend ce projet de loi ne nous permet pas d’en avoir la garantie. Il s’agit d’une habilitation autorisant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer le code mondial antidopage en droit français.
Alors qu’aucune urgence particulière ne le justifie, ...
... le Parlement est dessaisi de son pouvoir de légiférer et de son pouvoir de contrôle sur l’action du Gouvernement.
Nous avons toujours dénoncé le recours aux ordonnances, qui donnent une carte blanche au Gouvernement et constituent un déni de démocratie en bafouant les droits du Parlement, représentant du peuple et des collectivités territoriales.
C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte, estimant que les principes démocratiques doivent aujourd’hui plus que jamais être réaffirmés et que le Parlement ne peut être contourné, à plus forte raison quand entrent en jeu des principes constitutionnels.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le rappelle la devise des jeux Olympiques qui guide le monde sportif, le spectacle doit aller toujours « plus vite, plus haut, plus fort ». Cette maxime devient d’autant plus impérieuse que les exigences s’accroissent sous l’effet de contraintes liées à des calendriers qui laissent peu de place à la récupération physique – pourtant vitale pour le corps –, à la forte médiatisation du sport et aux enjeux financiers considérables.
C’est ainsi que certains sportifs, ignorant les principes qui gouvernent l’éthique sportive, rompent sans hésiter l’égalité des armes lors des compétitions en ayant recours au dopage.
Or les scandales révélés après coup viennent ternir l’image du sport et font se briser en éclats l’émotion ressentie par les spectateurs. Ils offrent enfin un mauvais exemple aux sportifs professionnels en devenir et, surtout, aux sportifs amateurs, en particulier les plus jeunes, qui seront tentés, au cours de leur pratique, de mettre en péril leur santé.
Le nombre important de lois adoptées ces cinquante dernières années démontre l’ambition de la France en matière de lutte contre le dopage qui intègre non seulement les préoccupations d’éthique, mais aussi les enjeux de santé publique.
Toutefois, un cadre juridique, aussi complet soit-il, ne peut nous dispenser de recourir à la coopération internationale, qui, elle seule, est à même de sanctionner de manière efficace les infractions à l’éthique sportive et, surtout, de faire face à des systèmes organisés de dopage.
La création de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, en 2000, a répondu pertinemment à ce problème par l’établissement de règles communes à tous les États signataires, aujourd’hui réunies au sein du code mondial antidopage, dont la nouvelle version entrera en vigueur le 1er janvier prochain.
Si le sportif est responsable des substances ou méthodes qu’il utilise en vue d’améliorer ses performances, il n’en demeure pas moins soumis à des pressions externes insoutenables qu’il convient de contenir. À ce titre, la réforme du code mondial antidopage protège davantage le sportif.
Afin de le prémunir des pressions externes, la réforme du code inscrit l’association interdite à la liste des infractions. Ainsi, les sportifs ne pourront plus faire appel à des encadrants qui ont auparavant fait l’objet de sanctions pour non-respect des règles antidopage.
Dans le même sens, la réforme incitera les sportifs à dévoiler les pratiques dopantes dont ils ont connaissance avec la mise en place de nouvelles réductions de sanctions s’ils apportent une aide substantielle aux autorités antidopage dans la découverte d’autres infractions.
Afin d’améliorer la connaissance de ces pratiques, la coopération est favorisée avec l’obligation pour les fédérations nationales d’informer les organisations nationales antidopage et la fédération internationale d’éventuelles infractions.
Enfin, il convient de souligner la possibilité désormais offerte aux organisations nationales antidopage d’effectuer des contrôles en dehors des sites où se déroulent les manifestations sportives internationales.
Dans un autre registre, la réforme renforce le caractère dissuasif des sanctions, avec une suspension pouvant désormais atteindre quatre ans en cas de violation intentionnelle des règles antidopage, au lieu de deux ans. Il s’agit de l’une des préconisations essentielles, à mon sens, de la commission d’enquête sénatoriale, au cours de laquelle notre rapporteur a entendu un grand nombre d’acteurs du monde sportif.
