Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les 23 et 24 octobre prochain, les questions de climat et d’énergie seront en tête de l’ordre du jour du Conseil européen – plusieurs de nos collègues ont développé cet aspect –, mais il y sera aussi examiné la situation économique de l’Union européenne et de ses États membres. C’est pourquoi j’ai souhaité intervenir sur différents aspects de cette situation en la mettant en perspective à la lumière de questions budgétaires.
Pour commencer, je m’interroge sur l’examen annuel de croissance, qui marque le début du semestre européen. En 2014, la première priorité retenue est « d’assurer un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance ». Il doit donc s’agir de concilier consolidation budgétaire et croissance. Le gouvernement français est pleinement engagé dans cette voie, mais les autorités européennes et certains de nos partenaires ne semblent pas prêts à dépasser le stade des discours.
À ce sujet, je souhaite précisément évoquer l’évaluation par la Commission européenne des projets de plans budgétaires des États membres de la zone euro, suite au two-pack entré en vigueur le 30 mai 2013. Nous saurons d’ici au 30 octobre si la Commission européenne a décelé dans le budget français un manquement particulièrement grave aux obligations découlant du pacte de stabilité et de croissance et si elle demande qu’un projet révisé lui soit soumis.
Ce Conseil est l’occasion de rappeler qu’un assainissement propice à la croissance n’est pas un assainissement qui étouffe la croissance. Le cas allemand constitue une bonne illustration de ce phénomène : les prévisions de croissance ont été abaissées, et il se pourrait que le dynamisme économique de l’Allemagne marque un ralentissement sur la durée. La crise économique a eu une incidence sur le potentiel de croissance de nos économies, et il ne faut pas l’empêcher de se reconstituer si nous voulons qu’un jour l’Europe contribue à nouveau à la croissance mondiale. L’Eurogroupe envoie des signaux encourageants en débattant des modalités selon lesquelles pourrait être mis sur pied un fonds d’investissement afin, notamment, de mettre en œuvre le plan d’investissement de 300 milliards d’euros sur les trois prochaines années.
On assiste à de nombreux débats sur les modalités de financement de ces investissements, sur le rôle que pourraient jouer la Banque européenne d’investissement et les banques nationales telles que la KfW allemande ou la Caisse des dépôts française et sur le rôle que pourrait jouer ou ne pas jouer le mécanisme européen de stabilité. Mais on peine à y voir clair sur le type d’investissements visés. On évoque beaucoup les infrastructures. Ce plan portera-t-il essentiellement sur elles ? Je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous donnerez peut-être des indications sur ce débat qui ne fait que commencer.
Enfin, je voudrais revenir sur l’agenda de la zone euro en matière bancaire et financière, point sur lequel la commission des finances est traditionnellement très vigilante. Dans ce domaine, le principal chantier en cours est celui de l’union bancaire. Dans quelques semaines, le premier pilier de l’union bancaire, le mécanisme de surveillance unique, va entrer en vigueur.
Le deuxième pilier est la résolution unique, c’est-à-dire la mise en place d’une architecture et d’un financement commun pour gérer les crises bancaires, afin d’éviter au maximum l’appel au contribuable pour renflouer les banques. Le règlement européen a été adopté et le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne – dont le sigle « DDADUE » peut prêter à sourire –, que nous examinerons cette semaine, prévoit l’adaptation de notre droit à cette nouvelle architecture.
Cependant, la commission des finances est soucieuse du financement de notre économie. Elle n’oublie pas non plus que le contribuable français sera tout de même indirectement sollicité puisque toutes les sommes versées par les banques au fonds européen viendront réduire le montant de l’impôt sur les sociétés qu’elles acquittent et qu’il faudra donc trouver de l’argent ailleurs pour poursuivre la réduction des déficits. C’est la raison pour laquelle nous nous inquiétons de la contribution des banques françaises au Fonds de résolution unique européen de 55 milliards d’euros. Nous avons donc adopté un amendement sur la proposition de notre collègue Richard Yung, rapporteur, qui permet, en quelque sorte, de « surseoir à statuer » sur la participation de la France au mécanisme de résolution unique tant que nous ne connaissons pas le résultat de la négociation sur le financement du Fonds de résolution unique.
Sur le fond, nous voudrions savoir pourquoi les banques françaises devraient payer une part supérieure aux banques allemandes alors que notre économie est de plus petite taille et notre système bancaire réputé moins risqué. Sur le calendrier, nous voudrions comprendre pourquoi la Commission européenne tarde à prendre les « actes délégués » dans lesquels doit figurer la répartition des contributions entre les différents systèmes bancaires de la zone euro.
Par ailleurs, si le fonds de résolution ne suffisait pas à éponger les pertes d’un établissement, quel serait le filet de sécurité ? Lors du lancement de l’union bancaire, l’objectif était de permettre in fine un financement par le mécanisme européen de stabilité, le MES. Cette idée a du mal à aboutir, alors même qu’elle représenterait la véritable intégration et la véritable solidarité à l’échelle de la zone euro. Un accord politique a été obtenu au sein de l’Eurogroupe le 13 juin dernier sur ce sujet, mais il pose de multiples conditions à l’utilisation du MES et nécessite de passer par la procédure lourde de l’accord intergouvernemental. Nous aimerions savoir si cette idée a des chances de prospérer.
Je conclurai en souhaitant que la France ne baisse pas la garde en matière de régulation financière. Le commissaire Jonathan Hill a présenté la régulation du shadow banking – la finance de l’ombre – comme l’un de ses chantiers prioritaires. Encore une fois, à nous de l’aider à passer de la parole aux actes.