Pour reprendre la discussion sur les organisations syndicales et répondre au reproche qui nous est fait de ne prendre en considération qu’un seul syndicat parmi ceux qui ont été auditionnés, je vous invite à mon tour, comme l’a fait notre collègue Jean-Pierre Caffet, à lire le rapport de Jacky Le Menn, qui est très complet et qui reprend l’ensemble des auditions que nous avons organisées.
J’ai participé à ces séances et je puis vous dire que, sur les cinq organisations syndicales salariales, deux ont manifesté leur accord pour aller vers une désignation ; une a fait connaître ses réticences en déclarant, tout en prenant acte du choix du Gouvernement d’aller vers une désignation de la représentation prud’homale, qu’elle s’interrogeait sur le respect de la démocratie sociale ; enfin, les deux dernières nous ont fait savoir leur opposition à ce texte.
Par ailleurs, si les organisations syndicales patronales ont exprimé leur accord, d’autres syndicats, notamment de magistrats et d’avocats, ont montré leur désaccord avec ce mode de désignation. Je tenais donc à rétablir les faits et à rappeler qu’il y a plus d’une organisation qui est opposée à ce projet.
Quant au mode actuel d’élection, il est évidemment imparfait, et notre collègue Dominique Watrin a proposé des améliorations. En effet, cette élection attire moins de 30 % des électeurs inscrits, ce qui ne saurait être une source de satisfaction, et 5 % des demandeurs d’emploi seulement sont inscrits sur les listes électorales. Un important travail législatif restait donc à faire pour améliorer l’organisation des élections prud’homales.
Cependant, les législateurs que nous sommes ne doivent en aucun cas accepter que cette modification du mode de désignation des conseillers prud’hommes se fasse par voie d’ordonnance. Jean-Marie Vanlerenberghe a dit qu’il accorderait une attention extrême à la rédaction de cette ordonnance, mais nous en ferons autant, rassurez-vous, monsieur le ministre ! Toutefois, le texte du projet de loi indique bien que ces nouveaux conseillers prud’hommes seront désignés et non plus élus.
Quelles que soient les modalités d’organisation de cette désignation, nous ne pouvons en accepter le principe. Les collègues de mon groupe s’étant déjà exprimés, je ne reprendrai pas leurs arguments sur la nécessité de conserver une réelle représentativité à ces conseils de prud’hommes, dont le rôle reste essentiel à l’échelon national.
De notre point de vue, leur représentativité est différente de celle des organisations syndicales, mesurée en application des deux textes que nous avons adoptés en 2010 et en 2014 et qui sont relatifs respectivement aux organisations syndicales de salariés et aux organisations syndicales patronales. Monsieur le ministre, il nous semble qu’il s’agit de deux niveaux de représentativité différents : en recourant à une désignation sur la base de l’audience des organisations syndicales mesurée lors des élections professionnelles, vous niez la spécificité des conseillers prud’homaux.
J’ai retiré en séance le deuxième amendement de notre groupe relatif à la prorogation du mandat des conseillers prud’homaux en place, parce que nous espérions – peut-être sommes-nous de doux utopistes ! – un sursaut du Sénat, dans l’hypothèse où une majorité de nos collègues aurait adopté notre amendement de suppression de l’article 1er. Tel n’a pas été le cas, et nous le regrettons.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes donc opposés à l’adoption de ce projet de loi, madame la présidente.