Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 16 octobre 2014 à 15h00
Adaptation de la législation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je le dis avec conviction : le présent projet de loi est une victoire pour l’Union européenne et pour la construction d’une véritable union bancaire.

Au mois de juin 2012, qui pouvait imaginer que l’union bancaire serait rendue presque totalement opérationnelle deux années à peine après les premières propositions de Michel Barnier ?

M. le rapporteur, Richard Yung, l’a très justement explicité dans son rapport : le présent projet de loi procède d’un chantier législatif considérable mené à l’échelon européen.

Les sénateurs du groupe UDI-UC se félicitent ainsi de voir, grâce à ce projet de loi, l’émergence d’une union bancaire opérationnelle et, plus largement, d’un droit financier européen ambitieux et contraignant.

Nous le savons tous, cette initiative était rendue nécessaire par la nature même de la crise qui a frappé les États-Unis puis l’Europe depuis l’été 2007.

Les différentes crises bancaires auxquelles nous avons assisté ont conjugué deux caractéristiques majeures : la prolifération du risque systémique et notre manque d’information quant à la situation financière réelle de nos banques.

La déstabilisation de Bear Stearns puis le renflouement public de Freddie Mac et de Fannie Mae ont été les prémices de la chute de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Cela fait donc presque six ans, jour pour jour, que la faillite de cette banque a mis en évidence l’existence d’un risque systémique dans notre environnement économique et que nous avons pu constater l’existence du lien dramatique entre la bonne santé financière des banques et les finances publiques.

C’est le principe du too big to fail : la faillite d’une institution financière de dimension systémique bouleverse tout le fonctionnement de l’économie et, par conséquent, impose impérativement une intervention étatique rapide et massive.

Pourtant, pendant de nombreux mois, la France a cru au scénario du découplage. On pouvait effectivement croire que la crise financière américaine était une crise avant tout anglo-saxonne et ne menaçait en rien l’économie européenne.

Néanmoins, dès le mois de février 2008, nous avons découvert que certaines banques françaises prenaient des positions très hasardeuses sur les marchés financiers et encouraient des pertes financières de l’ordre de plusieurs milliards d’euros.

La diffusion de la défiance a ainsi conduit à la paralysie du marché monétaire et à une crise bancaire sans précédent dans notre pays à l’automne 2008.

La banque Dexia a été longtemps soutenue par l’État et ce dernier a également accordé un large prêt aux banques nationales pour décongestionner le marché monétaire.

Le mal était déjà fait, puisque la pénurie de liquidités a contribué à étendre la crise du monde de la finance à l’économie réelle. Ce phénomène n’a pas été propre à la France : il a touché avec plus ou moins d’ampleur tous les pays d’Europe. Pour preuve, la faillite partielle, au mois de juillet 2012, au pire moment de la crise des dettes souveraines, du groupe espagnol Bankia, financier des collectivités territoriales espagnoles.

Nos banques sont fragiles et, à la différence des États, elles sont mortelles. De ce point de vue, nous souffrons d’une profonde asymétrie d’information quant à la réalité de leur santé financière.

Au mois d’août 2011, par exemple, la banque Dexia avait passé haut la main le stress test préparé par les autorités européennes ; pourtant, deux mois plus tard, elle s’est définitivement effondrée et il a alors fallu légiférer sur le sujet à l’occasion du collectif budgétaire d’octobre 2011.

Dès lors, il devenait évident qu’une législation européenne intégrée était nécessaire, afin de prévenir une nouvelle déstabilisation de notre système financier et bancaire. Il était également devenu évident, après la crise des dettes souveraines, qu’il fallait trouver des outils continentaux pour protéger les finances étatiques, donc le contribuable, et, en dernier recours, les encours bancaires de nos concitoyens.

Le présent projet de loi, en transposant les directives européennes préparées depuis plus de deux ans, répond ainsi aux enjeux majeurs de stabilisation de notre système financier. Il transpose notamment treize directives européennes qui touchent aussi bien au secteur bancaire qu’à l’assurance ou à la finance.