C’est sans aucun doute par une responsabilisation des sportifs et toujours plus de pédagogie que l’on doit répondre au recours au dopage.
Certes, notre rapporteur nous a mis en garde sur les difficultés liées à la non-conformité à la Constitution de certaines mesures très dissuasives, à savoir l’exigence de disponibilité du sportif à tout moment et en tout lieu en vue de réaliser des prélèvements – ces contraintes méconnaissant le principe de l’inviolabilité du domicile et du respect de la vie privée et du domicile –, l’automaticité de certaines sanctions et la compétence exclusive d’appel du tribunal arbitral du sport dans le cadre des manifestations internationales ou lorsque des sportifs de niveau international sont impliqués.
Nous le savons, le code mondial antidopage ne produisant pas d’effet contraignant, nos marges de traduction en droit interne restent entières, ce qui ne constitue pas une raison valable pour ne rien faire ou pour ne pas se soumettre, avec vigilance, au respect de ces principes.
Pour autant, il me semble que les atténuations proposées par le Conseil d’État ne sont pas de nature à nuire à l’efficacité de la lutte contre le dopage et qu’elles n’entraveront pas les apports consacrés par la réforme.
En dépit de ces avancées, du chemin reste encore à parcourir pour mieux garantir l’indépendance dans le contrôle, l’instruction des dossiers ou le prononcé des sanctions. Les contrôles sont insuffisants et rarement inopinés. En outre, ils se font souvent avec retard face aux progrès constants des méthodes de dopage. Il est donc nécessaire d’accélérer le déploiement, dans toutes les disciplines, du passeport biologique, qui permet de détecter des variations anormales des marqueurs biologiques, tels que le profil hématologique ou le profil stéroïdien.
Bien évidemment, le groupe RDSE ne peut que soutenir le respect des principes du code mondial antidopage et leur inscription dans notre législation. Il approuve donc à l’unanimité ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux et très honoré d’intervenir pour la première fois dans cet hémicycle, sur un sujet qui, même s’il suscite un consensus entre les différents groupes, n’en est pas moins très important.
La lutte contre le dopage est en effet une question de protection de la santé et de la vie des sportifs. C’est aussi une question d’image à destination des plus jeunes, qui s’inspirent de plus en plus souvent de la « réussite » et de la vie de leurs idoles. C’est enfin et surtout une question d’éthique, car le dopage s’apparente à de la tricherie et à du mensonge. Nous devons lutter contre cela dans tous les domaines de la société. C’est notre rôle d’élu, c’est notre rôle de parlementaire.
Nouvellement arrivé, je n’ai naturellement pas pu participer aux travaux de notre commission sur ce projet de loi au début de l’été dernier. Je tiens néanmoins à saluer le travail de notre rapporteur, Jean-Jacques Lozach, dont le rapport s’inscrit dans le droit fil de celui qu’il avait rendu au nom de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage, présidée à l’époque par notre ancien collègue Jean-François Humbert.
La richesse de ces deux rapports montre l’expertise que le Sénat a acquise dans le domaine de la lutte contre le dopage. C’est une véritable chance quand il s’agit de légiférer sur ces questions, parfois très techniques.
Permettez-moi donc, monsieur le ministre, de regretter la forme de ce projet de loi. Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances constitue toujours pour nous un abandon de notre pouvoir de législateur. Nous ne le faisons donc jamais avec bonne volonté, surtout au sein du groupe centriste, car, pour nous, le rôle essentiel des parlementaires n’est pas de valider purement et simplement les propositions du Gouvernement ; il est au contraire de poser sur elles un autre regard, empreint d’une connaissance et d’une expérience différente.
Monsieur le ministre, nous souhaitons vivement que cette procédure juridique parlementaire soit le plus souvent évitée.
