Intervention de Jean-Claude Lenoir

Réunion du 14 octobre 2014 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 23 et 24 octobre 2014

Photo de Jean-Claude LenoirJean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques :

Parlons maintenant d’énergie.

Je formulerai une première recommandation, monsieur le secrétaire d'État : chaque pays doit pouvoir définir son propre bouquet énergétique. Le nôtre – il est connu – comprend une part importante de nucléaire. Protégeons cet acquis, qui a été consolidé par tous les gouvernements qui se sont succédé, même si nous avons un certain nombre de perspectives – certaines raisonnables, d’autres plus audacieuses – pour ce qui concerne les énergies renouvelables. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

À cet égard, je me permets de rappeler un point important : si le nucléaire constitue une composante importante de notre bouquet énergétique, nos voisins allemands consacrent une part considérable aux énergies fossiles. La part d’électricité produite par le charbon – ce combustible étant moins nécessaire aux États-Unis et à l’Amérique du Nord, il traverse aujourd’hui l’Atlantique vers l’Allemagne et les pays du nord de l’Europe, notamment – est telle qu’elle est passée en Allemagne de 30 % à 42 %, à laquelle il faut ajouter la production d’électricité à partir du gaz, qui représente 16 %, soit pratiquement 60 %. J’entends parfois que la France est le pays du tout-nucléaire. Mais parle-t-on du pays du tout-charbon ou du tout-fossile qu’est l’Allemagne ? Pourtant, l’Allemagne deviendrait un modèle…

On nous dit que les Allemands vont diminuer leur consommation d’électricité de 40 % d’ici à 2030 et que nous devrions en faire de même. Or je ne crois pas que la consommation va diminuer. Au contraire, celle-ci va gentiment augmenter, en raison de nouveaux usages, tel le véhicule électrique. Toutes les réflexions qui sont aujourd'hui menées sur les moyens à déployer pour produire de l’énergie doivent donc tenir compte d’un paramètre essentiel : la consommation.

Un autre point important concerne le prix payé. Au sein de votre majorité – non plus ici, monsieur le secrétaire d'État, mais dans une autre assemblée –, un courant de pensée, qui a d’ailleurs pris la forme d’un groupe parlementaire, veut à tout prix que l’énergie soit chère. Les écologistes prétendent avec une grande constance que le prix de l’électricité n’est pas assez élevé et que le coût du pétrole doit augmenter. Sur ce dernier point, ils auront largement satisfaction, car un certain nombre de mesures contenues dans le projet de loi de finances vont conduire, au grand dam des consommateurs français, à l’augmentation du prix du gazole ou du fioul, pour les raisons que vous savez et sur lesquelles je n’insisterai pas.

Pour ce qui concerne l’électricité, rappelons que le déploiement de tout le potentiel d’énergies renouvelables est supporté par le consommateur au travers de ce qu’on appelle la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, qui représente aujourd'hui environ 16 euros par mégawatt. En Allemagne, connaissez-vous, mes chers collègues, le montant de l’équivalent de la CSPE ? Le chiffre est certainement déjà dépassé, alors qu’il ne remonte qu’à quelques mois : 53 euros. Avant même d’utiliser un mégawatt, un Allemand paye 53 euros. Cela est notamment dû au fait que l’Allemagne utilise beaucoup d’énergies renouvelables ; le prix est donc très élevé en raison du coût des infrastructures. Savez-vous, par exemple, que, pour ce qui concerne l’éolien, 20 milliards d’euros ont été dépensés pour produire 40 térawatts-heure ? Concernant le photovoltaïque, ce sont 112 milliards d’euros – je dis bien 112 milliards d’euros ! – qui ont été dépensés pour produire 12 térawatts-heure.

En France, le parc électronucléaire de 58 réacteurs aura coûté moins de 100 milliards d’euros pour produire 400 térawatts-heure. Il faut avoir ces chiffres à l’esprit pour arguer du fait que la politique menée en France n’est pas honteuse. Au contraire ! Ce sont des atouts et des acquis que nous devons défendre.

Le temps qui m’est imparti étant déjà écoulé, je conclurai mon propos en évoquant une nouvelle qui nous a beaucoup réjouis ; je veux parler de Jean Tirole, qui s’est vu décerner le prix Nobel d’économie. Ce professeur a réalisé des travaux importants sur la puissance du marché et de la régulation. Or, monsieur le secrétaire d'État, en matière d’énergie, il faut à la fois du marché, de la régulation et de l’ambition !

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