Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Aline Archimbaud pour la qualité de son travail et son implication au sein du comité de suivi sur l’amiante. Je salue également notre collègue Gérard Dériot, à l’origine de la mission d’information dont il fut rapporteur avec Jean-Pierre Godefroy consacrée au drame sanitaire de la contamination par l’amiante et à ses répercussions sur le plan humain, social et financier.
Qualifié durant des décennies de « matériau miracle », l’amiante a été massivement utilisé par l’industrie française en dépit de nombreuses études dénonçant sa toxicité dès les années soixante. Comme cela a été souligné, il faudra attendre 1997 pour qu’elle soit interdite en France.
En 2005, dans son rapport Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir, Gérard Dériot évoquait une épidémie à venir inéluctable et irréversible de cancers. Encore aujourd’hui, l’amiante fait partie de notre environnement quotidien et est à l’origine de près de 3 000 décès par an. Dix-sept ans après son interdiction, le risque existe et l’apparition de nouveaux cas de contamination sont à craindre dans l’avenir. Le Haut Conseil de la santé publique a d’ailleurs estimé que l’amiante pourrait provoquer entre 68 000 et 100 000 décès en France d’ici à 2050.
Si la majorité des propositions préconisées par le rapport de 2005 ont été mises en œuvre, force est de constater aujourd’hui encore que la situation n’a pas évolué sur certains points, comme les orateurs précédents l’ont noté. C’est la raison pour laquelle nous avons élaboré, au sein du comité de suivi de la mission d’information de 2005 sur l’amiante, vingt-huit propositions sur les enjeux du désamiantage.
Le travail de désamiantage est colossal, dangereux et particulièrement coûteux, comme Jean-Pierre Godefroy vient de le souligner. Ainsi, les chantiers de retrait d’amiante doivent être réalisés par des sociétés habilitées et sont soumis à des dispositions techniques très contraignantes. Or, nous le savons, de nombreux chantiers de désamiantage sont réalisés dans de très mauvaises conditions, souvent par des entreprises sous-traitantes ne respectant pas les obligations de sécurité et au mépris de la santé de leurs employés. En 2006, pour la troisième année consécutive, une campagne nationale de contrôle des chantiers de retrait d’amiante a été menée par les inspecteurs du travail : dans 76 % des cas, des anomalies ont été constatées.
Or, Aline Archimbaud l’a rappelé, « si des mesures rapides ne sont pas prises par les pouvoirs publics, le désamiantage sera fait dans des conditions catastrophiques et c’est une seconde épidémie qui pourrait se développer, concernant notamment un million de salariés du bâtiment, dont les petits artisans, les salariés des entreprises de désamiantage, mais aussi les riverains ».
Tous les bâtiments publics et privés construits avant 1997 sont susceptibles, en effet, de contenir de l’amiante. L’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, estime à 20 millions de tonnes les matériaux contenant de l’amiante encore en place dans les usines, les immeubles, les établissements scolaires ou encore les hôpitaux, sous diverses formes d’ailleurs.
Pourtant, les inspecteurs du travail, trop peu nombreux certes, n’ont pas les moyens de contrôler tous les chantiers. C’est la raison pour laquelle nous demandons un renforcement des effectifs et des pouvoirs de l’inspection du travail ainsi que le lancement d’une nouvelle campagne nationale de contrôle sur les chantiers de désamiantage.
En outre, le comité de suivi estime nécessaire de mettre en place une stratégie nationale pluriannuelle de désamiantage assortie de financements pérennes.
Même si nous ne disposons pas de données précises sur le coût global du désamiantage pour les acteurs publics et privés d’ici à 2050, nous savons qu’il est considérable. Des évaluations ont été réalisées : il faudra consacrer plusieurs milliards d’euros par an à ce problème. Mme la ministre du logement a annoncé le mois dernier la mise en place d’un prêt « amiante » : les organismes d’HLM pourront emprunter à des taux très bas auprès de la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à 10 000 euros par logement, dans la limite de 40 000 logements par an. Si cette mesure va dans le bon sens, je crains malgré tout qu’elle ne réponde pas suffisamment à l’ampleur des enjeux. En effet, l’Union sociale pour l’habitat estime que trois millions de logements sociaux sont gangrenés par l’amiante, et que le coût du désamiantage de la totalité du parc s’élèverait à près de 15 milliards d’euros. Nous sommes donc loin du compte.
Pour finir, je rappelle la nécessité de renforcer la veille sanitaire et l’importance d’améliorer le suivi post-professionnel des personnes ayant été exposées à l’amiante. Moins d’un salarié sur dix bénéficie aujourd’hui d’un suivi médical.
Madame la secrétaire d’État, parce qu’il est nécessaire d’éradiquer l’une des plus importantes catastrophes sanitaires que la France ait connue, nous serons particulièrement vigilants quant à la prise en compte de nos propositions.