Comme je l’ai déjà dit, le Sénat s’est fait l’expert des questions de lutte contre le dopage. Jean-Jacques Lozach en est un très bon connaisseur. Dès lors, pourquoi ne pas nous avoir soumis directement toutes les mesures législatives d’adaptation du code mondial antidopage ? La venue du futur comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage en France le mois prochain ne justifie pas cette procédure à mon sens. Ce n’est qu’un affichage.
À titre de compensation, je vous propose, monsieur le ministre, de venir devant notre commission présenter votre prochaine ordonnance, et ce, naturellement, avant sa publication.
Cela nous permettrait d’en débattre plus précisément et d’en connaître le fond juridique.
J’en viens désormais au fond du texte qui nous préoccupe aujourd’hui.
La lutte contre le dopage mérite de notre part une très grande attention. Fort heureusement, le débat sur le dopage est devenu public à mesure que la traque contre les tricheurs s’est accentuée. En conséquence, les comportements dans le milieu sportif ont commencé à évoluer et une prise de conscience a eu lieu. Les pouvoirs publics ont donc pu renforcer encore et toujours leur détermination dans ce domaine.
Malheureusement, les tricheurs ont presque toujours une longueur d’avance sur les pouvoirs publics et sur les organismes chargés de traquer les substances dopantes. Une coordination intense est donc nécessaire entre les États et entre les fédérations sportives. C’est une lutte de chaque instant, dans laquelle chacun doit se lancer et coopérer.
Telle est la mission que s’est fixée l’Agence mondiale antidopage depuis 1999. Notre rapporteur l’a rappelé, cette agence a depuis lors rédigé le code mondial antidopage, permettant d’harmoniser les règles applicables dans les différents États.
Malheureusement, nous ne sommes pas sur une matière stable. Il faut sans cesse faire évoluer ce code pour le faire correspondre au mieux à la réalité de la lutte contre le dopage. Nous en sommes donc aujourd'hui à la troisième version de ce code depuis sa première rédaction en 2003.
Il me semble légitime et positif que la France intègre très vite les nouvelles mesures dans sa législation, afin de montrer l’exemple dans cette lutte.
Je ne reviendrai pas sur les différentes évolutions du code mondial, que notre rapporteur a très bien décrites : des contrôles plus efficaces, des sanctions accrues et une meilleure coopération. Ces évolutions me semblent essentielles, comme la prise en compte des preuves indirectes, le meilleur partage des informations et l’amélioration des coopérations pour mieux repérer et sanctionner les tricheurs.
En matière de sanctions disciplinaires, l’augmentation du délai de prescription de huit à dix ans paraît également appropriée.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger sur des propositions qu’avait avancées la commission d’enquête du Sénat, en particulier en matière de prévention et de recherche.
Au-delà du code mondial, les sénateurs avaient formulé dix-sept propositions en matière de prévention et d’éducation. Ils avaient notamment suggéré de transformer l’Agence française de lutte contre le dopage en Agence de prévention et de lutte contre le dopage. La visée concrète était de s’inscrire beaucoup plus en amont du processus de lutte contre le dopage.
Monsieur le ministre, qu’en est-il de ces propositions et quel budget pouvez-vous consacrer à la prévention ?
Par ailleurs, le rapport de la commission mettait aussi l’accent sur la recherche et l’accumulation de connaissances en matière de dopage. La preuve en est le premier pilier du rapport, intitulé « Connaître ». Nous constatons tous que, à l’inverse, la recherche n’est qu’assez peu traitée dans le code mondial antidopage. Monsieur le ministre, quelle est l’ambition du Gouvernement dans ce domaine ?
Le projet de loi que vous nous présentez sous forme d’une simple ordonnance n’est sans doute pas suffisant. Un autre texte sera sûrement nécessaire pour reprendre toutes les propositions des sénateurs.
