Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 21 octobre 2014 à 21h30
Application de l'article 68 de la constitution — Adoption définitive d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Ce statut est justifié par la place même de cette fonction au sein des institutions, tout comme par le mode d’élection du Président de la République au suffrage universel direct, quoi que l’on puisse penser de ce système que la sensibilité que je représente a toujours combattu depuis 1962.

Les constituants de la Ve République avaient placé le Président de la République au-dessus des partis et des luttes politiques, en tant qu’arbitre national chargé d’assurer le fonctionnement régulier des institutions.

Les rédacteurs de la Constitution de 1958 n’avaient certes pas ignoré la responsabilité du chef de l’État, mais ils avaient opéré une confusion entre responsabilités juridique et politique en le soumettant à la compétence d’une Haute Cour de justice, composée de parlementaires, en cas de haute trahison. Cette incrimination ne constituait pourtant pas une véritable infraction, puisqu’elle n’était pas prévue par le code pénal, ne faisait l’objet d’aucune définition et n’était assortie d’aucune peine.

Le rapport Avril a d’ailleurs bien insisté sur le caractère ou trop étroit ou trop large de cette expression, et de nombreux constitutionnalistes ont tenté d’énumérer les hypothèses de haute trahison : trahison au profit d’une puissance étrangère, intelligence avec l’ennemi, abstention d’un acte auquel le Président est tenu, usage abusif de l’article 16 de la Constitution, accaparement d’un pouvoir qu’il ne tient pas de la Constitution. Qui trop embrasse mal étreint !

A contrario, l’irresponsabilité du Président de la République pour ses actes privés était insatisfaisante, voire choquante. L’immunité juridictionnelle constitue un privilège protégeant la fonction et non pas l’homme, afin de permettre à celui-ci d’exercer aussi sereinement que possible le mandat que les électeurs lui ont confié.

La réforme constitutionnelle de 2007 a rompu avec cette imprécision, l’objectif étant de veiller à ce qu’il n’existe plus aucune ambiguïté et à ce que la protection du premier personnage de l’État soit désormais totale à l’égard de toute action pénale ou civile concernant des actes détachables de sa fonction. Le constat de la surmédiatisation du Président de la République, sous toutes les coutures de sa vie, même privée, rendrait toute protection vaine si l’on offrait à des tiers la possibilité d’un acharnement judiciaire à son égard. L’actualité aurait d’ailleurs pu le laisser imaginer...

Il faut dire que le passage au quinquennat a contribué à enlever à la magistrature suprême beaucoup de sa superbe…

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