Madame la présidente, madame la présidente du comité de suivi, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je vous prie de bien vouloir excuser la ministre de la santé, Marisol Touraine, qui est actuellement retenue à l’Assemblée nationale par l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Quoi qu’il en soit, c’est le Gouvernement tout entier qui est mobilisé sur la question de l’amiante. Sachez que votre rapport a d’ores et déjà été étudié par plusieurs ministères, le ministère de la santé bien entendu, celui du travail, mais également le ministère du logement et celui de l’écologie.
Vous l’avez dit, les maladies liées à l’amiante représentent aujourd’hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail, hors accidents du travail. Chaque année, entre 4 000 et 5 000 maladies professionnelles liées à l’amiante sont reconnues, dont environ 1 000 cancers. Nous ne voulons plus répéter les erreurs du passé, ni connaître les drames humains qui résultent des contaminations. C’est pourquoi il s’agit d’une priorité pour l’amélioration de la santé au travail.
Je tiens à saluer le travail de votre comité, qui a analysé méticuleusement les suites données aux 28 propositions formulées en 2005 par la mission commune du Sénat. Votre rapport souligne d’abord que ces propositions ont été majoritairement suivies. En effet, la réglementation actuelle a nettement progressé, en particulier dans son volet relatif à la protection des travailleurs, même s’il reste encore des progrès à faire.
Ainsi, le décret de 2012 relatif aux risques d’exposition à l’amiante a abaissé la valeur limite d’exposition professionnelle de 100 fibres à 10 fibres par litre au 1er juillet 2015. J’ai bien entendu que des questions subsistaient à ce sujet, mais le progrès est très net. Je pense également à la nouvelle méthode de contrôle de l’empoussièrement, que vous avez citée, et aux moyens de prévention gradués en fonction de la situation, avec les trois niveaux d’empoussièrement.
Ce décret a supprimé la différence entre amiante friable et non friable et a généralisé la certification des entreprises intervenantes. Il a enfin revu les règles de protection et d’organisation du travail des travailleurs exposés à l’amiante, afin de tenir compte de la pénibilité et des contraintes particulières, liées notamment au port des équipements de protection individuelle. Il est également venu compléter la réforme de la médecine du travail de 2011, qui a permis d’améliorer l’organisation des services de santé au travail et de prévoir un suivi médical spécifique des salariés exposés aux agents chimiques dangereux et aux produits cancérogènes. Un bilan intermédiaire de cette réforme est en cours, dont nous aurons prochainement les résultats.
En outre, le décret du 21 mars 2014 a réformé l’organisation du système d’inspection du travail en créant des unités de contrôle ainsi que, dans chaque région, des référents, « personnes ressources » sur les risques particuliers, parmi lesquels en premier lieu l’amiante. Un groupe national de contrôle est également créé : il aura pour mission de coordonner les agents qui interviendront dans le suivi des entreprises intervenant sur des chantiers. La protection des travailleurs exposés à l’amiante est l’une des priorités affichées de l’inspection du travail depuis 2011. Elle examine les plans de retrait ou de confinement et se rend régulièrement sur les chantiers où elle constate, malheureusement, un nombre encore trop important d’infractions à la réglementation.
En complément des contrôles, le plan de santé au travail 2010-2014 a fixé comme priorité la prévention du risque professionnel lié à l’amiante. Ainsi, de nombreuses actions d’information ont été mises en place par les acteurs de prévention régionaux à destination des entreprises et des maîtres d’ouvrage publics et privés. Un bilan du plan de santé au travail et des plans régionaux est en cours et permettra de donner de la visibilité à ces actions.
Aujourd’hui, votre groupe de suivi rend un rapport comportant une vingtaine de recommandations qui visent à améliorer la gestion du risque amiante.
Tout d’abord, figurent dans ce rapport des propositions concrètes pour faciliter et sécuriser le désamiantage. Il est ainsi proposé de faire de la prévention des risques liés à l’amiante une grande cause nationale avec, comme ambition première, la coordination de l’action de l’ensemble des acteurs impliqués. Le rapport prévoit également de rendre plus efficaces les actions sur le terrain, en créant une filière du désamiantage ou en renforçant les crédits vers la recherche et le développement.
Ensuite, vous recommandez d’améliorer le repérage de l’amiante par la création de toute une série d’outils pratiques qui pourront aider les professionnels sur le terrain.
De même, vous suggérez d’accroître la protection des travailleurs que l’on sait exposés à l’amiante, en renforçant notamment l’action de l’inspection du travail.
Par ailleurs, vous proposez de mieux protéger la population contre les risques liés à l’amiante.
Toutes ces recommandations retiennent l’attention du Gouvernement.
Le Gouvernement souhaite coordonner son action en finalisant une feuille de route interministérielle.
Au vu de tous ces éléments, du dernier rapport paru du Haut Conseil de la santé publique et compte tenu de la transversalité de la problématique, le Gouvernement a décidé d’élaborer une feuille de route interministérielle sur l’amiante, rassemblant les ministères du logement, de l’écologie, de la santé et du travail. L’objectif de cette feuille de route est d’améliorer la prévention des risques liés à l’amiante par l’application de la réglementation dans un contexte économique difficile. Bien entendu, d’autres ministères pourront s’associer à ce travail.
Les actions que comporte cette feuille de route sont organisées autour de cinq axes.
Premier axe : agir pour l’information de tous en mettant en place une communication universelle, en mutualisant les supports de communication ou encore en développant les partenariats avec les distributeurs de matériel de bricolage. Cela a notamment été évoqué pour l’information au grand public.
Deuxième axe : agir pour la professionnalisation des acteurs de la filière amiante. Que ce soient les diagnostiqueurs, les laboratoires, les maîtres d’œuvre ou les entreprises, tous ont besoin d’être accompagnés dans le cadre de cette politique de désamiantage. C'est la raison pour laquelle cette professionnalisation est importante.
Troisième axe : agir pour l’accompagnement des acteurs et pour une mise en œuvre facilitée de la réglementation. En partant des expériences de terrain qui fonctionnent, notamment en Rhône-Alpes ou dans les Pays de la Loire, un guide des bonnes pratiques pourra être édité à l’attention des maîtres d’ouvrage. De même, les entreprises publiques pourront être accompagnées dans la mise en œuvre de la réglementation.
Quatrième axe : réaliser des études et mettre en place des outils et des méthodes destinés à mieux prendre en compte les problématiques techniques et scientifiques émergentes. Il s’agit d’encourager la recherche et le développement pour soutenir l’innovation, ce qui peut permettre, entre autres résultats, d’améliorer les méthodes de repérage de l’amiante, qui sont actuellement souvent difficiles à appliquer par les professionnels peu ou pas informés.
Cinquième et dernier axe : développer les outils permettant à l’État de disposer des données nécessaires au pilotage – vous avez évoqué le manque de pilotage – et faciliter la mise en œuvre des obligations réglementaires des parties prenantes. Nous souhaitons mettre en place des outils de cartographie et d’information nécessaires pour améliorer notre efficacité. Une partie de ces travaux sont d’ores et déjà engagés.
Je veux terminer mon propos en disant que le Gouvernement a en permanence à l’esprit la situation des victimes. Le Président de la République s’est engagé à ouvrir à l’ensemble des fonctionnaires l’accès à la préretraite amiante, qui était jusqu’à présent réservée à certaines catégories. Les décrets sont en cours de finalisation.