Avant de conclure, j’aimerais évoquer un sujet que nous passons trop souvent sous silence : le dopage intellectuel. Nous parlons bien sûr très facilement du dopage dans le monde sportif. En revanche, nous oublions à mon avis d’aborder le dopage qui touche les étudiants, les cadres, les dirigeants d’entreprise, et même les politiques.
Ce phénomène s’amplifie avec, comme objectif, le culte de la performance intellectuelle et la réussite, que ce soit à des examens, à des concours ou dans la vie professionnelle.
Pour y parvenir, on n’hésite plus à recourir à toutes sortes de substances, produits, vitamines, médicaments, parfois en les détournant de leurs indications pour un usage de confort. Il s’agit d’être plus fort à tout prix, et surtout d’éviter l’échec.
Ainsi, à l’approche des examens, les devantures des officines se parent de boîtes magiques. Selon une enquête de l’Observatoire national de la vie étudiante réalisée en 2006 sur la consommation de remontants ou de stimulants, un étudiant sur cinq déclare prendre des substances qui permettraient d’agir sur ses capacités intellectuelles.
Selon l’Observatoire encore, les étudiants des filières médicales sont les plus friands de ces pratiques dopantes – elles concernent 25 % d’entre eux –, devant les classes préparatoires aux grandes écoles – 22 % – et les élèves en sciences politiques et en droit – 20 %. Ils consomment des cocktails de vitamines, des stimulants, des tranquillisants ou encore des bêtabloquants.
La plupart des médicaments utilisés sont légaux et sont surtout vendus librement en pharmacie. Toutefois, le plus grave, c’est le développement de la vente sur internet de substances totalement illégales en France. C’est dans ce domaine qu’il faudrait intervenir en tant que législateur.
La plus grande difficulté, comme dans le sport, est naturellement de définir les substances dopantes, ainsi que les quantités qui seraient dangereuses pour ceux qui les absorbent. Certes, c’est un autre travail, mais je tenais à évoquer cette question dans ce débat, afin qu’il ne se limite pas au sport.
En conclusion, malgré ses réserves sur le recours à une ordonnance, et compte tenu de l’importance de la lutte contre le dopage, le groupe UDI-UC votera ce projet de loi. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je commencerai mon propos en rappelant que ce projet de loi, qui contribue à assurer la cohérence de notre dispositif de lutte contre le dopage avec le droit international, va dans le bon sens.
Il appartient en effet à notre pays, qui depuis plusieurs années joue un rôle de leader dans la lutte contre le dopage sur la scène internationale, de montrer l’exemple en respectant les délais prescrits.
Je rappelle que, peu avant l’adoption de cette troisième version du code mondial en novembre 2013, la Haute Assemblée avait publié un rapport d’information visant à prendre une longueur d’avance dans la lutte contre le dopage.
Une commission d’enquête s’était en effet emparée du sujet, présidée par le sénateur Jean-François Humbert et dont le rapporteur était notre collègue Jean-Jacques Lozach.
Ayant participé à cette commission d’enquête, je tiens à témoigner du travail considérable effectué en cinq mois : organisation de tables rondes, de plusieurs déplacements et d’un grand nombre d’auditions, dont les retransmissions ont été particulièrement suivies.
Ce rapport, reconnu pour sa qualité par le Gouvernement et les professionnels du sport, visait à dresser un état des lieux du dopage, à faire le bilan de la lutte antidopage et à formuler des propositions à l’échelon tant national qu’international.
Soixante propositions ont ainsi été adoptées, à l’unanimité. Elles portent sur la connaissance des risques encourus, mais aussi sur la réalité du trafic de produits dopants, sur le développement de la prévention et de la sensibilisation des sportifs amateurs, sur l’organisation des contrôles à l’échelle interrégionale, sur les sanctions et sur la politique pénale concernant la détention de produits dopants.
