Intervention de Pierre-Marie Abadie

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 14 octobre 2014 : 1ère réunion
Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs andra — Audition de M. Pierre-Marie Abadie candidat proposé aux fonctions de directeur général

Pierre-Marie Abadie, candidat proposé aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) :

Les déchets sont là et leur durée de vie est de plus en plus longue. Ils ne disparaîtront pas. Notre objectif est d'éviter l'exposition de nos concitoyens et de rechercher le meilleur mode de stockage pour chaque catégorie de déchets. C'est plus facile pour les déchets à vie courte. Pour les déchets à vie longue, de l'ordre de plusieurs milliers d'années, ni la transmission de la mémoire ni la robustesse d'un ouvrage construit par l'homme ne peuvent être collectivement garantis à cet horizon. D'où le concept de stockage profond, à 500 mètres de profondeur dans d'épaisses couches d'argile - un coffre-fort qui garantit que les générations futures n'y accéderont pas par accident. Nous traitons, pour les minimiser, les conséquences environnementales de la production de déchets.

La France, à la différence de la Suède, a fait le choix, pour traiter les déchets nucléaires, d'un établissement public indépendant des producteurs. Ce choix, source de légitimité, emporte des conséquences : contrôle du Parlement et d'un évaluateur, mode de gestion différent des projets industriels. Il faut toutefois mener ces projets de manière professionnelle, avec le meilleur niveau de sûreté, au meilleur coût. Cet établissement doit disposer d'une expertise propre en matière de maîtrise d'ouvrage et de moyens pour réaliser un pilotage stratégique. Mais il ne saurait agir seul, sans collaborer avec les producteurs de déchets, qui sont également les financeurs. Il ne faut pas faire fi de leurs compétences d'exploitants nucléaires.

Ce travail collaboratif a été long à se mettre en place, malgré les efforts de la DGEC. Les torts étaient partagés, les industriels estimaient détenir seuls les compétences, l'agence ne prenait pas la mesure du passage à la phase industrielle. Ce temps est heureusement dépassé. Il ne s'agit pas que les opérateurs se substituent à l'Andra, mais celle-ci doit travailler avec eux et s'appuyer si nécessaire sur leur expertise. À présent l'agence dispose d'une centaine de personnes pour la maîtrise d'ouvrage, 300 dans les différentes maîtrises d'oeuvre. Les discussions techniques se prolongent, à mesure que le projet avance et soulève de nouvelles questions, mais des points essentiels ont été tranchés.

Les transports de déchets ne relèvent pas de la compétence de l'Andra, ni de la DGEC, mais de la Défense. Une tension existe entre l'exigence de transparence et l'exigence de sécurité des transports. Il convient de se prémunir contre les menaces terroristes et d'assurer l'ordre public : dans le passé, une personne est décédée lors d'un convoi mais les manifestations sont en France d'une ampleur très inférieure à ce qu'elle est en Allemagne où 30 000 policiers sont réquisitionnés lors des transports vers Gorleben !

L'Andra n'est pas concernée par le code minier car le stockage n'est pas une exploitation minière.

Les agences de gestion des déchets radioactifs se réunissent au sein d'une organisation internationale, l'Edram. Parmi les pays très avancés sur le sujet, on compte la Suède, avec des concepts très différents, la Suisse, ou la Corée. Ceux qui travaillent sur le stockage profond considèrent avec intérêt notre concept de laboratoire. L'originalité de notre solution tient aussi à l'existence de massifs d'argile dont nous tirons profit pour le stockage.

Je ne voudrais pas donner l'impression que nous avons tout prévu à 150 ans. Au contraire, notre démarche est progressive ; l'essentiel est du reste la réversibilité, concept politique, éthique, enjeu de gouvernance, qui vise à préserver pour la génération suivante le choix entre différentes options. Ce concept s'applique sur des questions techniques telles la récupérabilité, l'aptitude à sortir les déchets enfouis, ou l'adaptation du projet à l'évolution des déchets. Il convient de conserver des marges de manoeuvre, ne pas devenir prisonniers d'une solution unique, l'enfouissement. C'est pourquoi nous conservons des capacités de stockage en surface.

La phase industrielle pilote prend en compte l'exigence de réversibilité : il s'agit de pouvoir sortir les déchets facilement dans de bonnes conditions. Faut-il sceller ou non les alvéoles ? Comment trancher le débat entre sûreté et facilité d'accès aux déchets ? Laisser les alvéoles ouvertes n'est pas bon pour la sûreté mais facilite l'accès. Nous trancherons en 2020-2025. Nous n'avons pas tout prévu et avançons pas par pas.

Enfin je serai opérationnel à l'issue de cette audition, si vous en décidez ainsi ! Le décret de nomination pourrait alors paraître rapidement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion