Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis très heureux de m’exprimer ce soir pour la première fois à cette tribune en tant que président de la commission du développement durable pour évoquer la question essentielle du climat, qui sera l’objet d’une très importante conférence internationale à Paris en 2015 et qui sera à l’ordre du jour du prochain Conseil européen.
La politique énergétique et climatique fait partie des cinq priorités stratégiques définies par les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne pour les cinq prochaines années. Ainsi que le relevait le Conseil européen du 27 juin dernier, « les événements géopolitiques, la compétition mondiale pour l’énergie et les impacts des changements climatiques nous incitent à repenser notre stratégie énergétique et climatique. Nous devons éviter une Europe reposant sur les importations massives de gaz et de combustibles. Pour s’assurer que l’énergie du futur soit pleinement sous contrôle, nous devons construire une Union européenne qui tend vers une énergie abordable, à l’approvisionnement sûr et durable ».
C’est dans ce contexte que, les 23 et 24 octobre prochain, les chefs d’État ou de gouvernement des vingt-huit États membres de l’Union européenne se réuniront pour statuer sur les trois objectifs du paquet énergie-climat pour 2030. Ces trois objectifs, tels que proposés actuellement par la Commission européenne, sont les suivants : 40 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins ; 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique et 30 % d’efficacité énergétique par rapport aux projections futures de consommation d’énergie, c’est-à-dire un effort substantiel d’économies d’énergie.
Il est intéressant de noter que l’objectif en matière d’efficacité énergétique ne faisait pas partie de la proposition initiale de la Commission européenne et n’a été ajouté au paquet énergie-climat qu’en juillet dernier. On sait en effet que l’efficacité énergétique a un impact significatif sur l’indépendance énergétique, notamment sur la sécurité des approvisionnements et les importations de gaz. Selon les calculs réalisés par la Commission, un objectif de 30 % d’économies d’énergie d’ici à 2030 permettrait de réduire dans la même proportion les importations de gaz par rapport aux chiffres de 2010.
À ce stade des discussions, sur les trois objectifs évoqués, seul celui de 27 % d’énergies renouvelables serait contraignant et, en outre, à la seule échelle de l’Union européenne, sans ventilation par pays. Or chacun sait qu’il existe une grande disparité entre les pays membres, avec plus de 50 % d’énergies renouvelables dans certains pays comme la Suède et moins de 5 % au Royaume-Uni, par exemple.
Les lignes directrices préparées en prévision du Conseil européen évoquent également la nécessité de réformer le marché européen du carbone, en durcissant le plafond annuel de quotas, tout en maintenant des quotas gratuits pour les industries les plus exposées à la concurrence internationale.
La commission du développement durable a déjà eu l’occasion de souligner l’année dernière, assez unanimement d’ailleurs, la nécessité d’engager une réforme structurelle de ce marché d’échange, qui ne permet pas d’atteindre les objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre et qui, de surcroît, pénalise certains secteurs économiques.
Je ne rentrerai pas dans le débat sur les chiffres proposés, qui sont cohérents avec les objectifs retenus jusqu’à présent dans notre pays. Nous aurons largement l’occasion de nous exprimer au cours de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte sur le niveau d’ambition pour la France. La commission du développement durable prendra d’ailleurs toute sa part dans cette discussion déterminante pour l’avenir de notre économie.
Dans le contexte européen actuel, certains pays s’interrogent sur les objectifs proposés. Ils ont même manifesté, pour certains d’entre eux, une claire opposition lors du dernier Conseil européen consacré à ce sujet. C’est la raison pour laquelle des mesures de flexibilité et des mécanismes de soutien ont été prévus. Il s’agit en particulier des pays de l’Est, qui, derrière la Pologne et le groupe de Visegrád, refusent l’adoption d’objectifs contraignants pour 2030, préférant attendre les résultats de la conférence internationale de 2015 sur le climat.