Je ne détaillerai pas l’ensemble des nouvelles dispositions du code mondial antidopage, qui vont toutes dans le bon sens, puisque notre rapporteur vient de nous les présenter en précisant les difficultés juridiques que quelques-unes d’entre elles viennent résoudre.
Je souhaite cependant m’attarder sur certaines d’entre elles, à la lumière des pistes que nous avions émises dans notre rapport d’enquête.
Ainsi, je dirai quelques mots concernant la question des sanctions. Le code mondial antidopage prévoit une suspension de quatre ans, au lieu de deux actuellement, en cas de dopage intentionnel. Nous avions retenu cette durée dans notre rapport, mais pour la prise de produits dopants lourds. Le code va donc plus loin, et je m’en réjouis, car ce délai aura un effet dissuasif.
Le code mondial porte également le délai de prescription des actions disciplinaires à dix ans, au lieu de huit actuellement. Il réprime la complicité en matière de trafic de substances ou de méthodes dopantes. Cette nouvelle infraction est passible d’une peine de deux à quatre ans de suspension.
Une autre infraction est également créée : l’association avec un membre du personnel encadrant qui aurait déjà fait l’objet d’une sanction.
Ce renforcement des sanctions va donc dans la bonne direction et contribuera à la prévention du dopage.
En ce qui concerne les propositions de notre commission d’enquête, je rappelle que nous recommandions, monsieur le ministre, une réforme législative globale en matière de sanctions disciplinaires.
Notre principale recommandation était d’opérer un transfert du pouvoir de sanction des sportifs des fédérations nationales à l’Agence française de lutte contre le dopage, qui statuerait en première instance, avec possibilité d’appel auprès du Conseil d’État.
Ce transfert permettrait de mettre fin aux risques de conflits d’intérêts pesant sur les fédérations, qui sont actuellement placées dans la position de juge et partie à l’égard de leurs sportifs. Leur pouvoir de sanction les place en effet dans la situation délicate de prononcer des peines dont pourrait durablement pâtir le sport qu’elles doivent aussi promouvoir !
Dans ce transfert, nous proposions que les fédérations restent néanmoins responsabilisées sur leur cœur de mission, à savoir la prévention. Il me semble que cette proposition marquerait une grande avancée dans la lutte contre le dopage. Ce raisonnement vaut également pour le contrôle antidopage.
Lors de grands événements sportifs organisés au niveau international, les exemples ne manquent pas de fédérations internationales ayant omis de révéler des scandales du dopage.
Comme vous le savez, la répartition des compétences des différentes autorités antidopage pouvant effectuer des contrôles lors des compétitions n’a pas évolué depuis l’adoption du premier code mondial antidopage en 2003.
Ainsi, lors des manifestations internationales, la collecte d’échantillons est engagée et réalisée par les organisations internationales.
Des contrôles additionnels peuvent être réalisés par l’organisation nationale antidopage, ou ONAD, mais à la condition que l’organisation internationale compétente donne son accord, ou, à défaut, l’Agence mondiale antidopage.
L’intervention de l’ONAD présente l’avantage de faire intervenir un acteur national, qui aura moins de scrupules qu’une fédération internationale à divulguer des contrôles positifs.
Certes, la compétence des fédérations internationales se justifie par la nécessité d’assurer des conditions égales à l’échelle internationale, au sein d’une même discipline, mais nous retrouvons le problème de conflits d’intérêts dont je viens de parler, ces fédérations pouvant hésiter à porter atteinte à leur image et leur réputation.
En l’espèce, le nouveau code mondial ne modifie pas la répartition des compétences. Il donne en revanche la possibilité à l’ONAD de réaliser des contrôles en dehors du site où aura lieu une manifestation internationale. Il sera dorénavant possible d’agir aussi sur le lieu de résidence du sportif, ce qui permettra de varier les moments d’intervention, qui sont souvent trop prévisibles.
