Intervention de Alain Anziani

Réunion du 21 octobre 2014 à 21h30
Application de l'article 68 de la constitution — Adoption définitive d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

… avant finalement qu’une majorité plus récente ne l’adopte. On en a bien vu l’effet : après l’adoption de la proposition de loi organique, le gouvernement Fillon a enfin déposé un projet de loi organique, qui, si j’ai bonne mémoire, avait été préparé par Michel Mercier.

Quelles sont les différences et ressemblances entre la proposition de loi organique et le projet de loi organique ? Les deux textes s’accordent sur un point, auquel nous souscrivons totalement : la destitution d’un Président de la République est un acte grave. La procédure doit donc être strictement encadrée, et la destitution doit nécessiter une majorité allant au-delà des clivages politiques, c'est-à-dire une majorité qualifiée.

En vertu de cette logique, des filtres puissants ont été instaurés. Cela a été rappelé, l’article 68 de la Constitution dispose que les décisions sont prises à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée ou la Haute Cour. Le projet de loi organique prévoit des conditions encore plus rigoureuses : la proposition de résolution devra être motivée, ce qui est évidemment une nécessité ; elle devra être signée par au moins un dixième des membres de l’assemblée devant laquelle elle est déposée ; un député ou un sénateur ne pourra – je me félicite de cet amendement de l’Assemblée nationale – être signataire de plus d’une proposition de résolution au cours du même mandat présidentiel.

Tout cela est du bel et bon ouvrage. Cependant, le projet de loi organique va encore plus loin. De ce fait, on a l’impression d’un long chemin enfermé dans des délais stricts : la proposition de résolution est d'abord transmise au bureau de l’assemblée devant laquelle elle a été déposée, qui vérifie sa recevabilité – ce point ne prête pas à discussion –, la commission des lois émet un avis, puis l’assemblée adopte ou rejette la proposition de résolution ; la commission des lois de l’autre assemblée est ensuite saisie du texte, puis cette autre assemblée l’adopte ou le rejette. Si la proposition de résolution a été adoptée par les deux assemblées, elle est examinée par une commission ad hoc, avant qu’enfin la Haute Cour ne se prononce.

Avouons que c’est tout de même un chemin difficile. Il est normal de se soucier du statut du Président de la République, mais on peut se demander si ce n’est pas trop. Songeons à la procédure d’impeachment qui existe aux États-Unis. Certes, la procédure française est purement politique et non juridictionnelle, mais, justement, elle pourrait être plus simple qu’une procédure juridictionnelle. Dans le système américain, c’est la Chambre des représentants qui engage la procédure en mettant en accusation le Président. Le Sénat, présidé par le président de la Cour suprême, décide à la majorité simple s’il faut y donner suite. Le cas échéant, il se prononce sur la destitution à la majorité des deux tiers. Il n’y a donc pas d’intervention de commissions permanentes ou ad hoc qui ajoutent des séquences aux séquences.

La procédure d’impeachment est simple. Elle est en même temps éminemment protectrice, puisqu’elle n’a jamais abouti à une destitution. Elle a été engagée deux fois – il y aurait pu en avoir une troisième –, la première à l’encontre d’Andrew Johnson, au XIXe siècle, et la seconde à l’encontre de Bill Clinton. Elle aurait pu aboutir à la destitution de Richard Nixon, mais celui-ci a démissionné avant la saisine de la Chambre des représentants.

Je pense que nous aurions pu concevoir une procédure plus simple et plus rapide sans pour autant mettre en péril le statut du chef de l’État. À travers l’un de mes amendements, je poserai la question suivante : est-il vraiment utile que le bureau de chaque assemblée renvoie la proposition de résolution devant sa commission des lois ?

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