Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 16 octobre 2014 à 15h00
Adaptation de la législation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

Ce type de texte vous est désormais familier, même si le dernier texte d’adaptation au droit de l’Union européenne dont vous avez eu à connaître en matière économique a déjà presque deux ans, puisqu’il a été promulgué au mois de janvier 2013.

Toutefois, le présent projet de loi est sans doute l’un des plus riches que le Sénat ait eu à examiner en matière de transposition. Je remercie donc particulièrement le rapporteur, M. Richard Yung, ainsi que les sénateurs de la commission des finances de s’y être plongés en profondeur et d’en avoir permis une amélioration substantielle lors de son examen en commission la semaine dernière.

La richesse de ce projet de loi tient à l’activité législative soutenue, qui n’est pas le fruit du hasard, du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen en fin de législature. Cette activité législative a été nourrie par les enseignements tirés de la crise financière. Elle s’est traduite par de substantielles avancées de l’intégration économique européenne et, partant, par de nouvelles obligations pour les États membres pour adapter leur droit économique et financier à l’horizon des années 2015 et 2016. Ce sont l’ampleur de cette tâche et, à certains égards, l’urgence de la mener à bien – l’actualité économique de la zone euro le démontre chaque jour – qui ont conduit le Gouvernement à préparer un projet de loi spécifique et à solliciter de votre part, dans certains cas, des habilitations à procéder par ordonnance.

C’est dans l’esprit de dialogue qui l’anime que le Gouvernement vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous atteler à cet exercice. Nous avons parfaitement entendu le souhait des parlementaires, exprimé en commission, d’être pleinement associés à la rédaction de certaines dispositions sensibles ; je reviendrai sur ce point.

Le présent projet de loi vise à transposer des directives et à adapter le droit interne au droit de l’Union européenne dans trois domaines principaux : l’achèvement de l’union bancaire et financière, la transparence financière des entreprises et la protection des consommateurs.

Sur le premier sujet, les quatre premiers articles du texte, de même que les articles 9 et 13 à 16, concernent l’adoption en droit interne de dispositions à caractère financier contribuant à la consolidation du marché intérieur et du système financier européen.

Les articles 1er et 2 ont pour objet de permettre la transposition des directives relatives à la résolution bancaire – la directive BRR – et à la garantie des dépôts, publiées au printemps. Ces directives parachèvent l’édifice de l’union bancaire, avec le règlement relatif au mécanisme de résolution unique, pour la mise en œuvre duquel le Gouvernement sollicitera toute à l’heure, par voie d’amendement, une habilitation à légiférer.

Lancée à l’été 2012 par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et de la zone euro, cette union bancaire repose sur plusieurs piliers.

Il s’est d’abord agi de mettre en place un mécanisme de supervision unique qui fonctionne. Il s’appliquera bientôt directement aux cent vingt plus grands groupes bancaires de la zone euro. C’est une avancée politique majeure dans la construction d’une union bancaire ; elle stabilisera l’Europe.

Une deuxième étape a été franchie avec succès avant l’été, avec la finalisation du mécanisme de résolution unique, ou MRU, fixant des règles pour faire face à des situations de crises potentielles et organisant un cadre de faillite ordonnée pour les établissements financiers, ce qui répond à une attente pressante.

L’ensemble formé par la directive BRR, par la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts et par le règlement relatif au MRU vise à établir des règles harmonisées à l’échelon européen en matière de résolution bancaire. Celles-ci permettront notamment de définir, par ordre de priorité, le montant des pertes devant être supportées, en cas de résolution, par les diverses parties prenantes, à savoir les actionnaires, les créanciers et, enfin, les déposants au-delà du plafond de garantie fixé à 100 000 euros.

Cette deuxième étape ne sera pleinement franchie qu’avec la mise en place, au plan européen, d’un Fonds de résolution unique, le FRU, financé par les banques. Cette demande forte, soutenue par le Gouvernement français, a donc été entendue. Les modalités de contribution des établissements de crédit français au Fonds de résolution unique sont en cours de discussion à l’échelon européen. Compte tenu de ces enjeux, le Gouvernement reste particulièrement vigilant pour que soit garantie une équité de traitement entre les secteurs bancaires des différents pays participant à l’union bancaire. Un projet de loi de ratification de l’accord intergouvernemental du 21 mai 2014 portant sur cet aspect du mécanisme sera d’ailleurs très prochainement soumis à votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs.

Par ailleurs, l’Europe s’est attachée à la redéfinition et à l’harmonisation de règles prudentielles applicables aux établissements financiers, afin notamment d’en limiter les aspects procycliques et de prévenir les faillites dites « systémiques ». Les banques ont été dotées d’un tel régime avec le paquet CRD IV/CRR, que la France aura prochainement transposé en totalité. Les organismes d’assurance seront dotés d’un mécanisme équivalent, prévu par la directive Solvabilité II.

Cette dernière constitue une refonte globale du régime prudentiel encadrant l’exercice des activités d’assurance et de réassurance en Europe. Elle renforcera les exigences applicables en matière de solvabilité, de gouvernance, de contrôle, ainsi que de transparence. Les travaux de transposition en droit interne de ce texte, visant à en permettre l’entrée en vigueur au 1er janvier 2016, sont menés au travers d’une consultation intensive, à laquelle sont associés l’ensemble des acteurs concernés.

Enfin, d’autres textes particulièrement importants pour les marchés financiers, tels que la directive concernant les marchés d’instruments financiers ou celle qui vise les OPCVM, doivent également être transposés dans les mois qui viennent.