Il s’agit bien d’une avancée, dont je me réjouis, mais je regrette personnellement que l’occasion n’ait pas été saisie de remettre à plat la répartition des rôles entre les fédérations internationales et les organisations nationales antidopage, pour obtenir un meilleur équilibre.
Notre rapport étant paru en juillet 2013, sans doute les délais étaient-ils trop courts et les priorités trop multiples pour que certaines de ces propositions soient prises en compte dans l’élaboration du nouveau code mondial antidopage.
Je vous encourage donc, monsieur le ministre, à vous faire notre porte-parole lors des prochaines discussions au niveau international.
Je souhaiterais aussi connaître vos intentions au plan national, monsieur le ministre. Plus précisément, votre prédécesseur avait évoqué l’élaboration d’un projet de loi global sur le sport, qui aborderait notamment la question du statut des sportifs, et dont une partie pourrait concerner aussi la question du dopage. Pouvez-vous nous dire où en est ce projet ?
En conclusion, il est important de souligner que le défi majeur que représente la lutte contre le dopage dans le sport nous rassemble, une fois de plus, au-delà de nos clivages politiques. Il faut s’en réjouir, car le sport doit reposer sur un socle de valeurs communes, à commencer par l’éthique.
Alors que le sport se mondialise toujours davantage, le combat doit être mené à l’échelle globale, car le changement ne peut venir que d’une harmonisation entre les instances antidopage et les fédérations internationales. Ce n’est pas encore le cas dans certaines disciplines sportives.
En attendant que nous allions plus loin, le groupe UMP soutiendra donc l’adoption du présent texte.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter notre collègue Jean-Jacques Lozach de son rapport, adopté à l’unanimité en commission le 16 juillet dernier, sans modification du texte du projet de loi.
Ce vote montre, encore une fois, l’implication de notre assemblée en matière de lutte contre le dopage.
En effet, des premiers contrôles dans les années soixante à aujourd’hui, la lutte contre le dopage n’a cessé d’évoluer. C’est d’ailleurs la condition de son efficacité. Depuis sa première entrée en vigueur en 2004, le code mondial antidopage ou CMA est d’ailleurs voué à être régulièrement adapté à l’évolution des pratiques. Après une première révision en 2007, une troisième version de ce code a été adoptée en 2013, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2015. C’est l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui, qui vise à habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances aux modifications de notre législation pour l’adapter à la nouvelle version du CMA.
Le Parlement n’aime pas le recours aux ordonnances – vous l’avez évoqué, mes chers collègues –, mais rappelons ici que c’est un usage classique en matière de transposition en droit national de normes internationales. Le code du sport avait déjà été mis en conformité avec la deuxième version du CMA par ordonnances.
Par ailleurs, comme l’a précisé notre collègue rapporteur, ce sont la technicité du texte et la nécessité d’agir rapidement qui expliquent un tel recours.
Le Gouvernement, par la voix de M. Braillard, a en effet expliqué à notre commission qu’il avait été dans un premier temps prévu d’intégrer les dispositions du présent projet de loi au projet de loi-cadre sur le sport, qui était attendu à la fin de 2013. Or ce texte ne pourra finalement pas être présenté devant le Parlement avant 2015, ce qui explique le dépôt d’un projet de loi spécifique relatif à la transposition du code mondial antidopage.
La France doit accueillir en novembre prochain le comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA : il convenait donc d’engager le plus rapidement possible le processus législatif d’adaptation de notre code du sport.
Je tiens, monsieur le ministre, à souligner l’implication de la France en matière de lutte contre le dopage, tous gouvernements confondus. Alors qu’il n’existe en droit international aucune obligation contraignante, le Gouvernement a toujours fait une priorité de la transposition en droit interne du CMA.
La France, en la personne de Valérie Fourneyron, est d’ailleurs chargée de représenter l’Europe au comité exécutif de l’AMA. Notre pays a contribué notamment à permettre à l’Agence mondiale antidopage de conserver son rôle de producteur de normes. De plus, il est fortement impliqué dans le suivi de l’application du code.
