Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 21 octobre 2014 à 21h30
Application de l'article 68 de la constitution — Adoption définitive d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Certaines ont été reprises, pas toutes ! Je vais vous en donner l’illustration, ce qui sera une sorte de prélude aux excellents amendements de notre collègue Alain Anziani, dont je ne doute pas qu’il les défendra avec la compétence, la fougue et l’ardeur que nous lui connaissons.

D’abord, pour ce qui est de la procédure d’inscription et d’examen de la proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour, il me semble utile de considérer que son inscription à l’ordre du jour est de droit. Et je ne vois pas ce qu’apporterait le passage de cette proposition de résolution devant une commission, fût-elle la commission des lois, pour laquelle, monsieur Bas, j’ai un considérable respect.

Ensuite, pour ce qui est de la composition de la commission chargée de recueillir toutes informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission par la Haute Cour, il est proposé de reprendre un dispositif issu de l’Assemblée nationale selon lequel cette commission est composée de six vice-présidents de l’Assemblée nationale et de six vice-présidents du Sénat. Ce n’est pas satisfaisant : comme il y a huit vice-présidents du Sénat, il faudra choisir parmi eux pour en désigner six.

De plus, comme le règlement du Sénat permet de constituer des groupes comptant au moins dix sénateurs, le dispositif prévu par le projet de loi organique ne garantit pas que tous les groupes soient représentés au sein de la commission parlementaire ad hoc. J’ai d’ailleurs écouté attentivement les propos de Mme Éliane Assassi sur ce sujet.

Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, j’y insiste, un dispositif a été adopté très largement par le Sénat, dont la commission des lois avait émis un vote unanime. Il prévoyait dix représentants du Sénat et dix représentants de l’Assemblée nationale, de sorte que tous les groupes étaient nécessairement représentés. La proposition de loi organique Patriat-Badinter adoptée par le Sénat présente quand même une supériorité sur le texte que vous nous soumettez !

Vous pourrez invoquer – j’ignore si vous le ferez – ce qu’a décidé l’Assemblée nationale, travail auquel a contribué mon collègue et ami, Jean-Jacques Urvoas. Je le sais quelquefois très bien inspiré, parfois légèrement moins, et je le dis en toute amitié.

Dans le texte que vous allez nous demander de voter, il est écrit : « La composition de la commission s’efforce de reproduire la configuration politique de chaque assemblée. » L’emploi dans un projet de loi de ce verbe « s’efforce » me paraît étrange, car il est peu normatif.

Je le vois bien, monsieur le secrétaire d'État, cela vous contrarie aussi ! Or il eût été tellement simple, monsieur le rapporteur, pour le fin connaisseur du droit constitutionnel et du droit en général que vous êtes, de choisir qu’il y eût dix représentants de l’Assemblée nationale et dix représentants du Sénat. Ainsi, de ce fait, toutes les formations politiques, tous les groupes politiques eussent été derechef associés !

Enfin, troisième et dernier point, dans la proposition qui nous est faite, il n’est pas possible pour la commission d’entendre le Président de la République à la demande soit de la commission elle-même, soit du chef de l’État lui-même. Mes chers collègues, quelqu’un dans cette enceinte peut-il justifier cela ?

Si l’on parle de la destitution du Président de la République, n’est-il quand même pas juste, en vertu de toutes les règles du droit que vous connaissez parfaitement, que celui-ci puisse être entendu ?

De même, il est prévu, dans le texte qui nous est soumis, qu’il puisse se faire représenter. Ne pensez-vous pas que, dans de telles circonstances, il serait plus judicieux que le Président de la République aille lui-même s’expliquer devant l’instance qui devra prendre ou préparer la décision ?

Par ces quelques remarques, je souhaitais dire qu’il était possible d’adopter un texte qui soit encore meilleur.

Cela étant, les membres de mon groupe voteront en faveur du présent projet de loi organique, Alain Anziani l’a dit avec talent. Mais il est dommage de se priver des apports de la proposition de loi organique Patriat-Badinter. Nous serons donc tous satisfaits, quoique nous eussions pu l’être davantage, que le dernier texte d’application de la révision constitutionnelle issue du vote de 2008 fût enfin adopté. §

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