Ce nouveau cadre juridique intégré permettra d’harmoniser les normes et les pratiques dans tous les pays de l’Union européenne, tout en jetant les bases d’un retour effectif de la confiance dans notre système financier.

Les sénateurs du groupe UDI-UC se réjouissent de voir l’aboutissement de cet important travail des organes de l’Union européenne. Néanmoins, je me permettrai de formuler quelques réserves de fond et de forme.

Sur le fond, les débats en commission des finances ont mis en avant un point majeur, dont la discussion mérite d’être poursuivie à l’échelon européen, en matière de consolidation du mécanisme de résolution unique.

Ce mécanisme a vocation à épargner les finances étatiques et les clients des banques en cas de faillite totale ou partielle d’une banque systémique. Il sera alimenté par un versement des banques concernées. Or, au plan européen, il s’avère que la France s’impose, malgré elle, comme la grande perdante de la négociation.

En effet, comme cela a été rappelé, notre système bancaire demeure très concentré autour de trois ou quatre groupes d’envergure internationale. En revanche, le réseau bancaire allemand s’appuie sur un réseau plus diffus de banques régionales dont la solidité financière soulève encore aujourd’hui d’importantes questions.

Du fait de l’architecture de son marché bancaire, la France contribuera à hauteur de 30 % à l’approvisionnement du fonds en cause, soit près de 2 milliards d’euros par an. Ce versement durcira l’équation financière de nos banques, qui font déjà face aux enjeux de renforcement de leurs fonds propres après l’entrée en vigueur des ratios prudentiels issus des accords de Bâle III, mais aussi des dispositions votées en 2013 à la suite de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires qui prévoit la filialisation des départements de nos banques spécialisés dans l’investissement d’affaires.

Peut-être y a-t-il lieu alors de nous interroger. La France doit-elle légitimement participer aux éventuels sauvetages à venir des banques allemandes alors que ces dernières contournent les règles communes de participation à l’approvisionnement du fonds ? Il ne faudrait pas substituer au risque systémique et à l’asymétrie d’information un jeu de dupes confinant l’Allemagne à un comportement de « passager clandestin ».

D’un point de vue plus formel, il convient de s’interroger à la fois sur la pertinence de nos méthodes de transposition des directives et sur le recours très fréquent dans le cadre du présent texte aux ordonnances – ce sujet vient d’être abordé.

Tout d’abord, la technique de la transposition massive de directives européennes par le biais de véhicules législatifs uniques a permis à la France de mieux remplir les exigences de respect du droit européen émanant notamment de l’article 88–1 de la Constitution.

Toutefois, peut-être pourrions-nous nous interroger sur l’opportunité du recours systématique à cette méthode. En effet, comme beaucoup, je crois parfois que le mieux est l’ennemi du bien et que, à trop vouloir tout transposer trop vite, le débat parlementaire perd en lisibilité et en clarté. Peut-être passons-nous donc d’un excès à l’autre.

Un tel paquet législatif aurait pu donner lieu au dépôt de deux ou trois textes et à un débat parlementaire plus approfondi – certains orateurs aborderont des points plus précis lors de la discussion des articles tout à l’heure – portant sur les enjeux spécifiques de l’union bancaire ou sur les évolutions du secteur des assurances. À trop vouloir forcer le rythme démocratique de la confection de la loi au nom de la transposition la plus rapide qui soit, on perd sans doute en cohérence et en clarté législative.

Le second point formel, qui a nourri l’essentiel des travaux de la commission, est le recours massif aux ordonnances tantôt pour transposer des directives, tantôt pour adapter notre droit interne aux règlements européens. Sur ce point, un équilibre a été trouvé par la commission des finances – il faut le saluer –, afin de définir des délais raisonnables de transposition.

Je remercie encore une fois M. le rapporteur de la qualité de son travail et des échanges au sein de la commission, ainsi que de son investissement particulier sur le thème du développement du droit financier européen.

Le présent projet de loi n’épuise bien évidemment pas totalement l’enjeu de la consolidation de notre système financier. Le rapport adopté par la commission fait bien sûr état des nombreuses directives encore en chantier. Le débat a donc vocation à se poursuivre dans les années à venir. Dans cette perspective, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur du présent texte.

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