Un deuxième groupe de dispositions que comporte le présent projet de loi a trait aux obligations applicables aux entreprises. Je pense notamment aux transpositions, à l’article 6, de la directive dite « Transparence » et, aux articles 7 et 8, de la directive dite « comptable ».

La transposition de la directive Transparence s’inscrit dans le cadre des mesures de simplification souhaitées par le Président de la République. Elle introduit des dispositions très concrètes en faveur des entreprises, notamment des PME. Elle permettra d’abord d’étendre de deux à trois mois le délai de publication des rapports financiers semestriels, ce qui évitera l’effet de surcharge d’informations en fin d’été qui conduit les analystes et investisseurs à se concentrer sur les entreprises de premier plan, au détriment des ETI, les entreprises de taille intermédiaire, et des PME. Cette disposition permettra à ces dernières d’attirer davantage l’attention du marché et d’accéder à de nouveaux financements.

Par ailleurs, la directive Transparence prévoit la suppression de l’obligation de produire une information financière trimestrielle qui entraînait des coûts administratifs élevés et incitait le marché à se concentrer sur la performance de court terme des entreprises, au détriment de leur performance de moyen et plus long terme.

En matière d’information financière, l’activité normative européenne a également permis d’adopter une directive comptable unique au mois de juin 2013. C’est sur le fondement de ce texte que le Gouvernement a déjà opéré, par une ordonnance autorisée par la loi de simplification du 2 janvier dernier, d’importantes simplifications des obligations comptables, au profit de près d’un million et demi d’entreprises. Il nous faut à présent achever la transposition de cette directive, en mettant à jour certains articles du code de commerce. Ce travail se fera à grands principes constants : la stabilité normative est aussi gage de simplification, et les entreprises, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, insistent beaucoup sur ce point lorsque nous les rencontrons et lorsque vous-mêmes les côtoyez dans vos circonscriptions.

La directive comptable comprend, par ailleurs, une mesure nouvelle et d’importance concernant la transparence des industries extractives, disposition qui est transposée à l’article 8 du présent projet de loi. Cette mesure, la France l’a activement défendue à Bruxelles lors de la négociation du texte. Elle vise à renforcer la responsabilité sociale des entreprises du secteur extractif et de l’exploitation de forêts primaires. Pour cela, elle tend à imposer à ces dernières la publication annuelle d’un rapport détaillé, projet par projet, relatif aux sommes qu’elles versent aux gouvernements des pays où elles sont actives.

L’objet d’une telle mesure de transparence est clair : il s’agit de permettre aux citoyens et à la société civile des pays riches en matières premières, en particulier les pays en développement, de connaître précisément les revenus engendrés par leurs exploitations et de mieux vérifier l’usage qui en est fait par leurs autorités. Ce dispositif européen répond à celui qui a été adopté par les États-Unis en 2010 ; la France promeut son adoption par l’ensemble des membres du G8 et du G20. Notre pays est à l’avant-garde sur ce sujet au plan européen.

Le texte prévoit une double publication des informations, non seulement au registre du commerce et des sociétés, mais également sur le site internet des sociétés, afin de garantir un accès simple et gratuit de l’ensemble des citoyens à ces informations.

Enfin – c’est le troisième volet du texte –, le présent projet de loi prévoit diverses transpositions permettant de renforcer la protection des consommateurs.

À l’article 10, il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive dite « Crédit immobilier ». Ce texte améliore l’information des consommateurs et introduit des règles de bonne conduite pour les prêteurs en matière de crédit immobilier. Il prévoit ainsi une harmonisation de l’information publicitaire et précontractuelle et la définition d’un cadre pour l’exercice de l’activité d’intermédiaire de crédits immobiliers.

Quant à l’article 11, il a pour objet d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance les dispositions de la directive relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation. Cette dernière vise à généraliser la mise en place de mécanismes de résolution amiable des litiges de consommation dans tous les secteurs professionnels. Pour les consommateurs français, il s’agit d’une avancée importante en termes de recours qui leur permettra de faire valoir leurs droits aisément et gratuitement. Ainsi, en cas de litige persistant avec un professionnel, les consommateurs auront la possibilité de s’adresser à un médiateur clairement identifié aux fins de résoudre le différend et éviteront ainsi de devoir recourir à la justice.

Cette habilitation à légiférer par voie d’ordonnance est demandée au Parlement non seulement pour des raisons de calendrier, mais aussi parce que le projet d’ordonnance s’inscrit dans la continuité des grands principes de la médiation conventionnelle définie dans le code de procédure civile.

Tel est le panorama d’ensemble des principaux enjeux de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, ou projet de loi DDADUE, qui est donc cohérent avec les actions politiques menées par la majorité depuis 2012 et que je me permets de rappeler ici : encadrement de la sphère financière, dont les ressources doivent être canalisées vers le financement de l’économie réelle ; simplification de la vie des entreprises, qui sont invitées à la responsabilité ; et protection des Français, notamment les plus modestes, y compris dans leur vie de consommateur.

Les dispositions du texte aujourd’hui soumis à votre examen répondent à une nécessité juridique tout en reflétant l’intensité des travaux européens menés sur ces sujets. Dans le même temps, elles permettent une modernisation de notre droit, attendue par nombre de citoyens, de contribuables, de consommateurs et d’opérateurs économiques.

Je souhaite donc que ces mesures recueillent, de la Haute Assemblée, l’assentiment le plus large. §

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