La coopération internationale est un facteur déterminant de la lutte contre le dopage, comme l’ont montré, l’année dernière, les travaux de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage. Cette lutte nécessite une réponse mondiale pour être efficace, et le code mondial antidopage constitue un outil inestimable en la matière, même si l’on constate encore aujourd’hui des degrés d’investissement très divers selon les États, malheureusement.
Le présent projet de loi apporte de réelles avancées qui ne sont pas sans rappeler les soixante propositions de la commission d’enquête dont nos collègues Jean-François Humbert et Jean-Jacques Lozach étaient respectivement président et rapporteur.
L’exposé des motifs précise d’ailleurs que « les modifications apportées au code mondial ne modifient pas l’économie générale du dispositif, mais visent à renforcer l’efficacité du contrôle et à élargir la gamme des sanctions, tout en veillant à leur proportionnalité ».
Afin de renforcer l’efficacité des contrôles, le texte prévoit d’améliorer la prise en compte des preuves indirectes, de développer le partage d’informations – c’est important –, de renforcer la coopération entre les fédérations sportives et les institutions intervenant dans la lutte antidopage et de conférer un pouvoir d’enquête à l’AMA.
Par ailleurs, en vue d’élargir la gamme des sanctions, tout en veillant à leur proportionnalité, le texte prévoit de passer le délai de prescription des sanctions disciplinaires de huit à dix ans – c’est un outil important –, de permettre aux organisations nationales antidopage, telles que l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, d’effectuer des contrôles en dehors des sites où se déroulent les manifestations sportives internationales, d’appréhender les complicités ou les systèmes organisés de dopage et d’élargir l’échelle des sanctions, avec une exclusion pouvant aller à quatre ans, contre deux ans actuellement. Le texte prévoit enfin des garanties supplémentaires quant au respect des droits des sportifs.
En conclusion, ces modifications s’articulent autour de trois thématiques : premièrement, une meilleure prise en compte du principe de proportionnalité entre les moyens mis en œuvre pour lutter efficacement contre le dopage et le respect des droits des sportifs ; deuxièmement, un dispositif disciplinaire plus sévère, mais aussi plus flexible et mieux ciblé ; troisièmement, et enfin, une meilleure collaboration entre les acteurs de la lutte contre le dopage.
Le Sénat, via le rapport de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage, avait pointé la nécessité de cibler les contrôles, d’étoffer le panel des sanctions ou encore d’améliorer la coordination entre les différents acteurs de la lutte contre le dopage.
Ce texte est donc porteur de progrès et va dans le bon sens.
Sur le plan juridique, le présent projet de loi comporte aussi quelques risques d’ordre constitutionnel, comme l’ont soulevé l’Agence française de lutte contre le dopage et le Conseil d’État. Je tiens à remercier encore une fois notre rapporteur pour son travail, qui a permis d’éclaircir ces différents points et d’adopter ce texte sans réserve.
Sans m’attarder trop longtemps, je souhaite relever ici les trois problèmes essentiels qui ont été soulevés et les réponses qui ont été apportées.
S’agissant, premièrement, de la compétence reconnue par le CMA au tribunal arbitral du sport, l’ordonnance ne devra pas la retranscrire.
Deuxièmement, l’automaticité des sanctions devra être entendue comme la possibilité d’instaurer un régime de sanction maximale, pour ne pas s’opposer au principe d’individualisation des peines.
Troisièmement, et enfin, le principe du contrôle « à tout moment et en tout lieu » s’oppose certes au principe du respect de la vie privée, mais le Conseil d’État a précisément encadré la future ordonnance sur ce point ; il conviendra, monsieur le ministre, de s’assurer du respect de ces prescriptions.
