Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 21 octobre 2014 à 9h30
Questions orales — Embargo russe sur les produits alimentaires européens

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les effets de l’embargo russe sur les prix agricoles.

Décidé au début du mois d’août par la Russie, en réaction aux décisions politiques de l’Union européenne concernant la situation en Ukraine, cet embargo d’un an sur les produits alimentaires européens touche particulièrement les filières françaises des viandes porcines et bovines, mais aussi les filières de production de pommes de terre, fruits et légumes frais.

Les produits concernés représentent une valeur de 244 millions d’euros, soit un tiers des exportations agroalimentaires envoyées à la Russie.

Or, la filière porcine était déjà fortement impactée par la décision de la Russie de suspendre, dès janvier 2014, ses importations de viande de porc en provenance de l’Union européenne, en raison de deux cas de peste porcine africaine détectée sur des sangliers en Lituanie.

La chute des cours du porc en France depuis le début de ce premier embargo se traduisait, selon Inaporc, par une perte de plus de 10 millions d’euros par semaine pour les éleveurs et les entreprises d’abattage et de découpe. La situation ne fait qu’empirer du fait du second embargo décidé récemment.

Autre exemple, l’Union européenne exportant vers la Russie 5, 7 % de sa production en fromage et 9 % de sa production en beurre, un simple excédent de marchandises déstabilise rapidement l’ensemble de la filière laitière, avec des conséquences très graves sur les prix de l’ensemble des produits laitiers.

Enfin, les producteurs de fruits et légumes doivent faire face depuis quelques semaines à des importations massives, notamment espagnoles et polonaises, de stocks très importants, écoulés à prix bradés sur le marché français.

Déjà durement touchés par la crise et par des perturbations climatiques fortes, les agriculteurs sont en droit d’obtenir une compensation à une décision unilatérale, dont ils sont les premières victimes.

Une première enveloppe d’aide de 200 millions d’euros avait été dégagée pour soutenir les cours des fruits et légumes et des produits laitiers. Mais des problèmes ont été rencontrés au niveau de sa répartition, du fait des surenchères de deux pays, à savoir la Pologne et l’Italie, en matière de demandes d’indemnisation. En conséquence, le premier dispositif de soutien au secteur maraîcher a été suspendu et il a été mis un terme aux mesures de soutien aux producteurs de fromage.

Ce 30 septembre, une autre enveloppe de 165 millions d’euros aurait été débloquée pour douze pays.

Pour éviter un désastre économique, il va sans dire que ces enveloppes sont bienvenues ! Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les sommes dévolues aux agriculteurs français et leur ventilation, mais aussi les éventuelles contraintes qui y seraient liées.

Je tiens aussi à mentionner l’inquiétude de certains qui, parallèlement, craignent une éventuelle ponction sur le budget de la politique agricole commune, la PAC. Ainsi, pouvez-vous nous préciser où cette somme de 365 millions d’euros a été prélevée ?

Si, comme certains l’annoncent, elle l’a été sur la réserve de crise spécifique prévue dans le cadre de la PAC, cette ponction risque de pratiquement vider ladite réserve, dotée à ce jour de 432 millions d’euros ! Ne resteraient donc que 88 millions d’euros pour pallier une autre crise agricole éventuelle, les perturbations climatiques que nous connaissons tous, entre autres facteurs, pouvant faire craindre le déclenchement d’une telle crise.

En outre, d’autres échos venant de Bruxelles nous font redouter des ponctions sur la réserve dite des « recettes additionnelles », d’environ 450 millions d’euros actuellement et destinées au financement de la PAC, vers les dossiers d’urgence humanitaire, tels que ceux de la Syrie ou du virus Ebola.

Il n’est bien sûr pas question de sous-estimer l’urgence de certains dossiers, en particulier les dossiers concernant des épidémies ou des conflits que l’Europe non seulement ne peut pas ignorer, mais se doit d’accompagner. Toutefois, monsieur le ministre, pouvez-vous également nous rassurer sur cet autre aspect ? Le budget de la PAC doit être essentiellement consacré à l’agriculture et ne peut servir de « ballon d’oxygène » face aux conséquences financières des déséquilibres commerciaux engendrés par les sanctions que l’Occident a prises pour répondre aux ingérences russes en Ukraine.

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