Cette conférence internationale est une priorité de la diplomatie française, et nous nous en réjouissons. Concernant ces questions climatiques, le prochain Conseil européen sera le premier véritable test pour notre pays. À cet égard, pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le secrétaire d'État, dans l’optique de la présidence française des négociations de 2015 ? L’enjeu est en effet, vous en conviendrez, tout à fait considérable.
Trois mécanismes de solidarité sont aujourd’hui en discussion dans le cadre du paquet énergie-climat : la création d’une réserve de 400 millions de quotas pour financer des projets industriels pilotes à bas carbone ; la création d’un nouveau fonds, afin d’aider à moderniser les systèmes énergétiques et l’efficacité énergétique des pays dont le PIB est inférieur à 60 % de la moyenne européenne ; enfin, un transfert de 10 % des quotas destinés à être vendus aux enchères à destination des pays dont le PIB n’excède pas 90 % de la moyenne européenne, à savoir les pays de l’est et du sud de l’Europe.
Ces contreparties permettront-elles d’emporter un accord sur les objectifs européens ? Quelle sera la position de la France sur ces points précis ? Nous aimerions vous entendre sur ces questions, monsieur le secrétaire d'État.
Il s’agit bien à présent pour notre pays de tracer les grands axes de sa politique extérieure en matière de dérèglement climatique, dans la perspective de la conférence de Paris sur le climat. La feuille de route fixée en décembre 2011 lors de la conférence de Durban est claire : tous les pays doivent parvenir en 2015 à un accord applicable à tous, juridiquement contraignant et ambitieux, afin de respecter l’objectif de contenir le réchauffement climatique à deux degrés que s’est fixé la communauté internationale. Si l’on souhaite voir aboutir la conférence de Paris, il est impératif de pouvoir s’appuyer sur une position commune et forte, portée par tous les pays de l’Union, avant cette échéance.
La commission du développement durable contribuera à la réflexion commune en participant en fin d’année à la conférence préparatoire de Lima ainsi qu’aux différentes rencontres interparlementaires internationales et en reprenant les travaux de son groupe de travail sur les questions climatiques, qui se mobilisera tout au long de l’année 2015. Nous en sommes convaincus, les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer dans la définition d’un nouvel accord mondial.
Il nous faut donc donner lors de ce Conseil européen un signal politique fort et clair. Il n’en faut pas moins rester réalistes afin que le signal envoyé soit positif.
Au-delà de l’impérieuse nécessité d’obtenir un accord international en décembre 2015, il est aussi indispensable de fixer une fois pour toutes un horizon clair pour les investisseurs qui ont besoin, en ce domaine comme dans bien d’autres, d’un cadre juridique stable et prévisible. Dans un contexte de crise économique grave, les négociations autour du paquet énergie-climat doivent aussi être l’occasion d’enclencher une politique économique résolument ambitieuse et génératrice d’emplois. De nombreux industriels européens l’ont parfaitement compris. C’est pourquoi ils se mobilisent fortement autour du prochain Conseil européen.
En France, le Conseil national de l’industrie prône un objectif contraignant prioritaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cinquante-sept entreprises et fédérations des secteurs de l’énergie et de la distribution ont appelé, dans une lettre adressée au Conseil européen, à un paquet énergie-climat ambitieux afin de permettre un accord mondial à Paris et de sécuriser les investissements à long terme.
Réussir la transition énergétique, c’est aussi adopter un cadre réglementaire national et européen cohérent et stable afin d’apporter la visibilité essentielle aux acteurs économiques tout en préservant à court terme la compétitivité des entreprises intensives en énergie et des entreprises fortement exposées à la concurrence internationale.
L’objectif à atteindre est clair. La position de la France dans le cadre de ce Conseil européen va largement conditionner sa crédibilité pour les négociations internationales à venir. En mars dernier, le Conseil européen n’était pas parvenu à adopter d’objectifs chiffrés pour 2030. Monsieur le secrétaire d’État, nous n’avons désormais plus le droit à l’erreur.