Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre groupe de travail, ainsi que l’a indiqué sa présidente, a identifié – c’est là le deuxième axe de son rapport – l’amélioration de la qualité du repérage amiante comme l’un des enjeux essentiels des années à venir. C’est à nos yeux le maillon faible sur les chantiers de désamiantage. Il importe également de faire du dossier technique amiante, ou DTA, un document de référence.
Selon des informations communiquées au comité de suivi, seuls 25 % à 30 % des DTA étaient réalisés en 2009–2010. Ce dossier, obligatoire uniquement pour les parties communes d’immeubles collectifs et les immeubles à usage commercial ou professionnel, constitue pourtant une véritable « carte d’identité amiante », comprenant les repérages, l’historique des travaux et des mesures d’empoussièrement, une fiche récapitulative et des recommandations générales. Quant aux DTA existants, ils sont rarement actualisés et, surtout, ils sont peu demandés par les entreprises intervenantes. Qui peut se satisfaire d’une telle situation ?
C’est pourquoi nous souhaitons, avant toute chose, que l’État joue pleinement son rôle pour contrôler la réalisation des DTA.
En particulier, les corps de contrôle relevant de la compétence de la direction générale de la santé, ou DGS, doivent être plus présents sur le terrain, contrôler la réalisation des DTA et, si besoin, sanctionner les propriétaires récalcitrants. Lors de l’audition des représentants de la DGS, nous avons ainsi appris que seuls seize emplois équivalents temps plein étaient mobilisés au niveau national dans les agences régionales de santé, ou ARS, pour contrôler la réglementation relative à l’amiante dans les hôpitaux et établissements médico-sociaux. Surtout, le contrôle par les services de l’État des obligations relatives au DTA dans les autres bâtiments semble quasiment inexistant.
Le Gouvernement doit aussi rapidement élaborer une circulaire pour rappeler aux préfets leurs prérogatives en matière de protection de la population contre le risque amiante en cas de carence du propriétaire, la dernière circulaire remontant au 14 juin 2006.
L’État doit se montrer exemplaire, par la création d’une base de données internet, régulièrement mise à jour, comprenant tous les DTA de ses établissements publics. Cette base de données pourrait s’inspirer du site www.cadastre.gouv.fr, et être étendue par la suite aux établissements publics relevant de la compétence des collectivités territoriales. Nous reprenons ainsi une proposition formulée dès 1998 par le professeur Claude Got et défendue par le Sénat en 2005.
Nous proposons qu’à terme le DTA devienne un document unique et obligatoire, quelle que soit la nature du bâtiment, afin de mieux protéger la santé des salariés et des artisans qui y interviennent.
Nous souhaitons également que le repérage de l’amiante pour les locations, rendu obligatoire par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », soit ambitieux et vise les listes A et B, comme c’est le cas aujourd’hui pour les appartements ou les maisons en cas de vente.
Enfin, la DGS doit rapidement mettre en place un système informatique de recueil des rapports annuels d’activité des diagnostiqueurs amiante et exploiter les données ainsi obtenues.
Venons-en justement à la mauvaise qualité des repérages et des diagnostics amiante, qui est relevée et dénoncée par quasiment toutes les personnes que nous avons auditionnées.
Insuffisamment formés, peu contrôlés par les organismes certificateurs, victimes, parfois, de pressions économiques dans l’exercice de leurs missions, les diagnostiqueurs sont aujourd’hui sous le feu de la critique.
Les enjeux sont majeurs : un repérage insatisfaisant entraîne des risques d’exposition à l’amiante pour les travailleurs et la population, une dévalorisation parfois dramatique des biens immobiliers, ainsi qu’un allongement de la durée du chantier accompagné de surcoûts souvent considérables.
Le comité de suivi invite par conséquent le Gouvernement à refondre totalement et rapidement l’arrêté « compétences amiante » du 21 novembre 2006, en prenant comme base de travail le projet d’arrêté modificatif d’octobre 2011, qui n’a jamais abouti.
Ce projet, qui visait à faire monter en gamme les compétences des diagnostiqueurs amiante, reposait sur deux axes : une certification avec mention, d’abord, pour réaliser des diagnostics dans les grandes copropriétés qui regroupent plus de cinquante lots, les immeubles de grande hauteur, les principaux établissements recevant du public et les diagnostics avant démolition ; une certification moins exigeante, ensuite, pour réaliser les repérages avant-vente et les immeubles de taille moindre.
En outre, la détention d’un diplôme de niveau égal à bac+2 dans le domaine du bâtiment et une expérience de cinq ans devenaient obligatoires ; à défaut de diplôme, le candidat devait présenter une expérience de dix ans. Par ailleurs, une formation de trois jours était imposée pour les diagnostiqueurs qui souhaitaient devenir certifiés sans mention.
Le comité de suivi souhaite cependant aller plus loin que ce projet d’arrêté modificatif : en obligeant les organismes certificateurs à procéder à plusieurs contrôles sur place inopinés pendant la période de surveillance des diagnostiqueurs ; en instaurant des stages de formation continue rigoureux, qui exploiteraient une base de données informatique regroupant des retours d’expérience significatifs de diagnostiqueurs ; en rendant obligatoire, par voie réglementaire, l’application de la norme de repérage amiante publiée en 2008 pour tous les types de repérage, afin d’uniformiser l’activité des diagnostiqueurs.
Par ailleurs, le comité de suivi souhaite mettre un terme au flou juridique actuel en inscrivant dans le code du travail le repérage obligatoire avant travaux, quelle que soit la nature de l’objet concerné – navires, enrobés de route, canalisations, par exemple –, comme le prévoit d’ailleurs la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail, toujours en attente d’examen à l’Assemblée nationale.
Nous espérons donc que ces mesures pourront être prises rapidement, afin de renforcer les connaissances sur la présence réelle d’amiante dans les immeubles. C’est peut-être contraignant, mais il s’agit d’un vrai sujet de santé publique. §