Intervention de Dominique Bailly

Réunion du 14 octobre 2014 à 14h30
Respect des principes du code mondial antidopage dans le droit interne — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique BaillyDominique Bailly :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter notre collègue Jean-Jacques Lozach de son rapport, adopté à l’unanimité en commission le 16 juillet dernier, sans modification du texte du projet de loi.

Ce vote montre, encore une fois, l’implication de notre assemblée en matière de lutte contre le dopage.

En effet, des premiers contrôles dans les années soixante à aujourd’hui, la lutte contre le dopage n’a cessé d’évoluer. C’est d’ailleurs la condition de son efficacité. Depuis sa première entrée en vigueur en 2004, le code mondial antidopage ou CMA est d’ailleurs voué à être régulièrement adapté à l’évolution des pratiques. Après une première révision en 2007, une troisième version de ce code a été adoptée en 2013, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2015. C’est l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui, qui vise à habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances aux modifications de notre législation pour l’adapter à la nouvelle version du CMA.

Le Parlement n’aime pas le recours aux ordonnances – vous l’avez évoqué, mes chers collègues –, mais rappelons ici que c’est un usage classique en matière de transposition en droit national de normes internationales. Le code du sport avait déjà été mis en conformité avec la deuxième version du CMA par ordonnances.

Par ailleurs, comme l’a précisé notre collègue rapporteur, ce sont la technicité du texte et la nécessité d’agir rapidement qui expliquent un tel recours.

Le Gouvernement, par la voix de M. Braillard, a en effet expliqué à notre commission qu’il avait été dans un premier temps prévu d’intégrer les dispositions du présent projet de loi au projet de loi-cadre sur le sport, qui était attendu à la fin de 2013. Or ce texte ne pourra finalement pas être présenté devant le Parlement avant 2015, ce qui explique le dépôt d’un projet de loi spécifique relatif à la transposition du code mondial antidopage.

La France doit accueillir en novembre prochain le comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA : il convenait donc d’engager le plus rapidement possible le processus législatif d’adaptation de notre code du sport.

Je tiens, monsieur le ministre, à souligner l’implication de la France en matière de lutte contre le dopage, tous gouvernements confondus. Alors qu’il n’existe en droit international aucune obligation contraignante, le Gouvernement a toujours fait une priorité de la transposition en droit interne du CMA.

La France, en la personne de Valérie Fourneyron, est d’ailleurs chargée de représenter l’Europe au comité exécutif de l’AMA. Notre pays a contribué notamment à permettre à l’Agence mondiale antidopage de conserver son rôle de producteur de normes. De plus, il est fortement impliqué dans le suivi de l’application du code.

La coopération internationale est un facteur déterminant de la lutte contre le dopage, comme l’ont montré, l’année dernière, les travaux de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage. Cette lutte nécessite une réponse mondiale pour être efficace, et le code mondial antidopage constitue un outil inestimable en la matière, même si l’on constate encore aujourd’hui des degrés d’investissement très divers selon les États, malheureusement.

Le présent projet de loi apporte de réelles avancées qui ne sont pas sans rappeler les soixante propositions de la commission d’enquête dont nos collègues Jean-François Humbert et Jean-Jacques Lozach étaient respectivement président et rapporteur.

L’exposé des motifs précise d’ailleurs que « les modifications apportées au code mondial ne modifient pas l’économie générale du dispositif, mais visent à renforcer l’efficacité du contrôle et à élargir la gamme des sanctions, tout en veillant à leur proportionnalité ».

Afin de renforcer l’efficacité des contrôles, le texte prévoit d’améliorer la prise en compte des preuves indirectes, de développer le partage d’informations – c’est important –, de renforcer la coopération entre les fédérations sportives et les institutions intervenant dans la lutte antidopage et de conférer un pouvoir d’enquête à l’AMA.

Par ailleurs, en vue d’élargir la gamme des sanctions, tout en veillant à leur proportionnalité, le texte prévoit de passer le délai de prescription des sanctions disciplinaires de huit à dix ans – c’est un outil important –, de permettre aux organisations nationales antidopage, telles que l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, d’effectuer des contrôles en dehors des sites où se déroulent les manifestations sportives internationales, d’appréhender les complicités ou les systèmes organisés de dopage et d’élargir l’échelle des sanctions, avec une exclusion pouvant aller à quatre ans, contre deux ans actuellement. Le texte prévoit enfin des garanties supplémentaires quant au respect des droits des sportifs.

En conclusion, ces modifications s’articulent autour de trois thématiques : premièrement, une meilleure prise en compte du principe de proportionnalité entre les moyens mis en œuvre pour lutter efficacement contre le dopage et le respect des droits des sportifs ; deuxièmement, un dispositif disciplinaire plus sévère, mais aussi plus flexible et mieux ciblé ; troisièmement, et enfin, une meilleure collaboration entre les acteurs de la lutte contre le dopage.

Le Sénat, via le rapport de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage, avait pointé la nécessité de cibler les contrôles, d’étoffer le panel des sanctions ou encore d’améliorer la coordination entre les différents acteurs de la lutte contre le dopage.

Ce texte est donc porteur de progrès et va dans le bon sens.

Sur le plan juridique, le présent projet de loi comporte aussi quelques risques d’ordre constitutionnel, comme l’ont soulevé l’Agence française de lutte contre le dopage et le Conseil d’État. Je tiens à remercier encore une fois notre rapporteur pour son travail, qui a permis d’éclaircir ces différents points et d’adopter ce texte sans réserve.

Sans m’attarder trop longtemps, je souhaite relever ici les trois problèmes essentiels qui ont été soulevés et les réponses qui ont été apportées.

S’agissant, premièrement, de la compétence reconnue par le CMA au tribunal arbitral du sport, l’ordonnance ne devra pas la retranscrire.

Deuxièmement, l’automaticité des sanctions devra être entendue comme la possibilité d’instaurer un régime de sanction maximale, pour ne pas s’opposer au principe d’individualisation des peines.

Troisièmement, et enfin, le principe du contrôle « à tout moment et en tout lieu » s’oppose certes au principe du respect de la vie privée, mais le Conseil d’État a précisément encadré la future ordonnance sur ce point ; il conviendra, monsieur le ministre, de s’assurer du respect de ces prescriptions.

Cette troisième version du code mondial antidopage apporte sans conteste des progrès. Toutefois, il convient de ne pas relâcher nos efforts. Lors des nombreuses auditions de la commission d’enquête, nous avons pu constater que les pratiques dopantes sont toujours plus innovantes, hélas, et que les acteurs de la lutte contre le dopage ont malheureusement souvent un temps de retard. Il convient donc d’améliorer en permanence la coopération internationale, la coordination des acteurs et le partage d’informations, afin d’appréhender toujours mieux et plus rapidement la réalité des pratiques dopantes et ainsi lutter plus efficacement contre le dopage.

Monsieur le ministre, c’est un enjeu de santé publique, un enjeu éthique. Le groupe socialiste votera bien entendu ce projet de loi.

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