Pour autant, le souci de maîtriser les dépenses engagées au titre de l’amiante ne doit pas se traduire par une moindre indemnisation des victimes. La solidarité nationale doit garantir à chaque victime de l’amiante une indemnisation satisfaisante, quelle qu’ait pu être l’origine de la contamination.
Je regrette que, dans ce domaine, les progrès opérés par l’État restent insuffisants. Une proposition du rapport de 2005 visait à permettre au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, d’accorder aux victimes le bénéfice qui s’attache à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur afin que ces dernières ne soient plus incitées à emprunter la voie judiciaire.
Cette proposition a été malheureusement écartée par le Gouvernement. La proposition tendant à revaloriser le montant de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA, n’a pas non plus connu d’application, son montant demeurant proche du SMIC mensuel.
La question de la pérennité des fonds d’indemnisation n’a également pas été réglée. La situation financière du FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, et du FIVA demeure relativement fragile, et les propositions destinées à permettre un financement pérenne du fonds n’ont pas connu de suite.
La contribution de l’État au FIVA a été inexistante en 2013 et en 2014. Bien que le projet de loi de finances pour 2015 prévoie une dotation, son montant de 10 millions d’euros demeure faible et ne permet pas de retrouver le niveau d’avant 2012, qui était de 50 millions d’euros.
Ce désengagement est d’autant plus préoccupant que la commission des affaires sociales du Sénat a, à plusieurs reprises lors de la discussion des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, jugé nécessaire – de Catherine Deroche à Jean-Pierre Godefroy, tout le monde est tombé d’accord – que l’État prenne sa part de responsabilité en contribuant pour un tiers à la dotation globale du FIVA. Cet impératif a été rappelé et doit être maintenu : nous devons y arriver.
Si des avancées significatives sur ce point sont toujours attendues, il est regrettable que les employeurs directement responsables ne participent pas davantage à l’effort d’indemnisation. La condamnation d’un employeur pour faute inexcusable l’oblige en principe à rembourser les sommes engagées au titre de l’indemnisation, mais le délai de latence très long des maladies de l’amiante conduit souvent le juge à constater a posteriori que l’entreprise responsable n’existe malheureusement plus.
Ainsi, la prise en charge des risques professionnels repose principalement sur la collectivité, ce qui n’est pas de nature à encourager forcément les entreprises à mettre en œuvre des politiques ambitieuses de prévention.
Ces considérations sur l’indemnisation des victimes de l’amiante soulèvent la question des modalités de réparation de l’ensemble des risques professionnels. En effet, si des considérations politiques, associées à la pression de l’opinion publique et des médias, ont permis d’introduire des règles d’indemnisation intégrale favorables pour les victimes de l’amiante, je rappelle que les salariés victimes d’autres substances chimiques toxiques ou d’accidents graves doivent se contenter, eux, de l’indemnisation forfaitaire traditionnellement versée par la branche AT–MP de la sécurité sociale.
On peut donc légitimement plaider, de ce fait, en faveur d’une réparation intégrale des préjudices causés par l’ensemble des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le coût d’une telle réforme serait effectivement très élevé et pourrait atteindre 3 milliards d’euros pour le seul régime général. La question de l’effort financier que la collectivité est prête à engager pour assurer une meilleure indemnisation des risques professionnels se trouve ainsi posée.
Pour conclure, je souhaite abonder dans le sens du comité de suivi concernant les nouveaux défis qui s’ouvrent à nous : le désamiantage, la prévention et le suivi post-professionnel. J’adhère pleinement aux propositions du comité, et j’espère que le Gouvernement les mettra en œuvre rapidement.
Je tiens à vous féliciter de nouveau, madame la présidente Archimbaud, ainsi que l’ensemble des membres du comité, pour le travail effectué sur un sujet qui, comme je le disais à l’instant, a toujours fait consensus. L’amiante demeure un des grands scandales que notre pays a connus. Il est indispensable que nous restions tous unis pour trouver des solutions et que l’État nous accompagne.