Pour le reste, il faut rappeler que l’essentiel de la créance de CICE est concentré sur les plus grandes entreprises. La Direction des grandes entreprises et la Direction des résidents à l’étranger et des services généraux ont inventorié des entreprises qui représentent 0, 7 % des bénéficiaires du CICE, mais qui ont capté pour leur compte 42, 6 % de la créance, soit plus de 3, 5 milliards d'euros au total ! Je ne sais si les entreprises ont eu un temps d’ « apprentissage » ou d’adaptation au CICE, mais, en tout cas, certaines apprennent apparemment plus vite que les autres…
Pour les grandes entreprises, la créance moyenne se monte à un million d’euros. Si l’on en croit le mensuel économique que je citais précédemment, cette somme semble avoir été mise à profit pour assurer le respect des décisions des assemblées générales d’actionnaires en matière de distribution de dividendes et de « retour sur investissement », comme on dit avec élégance.
Doit-on en conclure que le CICE n’a provoqué aucune inflexion significative des politiques d’embauche de nos entreprises ? Il semble bien, malheureusement, que tel soit le cas, puisque le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dit « rapport Carré », met en évidence que nous n’avons pas résolu la quadrature du cercle.
Le CICE n’a eu qu’un effet directement constaté : la modération de la progression d’un nouvel indice, à savoir celui du coût du travail. Ce dernier ne fait pas la une des médias grand public, sa modération signifiant tout simplement que les salaires ont tendance à stagner dans notre pays !
Cette situation n’est pas nouvelle en France, puisque, depuis que l’État gèle le point d’indice des fonctionnaires, il semble inspirer bien des politiques salariales dans le secteur dit « concurrentiel ». Doit-on en conclure que le redressement de la rentabilité de nos entreprises, de leurs marges, passe par une nouvelle contraction de la masse salariale ?
Tel pourrait être le cas, car il y a, dans le débat sur le CICE, une réelle hypocrisie. Alors même que les coûts de production ne se limitent aucunement au seul coût du travail, c’est bel et bien sur ce seul élément que portent, depuis plus de vingt ans, tous les efforts des politiques publiques dites « de l’emploi ».
Si l’on excepte les lois Aubry sur l’aménagement et la réduction du temps de travail, le traitement du problème de l’emploi n’est envisagé qu’à l’aune de la contraction des coûts salariaux, et la compétitivité de notre industrie n’est vue qu’à travers ce prisme.
Ce n’est pas, comme nous l’avons vu, en développant l’emploi saisonnier, l’emploi précaire et les emplois dans les secteurs peu qualifiés que nous monterons en gamme et que nos produits seront compétitifs à l’exportation.
Au demeurant, comme chacun l’aura constaté à la lecture tant du rapport Carré que du rapport du comité de suivi, les secteurs bénéficiaires du CICE ne sont pas plus exposés à la concurrence internationale que les autres.
Ainsi, lors du séminaire de la commission des finances en région Centre, les services fiscaux nous ont confirmé que les principaux bénéficiaires du CICE dans cette région étaient les sociétés de travail temporaire et les groupes de la grande distribution.
Quant à la fameuse compétitivité du service aux entreprises en Allemagne, régulièrement présentée comme une véritable réussite, elle est fondée, vous le savez, sur des pratiques de dumping social forcené : aujourd’hui, 20 % des salariés allemands sont embauchés à temps partiel, pour des rémunérations inférieures à cinq euros de l’heure.
Est-ce cela le modèle de compétitivité qu’on veut nous vendre, coûte que coûte, même s’il semble, ces temps derniers, légèrement en panne ? Pour nous, il s’agit malheureusement d’une illustration de plus des principes de concurrence libre et non faussée à la mode européenne.
Évoquons quelques instants les perspectives offertes, sur le moyen terme, par le CICE. Comme le rappelle le rapport Carré, trois modèles macroéconomiques ont été conçus pour évaluer les effets du CICE en termes d’emploi, de croissance ou encore d’échanges extérieurs.
Sans surprise, le modèle le plus optimiste est celui de la direction générale du Trésor, qui tente d’expliquer que la perte de ressources fiscales causée par le CICE, soit 17, 5 milliards d’euros en 2015, serait compensée par une progression du PIB située entre 0, 9 % et 1, 1 % sur la période 2017-2022, soit une somme comprise entre 22 milliards et 25 milliards d’euros. Il est évident que ni le Trésor ni M. Macron, alors conseiller à l’Élysée, n’avaient intérêt à minorer les effets positifs attendus par la mise en œuvre du crédit d’impôt, même si l’effet de levier se révèle faible…
En termes d’emplois, le modèle du Trésor évoque 396 000 créations à l’horizon 2017. Or, avant d’être parlementaire, j’ai été, enseignante en école élémentaire. J’ai fait faire beaucoup de calcul mental, contrairement à ce que j’entends dire sur ce qui se passe dans les classes.