Sachez tout d’abord, monsieur le sénateur, que je partage l’ensemble de votre analyse.
Effectivement, l’embargo russe a un impact sur la production agricole et agroalimentaire de l’Europe et de notre pays. Dès l’été, après avoir pris contact avec ma collègue espagnole pour tenter de gérer une crise sur les pêches et les nectarines, puis avec mes homologues polonais et allemands pour définir une stratégie commune à l’échelle européenne, j’ai salué la réaction relativement rapide de la Commission européenne et le déblocage des fonds mentionnés dans votre intervention.
Mais, très vite, nous avons connu les difficultés habituelles. J’avais bien indiqué, au moment du Conseil extraordinaire des ministres de l’agriculture de l’Union européenne, organisé au début du mois de septembre, que, si des mesures devaient être mises en œuvre, elles devaient être coordonnées et cohérentes à l’échelle européenne. Prenons l’exemple des pommes : la question des volumes de pommes précédemment exportés de la Pologne vers la Russie – 700 000 tonnes – n’est pas le seul problème des Polonais, car ces marchandises se retrouvent désormais sur notre marché intérieur. L’enjeu est donc bien celui de la cohérence.
Au-delà même des enveloppes financières, si nous commençons, les uns et les autres, à vouloir régler chacun nos problèmes sans penser à la nécessaire gestion collective du marché, nous en reviendrons immanquablement à ce qu’il s’est passé dernièrement : deux pays ont été au-delà des limites raisonnables pour éviter la chute des prix sur le marché et la Commission a mis un terme à son dispositif.
Aujourd'hui, les fonds commencent à être distribués, au travers de trois outils principaux : le retrait de production en cas de situation excédentaire, le soutien à la promotion commerciale pour accroître et soutenir la consommation, le soutien aux exportations.
Ce que je cherche à faire – et c’est le véritable problème que nous rencontrons, monsieur le sénateur –, c’est à accorder à chaque pays une souplesse beaucoup plus grande au niveau de la gestion des retraits, en particulier des prix de retrait, ce qui implique de donner plus de pouvoir aux organisations professionnelles afin de permettre les ajustements nécessaires. Cette gestion ne peut être identique partout en Europe ! Que ce soit au niveau des filières porcine et bovine ou du secteur des fruits et légumes, les situations peuvent être différentes et des produits affectés de manière indirecte peuvent être plus touchés par les problèmes liés à l’embargo russe que certains produits directement concernés.
Enfin, comme vous l’avez indiqué, se pose une question budgétaire. La proposition de la Commission portait initialement sur le recours à des marges de gestion, mais cette solution a été remise en cause, au sein même de la Commission, par la direction générale du budget.
La question soulève un vrai débat.
L’embargo a été décidé par la Russie à la suite des sanctions prises par l’Union européenne à son encontre. Je ne reviens pas sur la situation géopolitique, qui est connue de tous. À cet égard, je n’espère qu’une chose, que l’on se dirige vers une solution politique, permettant de sortir de cette crise ayant un fort impact, y compris sur la croissance de la zone euro.
En conséquence, je ne suis pas d’accord avec l’idée consistant à gérer cet embargo, non pas avec les marges budgétaires qui étaient disponibles pour le faire, mais avec le fonds de gestion de crise. Ce fonds de 430 millions d’euros est en partie pris sur le premier pilier de la PAC. Si un problème survient demain, alors que nous l’avons consommé pour régler les conséquences de l’embargo russe, nous risquons d’avoir de vrais soucis !
Une discussion est donc en cours sur le sujet. Dans le même temps, la Commission nous explique qu’il faut gérer les problèmes liés au virus Ebola, aux grandes crises géostratégiques, mais aussi, semble-t-il – je cherche à vérifier ce point –, aux fonds de cohésion. Comme, en outre, les États ne veulent pas augmenter leur contribution budgétaire, la situation est très difficile.
C’est pourquoi je pense sincèrement qu’il nous faut nous coordonner – je retourne en Espagne samedi prochain – et faire preuve de cohérence. Chacun doit cesser de chercher à tirer le maximum de la situation, immédiatement et sans se préoccuper de la cohérence générale, et il faut accroître la subsidiarité.
Telle est la ligne que nous suivons et allons suivre, et selon laquelle je procéderai dans les semaines à venir pour tenter de régler ce problème spécifique de l’embargo russe.