Cette troisième version du code mondial antidopage apporte sans conteste des progrès. Toutefois, il convient de ne pas relâcher nos efforts. Lors des nombreuses auditions de la commission d’enquête, nous avons pu constater que les pratiques dopantes sont toujours plus innovantes, hélas, et que les acteurs de la lutte contre le dopage ont malheureusement souvent un temps de retard. Il convient donc d’améliorer en permanence la coopération internationale, la coordination des acteurs et le partage d’informations, afin d’appréhender toujours mieux et plus rapidement la réalité des pratiques dopantes et ainsi lutter plus efficacement contre le dopage.
Monsieur le ministre, c’est un enjeu de santé publique, un enjeu éthique. Le groupe socialiste votera bien entendu ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tout d'abord de cette unanimité qui semble se profiler.
J’espère naturellement revenir rapidement devant vous pour la ratification de l’ordonnance. Je m’engage en outre à présenter à votre commission, en personne ou par l’intermédiaire de Thierry Braillard, le texte de l’ordonnance dès qu’il sera connu. C’est un engagement que je prends devant la représentation nationale.
Par votre vote, vous allez nous aider à accueillir dans d’excellentes conditions l’Agence mondiale antidopage ; cela a été souligné tout à l'heure. Le comité exécutif et le conseil de fondation doivent en effet se réunir à Paris les 15 et 16 novembre prochains. Cependant, qu’il n’y ait pas de malentendu : nous ne précipitons pas le mouvement parce que cette rencontre est prévue.
En réponse à l’ensemble des propositions que vous avez formulées, je tiens à préciser que, si nous avons opté pour l’ordonnance, c’est parce qu’il faut aller vite et que le sujet est très technique. Nous pourrons naturellement aller plus loin dans le cadre d’un futur débat parlementaire. J’ai bien pris note de vos propositions complémentaires pour renforcer la vigilance de notre pays, qui est déjà à la pointe de la lutte antidopage.
Nous pourrons montrer aux représentants de l’Agence mondiale antidopage que la transposition par la France des dispositions du nouveau code est en bonne voie. Ce sera aussi l’occasion d’expliquer tout ce que la France fait, sait faire et fera pour lutter contre le dopage. Vous serez naturellement conviés à cette manifestation, qui sera un moment important pour le sport français.
Je mettrai tout en œuvre pour que le travail parlementaire inspire l’action de l’exécutif, qui pourrait se traduire par une loi-cadre. J’ai bien senti, tant à l’Assemblée nationale qu’ici, au Sénat, qu’il y avait une attente forte en la matière. Encore faut-il que le contenu de cette loi-cadre éventuelle soit particulièrement « promoteur » et intéressant pour les sportifs français.
En conclusion, à qui nous adressons-nous ? Nous nous adressons aux dix-sept millions de Français licenciés. Dix-sept autres millions pratiquent une activité sportive sans être licenciés. Ce sont donc au total trente-quatre millions de Français qui font du sport. Ce n’est pas encore suffisant. Nous devons aller plus loin, car le sport est un élément de cohésion sociale et d’union nationale.
La France peut aujourd'hui s’enorgueillir de résultats sportifs exceptionnels. Nous allons bientôt accueillir des événements planétaires : la finale de la Coupe Davis en novembre prochain, l’Euro de basketball en 2015 ou encore l’Euro de football en 2016, sans oublier toute une série de championnats du monde et d’Europe.
Le sport est un enjeu majeur, y compris sur le plan économique. Le sport français doit naturellement être propre. Il le sera grâce à l’action du Parlement. Je vous remercie de vos propositions, et plus encore de la manière dont vous allez nous encourager par votre vote.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer, en conformité avec les principes constitutionnels et conventionnels, le respect dans le droit interne des principes du code mondial antidopage applicable à compter du 1er janvier 2015.
II. – L’ordonnance prévue au I est prise dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
Je ne suis saisie d’aucun amendement.
Je vais donc mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je vous rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage.
Le projet de loi est adopté.
Je constate que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.